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Pourquoi les étrangers établis chez nous n’auraient-ils que le droit de travailler,

de payer et de se taire ?

Le d ébat sur le droit de vote aux étran g ers n e s ’est p as en co re ins­ tauré e n Valais. La question p ré o c ­ cupe p o u rtan t d ’autres cantons, tandis que quelques-uns y o n t déjà d o n n é une rép o n se.

A yons donc le courage d ’e n ta m e r ce d ébat à l'occasion du 7 0 0 e an n i­ versaire de la C onfédération. Ne serait-ce p as une m anière tonique de réfléchir sur n o tre dém ocratie et sur nous-m êm es?

Faut-il rap p eler la place que les étrangers o ccu p en t dans notre canton? Ils re p ré se n te n t une p art significative de la p opulation (plus de 10%), et une p a rt plus im p o r­ tan te en co re de la population active. D ans nos écoles, le n o m b re d ’enfants de nationalités é tra n ­ gères n e cesse de croître. Chez nous co m m e ailleurs en Suisse, les étran g ers contribuent de m anière décisive à no tre pro sp érité et à no tre bien-être.

Face à ce constat, il est tem p s de se d e m a n d e r si nous voulons d o n ­ n er la parole aux étran g ers établis chez nous, ou si n ous voulons continuer de n e les considérer que com m e une force de travail, com m e des c o n so m m ateu rs ou com m e des contribuables.

Voulons-nous que les étran g ers aient leur m o t à dire sur les p ro ­ blèm es q u ’ils p a rta g e n t avec nous autres Helvètes? Pourront-ils se p ro n o n c e r sur les p roblèm es qui les c o n c e rn e n t directem ent, que ce soit co m m e habitants d ’une ville ou d ’un village, co m m e contri­ buables, ou en co re co m m e p a ­ rents d ’élèves?

R ép o n d re à cette question, c ’est ten ter de concilier deux principes a p p a re m m e n t contradictoires. Le prem ier veut que l’o n favorise le suffrage universel (un h o m m e, une voix). Il incite à acco rd er le droit de vote aux étran g ers établis. Le

deuxièm e postule que les droits ci­ viques constituent un attribut de la nationalité. Il fonde l'arg u m en ta­ tion de ceux qui refusent tout droit civique aux étrangers.

M éfions-nous une fois de plus des ap p aren ces et gardons-nous de sim­ plifications confortables mais réduc­ trices. U ne passerelle existe entre ces positions: elle réside dans l’oc­ troi, à certaines conditions, de droits civiques partiels aux étran ­ gers. Cette solution doit favoriser une meilleure intégration des étran ­ gers, des jeunes en particulier, et constituer un pas en direction d ’une naturalisation facilitée.

C ar il n e s ’agit point de vouloir d o n n e r tous les droits civiques à tous les étrangers, m ais bien de vouloir acco rd er u ne partie de ces droits à ceux p arm i les étrangers qui sont établis chez nous depuis un certain n o m b re d ’années. Ici, les solutions varient. O n peut exiger le perm is C et une courte durée de séjour co m m e à N euchâ­ tel (à p ro p o s, savez-vous que le c an to n de N euchâtel connaît le droit de vote des étran g ers sur le plan com m unal depuis 1849?). O n peu t aussi exiger un séjour plus long, co m m e dans le can to n du Ju ra. Selon moi, cinq a n n é e s de séjour dans le can to n font une b o n n e m esure.

Quels droits acco rd er à ces é tra n ­ gers qui n ’e n sont plus vraim ent? Il faut c o m m en cer p a r le droit de vote sur le plan com m unal, co m m e à N euchâtel. C ’est là que la dém ocratie se vit et s ’a p p ren d . Rien à craindre p o u r les institu­ tions ni p o u r les partis, si ce n ’est d e devoir ré p o n d re toujours mieux aux aspirations des citoyens. Pourquoi n e p as envisager de d o n ­ n e r le droit de vote sur le plan c a n ­ tonal égalem ent, co m m e dans le can to n du Ju ra ? J e n ’y vois pas

d ’obstacle. C e m e sem ble être une deuxièm e é ta p e nécessaire. Il m ’ap p araît m êm e souhaitable, à term e, d ’octroyer aux étran g ers le droit d ’éligibilité dans les législatifs com m unaux, là où le conseil g é n é ­ ral a supplanté l’assem blée prim ai­ re. C ertes, ce n ’est p as p o u r d e­ m ain. Mais il n ’est jam ais tro p tôt po u r p ousser à une évolution des m entalités.

