Les 2/3 des bouteilles sont aujourd'hui vendues par la grande distribution. Dans ce cadre l'étiquette et le château jouent des rôles fondamentaux, dans un lieu où
69 Pays de Bergerac. Cave coopérative Bergerac – Le Fleix. In : Pays de Bergerac : vignoble et bastides. [consulté le 11/03/2016]. Disponible à l'adresse : http://www.pays-de-bergerac.com/vins/cave-cooperative- bergerac-fleix/index.asp
personne n'est là pour conseiller l'acheteur peu expérimenté, à la différence d'une cave.
Les étiquettes constituent une information capitale, que tout bon amateur de vin doit savoir «décortiquer» afin d'en comprendre les moindres détails. Sur ces étiquettes on peut en effet comprendre l'origine du vin et de savoir se que l'on consomme. Elles sont le lien entre le vigneron, le vin et le consommateur. Elles créent un imaginaire, en transmettant une image et une histoire. Les meilleures étiquettes peuvent alors se targuer de déclencher l'achat de la bouteille. C'est tout un terroir qui est véhiculé sur ces éléments autant nécessaires que publicitaires.
C'est au XVIIIe siècle qu'apparaissent les premières étiquettes, attachées alors par une ficelle et de la cire, au goulot de la bouteille. Elles ne sont collées qu'à partir du XIXe siècle. Leur fonction originelle étant depuis toujours l'information brève sur la nature du produit. Ce n'est qu'au XXe siècle que l'étiquette va s'étoffer afin d'apporter de nouvelles informations aux consommateurs. Celles-ci sont alors réglementées et codifiées par l'Etat français, afin de fournir des informations quand à la nature, le degré, l'éventuelle appelation, le titre alcoométrique, le lieu de la mise en bouteille, la contenance de la bouteille, la raison sociale du producteur, la provenance du vin et son pays d'origine. Il existe également des mentions facultatives tels que le ou les cépages utilisés, les crus, les arguments promotionnels, le millésime (sur une collerette séparée) et les conseils aux acheteurs. C'est aussi au XXe siècle, que les thémes décoratifs se diversifient, faisant de certaines étiquettes, de véritables œuvres d'art. Au delà des informations obligatoires, on retrouve alors tout le monde viti- vinicole représenté en image. On a par exemple les gestes du métier, les paysages, les faits historiques, la représentation des châteaux, voir des thèmes plus bucoliques. 70 Une grande quantité d'informations figuratives envahissent donc nos étiquettes, au risque d'en oublier la destination première, qui est d'informer l'acheteur et le consommateur. Les étiquettes qui sont donc créées pour aiguiller le consommateur et promouvoir le produit, se retrouvent souvent à embrumer l'esprit du client qui ne s'y
70 GARRIER, Gilbert. Histoire sociale et culturelle du vin, suivi de Les mots de la vigne et du vin. Larousse. Paris. 1998
retrouve plus. En effet, l'étiquette est devenu autant une fiche d'état civil du vin, qu'un dépliant publicitaire.
Puisque nous avons des vins en AOC, nous devons voir quels en sont les particularités. Ils sont les seuls à pouvoir utiliser les termes de château, clos, cru et hospices. Ils doivent ainsi correpondre à une exploitation viticole ainsi dénommée. De plus, ils ne sont pas obligés de préciser les cépages utilisés. En effet, pour ces vins en AOC, le terroir correpondant à l'appelation prend plus d'importance que le cépage.71
Deux des informations les plus importantes à rechercher sont surement le lieu de la mise en bouteille et les initiales précédant le numéro d'immatriculation. Une notification «Mis en bouteille à la propriété», place en effet la bouteille au delà de tout soupçon de mélange ou des tromperie quand au vin qui se trouve à l'intérieur. En réalité, le propriétaire du château de la Renaudie nous a appris qu'il existait une souplesse administrative. En effet, certaines caves qui proposent des vins de la propriété concernée, ont l'autorisation d'embouteiller les vins de la dite propriété et de pouvoir étiquetter ces bouteilles «Mis en bouteille à la propriété».
