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Dans la zone prise en compte, des quantités conséquentes d’ossements animaux (étudiés ou non) proviennent de contextes urbains tardo-antiques et/ou altomédiévaux urbains. Ces corpus n’étant pas, ou très peu abordés ici, nous nous limitons à en faire mention, pour mémoire.

Pour le Massif jurassien, ils figurent dans la liste relativement complète qui a été dressée à l’occasion des deuxièmes journées archéologiques frontalières de l’Arc jurassien (Putelat 2013c). Il conviendrait d’y ajouter les données archéozoologiques du groupe épiscopal de Genève, étudiées par C. Olive et en cours de publication (Studer com. pers.).

Pour l’Alsace, mentionnons les échantillons livrés par les fouilles de Brumath (Putelat 2013f) et de Strasbourg (Putelat 2011b, Putelat et Gambier 2011).

Une des principales caractéristiques du corpus constitué par les études archéozoologiques de notre zone d’étude est la dispersion des données entre les divers pôles responsables de leurs analyses (fig. 10 à 13).

Dans la région du Rhin supérieur, l’étude archéozoologique la plus ancienne d’un corpus altomédiéval semble être celle d’E. Schmid pour le site de Merdingen (Allemagne, Bade- Wurtemberg), situé sur la rive droite du Rhin, face à Colmar (Garscha et al. 1948-1950).

En 1980, R. Pfannhauser soutient une thèse vétérinaire à la Ludwig-Maximilians-Universität de Münich sur la faune de Jechtingen « Sponeck » (Allemagne, Bade-Wurtemberg), site fortifié tardo- antique situé sur la rive droite du Rhin, lui aussi face à Colmar et Sélestat.

Pour l’Alsace, les premières données explicites sont celles de J. Schweitzer (1984), qui mentionne quelques résultats issus de la pré-étude archéozoologique par B. Kaufmann (conservateur de la section d’anthropologie du Naturhistorisches Museum de Bâle) des ossements de deux sites haut-

rhinois, Illzach (4e-5e s.) et Riedisheim « Leibersheim » (6e-8e s.). Malheureusement, cette pré-étude

ne fournit pas de renseignements exploitables et nous n’avons pas connaissance d’un rapport définitif d’analyse.

Par la suite, dès 1986, des études de faune sont engagées par l’AFAN puis l’INRAP et confiées à divers spécialistes du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris et du CRAVO à Compiègne (Hachem 1986, Yvinec et Baudry 2002, Clavel 2004, Yvinec 2006, Jouanin et Yvinec 2008). A partir de 2006, le CDA puis le PAIR nous ont confié la charge de l’étude des assemblages fauniques fouillés par leurs soins (fig. 13) et depuis les années 2010, la sarl Antea (Habsheim, Haut-Rhin) procède à ses études archéozoologiques par le biais de spécialistes engagés à demeure.

Les travaux des archéozoologues de l’IPNA de Bâle n’ont longtemps qu’assez peu concerné les

faunes tardo-antiques et altomédiévales des sites ruraux du nord du Massif jurassien74, à l’exception

de ceux de Lausen et de Reinach (Suisse, Bâle Campagne), étudié dans les années 2010 par R. Frosdick dans le cadre de sa thèse (2012-2014) et de Courrendlin (Suisse, Jura), étudié par S. Deschler-Erb (2011).

Dans l’orbite du département d’Archéozoologie du Muséum d’histoire naturelle de la Ville de Genève ont été étudiés une part importante des assemblages osseux altomédiévaux livrés par le Massif jurassien. L’étude par I. Voser (1985) de l’habitat de Sézegnin (Suisse, Genève) compte parmi les plus anciennes. Elle est suivie par celle des faunes mises au jour au nord du Massif, dans le canton du Jura (Suisse) (Olive 2008a, Putelat 2010a, 2011a, 2014 à paraître a).

Dans la moitié sud du Massif, les ossements animaux du site de Pratz « Le Curtillet » ont été étudiés par B. Clavel (2004), sous la houlette de l’INRAP et du CRAVO à Compiègne, tandis que, pour cette même région et ses marges rhodaniennes et savoyardes, les autres assemblages ont été analysés tantôt par des chercheurs liés au département d’archéozoologie du Muséum d’histoire naturelle de la Ville de Genève (Olive 1990a et b, Putelat 2011d), tantôt par l’INRAP (Forest 1992, Forest 2001a et b, Forest et Lalaï 2001, Lalaï 2001a et b, Royet et al. 2006), voire par un chercheur de l’Université d’Aix-en-Provence (Columeau 1980 et 2011).

74 Pour ces périodes, les travaux de ces collègues concernent surtout des assemblages fauniques localisés à

l’extérieur des limites strictes du Massif jurassien (voir par exemple Deschler-Erb et al. 1999, Rehazek 2002, Marti-Grädel 2012), ou aux bornes de l’intervalle chronologique que nous prenons en compte (voir par exemple Schibler 2008, Stopp 2009), ou encore dans des contextes urbains (par exemple Schibler et Stopp 1987, Deschler-Erb 1992, Ginella 2002, voir aussi synthèse dans Putelat 2013c).