A l'heure où la Suisse s ’ouvre à l’E urope, n ’est-il pas désu et de se d e m a n d e r si l’o n veut d o n n e r la parole aux étran g ers établis chez nous depuis longtem ps? D em ain, nous assisterons à la disparition du statut de saisonnier, à la libre circu­ lation des travailleurs. Il est donc te m p s de revivifier no tre d ém o c ra ­ tie sur le plan local ou régional. En octroyant des droits civiques limi­ tés aux étrangers, nous n e souffri­ rons aucune atteinte à n o s libertés. N ous au ro n s p rogressé sur le c h e ­ m in de l’équité.

En 1 9 9 1 , cela n ’est p as u ne uto­ pie.

L a s u r é l é v a t i o n

d u b a r r a g e d e M a u v o i s i n

A l b e r t M a r e t a v a i t vu j u s t e

L ’ingénieur bagnard avait vu plus large lorsqu’en fin des a n n é e s 4 0 , il concevait le projet d ’un grand Mauvoisin associé à une plus m o ­ deste Dixence: un m ur de 3 0 2 m ètres de haut, un lac de 3 8 7 mil­ lions de m ètres cubes qui aurait ac­ cum ulé les eaux de la quasi totalité des glaciers que co m p te n t les Alpes valaisannes. A la Dixence, un b arrag e en form e de voûte lui aussi, m ais de 2 4 5 m ètres de h au ­ teu r seulem ent, qui aurait reten u les seules eaux du val d ’H érens, sans p o m p a g e ni prises sousgla- ciaires. Vaste projet, plus é c o n o ­ mique que les deux projets dis­ tincts selon Albert M aret. Véritable gageure technique p o u r un bar­ rage d ’une h au teu r jam ais atteinte jusque là. Rêve utopique p o u r cer­ tains: que faire de toute cette é n e r­ gie produite? A lui seul, Mauvoisin rep résen tait à l’ép o q u e plus de la moitié de la capacité d ’accum u­ lation d e toute la Suisse. Avec l'expérience et le tem p s, o n c o n ­ naît aujourd’hui l’am pleur de la d e m a n d e énergétique. La jonction de ces deux b arrages de niveaux différents aurait effectivem ent été l’utilisation la plus rationnelle du potentiel énergétique que re p ré ­ se n te n t les eaux des Alpes valai­ sannes. Mais la construction des barrages actuels et 4 0 ans de crois­ sance économ ique o n t été n éces­ saires p o u r le vérifier.

D u r c o m b a t

, n o n

s a n s

c o n c e s s i o n s

Tout le m o n d e n ’était pas conscient de la forte concurrence q u ’exerçaient en tre eux les a m é n a ­ g em en ts de Dixence et de Mauvoi­ sin, sur un m arch é m odeste e n c o ­ re. Albert M aret luttait contre l'incrédulité des bailleurs de fonds, voire m ê m e co n tre ses semblables. C e qui le fit écrire: «Il y avait un lieu

sauvage, des préjugés solides, des autorités en partie hostiles, des services officiels sceptiques et ad ­ verses, des sociétés concurrentes ou antagonistes, d ’autres p réve­ nues, des pontifes Helvètes d é m o ­ lisseurs; et, en regard, les petites certitudes d ’un h o m m e au début quasi seul.» S o n grand projet d e ­ vait é c h o u er face à l’influence que le p ro m o teu r de la G rande Dixen­ ce, Energie O uest Suisse (EOS), est p arvenue à exercer sur le conseil d ’Etat de l'époque. Plus particulièrem ent sur le bagnard Maurice Troillet, qui alors n e pesait certain em en t p as les c o n sé­ quences de sa prise de position co n tre ce con cu rren t politique a p ­ paru soudain dans son fief régio­ nal. Alors Mauvoisin fut construit plus m o d estem en t à 2 3 7 m ètres de haut; il accum ule 1 8 0 millions de m ètres cubes sur une surface de 2 0 6 hectares. G rande Dixence, elle, élève la m asse de son m ur à 2 8 5 m ètres, va ch erch er p a r p o m ­ p ag e ses eaux jusqu’à Z erm att et produit une énergie à un prix de revient double de celui de M au­ voisin...

