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Selon la définition de lřIcom (Le Conseil international des musées), « un musée est une institution permanente, sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public [et qui expose ses collections] à des fins dřétudes, dřéducation et de délectation ». Cette définition donne du musée une vision patrimoniale un peu figée, qui ne prend guère en compte les substantielles évolutions en cours, surtout dans les dernières années.

Philippe Régnier (2007) pense que « lřéconomie a pris ces dernières années une importance de plus en plus grande dans les choix politiques, stratégiques, sociaux de nos sociétés. Parmi les différents secteurs de la culture, le monde des musées en France a été jusquřici relativement épargné par ses diktats »190.

Lřéconomie des musées est véritablement devenu un sujet dřintérêt pour les chercheurs à partir des années 1990. On peut penser notamment à Pichette N. (1984) ; Beaulac M., Legaré B., Colbert F., Duhaime C. (1991) ; Tobelem J.M. (1992, 2005) ; Evrard Y. (1993) ; Bromwich J. (1994) ; Assassi I. (1999) ; Guerzoni G. et Troilo G. (2000), Régnier P. (2007) etc.191

190 Philippe Régnier, « Les musées rattrapés par lřéconomie », Le Journal des Arts, n° 249, du 15

décembre 2006 au 4 janvier 2007.

191 Pichette N., « Pour un musée ouvert: le marketing », Musées, vol 7, n° 1 et 2, automne, 1984, p.

37. ;

Beaulac M., Legaré B., Colbert F., Duhaime C., 1991, Le marketing en milieu muséal en France et à l'étranger, Paris, La Documentation française.;

Tobelem J.M., 1992, « De lřapproche marketing dans les musées », Publics et Musées, 2, décembre, p. 49-65. ;

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Nous présenterons ici brièvement la réflexion des auteurs particulièrement représentatifs du débat. Parmi ceux-ci, René Teboul (1999) écrivait :

Il est clair que la fonction sociale des musées, et leur définition ont été modifiées en quelques années, un musée nřest plus seulement un lieu de recueillement qui élève lřâme et diffuse des valeurs purement esthétiques en permettant lřaccroissement des connaissances […] cřest aussi devenu un lieu beaucoup plus convivial et ouvert quřauparavant, autour duquel sřagglutinent dřautres formes plus ou moins nouvelles de loisir qui ne sont pas forcément culturelles […] Les musées, comme nřimporte quelle structure de la vie sociale proposent tout un ensemble de services qui peuvent sřapprécier à travers une fonction de production. Cette fonction de production nřest cependant pas tout à fait similaire à celle quřon pourrait trouver dans une entreprise, ou dans une autre forme sociale où les responsabilités dřinvestissement et de rentabilité sont clairement identifiées.192

Dans le même esprit, Bernd Woflgang Lindemann déclarait (2000) :

Lřinstitution muséale, en tant que lieu de contemplation de lřart, en tant quřîlot dřune recherche spécialisée touchant peu le public, semble être passée de mode. En revanche, le taux de fréquentation des musées a acquis une importance grandissante. Les musées sont désormais perçus comme un maillon dans la vaste chaîne de lřindustrie des loisirs : ils ont pour concurrents directs les parcs dřattraction et les music-halls.193

Jean-Michel Tobelem (2008) pense plus directement que « le poids des contraintes financières, la concurrence représentée par la création de nouveaux musées ou lieux dřexposition et la complexité croissante des institutions muséales conduisent à rechercher davantage dřautonomie et une plus grande souplesse de gestion »194.

De plus, du point de vue de lřéconomie, Bruno S. Frey (2000) pense que la valeur productive des musées est attestée par les externalités positives quřils génèrent. On parle alors de « bénéfices non ciblés » (non-user benefits), parce quřils ne profitent pas

Assassi I, 1999, « Le marketing des organisations culturelles: pour une autre approche conceptuelle », AIMAC proceeding, Vol II, p. 639-651. ;

Guido Guerzoni et Gabriele Troilo, 2000, « Pour et contre le marketing », dans sous la direction de Jean Galard, L’avenir des musées, Paris, Réunion des Musées Nationaux, p. 135-151.

192 René Teboul et Luc Champarnaud, 1999, Le public des musées, Paris, LřHarmattan, p. 134.

193 Bernd Woflgang Lindemann, 2000, « Financement public, mécénat et sponsoring », Jean Galard

(dir), L’avenir des musées, Paris, Réunion des Musées Nationaux, p. 125-134.

194 Jean-Michel Tobelem, 2008, « Les musées à lřheure du marché », Alternatives économiques,

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quřà ceux qui consomment une activité culturelle définie, mais à une population plus large.

La valeur économique des musées ne va pourtant pas de soi. Traditionnellement, un musée est caractérisé par une collection publique ou privée inaliénable et ouverte au public (Catherine David, 1989). Dans le colloque organisé au musée du Louvre au mars 2000 sur le sujet « lřavenir des musées », Guido Guerzoni et Gabriele Troilo (2000) ont critiqué la façon dont « le monde muséal découvrait lřancien marketing, lié au concept industriel du marché de masse », qui « suppose lřintervention dřinnombrables individus, une valse de chiffres considérables, une croissance endogène, un chiffre dřaffaires et des volumes imposants ». Ils dénoncent par là un vision anachronique, industrielle, de processus de croissance déjà archaïques, en raison du retard avec lequel les musées ont fait leurs les idées du marketing dřil y a trente ans.

Même si la transformation du musée en un établissement « comme les autres » au sein de lřéconomie nřest pas avérée, il y a beaucoup de changements qui modifient doucement le paysage des musées parisiens.

Les musées sont confrontés aujourdřhui à des interrogations, voire des mutations majeures concernant leurs modes de gestion, leur statut, leur insertion territoriale, leur relation au public, leurs dispositifs de médiation et de valorisation.

La suite de ce chapitre vise à approfondir et à montrer plus rigoureusement cette idée. Nous nous proposons, à travers des méthodes quantitatives (séries statistiques concernant lřemploi), à la fois de confirmer et de préciser les perceptions plus qualitatives de ces auteurs concernant ces évolutions.

L’explication des données statistiques

 

Lřanalyse peut suivre deux directions : premièrement, de lřintérieur des musées eux-mêmes ; quels changements connaissent-ils durant cette période du point de vue de