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Étude de séries verticales de vins en bouteille

Etudier des séries verticales comme une approche alternative du vieillissement repose sur l'hypothèse qu'il est possible à un instant donné de comparer des signatures de vins ayant plusieurs points communs (cépage, origine, procédé œnologique…) mais n'ayant pas la même durée de vieillissement. Ce paramètre fondamental est au cœur du challenge que constitue la présente approche. En effet, il s'agit d'être en mesure de différencier dans les signatures métaboliques les contributions liées au vieillissement du vin de celles dues au millésime.

Aucun article dans la littérature ne rapporte à ce jour une approche de ce genre, et les rares résultats portant sur des séries verticales de vins illustrent à merveille ce challenge, à l'image de la récente étude sur des séries de vins rouges australiens de 50 millésimes (de 1954 à 2004) (230). En effet, l'analyse de paramètres œnologiques classiques tels que la concentration en tannins, le pH (± 3,5), le taux alcoométrique (±13%) ou encore l’acidité volatile (±0,6 g/L) n'a pas pu faire apparaître de corrélations avec l'âge du vin (230) (Figure 10), révélant ainsi les limites de l'analyse ciblée pour comprendre des mécanismes complexes pouvant eux-mêmes impliquer une multitude de composés. Cependant, cette même étude sur deux séries de vins rouges australiens de 30 millésimes (de 1977 jusqu’à 2006) montre une décroissance de la concentration en anthocyanes (diminution de la concentration en malvidin-3-glucoside qui passe de ± 200 mg/L pour le vin de 2006 à ± 0 mg/L pour les vins

plus anciens que 2001) (230), qui est aisément corrélable avec l'évolution connue de la couleur des vins rouge au cours du vieillissement, où le taux de combinaison des anthocyanes atteint progressivement les 100% (23, 230, 231). Il est intéressant de constater que selon cette étude, la vinification semble avoir un impact plus fort que le millésime sur la composition du vins, ce qui suggére que les variations d’astringence lors du vieillissement du vin sont dues à des modifications de la structure des tannins plus qu’à des évolutions de concentrations (230).

Figure 10: Paramètres du vin de la série verticale de 50 ans : (a) Concentration en alcool % EtOH; (b) pH; (c) acidité titrable en g/L d’équivalent d’acide tartarique; (d) acidité volatile (VA) en g/L (230).

L’étude de 24 millésimes (1978 à 2005) de Cabernet-Sauvignon et de 7 millésimes (1979, 1986, 1988, 1994, 1995, 1998 et 2003) de Merlot conforte le lien entre vieillissement et évolution de la teneur en composés phénoliques, anthocyanes totales, et tannins (23). Cependant, elle illustre également les limites des approches actuelles, notamment en terme de couleur des vins étudiés où seuls les vins rouges, riches en composés phénoliques ont été considérés.

Enfin, un certain nombre d'études se sont intéressées au lien entre vieillissement et évolution du profil aromatique. Les changements de propriétés aromatiques liées à l’oxydation sont très souvent relatives à la formation d’aldéhydes (232, 233) et principalement de méthional et de phényl acétaldéhyde (206, 234). Le rôle de ces aldéhydes dans le processus de l’oxydation et leur conséquence dans le vin blanc a été bien étudié (22, 182, 183, 235). Cependant, ces travaux ont également montré les limites des approches ciblées pour comprendre l'origine des mécanismes d'oxydation, dans la mesure où aucune corrélation n'a pu être établie entre la concentration en précurseurs supposés et celle du composé marqueur.