Les synthèses régionales de ces travaux sont rares75. Une synthèse archéologique, très conséquente, porte sur la connaissance de l’habitat rural médiéval en Rhône-Alpes. Elle traite surtout de la partie française de cette région, abordant parfois (pour le sujet qui nous concerne) le sud du Massif jurassien, mais surtout ses marges méridionales (Faure-Boucharlat et al. 2001).

D’autres synthèses ne prennent en compte que le territoire suisse dans son ensemble (Jacomet et al. 2002, Hüster-Plogmann et Rehazek 2005). A l’exception d’un corpus de données bibliographiques (Putelat 2013c), aucune ne considère le Massif jurassien dans sa totalité.

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Jusqu’à ce jour, les principaux travaux de synthèse traitant des restes animaux en contexte funéraire pour la Gaule mérovingienne sont tous le fait d’archéologues et d’historiens. On doit à É. Salin (1959) une approche de la place de l’animal parmi les morts au premier Moyen Âge. Bien que les conclusions de l’auteur prêtent souvent le flanc à la critique (Dierkens et al. 2008) et que la méthodologie d’étude des ossements et la critique des données soient étiques, il n’en reste pas moins qu’É. Salin fut le premier chercheur français à confronter à l’échelle de l’Europe altomédiévale des sources écrites, des découvertes archéologiques, des dépôts végétaux et animaux, envisagés d’emblée selon une classification claire : « offrandes animales », « offrandes alimentaires et repas funéraires», « phylactères ».

Par la suite B. Young (1977) évoque une discontinuité frappante dans le dépôt d’offrandes alimentaires en Gaule entre l’Antiquité tardive et l’époque mérovingienne. Il souligne, sur la base d’un corpus de 164 sites localisés pour l’essentiel dans la moitié nord de la France, les difficultés qu’ont les archéologues à interpréter les vestiges animaux en contexte funéraire : en raison des incertitudes concernant la finalité du dépôt (sacrifices, offrandes, amulettes), mais aussi du fait des

limites des données acquises au 19e s (stratigraphies mal documentées, publications parfois

succinctes). L’auteur conclut à la quasi disparition de l’offrande alimentaire en Gaule mérovingienne, mais souligne (dès 1977) la spécificité de la rive gauche du Rhin supérieur, évoquant l’existence de « quelques cas plausibles d’offrande avec vaisselle », « au-delà de la zone franque, à l’est, dans l’Alsace alémanique » (ibid., p. 49).

Les travaux de S. Lepetz, sur les restes animaux dans les sépultures gallo-romaines (1993, 1996) et sur les tombes animales (1993, 2000), axés sur l’Antiquité, accordent une place importante à l’Antiquité tardive, et mettent en perspectives les résultats de la « moitié nord de la France » avec des données européennes.

En 2002, l’étude de C. Le Bec « Les offrandes alimentaires dans les nécropoles mérovingiennes entre Seine et Rhin », basée sur l’étude d’environ 270 ensembles funéraires, présente les difficultés méthodologiques de la recherche et pose les bases d’une étude statistique des dépôts alimentaires dans la moitié nord de la Gaule. Malgré les incertitudes induites par une recherche plus archéologique qu’archéozoologique, ce travail de diplôme constitue une date charnière dans l’analyse des dépôts alimentaires en Gaule mérovingienne. Il intègre de surcroît une dimension européenne, puisqu’il connecte la pratique des dépôts alimentaires « entre Seine et Rhin » avec les données issues de la thèse d’I. Mittermeier (1986) « Speisebeigaben in Gräbern der Merowingerzeit », traitant du même sujet pour les régions germaniques. Plus tard, un article de synthèse (Dierkens et al. 2008) mettra à disposition de la communauté scientifique une partie du travail de C. Le Bec (2002), en y adjoignant une réflexion sur les textes écrits et les tombes animales en Gaule mérovingienne.

C’est à partir de 2004 qu’en Alsace, qu’à la suite de la fouille du groupe funéraire de Réguisheim « Oberfeld / Grossfeld » (Haut-Rhin) (Roth-Zehner 2004), et de la publication du catalogue d’exposition de la nécropole d’Erstein « Beim Limmersheimerweg » (France, Bas-Rhin) (Decanter 2004), suivies (parmi d’autres) des fouilles des nécropoles haut-rhinoises d’’Illfurth « Buergelen » (Haut-Rhin) » (Roth-Zehner et Cartier 2007) et d’Hégenheim (Billoin et al. 2008), puis d’un travail de synthèse (Putelat 2013d) que, comme l’avait pressenti B. Young (1977), se confirmera une

75 A ces synthèses régionales, il faut cependant ajouter, au contact occidental de notre zone d’étude, et pour

sa borne inférieure, la thèse de D. Cambou (2009a et b) sur « L’élevage et l’alimentation carnée en Bourgogne de La Tène finale au Bas-Empire (130 av. – 325 ap. J.-C.) ». Citons aussi, au voisinage oriental de notre zone d’étude les travaux de synthèse thématiques des archéozoologues de l’IPNA (Basel) (voir par exemple Breuer et al. 1999, Deschler-Erb et Breuer 2002).

certaine spécificité de la région pour la place de l’animal dans le domaine funéraire au premier Moyen Âge, tant sur le plan des tombes animales que des dépôts alimentaires.

