• Aucun résultat trouvé

Section 1: La construction des indicateurs du transport routier énergétiquement durable : lignes

I. État de l’art : synoptique des indicateurs et argumentaire

La littérature actuelle sur la notion de l’outil indicateur s’intéresse particulièrement à la nécessité d’adopter une démarche rigoureuse quant à l’élaboration des indicateurs. En effet, dans la foulée des travaux du Sommet de la Terre à Rio en 1992 et de Johannesburg en 2002, le développement d’indicateurs a été identifié comme un outil, à la fois technique et sensible, privilégié pour mesurer l’état et l’évolution des principaux paramètres du développement durable d’une part, et pour aider les autorités et les communautés dans la prise de décision, d’autre part. Il s’agit d’un outil technique dans la mesure où il doit être construit dans le cadre d’un processus rigoureux soumis à des règles et des critères précis. En outre, il est jugé de sensible parce qu’il résulte des démarches de construction, souvent personnalisées.

117 Association 4D : Dossiers et Débats pour le développement durable (www.association4d.org) créée en 1993

après le Sommet de Rio, l’association a pour mission de constituer un réseau citoyen pour la promotion du développement durable et le suivi des engagements pris par la France, comme par les autres États membres de l’O.N.U.

130 1. Définition de l’outil indicateur

La notion d’indicateur requiert une grande importance dans la littérature, surtout avec l’absence d’une définition universellement acceptée et l’évolution multidisciplinaire de cette notion. Toutefois, la première utilisation de l’expression « indicateur » date l’année 1958, avec le texte de Lazarsfeld dans un contexte purement scientifique en sociologie. Abondant dans ce sens, et s’appuyant sur les écrits de Lazarsfeld (1958), un indicateur désigne la traduction de concepts théoriques (abstraits) en variables observables. Une telle traduction s’avère indispensable pour opérationnaliser les hypothèses scientifiques à la vérification empirique. Il est donc évident qu’un indicateur118 n’est qu’une variable observable utilisée pour rendre compte d’une réalité non observable.

Récemment, les développements de la notion d’indicateur ont connu une forte mutation en s’attachant plus à la mesure du bien-être et du développement humain et à la notion de développement durable avec toutes ses dérives (Perret, 2002 ; Gadrey et Jany- Catrice, 2003 ; Sharpe, 2004).

Le tableau III.2 fait un survol rétrospectif de la littérature en synthétisant d’une manière non exhaustive la plupart de définitions de la notion de l’indicateur :

Tableau III.2. Synthèse de définitions de la notion d’indicateur

Année auteur Définition

1995 Hamond et al Un indicateur est perçu comme « quelque chose qui simplifie l’information en provenance de phénomènes complexes et qui la quantifie de manière à la rendre significative à l’échelle désirée. 1999 Bossel Les indicateurs sont « notre lien au monde en condensant la

complexité de ce dernier à une somme gérable d’informations pertinentes.

1999 Levarlet Les indicateurs représentent « un continuum allant des descripteurs119 proches de statistiques ou de données élémentaires à des modèles, multidimensionnels complexes issus de spéculation théoriques.

2004 Boulanger Un indicateur est « une variable observable utilisée pour rendre compte d’une réalité non observable »

Source : Élaboration de l’auteur

118 Selon le niveau d’agrégation d’information retenue, plusieurs appellations sont attribuées au concept

d’indicateur, à savoir « variable », « instrument de mesure », «mesure statistique », « paramètre », « proxy » et « indice ». Un indice désigne un indicateur synthétique construit en agrégeant d’autres indicateurs dits de base. La plupart des indicateurs utilisés dans le cadre des politiques publiques sont en réalité des indices : c’est le cas du PIB, de l’indice des prix à la consommation,…

119

Il convient de faire la distinction entre indicateur et descripteur. Un descripteur est basé sur une mesure directe, alors qu’un indicateur est une grandeur renseignant sur une situation trop complexe pour être mesurable.

131

A ce titre, bien que la terminologie soit parfois confuse et l’usage du terme soit peu stabilisé, nous pouvons définir un indicateur comme simplificateur de l’information en provenance de phénomènes complexes. Il permet par excellence de caractériser une situation, une action ou un phénomène et de les évaluer. A ce propos, nous partageons le postulat suggérant qu’un indicateur présente un signal utilisé pour représenter d’une manière synthétique ou simplificatrice des réalités complexes.

Pour conclure, notre synthèse fait état de la non-existence d’un consensus conceptuel sur la définition de l’indicateur. Cependant, il en ressort quelques points essentiels :

 Un indicateur doit être finalisé120

et territorialisé. Il suppose l’existence d’une

question, qu’il contribue à éclairer pour un cadre d’étude précis. Son utilisation dépend largement de l’objectif souhaité et des particularités du terrain d’investigation.

 Un indicateur doit être clairement défini. Il n’a de sens qu’accompagné de ses éléments d’interprétation et de contexte de sa mise en œuvre. La qualité principale d’un indicateur est sa capacité à rendre compte le plus précisément possible d’un phénomène en général complexe.

 Le choix d’un indicateur doit être guidé. Il doit donc d'être adapté, pertinent121

, spécifique, valide, fiable, précis122, mesurable123, comparable (dans le temps et dans l'espace) et facile à utiliser (Nicolas et Verry, 2005).

