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CHAPITRE 1 : ÉTUDE DE L’ÉTENDUE DU RÉARRANGEMENT DES N-

1.3. Étude de la tolérance des groupements fonctionnels

Par la suite, nous nous sommes penchés sur la synthèse de substrats fonctionnalisés pour évaluer la tolérance des conditions envers divers groupements fonctionnels. Comme un sel de triflate d’ammonium est généré au fil de la réaction, nous avons entre autres voulu vérifier la stabilité de groupements sensibles à l’acide, tels les acétals et les éthers silylés, dans les conditions réactionnelles. Nous avons donc conçu les substrats 1.23-1.25 portant ces groupements, ainsi qu’un groupement ester et un époxyde. Nous avons choisi ces substrats en particulier pour des raisons de facilité de synthèse, puisqu’ils étaient tous disponibles par une approche divergente à partir d’un précurseur commun, 1.26, qui semblait facile d’accès (schéma 1.5).

Schéma 1.5.

La synthèse du précurseur commun 1.26 a été possible en une étape de métathèse avec fermeture de cycle (RCM) à partir de la molécule 1.7 (schéma 1.6), elle-même employée comme intermédiaire dans la synthèse du précurseur disubstitué 1.8 de l’étude précédente. L’optimisation des conditions de cette RCM a toutefois été nécessaire, puisque les conditions classiques menaient à une réaction lente et incomplète. L’ajout d’une grande quantité du catalyseur, soit l’addition de 3 portions de 3 mol% chacune, n’ont pas permis d’obtenir une réaction plus efficace (tableau 1.2, entrée 1). Même en changeant de solvant de façon à pouvoir chauffer le milieu réactionnel à plus haute température, la réaction est demeurée lente et très peu de conversion a été observée. La réaction n’a donc pas été parachevée (entrée 2). Nous avons envisagé que le problème pourrait provenir d’une complexation intramoléculaire du catalyseur de ruthénium par le carbonyle nucléophile de l’acide hydroxamique après la première étape de métathèse (schéma 1.7). Pour contrecarrer cet effet, nous avons testé l’ajout d’acides de Lewis pour déplacer l’équilibre de cette complexation et ainsi libérer le catalyseur et lui permettre de compléter le cycle catalytique. Dans le DCM, l’isopropanolate de titane n’a pas amélioré le résultat (entrée 3), alors que le bromure de zinc a complètement inhibé la réaction (entrée 4). Finalement, l’utilisation de l’isopropanolate de titane dans le toluène, même à la température ambiante, avec une quantité catalytique de l’acide de

Lewis et une seule portion du réactif de Grubbs, a mené à une réaction complète et un très bon rendement (entrée 5). Ces conditions ont pu être employées à plus grande échelle en conservant un excellent rendement (10.6 g, 37.2 mmol; 93 %).

Schéma 1.6.

Tableau 1.2. Conditions testées pour la RCM.

Entrée Solvant (température) Acide de Lewis (éq) Quantité de catalyseur Rendementa (%)

1 DCM (40 °C) - 3 × 3 mol% 48 (67)

2 PhMe (110 °C) - 1 × 3 mol% produit pas isolé

3 DCM (40 °C) Ti(Oi-Pr)4 (1,00) 2 × 3 mol% 39 (69)

4 DCM (40 °C) ZnBr2 (1,00) 2 × 3 mol% 0

5 PhMe (t.a.) Ti(Oi-Pr)4 (0,30) 1 × 3 mol% 86

a) Le nombre entre parenthèses représente le rendement corrigé en fonction du produit de départ récupéré.

Schéma 1.7.

Une fois le composé 1.26 obtenu en quantité suffisante, nous avons pu obtenir les substrats désirés à partir d’une dihydroxylation de Sharpless ne menant qu’à un seul diastéréoisomère du composé diol 1.29 (schéma 1.8). Par la suite, ce diol a été protégé soit sous forme d’acétal (1.30) ou d’éther silylé et d’ester (1.32).

