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Une étude critique de la nature humaine

DEUXIÈME PARTIE LE PESSIMISME PREMIER

II. Une étude critique de la nature humaine

Le début de ce travail a permis de décrire de nombreuses situations mettant en scène des personnages qualifiés de « héros » face à des forces hostiles constamment en jeu. Il faut spécifier et réduire le champ sémantique de ce terme qui s'emploie traditionnellement pour qualifier les personnages principaux de films ou de romans possédant des attributs

particuliers : « Un héros est un personnage remarquable par son courage, qui affronte de

grands dangers ou de grandes tâches, et porte à un degré éminent les qualités humaines »1.

Même si « le caractère du héros change avec les cultures et les époques »2, une détermination

moralement positive est souvent attribuée à ce type de personnage. Ainsi, même une définition plus large qui l'envisage simplement comme le « personnage principal d'un roman,

d'une pièce de théâtre s'il est doué de grandes qualités et sympathiques »3 elle implique l'idée

que « le lecteur, le spectateur souhaitent son bien, l'admirent ou s'identifient à lui »4. En

général, le héros est axiologiquement orienté. Or, comme le montre la description des héros hitchcockiens, cette définition est problématique puisque si le spectateur souhaite son bien et

s'identifie parfois à lui, ce n'est pas de prime abord pour ses qualités remarquables5. Pour le

moment, il convient donc d'utiliser ce terme en le rapprochant de « protagoniste » qui, par son

étymologie grecque protagonistès, signifie « celui qui a le rôle principal dans une pièce de

théâtre »6. Cette distinction permet de mettre en valeur le statut du personnage principal par

rapport aux personnages secondaires.

Tentons maintenant d'en établir une typologie succincte mais judicieuse. Pour ce faire, il est possible d'étudier la place et l'importance du nom des acteurs au générique qui étaient à

1 SOURIAU, Anne, « Héros », SOURIAU, Étienne, Vocabulaire d'esthétique, op.cit., p. 827.

2 ROY, A., Dictionnaire du film, Outremont, Éditions Logiques, 1999, p. 164-165.

3 SOURIAU, Anne, « Héros », ibid., p. 827. 4 Idem.

5 Voir infra., deuxième partie, III : « Une représentation peu héroïque des protagonistes ».

6 BAUMGARTNER, Emmanuel, MÉNARD, Philippe, Dictionnaire étymologique et historique de la langue française, Paris, Libraire Générale Française, 1996, p. 643.

l'époque classés selon leur importance au box-office. La place et la typographie du nom sont donc un indice sur le statut de l'acteur et sur le rôle du personnage. Ainsi, les noms de James

Stewart dans Vertigo, de Cary Grant dans North by Northwest ou de Robert Donat dans The

39 Steps sont placés en premier, indiquant un primat de la figure du personnage masculin

dans le film. Dans Rear Window, le nom de James Stewart est détaché du reste, seul à l'écran.

La police utilisée est plus grande que pour le réalisateur, ce qui montre tout le poids de l'acteur, aussi bien comme personnage principal que comme garant de la réussite du film. Mais cette indication n'est pas suffisante car de nombreux génériques montrent le nom du personnage féminin ou du méchant avec la même typographie que celle du protagoniste, alors

que leur rôle n'a pas la même importance. Dans The 39 Steps, le personnage joué par

Madeleine Carroll, bien qu'inscrit dans le même photogramme que celui de Robert Donat et de la même taille, n'a pas la même profondeur que son homologue masculin. À l'inverse, certains acteurs n'ont pas le privilège d'une inscription au générique de même ampleur que leur partenaire, ce qui ne signifie pas que leur rôle est proportionnellement moindre.