Ces travaux démontrent que tout reste à faire sur l'analyse de séries verticales de vins, notamment par approches non ciblées afin d'aborder l’évolution de la composition globale du vin au cours de son vieillissement en bouteille

4 Influences des facteurs environnementaux

Globalement et comme le suggèrent les paragraphes ci-dessus, chaque étape du processus œnologique peut donc conduire à une modulation plus ou moins fine de la composition du vin. En réalité, ce raisonnement peut être étendu à l'ensemble des facteurs que nous appellerons "environnementaux" pouvant être considérés depuis la parcelle, jusqu'à la bouteille (Figure 11). Par influences environnementales nous pouvons considérer

l’ensemble des propriétés qui sont couramment associées au concept de terroir : le cépage, le porte-greffe, l’ensemble des conditions climatiques, la localisation géographique ou encore l’action de l’homme depuis la vigne jusqu'au vin. Puisque l’étude de la composition globale du vin en bouteille est censée permettre une lecture de l’histoire du vin relative à tout ce qui s’est passé en amont du vieillissement, il est donc en théorie possible de retrouver dans le vin des informations relatives au matériel biologique et aux pratiques culturales ou œnologiques

ayant été utilisées lors de son élaboration (Figure 11). La composition en métabolites d’un

vin est donc non seulement due à la composition du raisin et aux modifications chimiques apportées lors du vieillissement, mais est également influencée par toutes les étapes viti-vinicoles, les pratiques œnologiques, les pathogènes de la vigne, ou encore les modes de conservation et de vieillissement (Figure 11).

Figure 11: Schéma de synthèse résumant les différents niveaux d’impact des facteurs environnementaux sur la composition finale d’un vin : biodiversité du matériel végétal, pratiques culturales et œnologiques, conditions de vieillissement.

L’origine géologique du sol, à une influence directe sur les caractéristiques du raisin (236). Les raisins sont cultivés sur des sols dérivés de trois types de roches de base: Igné (exemple, le granit), sédimentaires (exemple, la craie, le calcaire), ou métamorphique (exemple l'ardoise, la quartzite et le schiste) (237). Si certains auteurs écrivent que le sol à l’impact le moins significatif sur la qualité du raisin et du vin comparé à l’ensemble des influences environnementales (238–240), d’autres comme Pereira (241) indiquent que l'effet le plus significatif pour la discrimination de vins pour un millésime donné est l'effet du sol. Il existe une relation directe entre la géologie et le sol et donc entre la géologie et le vin (236, 242). Certains aspects de la géologie ont un effet direct sur les performances de la vigne, comme la texture du sol, sa composition, sa structure et son inclinaison (242, 243) mais aussi de par sa composition chimique, son pH, sa température, son statut hydrique (243, 244). Bavaresco (245, 246) a étudié l’effet du calcaire sur la productivité des vignes ainsi que sur la qualité du vin de Merlot, il a montré une production accrue de stilbène dans les pellicules.

influence importante, notamment lors du dernier mois avant la vendange où elles affectent la synthèse de métabolites primaires (sucres, acides) et secondaires (resveratrol, composés aromatique et phénoliques (248). En effet la teneur en resveratrol ou en cis-piceide (glucoside de resveratrol) augmente significativement dans les pellicules à la suite de précipitations survenant à la fin de la maturation, tandis que la teneur est bien plus faible pendant les saisons les plus chaudes (245, 249). Il est généralement admis qu’un faible potentiel hydrique a un effet positif sur le potentiel aromatique des raisins (248). Enfin, dans un contexte de réchauffement climatique, l’impact du climat sur la viticulture fait l’objet de plus en plus d’études afin notamment d’anticiper des adaptations variétales (16, 250–253).

Au travers de ces deux exemples d'influences que sont le sol et le climat, nous constatons que la qualité du vin est supposée dépendre en grande partie du terroir duquel il provient (248). La notion de terroir est une problématique d’actualité en œnologie et un grand nombre d’équipes s’intéressent à ce que le terroir représente en termes de qualité de raisin ou de vin, ainsi qu’au développement de méthodologies permettant la détermination de l’origine géographique de raisin et de vins (254, 255). Le terroir fait en premier lieu référence à une zone de production et possède donc une dimension géographique (256). Le concept de terroir en viticulture est principalement utilisé en France, où il est décrit comme la somme des conditions naturelles environnementales d'un lieu. De nombreux auteurs ont donné leur définition de ce concept complexe (13, 14, 236, 243) que l'on peut décrire comme l'effet combiné du sol, de l'orientation par rapport au soleil, de l'élévation (topographie), plus chaque nuance du climat incluant la pluie, la vélocité du vent, le brouillard, l'ensoleillement, les températures minimum et maximum ainsi que le cépage et le porte-greffe des raisins produits sur le site (13, 14, 236, 243).

