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1.3 Étude expérimentale de lasers InGaN/GaN multimodes

1.3.3 Impact des sauts de modes sur le bruit d’intensité

1.3.3.3 Étude dynamique

L’étude spectrale précédente rend compte du comportement statique du laser, c’est-à- dire sur une période longue par rapport à sa dynamique temporelle. Les phénomènes plus rapides comme par exemple la relaxation des porteurs ou l’échange d’énergie entre deux modes (sauts de modes) peuvent être mis en évidence par l’étude du RIN en fonction des fréquences de Fourier.

Dans ce paragraphe, nous réalisons cette étude pour les 4 points de fonctionnement par- ticuliers identifiés sur la figure 1.29 a) pour lesquels nous avons enregistré simultanément le spectre et le RIN en régime laser (figure 1.32).

Cette étude est menée sur la gamme 1 MHz − 1 GHz. La bande 0 Hz − 1 MHz où les bruits électroniques dus à l’alimentation électrique sont majoritaires, n’est pas prise en compte. Passé le seuil (I = 90 mA), le spectre ne présente qu’un seul cluster. La courbe de RIN correspondante présente une zone où le RIN est constant (−145 dB/Hz) jusqu’à environ 1 GHz suivie d’un pic aigu, signature des oscillations de relaxation. Ces carac- téristiques sont proches de celles d’un laser de classe B monomode (voir figure 1.13). Le pic de relaxation est peu visible car sa fréquence centrale est hors de la bande passante de notre montage.

Figure 1.32 – a) Évolution du spectre en fonction du courant de pompe au-dessus du seuil. b) Mesures de RIN pour quatre points de fonctionnement révélant les sauts de mode. Les pics visibles entre 10 et 25 MHz et à 100 MHz et 1 GHz sont des artefacts dus à des perturbations électromagnétiques du montage.

Pour des courants de pompe plus élevés le pic se déplace dans le sens des fréquences croissantes et n’est plus visible sur la figure.

Pour un courant de pompe de deux fois le seuil (I = 120 mA), le laser adopte un fonction- nement bicluster. La courbe de RIN présente alors un profil lorentzien (voir figure 1.16 b)) avec une fréquence de coupure se situant aux alentours de 150 MHz. Le niveau du RIN entre 1 et 300 MHz augmente d’environ 5 dB par rapport au point de fonctionnement précédent.

Si l’on augmente le courant de pompe jusqu’à I = 140 mA, le décalage vers le rouge de la courbe de gain favorise le mode 2 par rapport au mode 1 et le laser adopte de nouveau un régime monocluster. On observe alors une baisse importante du niveau de RIN à basse fréquence qui franchit la barre des −150 dB/Hz.

Enfin, vers deux fois et demi le seuil (I = 160 mA), le laser opère une nouvelle transition vers le régime bicluster. On retrouve le profil lorentzien avec une très forte augmentation du niveau de RIN à basse fréquence de l’ordre de 20 dB par rapport au cas précédent. La fréquence de coupure se situe aux alentours de 150 MHz.

La présence d’un pic de résonance aux environs de 200 MHz se manifeste systématique- ment en fonctionnement bicluster (I = 120 mA et I = 160 mA), montrant un échange préférentiel d’énergie à cette fréquence. Ce type de comportement a été observé dans d’autres types de lasers à semiconducteurs et est attribué à un bruit d’antiphase par- tiel [78–80], lié à une corrélation incomplète entre les modes. Un bruit d’antiphase cohé-

rent n’aurait pas été observé sur le RIN total [68].

La figure 1.33 b) résume la dynamique spectrale du laser en fonction du courant de pompe. Les clusters sont traités indépendamment et chaque point représente la puissance intégrée sur la largeur spectrale du cluster [49, p.46].

Figure 1.33 – a) RIN en fonction du courant de pompe à la fréquence de 30 MHz. La courbe en rouge correspond à la fonction RIN ∝ 

I Ith −1

−3

. Les croix rouges indiquent les points où le spectre présente un seul cluster. b) Puissance de chaque mode (puissance optique intégrée sur la largeur spectrale du mode).

La figure 1.33 a) donnant la valeur du RIN pour une fréquence fixe de 30 MHz est mise en regard de la précédente afin de mettre en évidence la forte corrélation qui existe entre le RIN total et le rapport des puissances de deux clusters successifs. En effet, on y constate une décroissance en 1/I3 matérialisée par la courbe rouge correspondant aux périodes

de fonctionnement monocluster du laser. Une remontée du bruit est visible à chaque fois que le laser bascule en fonctionnement bicluster. On a donc affaire à un régime bicluster bi-stable selon la classification définie au paragraphe 1.1.7.4. La dynamique du laser pré-

sente finalement un comportement comparable à celui d’un laser alternant des phases de fonctionnement monomode et bimode, les remontées de bruit étant dues à la compétition de modes [67] pendant la phase bimode. En fonctionnement bicluster, le maximum de la courbe de gain se situe entre les deux clusters (voir figure 1.14). L’émission spontanée va favoriser alternativement l’un puis l’autre [81]. Par analogie au laser bimode, dans la suite, nous parlerons de sauts de modes pour caractériser ce phénomène de compétition entre les deux clusters. Cette analogie peut en outre se justifier si l’on considère que chaque cluster est uniquement constitué d’une dizaine de modes longitudinaux.

Il est donc clair que la compétition entre clusters génère du bruit en excès. Toutefois, son existence nécessite un commentaire car si l’on considère deux modes d’amplitudes égales, l’échange d’énergie de l’un à l’autre ne devrait impliquer aucune variation de la puissance totale mesurée, au cours du temps. Les fluctuations observées dans la puissance totale du laser au cours du temps ne peuvent s’expliquer que s’il existe une dissymétrie de puissance entre les clusters [82].

Le profil lorentzien du RIN du laser en régime bicluster signifie que le phénomène de saut de modes suit un processus de Poisson, c’est-à-dire que chaque saut de mode survient de façon temporellement aléatoire indépendamment des évènements précédents.

Pour appuyer l’étude expérimentale et valider les hypothèses énoncées, nous introdui- sons un modèle analytique simple dont le but est de modéliser le RIN d’un laser bi-mode. Ce modèle montre notamment l’importance du couplage non-linéaire entre les modes.