Reprenons l'exemple de Rear Window : le nom de Grace Kelly se situe après celui de James

Stewart et d'Alfred Hitchcock, au sein du même photogramme que Wendell Corey (Thomas Doyle) et Thelma Ritter (Stella). Pourtant, son personnage est bien plus important que celui de l'infirmière et surtout du policier. En réalité, ce placement est dû en partie au statut de

Grace Kelly à l'époque du tournage : jeune actrice révélée par Dial M for Murder, elle n'a pas

encore le poids de ses partenaires masculins. De même dans The Birds, si le nom de Tippi

Hedren est inscrit avec la mention spéciale « And introducing Tippi Hedren », il n'apparaît

qu'après celui de Rod Taylor (Mitch Brenner), Jessica Tandy (Lydia Brenner) et Suzanne Pleschette (Annie Hayworth). Parce qu'elle est encore inconnue en tant qu'actrice, elle ne bénéficie pas de la même inscription du générique alors que son rôle est avec celui de Mitch

Brenner le plus important1.

C’est donc plutôt à l’intérieur de la diégèse qu’une typologie peut être érigée. Peuvent ainsi être appelés protagonistes les personnages qui sont au centre de l'action. Le cinéma

1 Le générique de Psycho est également problématique. Janet Leigh était la « star » du film, la comédienne la

plus connue. Pourtant au générique, son nom n'apparaît qu'en dernier, après Anthony Perkins, Vera Miles, John Gavin, Martin Balsam et John McIntire. Pourtant, bien qu'elle soit tuée à la moitié du film, elle reste le personnage principal de toute la première partie, avec lequel le spectateur est le plus amené à sympathiser.

hitchcockien place généralement au cœur de son récit un personnage central, souvent seul, plus ou moins entouré d'autres personnages aux fonctions différentes. Par exemple, la

véritable protagoniste de Rebecca est la seconde Mrs de Winter car elle est au centre de

l'intrigue et de la mise en scène, l'expérience du spectateur se confondant souvent avec la sienne. Le personnage incarné par Laurence Olivier, pourtant plus célèbre que Joan Fontaine

en 1940, est un donc plutôt un partenaire1. Il arrive parfois que les protagonistes soient de au

nombre de deux, comme le couple Ingrid Bergman / Cary Grant dans Notorious ou le couple

James Stewart / Doris Day dans The Man Who Knew too Much (1956). Dans Under

Capricorn, les trois personnages forment un triangle où chacun possède une importance égale.

Il arrive également que le personnage principal soit un groupe, comme le montre l’exemple de

Lifeboat. Enfin, le protagoniste d'un film peut être le méchant : Shadow of a Doubt et Psycho

en sont les meilleurs exemples. Mais il est important de noter que leur présence est à chaque

fois compensée par l'existence d'un protagoniste bon, comme Charlie (Shadow of a Doubt) et

le couple Sam Loomis / Lila Crane (John Gavin / Vera Miles, Psycho)2. C'est la raison pour

laquelle le personnage le spectateur est le plus attaché est le personnage positif3.

Les protagonistes sont entourés de personnages dont l'importance n'est pas négligeable. Hitchcock est célèbre pour avoir créé tout un réseau de personnages secondaires hautement caractérisés. Ils sont parfois presque aussi importants et font intégralement partie du paysage diégétique. Ce type de personnage fait partie de la classe des opposants, comme

Vandamm (North by Northwest), Alex Sebastian (Claude Rains, Notorious), Bruno Anthony

(Strangers on a Train) ou Sir Humphrey Pengallan (Jamaica Inn). Ils peuvent aussi être des

partenaires très importants, comme Lisa Carol Freemont (Grace Kelly, Rear Window), Pam

(The 39 Steps), Patricia « Pat » Martin (Priscilla Lane, Saboteur), Maxim de Winter(Rebecca)

ou Eve Kendall (Eva Marie Saint, North by Northwest). S'ils ne sont pas les centres d'attention

et devraient plutôt être considérés comme des partenaires dont le rôle est essentiel pour

1 Parmi les nombreux personnages au cœur de l'action et de la mise en scène, citons Jeff (Rear Window),

Manny Balastrero (The Wrong Man), Margot (Dial M for Murder), Lina (Suspicion), Sir John (Murder!),

Scottie (Vertigo), Alicia (Notorious), etc.