Le d r o i t d e r e to u r s u r le

b a r r a g e d e M a u v o isin

é c h a p p e a u x B a g n a r d s

Albert M aret a dû se battre p o u r obtenir le financem ent des 5 1 0 millions de francs que co û tera la version réalisée du projet de M au­ voisin. Ja m a is à l’ép o q u e le can to n du Valais n ’aurait pu assum er un tel risque technique e t financier. Les im pôts et les redevances p ro ­ m ettaient c e p e n d a n t des ren trées financières qui justifieraient p a r­ faitem ent un total appui des Bagnards. P o u r convaincre les bailleurs de fonds à effectuer le d ern ier pas, Albert M aret leur fait d ém o n stratio n de l’im portant avantage q u ’il a o btenu de la p o p u ­

lation co n céd an te. A éc h é a n c e de la concession sur les eaux, soit en 2 0 4 2 , B agnes n ’au ra aucun droit de retour gratuit sur les ouvrages de Mauvoisin. L ’éventuel rach at de ces am é n a g e m e n ts devra être n é ­ gocié dans une cinquantaine d ’a n ­ nées. M êm e si le com bat d ’Albert M aret fut rude et oh! com bien m é­ ritoire, on reste so ngeur sur ce fait unique p arm i tous les a m é n a g e ­ m ents hydro-électriques valaisans. La valeur de trois à cinq cents mil­ lions de francs restera propriété des Forces m otrices de Mauvoisin (FMM), au nez et à la barbe des fu­ tures gén ératio n s de Bagnards. A m oins q u ’en l’a n 2 0 4 2 on n e se résigne à faire une d é p e n se qui a u ­ rait p u être évitée en 1 9 4 8 .

Le r e to u r d e C h a m p s e c à la

c o m m u n a u t é b a g n a r d e

a s s u r e la c o u v e r t u r e d e s e s

p r o p r e s b e s o in s en é n e r g ie

C ’est justem ent sur un tel droit de reto u r que p lan ch en t les autorités bagnardes dès 1 9 7 8 . C onstruite p a r EO S, l’usine de C h am p sec a vu ses eaux re to u rn e r au dom aine public le 8 ao û t 1 9 8 8 . B agnes est la p rem ière co m m u n e valaisanne à ab o rd er le difficile virage vers la gestion a u to n o m e de son potentiel hydro-électrique. Elle p eu t alors c o m p ter sur les c o m p éten ces de son p résident Willy Ferrez, ingé­ nieur e n électricité et ch arg é de la fonction de délégué valaisan à l’énergie. Le p résident ne se doute pas à cette époque de la complexité que les évén em en ts viendront d o n ­ n e r au dossier énergétique de la plus vaste co m m u n e de Suisse. D ès l'ach èv em en t du b arrag e de Mauvoisin, FMM et EO S convien­ n e n t de dévier une partie des eaux de C h am p sec p o u r les turbiner à Riddes, ce qui est plus productif en raison d ’une plus g rande chute. P our co m p en satio n , les deux

par-tenaires con v ien n en t d 'u n e quanti­ té d ’én erg ie de restitution, sous form e d ’électricité que Mauvoisin ristourne à EOS. Fait n o n négli­ geable, la production de l’usine de C h am p sec couvre la c o n so m m a ­ tion électrique de toute la com m une de Bagnes. Le retour de C ham psec à la com m unauté bagnarde lui as­ sure donc son approvisionnem ent énergétique. Mais ces am énage­ m ents datent de 1 9 3 0 . Ils sont si vé­ tustes q u'après étude les Bagnards constatent que leur exploitation ne pourrait être rentabilisée que dans le cadre d ’une fusion avec les FMM. L’exécutif bagnard p rép are donc le rachat des am é n a g e m e n ts de C ham psec à l'EOS, ainsi que le re­ nouvellement pour le com pte des FMM de la concession des eaux que cette usine exploite.