 Un indicateur doit être ciblé. Selon le niveau d’agrégation, il peut être destiné pour le public, les décideurs ou les scientifiques. Dans ce sens, l’illustration de la pyramide de l’information adaptée de Braat (1991) montre qu’il y a une forte articulation entre la nature de l’information et le public à qui elle est destinée.

120Un indicateur n’est pas un simple rassemblement de données chiffrées. Il est plus qu’une « statistique ». Il

doit avoir des qualités expressives, c’est-à-dire posséder un pouvoir de représentation et d’évocation de la réalité.

121 Chaque indicateur doit être pertinent aux politiques actuelles ou possibles. Il en mesure un aspect significatif

et de valeur évidente pour les observateurs et les décideurs.

122 Un indicateur est une information de synthèse qui permet d’expliquer une situation évolutive, une action ou

les conséquences d'une action, de façon à les évaluer et à les comparer à leur état à différentes dates.

132

Figure III.1. La pyramide de l'indicateur-information

Source : Levarlet (1999) d'après Braat (1991).

D’après cette pyramide, plus la quantité d’information est agrégée et plus elle est rendue accessible au plus grand nombre : les données brutes sont destinées aux scientifiques alors que les systèmes d’indicateurs voire d’indices composites sont destinés au grand public.

La problématique de l’évaluation de la durabilité s’inscrit dans cette mouvance de recours à l’outil indicateur. Selon cette visée, tout en étant un concept relativement ouvert, l’appropriation de développement durable par un tel outil a fait l’objet des réflexions multiples dés le rapport Brundtland sur l’écodéveloppement en 1987 et la Charte du Sommet de la Terre en 1992 qui ont mis en évidence le besoin de disposer d’indicateurs permettant de traduire une vision claire du développement durable.

2. Les indicateurs et leurs fonctions : le rôle des indicateurs énergétiques durables

D’une manière générale, un indicateur est perçu comme étant une représentation simplifiée de la réalité ayant trois grandes fonctions :

 Scientifique, en évaluant l’état et les performances d’un phénomène

 Politique, en aidant à identifier les priorités et définir les décisions afin d’orienter l’action publique

 Sociétale, en facilitant la communication, la sensibilisation et l’action.

Bien entendu, les indicateurs n’ont pas un rôle exclusif et leur utilisation vise de nombreux objectifs. Néanmoins, il apparaît pertinent de hiérarchiser ces objectifs. Dans ce

133

sens, le travail de Klooz et Schneider (2000) est en soi fort intéressant car il énumère de manière assez approfondie les différents rôles joués par les indicateurs de développement durable (voir figure III.2). A cette lecture, nous pouvons souligner que les indicateurs de développement durable constituent :

- Un outil explicatif qui sert à informer les citoyens ce que signifie concrètement le développement durable (fonction pédagogique) ;

- Un outil d’aide à la décision en aidant les autorités à la prise de décision, la révision des politiques ou des stratégies de développement durable et la mesure de performance (fonction d’évaluation). Dans une telle logique, les indicateurs sont perçus comme une variable dans le processus décisionnel, ce qui pose la question de la gouvernance, dans la mesure où il est indéniable de savoir quel type d’interaction doit régner entre le processus d’élaboration des indicateurs d’une part, et le processus décisionnel de l’autre part.

- Un outil de communication qui cherche à consolider l’implication de multiples acteurs (fonction mobilisatrice). Il importe donc de penser à assurer l’adéquation entre les modèles de présentation et de diffusion des indicateurs de coté, et les objectifs donnés aux indicateurs de l’autre coté.

Figure III.2. Les rôles des indicateurs de développement durable

134

En conséquence de quoi, il nous semble envisageable de répartir les fonctions des indicateurs de développement durable selon deux types d’usage : une utilisation limitée à l’information et une utilisation conçue pour la prise de décision. Les utilisateurs sont divers, allant des experts au grand public en passant par les décideurs politiques et économiques, ce qui nous mène à poser la question de savoir comment concevoir des indicateurs qui répondent spécifiquement aux besoins de chacun d'entre eux.

La notion de l’indicateur s’est longuement placée dans une optique de durabilité en sens large, à l’exception de quelques recherches qu’ont contribue à la pratique d’indicateurs en termes désagrégés ou sectoriels. Les indicateurs de développement énergétique durable ont été initiés dès l’année 1999 par l’agence internationale de l’énergie atomique AIEA, suivies par quelques recherches scientifiques (Vera et al., 2005; Medina-Ross et al., 2005; Zen et al., 2012; Al-Hinti et al., 2013; Romero et Linares, 2014). Les indicateurs proposés opèrent soit au niveau micro-énergétique pour évaluer les techniques et installations énergétiques, soit au niveau macro-énergétique pour l’aide à la décision dans l’évaluation et la conception des politiques énergétiques.

Mais, en cette matière l’évolution ne s’arrête pas. En effet, l’incidence des approches intégrées se fait sentir de manière de plus en plus prégnante. Selon cette visée, les écrits portant sur la problématique d’élaboration des indicateurs intersectoriels plus précis sont encore rares. Ainsi, il en découle l’émergence des indicateurs de transport routier énergétiquement durable dont le but est une conjugaison de deux aspects de la durabilité : la durabilité énergétique et la durabilité de transport (Ben abdallah et al., 2013).

II. Méthodologies d’élaboration des indicateurs de développement énergétique