Des études récentes en microbiologie ont permis par une approche méta-génomique non ciblée de déterminer que les populations microbiennes présentes sur les baies de raisin variaient en fonction du terroir (254, 255). En effet les études des populations microbiennes des raisins provenant de différentes régions de nouvelle Zélande (255) et de Californie (254) ont été comparées, permettant de mettre en évidence une biogéographie des populations microbiennes associées au raisin (Figure 12). Il est ainsi montré que l’impact du terroir sur la composition du raisin est primordiale (254, 255, 257). Ainsi, si les raisins possèdent une empreinte spécifique de terroir, les vins produits à partir de ces raisins devraient également contenir dans leur composition une signature de ce terroir.

Figure 12: Communautés bactériennes issues de moûts de raisins provenant de différentes régions. (A) dendrogramme comparant les communautés bactériennes des moûts de Chardonnay à travers la Californie. (B) ACP des communautés bactériennes dans les moûts de Chardonnay de toute la Californie. (C) Analyse canonique discriminante comparant les moûts de Chardonnay de Napa, Sonoma, et Central Coast. (D) Diagramme comparant tous les moûts de Chardonnay classés par région de production (254).

5 Conclusion

Le vin est un système complexe comprenant plusieurs milliers de composés différents dont une partie contribue à son arôme, son parfum, ses caractéristiques sensorielles ou encore à ses bénéfices pour la santé. Comme cela a été mentionné auparavant, ces composés sont originaires des raisins, des conversions enzymatiques réalisées lors des fermentations mais également des réactions chimiques souvent très lentes prenant place lors du vieillissement en bouteille. Actuellement, seule une faible partie des composés du vin ont été identifiés et la majorité des études se sont concentrées sur ces composés connus. Ces analyses ciblées n'ont pas permis pas de comprendre ni d’expliquer de façon univoque les interactions impliquées lors de l’évolution de la composition du vin. De plus, très peu d’études on tenté d’analyser les modifications de la composition du vin sur un grand nombre de millésimes. C’est donc dans l’optique d’améliorer la compréhension des changements de composition pendant le vieillissement ainsi que des mécanismes responsables de ces changements par l’étude de séries de vins aillant vieilli en bouteille, que cette thèse s’est focalisée sur la combinaison de méthodes analytiques non ciblées.

Matériels et Méthodes

Cette partie regroupe l’ensemble des protocoles communs à toutes les expérimentations réalisées dans ce travail, ainsi qu’une description des échantillons. Pour une lecture plus facile et une meilleure compréhension, un paragraphe « méthodologie » est redonné dans chaque chapitre de la partie résultats et discussions.

1 Solvants et réactifs

De par sa sensibilité et sa sélectivité, la FTICR-MS requiert l’utilisation de solvants sans impuretés (Table 5).

Table 5: liste des réactifs et solvants utilisés. Solvants

Noms Origine Description

Méthanol Fluka LC-MS Chromasolv, 34966 1L

Acétonitrile Fluka LC-MS Chromasolv, 34967 1L

Tampons

Noms Origine Description

Acétate d 'amonium Biosolve ULC-MS grade, 01244156

Acide formique Fluka MS, 94318 50ml

2 Matériels biologiques

Des vins de Bourgogne et de Champagne ont été sélectionnés pour notre étude. Ils proviennent de diverses appellations réparties en côte de Nuits, côte de Beaune, Chablis et en Champagne.