2 Ce classement ne peut prétendre à la scientificité, dans la mesure où les critères établis ne valent qu'en fonction de l'instance réceptrice de l'œuvre. Différents spectateurs pourront s'identifier à des personnages différents, en fonction de critères qui leurs sont propres et irréductibles.

l'évolution des protagonistes, ils sont souvent qualifiés eux aussi de héros car ils font partie du couple principal. La représentation de personnages moins caractérisés est capitale elle aussi. Par exemple, la foule joue un rôle prépondérant pour décrire le monde dans lequel évoluent les protagonistes : nous allons le développer.

Grâce à ces définitions préalables, il est désormais possible de distinguer quatre

grandes catégories de personnages qui peuplent le monde hitchcockien : les héros, les

adjuvants, les opposants (ou les méchants) et la foule1. Quelle importance cette étude peut-elle

avoir sur le problème principal du pessimisme premier qui règne sur la diégèse ? Cette analyse

doit permettre de montrer comment le cinéma hitchcockien met en place le réseau de personnages. À cela s’ajoute une fonction d’étude de la nature humaine qui met en lumière certains aspects participant au pessimisme initial. Ce tour d'horizon montre que l'œuvre met l'accent sur un personnage central, parfois deux, quelques fois plus, qui focalise le regard de la caméra et l’attention du spectateur, lequel se reconnaît en lui et lui témoigne de la sympathie. Ainsi, avant d'étudier le fonctionnement des personnages principaux, envisageons le fonctionnement des personnages environnants afin de mieux comprendre par qui ils sont entourés.

1 Les héros, les adjuvants et les opposants sont des catégories actancielles proposées, entre autres, par A.J. Greimas. Le héros ou sujet est aidé dans sa quête par l’adjuvant ; il est mis en difficulté par l'opposant. Voir GREIMAS, A.J., Sémantique Structurale, Paris, Larousse, 1966, p. 181. Voir également PROPP, Vladimir,

Morphologie du conte (1928), traduit du russe par DERRIDA, Marguerite, TODOROV, Tzvetan, KHAN,

Claude, Paris, Le Seuil, 1970. L'auteur distingue, entre autres, la sphère d'action de « l'agresseur (ou du méchant) » (p. 96), la sphère d'action de « l'auxiliaire » (p. 96), la sphère d'action du « héros » (p. 97).

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Tout au long de sa carrière, Hitchcock a mis en scène la foule des grandes villes. L'importance de cette représentation se manifeste tant sur le plan narratif que philosophique,

les deux tendances ne s'excluant pas l'une l'autre. Dans The 39 Steps, c'est parce que Hannay

est poussé contre Annabella Smith (Lucie Manheim) lors du coup de feu dans un music-hall

bondé que l'action peut démarrer. Dans Sabotage, la foule londonienne présente lors du Lord

Mayor's Show Day (la fête du Maire de Londres) retarde la tâche du jeune Steve, créant ainsi

le suspense à propos de l'explosion de la bombe. Dans Torn Curtain, Michael Armstrong

profite d’une salle de spectacle pleine pour lancer une alerte au feu, créer un mouvement de

foule et s'échapper avec Sarah Sherman. Dans The Lodger, c’est la foule qui lance la course

ultime lorsqu’elle pourchasse le locataire.

Une fonction documentaire s’ajoute à cette fonction narrative, procurant au spectateur une image de ce qu'étaient les grandes villes à l'époque. Le plus grand nombre de films représentant une telle foule se situe durant la période anglaise, entre 1925 et 1939. Dans

Blackmail, The 39 Steps,Rich and Strange et Sabotage, elle est un élément constitutif de la

représentation de Londres au début du XXͤ siècle. Au-delà de la dimension informative,

certains moments opèrent une véritable critique sociale, plus particulièrement au début de

