• Aucun résultat trouvé

Étude de trois modules PV de structures différentes, à base de silicium amorphe

Chapitre 6 : Utilités d’une plateforme de caractérisation en extérieur

A) Étude de trois modules PV de structures différentes, à base de silicium amorphe

Sur le toit du LGEP, des modules en silicium amorphe de la société Solsia ont été installés en septembre 2013, pour une étude ponctuelle de leur comportement en conditions réelles d'implantation.

a) Le contexte de l'étude

Créée en 2009, Solsia avait pour vocation de développer une filière industrielle photovoltaïque en bénéficiant des recherches et savoir-faire français dans le domaine des couches minces de silicium.

Elle pilotait le programme de recherche POLYSIL soutenu par l'ADEME sans lequel les recherches menées dans cette thèse n'auraient pas été possibles. La stratégie de cette entreprise française était de développer des technologies innovantes qui permettraient la production de modules PV de grande taille (1,4 m2) utilisant la technologie des dépôts de couches minces en silicium amorphe selon des procédés existants actuellement en laboratoire à petite échelle. C'est une technologie de rupture fondée sur une double innovation que souhaitait mettre en avant Solsia : une stucture bi-verre révolutionnaire, dite "cellule Split" qui autorise la superposition de matériaux réputés incompatibles dans un même panneau et un dispositif de montage des diodes couplées en parallèle qui permet d'additionner leur courant sans les limiter à celui de la diode la moins performante.

b) La plateforme de caractérisation des modules solsia

C'est dans ce contexte que la plateforme dédiée à l'étude des modules Solsia est installée (Fig.6.19).

Fig.6.19. Plateforme Solsia montée sur le toit du LGEP en septembre 2013

Cinq modules de structures différentes provenant de la société Solsia ont été installés sur cette plateforme orientée plein sud avec une inclinaison de 36° par rapport à l'horizontal. Deux de ces modules ne fonctionnaient pas comme prévu et nous ne les décrirons donc pas. Pour les autres modules, une description précise est donnée ci-dessous ainsi que des schémas (Fig.6.20) illustrant leur constitution.

145

(a)

(b)

(c)

Fig.6.20. Schéma de la composition du module polymorphe pm-Si (a), du module pin-pin série (b) et du module split

(pin-pin parallèle) (c)

Les modules étudiés sont :

- Le module polymorphe (pm-Si) est fabriqué grâce à une cellule polymorphe en simple jonction p-i-n sur une couche de SnO2. Le procédé de dépôt de silicium polymorphe utilisé ici, travaillant à haute pression et grâce auquel des structures ordonnées de l'ordre de quelques nanomètres (~2 nm) peuvent être observées, a été développé par le LPICM [32]. L’intérêt de déposer du silicium amorphe à haute pression est d'obtenir une structure orientée et donc un réseau à très petite échelle, à certains endroits dans la structure amorphe, ce qui est censé rendre le silicium amorphe un peu plus performant. La structure particulière du pm-Si:H engendre moins de densité de défauts et une plus grande résistance à l'effet Staebler-Wronski que le a-Si:H classique.

- Le deuxième module est une double jonction (pin/pin) en série. La mise en série est assurée par une jonction tunnel. On appelle ce module pin-pin série par commodité.

- Le dernier module testé est un module expérimental fabriqué par la société Solsia. Il est composé de deux sous-modules connectés électriquement en parallèle et sur substrats séparés. Les avantages présumés d’un tel montage sont : le courant n’est pas tributaire de la cellule qui en délivre le moins, l’équilibrage des tensions est plus facile que l'équilibrage des courants (il suffit de calculer le bon nombre de cellules en série pour retrouver le même Voc) et surtout le facteur de forme est supposé être beaucoup plus robuste dans le temps. Il y a deux raisons qui permettent d’espérer un FF plus stable même après l’effet Staebler-Wronski. D’une part parce que l’effet du vieillissement est accentué pour les cellules les plus épaisses et d'autre part pour les cellules en série il tend à rejoindre le FF le plus faible parmi

146

les deux cellules associées, ce qui n’est pas le cas pour des cellules mises en parallèle pour lesquelles le FF du module sera porté par le FF de la cellule la plus performante comme le soulignent les mesures de Solsia présentées sur la Fig.6.21.

Fig.6.21. FF des jonctions pin 1, pin 2 et de l’association des deux en parallèle, en fonction du numéro de la jonction

Comme le montre la Fig.6.21. qui illustre des résultats de performance du module SPLIT a-Si/a-Si obtenus par Solsia, le FF du module a tendance à suivre le FF de la diode la plus performante. La stabilité est relativement (par rapports aux autres modules amorphes) bonne grâce à la qualité et la faible épaisseur de PIN1. Au vu de ces résultats, le comportement du module SPLIT devrait être assez bénéfique lors du vieillissement (Staebler-Wronski) et par conséquent limiter la chute du FF.

C'est ce que souhaitait vérifier Solsia en demandant au LGEP d'installer une plateforme en extérieur pour étudier le vieillissement des 3 différents modules décrits ci-dessus. Le tableau 6.3 résume les paramètres importants mesurés sous STC des 3 modules que nous avons étudiés.