Schéma 1.8.

Pour obtenir le substrat époxyde désiré 1.25, toujours à partir du même intermédiaire commun 1.26, nous avons d’abord tenté des conditions classiques d’époxydation en utilisant le m-CPBA. Cette réaction a relativement bien fonctionné, donnant les deux diastéréoisomères 1.33 et 1.34 dans un rendement combiné de 75 % (schéma 1.9). Malheureusement, le diastéréoisomère majoritaire 1.34 fourni par cette réaction s’est avéré instable et il nous a été impossible de poursuivre la synthèse avec lui. Le diastéréoisomère minoritaire 1.33, quant à lui, semblait stable, mais n’avait été obtenu qu’en relativement petite quantité. Nous avons donc évalué une autre méthode d’époxydation employant une catalyse au méthyltrioxorhénium (MTO). À notre grande satisfaction, cette méthode a donné un rendement combiné encore plus élevé et un ratio diastéréoisomérique favorisant largement le plus stable des deux diastéréoisomères. Nous croyons que ce changement du ratio diastéréoisomérique peut s’expliquer par une attaque de la face la moins encombrée dans le cas de l’époxydation par le MTO, alors que le m-CPBA peut effectuer un pont hydrogène avec le carbonyle et ainsi être livré sur l’autre face.

Chacun des trois acides hydroxamiques benzylés ont ensuite pu être déprotégés dans des conditions standard d’hydrogénolyse pour fournir les précurseurs souhaités (schéma 1.10).

Schéma 1.10.

Les substrats obtenus ont ensuite été soumis aux conditions de triflylation et de réarrangement en un seul pot réactionnel. Dans le cas du substrat acétal 1.23 (tableau 1.3, entrée 1), le comportement attendu pour un centre migrant disubstitué a été observé, avec la triéthylamine donnant un meilleur résultat que le DBU. Par ailleurs, la présence du groupement fonctionnel n’a pas semblé affecter négativement le résultat. Dans le cas des deux autres substrats, 1.24 et 1.25, par contre, aucun produit de réaction n’a pu être isolé dans ces conditions; seule de la décomposition a été observée (non montré dans le tableau 1.3). Craignant que le N-triflyloxylactame formé soit instable, nous avons tenté une procédure en deux pots réactionnels, avec une purification par chromatographie éclair sur gel de silice des intermédiaires N- triflyloxylactames 1.36 et 1.37. Dans le cas de chacun des deux substrats, cette triflylation a donné des rendements très variables d’un essai à l’autre, ce qui supporte l’hypothèse de l’instabilité de cet intermédiaire.

Chacun des N-triflyloxylactames 1.36 et 1.37 a ensuite été mis dans les conditions de réarrangement (entrées 2 et 3). Encore une fois, les rendements ont été plutôt variables d’un essai à l’autre. Par contre, les rendements maximaux obtenus pour chacun étaient très acceptables, ce qui démontre que les conditions de réaction en elles-mêmes ne sont probablement pas responsables pour les rendements faibles parfois observés. La différence de rendement d’un essai à l’autre doit être dû à l’instabilité intrinsèque des N-triflyloxylactames et peut donc dépendre, par exemple, du temps écoulé entre la purification de l’intermédiaire et le lancement de la réaction ou des impuretés résiduelles dans le produit de départ après la purification. De plus, dans les deux cas, le rendement en présence de DBU a été plus élevé qu’attendu

pour un substrat portant un centre migrant disubstitué, bien que ce comportement nous soit difficilement explicable.

Tableau 1.3. Influence des groupements fonctionnels sur le réarrangement des N-triflyloxylactames.

Entrée Substrat Produit Rendement (%)

Et3N DBU

1 77a 33a

2 63-70b 63b

3 46-66b 43-58b

a) Conditions : i- Tf2O, DCM, Base. ii- MeOH, Base, reflux. b) Conditions : MeOH, Base, reflux.