Rich and Strange. Par l'humour, le film montre les conditions de vie des employés des grandes firmes à l'ère industrielle, où l'individualité de chacun est effacée au prix de l'effort collectif. La première séquence, montrant la fin d'une journée de travail, est véritablement éloquente à ce sujet et la réalisation fonctionne sur le principe d'une synchronisation des mouvements de tous les employés. La caméra les montre sortant dans la rue deux par deux et ouvrant leur parapluie au même moment, créant ainsi une chorégraphie explicite. Tous les employés finissent le travail en même temps, les hommes portent les mêmes chapeaux, les gens montent dans le même métro et s'entassent dans des rames bondées. La bousculade dans le wagon focalise l'attention du spectateur sur Fred Hill, le héros et seul personnage qui semble être gêné par cette condition. Tous les autres ont une expression détachée, sans doute propre à la retenue anglaise, mais qui n'est pas sans évoquer l'acceptation passive d'une

condition que le protagoniste refuse. L'incipit de North by Northwest reprend certains

choses n'ont pas changé, bien au contraire. La foule qui sort de l'immeuble new-yorkais est tout aussi indéterminée que celle de Londres plusieurs décennies auparavant. Le plan montrant la foule qui s'entasse dans le métro est similaire et procure avec légèreté l'idée d'une dissolution de l'individualité dans les foules des grandes villes. C'est pourquoi le protagoniste émerge de cette multitude comme une figure particulièrement identifiable et singulière.

La représentation d'une foule déshumanisée invite à interpréter ses relations avec les protagonistes : elles sont d'ordre conflictuel et hostile. Outre sa fonction narrative et documentaire, cette peinture possède également un rôle dans l'étude de la nature humaine. Le cinéma hitchcockien permet une interprétation accusatrice de la grégarisation des

comportements, et ce dès The Lodger, Easy Virtue, Murder! et jusque dans I Confess. Dans

tous ces films, la représentation de la population participe à une certaine forme de

condamnation plus ou moins amusante mais très souvent critique. Dès The Lodger, la foule

est représentée dans ses comportements les plus grossiers, qui vont être développés tout au long de la carrière du cinéaste : « Les londoniens sont montrés comme étant indirectement complices des meurtres sexuels. Ils apparaissent comme des témoins avides quand une autre

victime a été faite par l'Avenger, comme des consommateurs avides de nouvelles à travers la

radio, la presse et les commérages, et comme des meurtriers potentiels quand ils chassent le

locataire et semblent prêts à le lyncher »1. Ce film précoce met ainsi en place un certain

nombre d'éléments représentatifs de la foule hitchcockienne : l'avidité, le lynchage et surtout la curiosité morbide.

Cette manifestation est un élément récurrent du corpus : le latin « morbus » signifie

« malade ». Est donc morbide une curiosité dont l'objet est malsain ou déviant ; une curiosité malsaine est répréhensible parce que son objet est lié au malheur d'autrui. Cet intérêt est

presque toujours montré d'une façon négative, associant curiosité et inaction : dans The

Lodger, la caméra s'approche d'un groupe qui regarde fixement un cadavre, les gens sont penchés sur la scène de crime et la curiosité transperce leur regard, mais ils restent

1 ROSENBLADT, Bettina, « Doubles and Doubts in Hitchcock », ALLEN, Richard, ISHII-GONZALES, Sam

(ed.), Hitchcock: Past and Future, op.cit., p. 50 : « Everyday Londoners are shown as indirectly complicit in

the sexual murders. They appear as avid witnesses when another victim has been felled by the Avenger, as eager consumers of news about murder via radio, paper, and gossip, and as potential murderers themselves

complètement immobiles. Le vendeur de journaux semble même heureux que le meurtrier

commette ses méfaits durant ses jours de travail1. Les médias, qui relayent l'information très

rapidement, sont suivis par tous. Dans Sabotage, lorsque Mrs Verloc s'évanouit dans la rue

après avoir appris la mort de son petit frère, un groupe d'enfants vient s'amasser autour d'elle. Quand elle reprend conscience, un plan subjectif montre tous les regards fixés sur elle, mais

personne ne fait le moindre geste pour la secourir. Dans Murder!, cette curiosité est montrée à

travers plusieurs groupes de personnages : l'un est dans la rue et regarde par la fenêtre, un

autre est dans l'entrée de la maison, un autre sur le pas de la porte, puis un dernier devant le corps sans vie d'Edna Bruce. L'immobilité de ce plan est frappante : en effet, même le policier est statique, l'effroi lisible dans son regard. Il est curieux de le voir choqué par une scène de crime ; cela souligne l’horreur de la scène, mais aucun des badauds présents dans la pièce ne bouge. L'immobilité générale contraste avec l’effondrement de Gordon Bruce (Miles Mander), le mari de la défunte. La curiosité morbide va donc de pair avec une indifférence profonde au sort tragique de la jeune femme, comme le laisse penser la préparation du thé par

la logeuse (Marie Wright) et les comérages de Doucie Markham2. Dans I Confess, la foule est