Modules Surface active

d'une cellule (cm2) Nombre de

bandes actives Voc (V) Isc (mA) FF η (%)

pm-Si 13.8 48 41.5 189.3 0.65 7.60

pin-pin série 21.6 28 46.8 152.4 0.65 8.20

aSi parallèle (SPLIT) 13.8 48 41.4 204.4 0.64 7.63

Tab.6.3. Caractéristiques STC des modules PV (non vieillis) données par Solsia

Sur la plateforme de caractérisation du LGEP, les modules sont tous caractérisés à l'aide d'une charge électonique Agilent 6063B qui dissipe au maximum 250 W et mesure un courant de 0 à 10 A et une tension de 3 à 240 V. Une carte relais (Fig.6.22), conçue et réalisée au LGEP, permet de commuter sur chacun des 5 panneaux. Un programme LabView pilote cet instrument et la carte relais pour automatiser la prise de mesure sur chaque module approximativement toutes les deux minutes et enregistrer les données en format TDMS et ASCII.

0,4 0,45 0,5 0,55 0,6 0,65 0,7

0 2 4 6 8 10 12 14 16

FF2FF FF1

# du module (a.u.)

Facteurde Forme

corrélation entre FF-SPLIT et FF1 et FF2

147

Fig.6.22. Carte relais, fabriquée au LGEP, pour commuter sur chacun des modules PV, en utilisant une seule charge variable

La plateforme a été opérationnelle entre le 02/09/2013 et le 09/10/2013.

c) Les résultats d'un mois de mesures

Les modules ont été installés sur la plateforme dès sa mise en place et les modules ont été laissés à vieillir pendant un peu moins d'un mois. Ensuite, des mesures sur chaque module Solsia ont été prises du 02/09/2013 au 09/10/2013 environ toutes les deux minutes pendant toute la durée du jour.

Ces données, récoltées sur un mois, nous permettent d'obtenir les courbes de la Fig.6.23 ainsi que le Tab.6.4. Nous observons le comportement des modules en fonctionnement et comparons leurs performances dans les conditions de test de Gif-sur-Yvette.

148

0 200 400 600 800 1000 1200

09/2013 au LGEP

0 200 400 600 800 1000 1200

09/2013 au LGEP

0 200 400 600 800 1000 1200

09/2013 au LGEP global dans le plan des modules Solsia pour un mois de

mesures (09/2013), au LGEP

En comparant les caractéristiques des 3 modules PV sous conditions standard (STC) avant vieillissement à l'aide du Tab.6.3, et rappelées en italique dans le Tab.6.4., leurs performances sont très proches et il est difficile de discerner quel module est le plus performant. Le module structure tandem avec un empilement pin/pin série à base de silicium amorphe affiche un rendement de 8,20%, légèrement supérieur aux autres. Les facteurs de formes sont tous quasiment au même niveau.

Tab.6.4. Caractéristiques moyennes des modules PV Solsia dans les conditions de Gif-sur-Yvette pour le mois de septembre 2013 au LGEP

149

Si l'on regarde maintenant les performances de ces 3 modules en fonctionnement réel après vieillissement, on s'aperçoit sur la Fig.6.23 (a) que le module qui délivre le plus de puissance est le module "split" contrairement aux données constructeurs (STC).

En regardant la Fig.6.23 (b) ou le Tab.6.4, on peut voir que les Isc mesurés et donnés par le constructeur sont très proches (<5% relatif). Ce n'est en revanche pas le cas pour le Voc qui est victime d'une température de fonctionnement de module supérieure aux 25° spécifiés par les conditions STC et du vieillissement. Elle est donc nettement inférieure (> 10% relatif). Il est à noter que ce résultat du VOC pour tous les modules, même s'il diminue à cause de la température de fonctionnement du panneau et du vieillissement nous parait tout de même assez bas. Les rendements, de fait, sont largement inférieurs aux rendements STC.

De plus, pour expliquer cette différence de rendement, il est également important de considérer des facteurs tels que le facteur de forme, symbole de la qualité du module, pour n'importe quelle condition de fonctionnement du module. On remarque, grâce au Tab.6.4, que le module SPLIT a un facteur de forme moyen (moyenné sur toutes les mesures prises en un mois) supérieur aux autres modules, ce qui signifie qu'il fonctionne mieux que les autres dans des conditions autres que les conditions standard et surtout qu'il vieillit mieux. Les autres modules sont victimes de pertes soit par contact (Rs), soit due à la qualité du matériau (Rsh), ce qui se traduit par une diminution de leur facteur de forme. Cela explique les meilleures performances (Pmpp et donc η) du module SPLIT vis à vis des autres modules après vieillissement. C'est également la raison pour laquelle nous obtenons des η plus faibles en moyenne d'utilisation que pour les valeurs STC.

Cette expérience confirme donc les hypothèses et premiers résultats émis par Solsia concernant la meilleure stabilité dans le temps de leur module SPLIT vis-à-vis des autres technologies à base de silicium amorphe [33].

Cette expérience montre également que nous sommes capables d'installer rapidement (quelques jours) une plateforme qui permette de caractériser complètement n'importe quel module PV, dans toutes les conditions d'utilisation en l'espace de quelques semaines (ou mois) et prouve l'utilité d'une telle plateforme. Les caractéristiques importantes qui en sont extraites peuvent être utiles à la recherche dans le sens où les fabricants connaissent les défauts/qualités de leur produit et peuvent à la suite de cela chercher des pistes pour l'améliorer. Une telle étude pourrait être menée pour l’analyse de la stabilité des modules organiques par exemple.

A la suite de ces travaux, d'autres plateformes ont été installées en Essonne (France) dans le but de développer la recherche sur les modules PV et leur instrumentation, telle que la plateforme PV1 au SIRTA.