De plus, pour être complet il nous faut évoquer le fait que certains viticulteurs pratiquent également le négoce, en plus de leur propre production. Ils vendent donc d'autres lots de raisins pour étendre leur gamme. Ainsi, le château de la Renaudie achète des grappes destinées à produire du vin blanc de Bergerac, ou du Monbazillac, pour le vendre vinifié sous le nom de son château afin d'étendre sa gamme. Ce phénomène est très fréquent parmis les viticulteurs. Sur les étiquettes, le mot «domaine» renvoi à une propriété. Par exemple, «Domaine de la Renaudie», va distinguer les vins de la propriété, des vins issus du négoce spécifié «Château de la Renaudie». C'est en général la technique utilisée par les viticulteurs-négociants pour indiquer les vins issus de leur propre vignoble et ainsi les distinguer des vins qu'ils commercialisent par l'intermédiaire du négoce.
Il existe plusieurs types d'initiales qui indiquent le statut du metteur en
71 COBBOLD, David et DURANT-VIEL, Sébastien. Le vin par l'étiquette. Hachette Vins. Les minis livrets du vin. Paris. 2013
marché. NM: négociant/manipulant. Il s'agit alors d'un vin issu du négoce, où un négociant a acheté tout ou partie du vin vinifié. CM: coopérative de manipulation. RC: récoltant-coopérateur. Tout ou partie de l'élaboration est alors confié à une coopérative. RM: récoltant-manipulant. Là le producteur indépendant élabore ses cuvées à partir de ses propres vignes. SR: société de récoltants, signale une association de producteurs. MA: marque d'acheteur ou marque auxiliaire. Un vin commercialisé par un distributeur sous son propre nom, mais produit par un tiers.72
Essayons à présent de décortiquer trois étiquettes du bergeracois, qui pourrait nous permettre d'éclairer notre propos.
Figure 14: Etiquette d'une bouteille, du château de Monbazillac
Sur cette première étiquette, on voit aisément que la bouteille provient du château mytique de Monbazillac. Le château lui même y est d'ailleurs représenté. L'appelation, le degré d'alcool, le volume de la bouteille et l'année de production y figure. En plus petit on peu lire «S.C.E.A du château de Monbazillac fermière à Monbazillac (Dordogne) France». Ce sigle est utilisé pour désigner la cave coopérative de Monbazillac. On est donc là dans le cas que nous évoquions tout à l'heure où la cave a mis le vin en bouteilles. En effet, pour nous le confirmer vient
72 COBBOLD, David et DURANT-VIEL, Sébastien. Le vin par l'étiquette. Hachette Vins. Les minis livrets du
ensuite la mention «Mise en bouteille DU château, par CCM à Monbazillac». Même les vins les plus prestigieux du bergeracois sont donc concernés par ce phénomène.
Figure 15: Etiquette d'une bouteille de vin, du château de la Renaudie
Nous voyons dès le premier regard que cette bouteille est issue du négoce. Nous avons évoqué ce phénomène plus haut. Le château de la Renaudie ne produit en effet que du Pécharmant, les vins blancs et rosés qu'il propose à la vente ne sont pas issus de ses vignes. Hormis cela, on peut voir sur cette étiquette un dessin du château, l'année de production, le degré d'alcool et la contenance de la bouteille. Contrairement à l'exemple précédent ce vin fut mise en bouteilles directement au château, malgré le fait que ce vin ne soit pas issus des vignes du domaine.
Figure 16: Etiquette d'une bouteille de vin, de l'appelation Bergerac
Après vous avoir donné les explications nécessaires à sa compréhension, cette étiquette apparaît très explicite. Cette bouteille est en effet composée de différents vins, de plusieurs châteaux différents, tous issus de l'appelation Bergerac. Il s'agit donc d'une bouteille issue du négoce, où Monsieur Chamvermeil, le négociant, à ensuite vendu ses bouteilles en Gironde. On est donc dans un cas encore différent de celui du château de la Renaudie. En effet, ce dernier pratique le négoce afin de diversifier sa production et donc son image et sa rentabilité, tandis que ce négociant bordelais, n'est même pas dans l'aire géographique du bergeracois, il profite juste du prestige de l'appelation pour vendre ses bouteilles. De plus, sur cette étiquette on retrouve la contenance de la bouteille, mais on ignore le degré d'alcool, le lieu de mise en bouteille et l'année de production.
Les étiquettes constituent un marqueur essentiel pour les producteurs, autant que pour les consommateurs. Elles permettent de comprendre et de choisir les vins. Elles demandent néamoins une certaine connaissance pour pouvoir en décortiquer les
moindres détails. Voyons à présent comment les différents vins présentés ici peuvent s'associer avec des mets divers et variés.