également avide de morbidité : lors de la mort de Villette, un attroupement a lieu autour de sa maison ; après l'acquittement de Logan, la foule se regroupe autour et le fixe tout en se

moquant de lui3. Comme le remarque François Truffaut, il est même possible de remarquer la

présence à droite du cadre derrière Logan, d’une femme croquant dans une pomme, comme si

elle assistait à un simple spectacle et « dont le regard exprime une curiosité malveillante »4.

Frenzy, avant-dernier film du cinéaste, est la quintessence de la curiosité morbide traitée avec humour au sein d'un film particulièrement sombre. Elle est donc l'occasion de moments amusants, tous liés aux dires des londoniens. Lors de la première scène quand le corps d'une

femme est découvert dans la Tamise, certains s'adonnent à des commentaires : l’un porte sur

la différence entre le Neck Tie Murderer et Jack the Ripper qui, selon un passant, avait

envoyé « le rein d'une nana à Scotland Yard, emballé dans du papier […] ou alors c'était un

1 The Lodger [00:04:55] : « Always happens on Tuesday, that's my lucky day! ».

2 Elle prépare un thé pour les policiers tandis que Doucie, une voisine et collègue de la jeune femme assassinée entreprend des commérages sur la victime et la suspecte. S’agit-il du signe d’une indifférence ou plutôt d’un

rituel anglais : faire du thé pour vaincre la mort ? (Merci à Murray Pomerance pour cette suggestion).

3 I Confess [1:21:45] : « Preach us a sermon, Logan! ». 4 TRUFFAUT, François, Hitchcock / Truffaut, op.cit., p. 172.

morceau de son foie »1. Un peu plus tard, deux hommes discutent des conséquences bénéfiques des crimes sur le tourisme. La serveuse du bar les entend et s'approche en leur

demandant d'un regard avide s'il viole ses victimes avant de les tuer2. Un client rétorque une

phrase dont l'humour noir est à l'image du film : « tout malheur a ses bons côtés »3.

À la curiosité morbide, il faut ajouter une caractéristique propre à la foule hitchcockienne évoquée précédemment : il s'agit de la condamnation morale qui aboutit

parfois à une forme de lynchage. Dans The Lodger, elle se donne le droit de faire sa propre

justice en punissant physiquement le héros et en le frappant jusqu'à une mort certaine si la

police n’était pas intervenue in extremis. Dans I Confess, Logan est condamné moralement

par les habitants de Québec alors que la justice institutionnelle a malgré elle avéré son innocence. Le lynchage se fait d'abord par le regard silencieux lorsque le prêtre sort du tribunal : la caméra alterne les plans généraux d'une foule très dense avec ceux du protagoniste isolé dans le cadre, le regard balayant le hors-champ pour rendre compte de cette étendue. Le regard de Logan s'oppose à ce regard pluriel, déshumanisé et désincarné. Puis vient le mouvement de foule, les injures verbales et enfin les attaques physiques. Le héros est sauvé par l'aveu public d'Alma qui accuse son mari d'être le meurtrier. La maltraitance qu'il subit est le résultat d'une croyance commune en sa culpabilité car bien qu'il ait été innocenté, le mal produit par la suspicion est irréversible : en l'absence d'un autre coupable, il sera toujours le meurtrier. La critique est possible parce que le spectateur sait que Logan est

innocent. Dans Easy Virtue, la condamnation populaire se voit non à travers une

représentation visuelle de la foule mais par la fuite de Larita dans le sud de la France après son procès. Elle doit se cacher, c'est la raison pour laquelle elle change de pays. Mais lorsqu'elle rencontre sa nouvelle belle-famille, la mère et les sœurs de son mari découvrent la

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