M a u v o is in m a n q u e

d e c a p a c i t é

Le b arrag e n e p e u t accum uler la totalité des eaux concédées. Les

Forces m otrices sont contraintes de turbiner u ne partie des eaux en été, à une saison où l’offre é n e rg é ­ tique est supérieure à la dem ande. C ette énergie serait plus utile en hiver. De plus, son prix de vente plus élevé am éliorerait gran d e­ m en t la rentabilité de l’ouvrage. De cette constatation est n é aux environs de 1 9 8 3 le projet de sur­ élever le b arrag e de Mauvoisin. Si Albert M aret avait été écouté à l’é p o q u e...

La géologie de la g o rg e de M au­ voisin su p p o rte sans risque une surélévation du mur. Les m esures de tren te a n n é e s d ’exploitation, ainsi q u ’un calcul optim al de fai­ sabilité économ ique, p e rm e tte n t d ’estim er la h au teu r su p p lém en ­ taire optim ale à 13 m ètres 5 0 . Cela devrait assurer le rem plissage du lac neuf a n n é e s sur dix. C ette accum ulation supplém entaire de 3 0 millions de m ètres cubes de­ vrait p e rm e ttre un accroissem ent d e la production électrique d'hiver

de 1 0 0 millions de kWh, en rédui­ san t d ’au tan t la production d ’été. Mais l’énergie d ’hiver se vend à un prix trois fois supérieur. Le gain supplém entaire q u ’a p p o rte cette utilisation plus rationnelle du p o ­ tentiel énergétique p e rm e t aux FMM d ’am ortir aisém en t l’investis­ sem en t de 5 0 millions de francs. A près diverses études et d é­ m arches avec les autorités locales, le projet est mis à l’en q u ête p u ­ blique le 2 2 a o û t 1 9 8 6 .

D e u x d o s s i e r s s e r e g r o u p e n t

en un

J u sq u ’à ce jour, deux dossiers distincts o ccu p en t le bureau du p résident de B agnes. En soi, sur­ élévation de Mauvoisin et am én g e- m ents de C h am p sec sont objecti­ v em en t distincts. Pierre Krafft, à la tête des FMM, tient à ce qu'ils le restent. Mais ces deux dossiers m e tte n t en p résen ce les m êm es in­ terlocuteurs et sont inévitablem ent refondus en un seul. C e dossier

déjà fort épais est susceptible de p ren d re de l'em b o n p o in t p a r sa com plexité technique, adm inistra­ tive, juridique et politique. P our l’usine de C h am p sec, le principe de la fusion est confirm é p ar convention e n 1 9 8 7 . Le 8 août 1 9 8 8 , B agnes rac h è te l’a m é n a g e ­ m en t de C h am p sec à EO S et le cède im m édiatem ent aux FMM, m o y en n an t la cession à la co m ­ m une d ’une p a rt c o rresp o n d an te du capital-actions des FMM. Les parties conviennent égalem ent d 'u n e p a rt d ’énergie de restitution de 3 6 m ios de kW h que les FMM livreront annuellem ent et gratuite­ m en t à la com m une. C ette énergie c o m p en se les eaux prélevées p a r les FMM sur le réseau de C h a m p ­ sec et turbinées à Riddes. R este à

m o n tren t la m auvaise coordination des m ouvem ents écologistes. La section valaisanne du World Wild­ life Fund (WWF) d é p o se un re­ cours sur deux plans: d ’abord contre l'hom ologation de la n o u ­ velle concession hydraulique des eaux de la D ranse en tre Fionnay et C h am p sec, ensuite co n tre le ré­ hau ssem en t du barrage de Mauvoi- sin. C ette intervention causera un retard considérable à l’évolution d ’un dossier qui s ’épaissit en co re de plusieurs études d ’im pact.

L ’u s in e d e C h a m p s e c

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