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Mais les découvertes de tombes animales ne se limitent pas aux contextes funéraires. Nous avions eu par le passé l’occasion d’étudier plusieurs squelettes de bovins altomédiévaux mis au jour dans une même doline de la fouille de Bure «Montbion» (Suisse, Jura) (Putelat 2002). L’hypothèse de dépôts de cadavres en relation avec des épisodes de mortalité infectieuse avait été rapidement évoquée pour ces bovins archéologiques, d’autant qu’ils pouvaient être comparés à deux autres assemblages fauniques assez similaires, géographiquement et chronologiquement proches : les dépôts de bovins de Vellechevreux « Les Graviers » (France, Haute-Saône) et de Bourogne « Cimetière communal » (France, Territoire-de-Belfort) (Peytremann et al. 1999, Putelat 2006a et 2007e).

Dans le même temps, C. Guintard, vétérinaire enseignant à l’École Nationale Vétérinaire de Nantes, avait coutume de tendre des passerelles entre sa pratique professionnelle, sa connaissance des textes historiques et l’archéozoologie, par exemple en 2003, lors des Journées Internationales d’Histoire de l’Abbaye de Flaran (Guintard 2005a).

De la confluence de ces approches, réunies dans une réflexion interdisciplinaire initiée au sein de l’Équipe « Archéologies environnementales » de l’UMR 7041 ArScAn, naquit une recherche sur les crises sanitaires du bétail bovin dans la France médiévale (Putelat et al. 2014, à paraître b). Sur la base du cas concret que constituent les trois ensembles de dépôts bovins que nous venons d’évoquer, les auteurs se sont interrogés sur la méthodologie à mettre en place pour analyser les dépôts de squelettes. Il a été différencié la notion de dépôts pouvant résulter de la mortalité « ordinaire » d’animaux décédés naturellement et non consommés, et celle de dépôts pouvant être attribués à des phénomènes de mortalité dits « extraordinaires », éventuellement pathologiques. Les données archéologiques de ces trois sites ont ensuite fait l’objet d’une mise en perspective avec des cas similaires connus en France pour la même période et l’ensemble a été confronté aux sources écrites traitant de la mortalité animale au Moyen Âge.

A l’automne 2012, à l’occasion de la table-ronde de Bibracte « Les dépôts d’ossements d’animaux en France, de la fouille à l’interprétation » a été constituée une base de données des dépôts animaux, commune aux archéozoologues de France. C’est à cette occasion que le corpus de comparaison des dépôts de cadavres bovins datés de l’Antiquité tardive et au premier Moyen Âge s’est accru, bénéficiant de nouvelles datations radiocarbones (Putelat 2013e). L’afflux de ces nouvelles données, normalisées au sein de la base de données, a permis de renforcer les hypothèses émises précédemment sur les épisodes de mortalité « extraordinaires » et a renforcé notre souhait d’une recherche globale, susceptible d’englober aussi bien les thématiques alimentaires que sanitaires.

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Comme nous l’avons exposé précédemment, en France, l’intérêt porté par la recherche archéozoologique à la fin de l’Antiquité et au premier Moyen Âge est relativement récent. Nous avons montré qu’il en est de même au niveau régional, puisque cette thématique n’a réellement émergé en Alsace et dans le Massif jurassien que depuis une trentaine d’années.

Pour l’ensemble de la zone prise en compte, les études de sites n’ont pas encore débouché sur des travaux de synthèse d’envergure, puisqu’en Alsace les Projets Collectifs de Recherche (PCR) qui concernent l’Antiquité et le premier Moyen Âge sont encore sous presse ou en cours de réalisation (chap. 1.1.2.4) et que dans l’espace jurassien, l’ébauche d’une mise en commun des données franco-suisses n’est que très récente.

A l’exception de la thèse de S. Lepetz (1996), dédiée à la société gallo-romaine de la France du Nord, les trois entrées « alimentaire – funéraire –dépôts animaux » qui nourrissent notre travail n’ont encore pas fait l’objet d’une approche simultanée pour les périodes historiques, au premier Moyen Âge dans le nord-est de la France et l’ouest de la Suisse.

Cet état des lieux conforte l’originalité de notre recherche. Elle est diachronique, puisqu’elle élargit les cadres stricts de « l’Antiquité » et du « Moyen Âge » en s’intéressant aux périodes de transitions. Elle est transfrontalière, et à ce titre prend du champ par rapport aux frontières récentes en privilégiant des espaces géographiques et culturels. Mais surtout, elle est systémique, puisqu’elle ne se cantonne pas aux seuls registres de l’alimentation, ou des ensembles funéraires, ou de la santé animale, mais qu’elle les mets en perspective en espérant ainsi des gains d’information qui dépassent le simple empilement des données.

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