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Concernant les jets à haute alitude de moteurs à propulsion solide, très peu de données expérimentales sont disponibles dans la littérature pour des raisons de coût de mise en place mais surtout de confidentialité puisqu’il est souvent question de signature d’engins militaires. À la connaissance de l’auteur la seule expérience accessible menée sur les jets à haute altitude et leur rayonnement est une expérience, appelée par la suite BSUV2 (Bow Schock Ultraviolet 2), menée par Erdman et al. [44] en 1991. Cette expérience a permis de mesurer le rayonnement émis par le jet des deuxième et troisième étages de la fusée Strypi IX dans la gamme spectrale UV à l’aide de photomètres et de spectromètres fixés à l’avant de l’engin. Cette expérience correspond à des altitudes d’environ 100 km en cohérence avec notre étude. C’est d’ailleurs cette expérience qui a été utilisée comme référence dans la plupart des études cherchant à simuler les jets à hautes altitudes et leur rayonnement.

La simulation des jets de propulseurs est un sujet grandement étudié depuis les années 70. Ces études ont cependant essentiellement été menées pour des basses et moyennes altitudes. Concernant les simulations à plus haute altitude, la complexité des méthodes numériques du fait de l’aspect raréfié de l’écoule-ment et la difficulté d’obtenir des mesures fiables, expliquent le faible nombre d’études menées et le peu de codes existants dédiés aux hautes altitudes. On présente dans cette section les différentes méthodes numériques dévelop-pées dans la littérature, à partir des années 80-90, pour la simulation des jets à haute altitude et leur rayonnement. Ces méthodes différent généralement sur trois points importants. Le premier point concerne les méthodes utilisées pour

simuler la phase gazeuse en régime d’écoulement raréfié. On distingue deux ca-tégories de méthodes. Les premières utilisent une approche continue, résolvant les équations de Navier-Stokes avec des méthodes de types volumes finis ou la méthode des caractéristiques. Les autres approches sont basées sur la méthode dite DSMC (Direct Simulation Monte Carlo) particulièrement adaptée à la ra-réfaction de l’écoulement. Le deuxième point concerne les méthodes numériques utilisées pour traiter la phase dispersée, à l’aide d’une approche eulérienne ou lagrangienne. Enfin le dernier point concerne les méthodes utilisées pour cal-culer le rayonnement et son couplage avec l’écoulement. La quasi-totalité des simulations numériques de jets associées à ces études sont basées sur l’expé-rience BSUV2. Elles ne prennent généralement pas en compte les phénomènes internes à la chambre de combustion mais peuvent varier suivant qu’elles com-mencent en entrée ou en sortie de tuyère.

En 1981, Clark et al. [25] ont mené une étude sur les jets de moteurs de mise en orbite, correspondant à des altitudes supérieures à 300 km, avec pour but d’étudier la pollution des surfaces externes de l’engin due au reflux des petites particules en sortie de tuyère. Ils ont pour cela utilisé la méthode des caracté-ristiques (MOC) pour modéliser la phase gazeuse et une approche lagrangienne pour traiter les particules d’alumine. Les calculs menés démarraient au niveau de la sortie de la tuyère, avec des conditions d’injection aux limites calculées par un autre code et la zone de calcul était limitée aux abords de l’engin. Pour leurs simulations, Clark et al. n’ont pas pris en compte le changement de phase des particules ni étudié le rayonnement du jet.

Dans le début les années 90, Candler et al. [21] ont développé un modèle, bi-dimensionnel axisymétrique, de calcul de jet associé à l’expérience BSUV2. Le modèle est basé sur les équations de Navier-Stokes pour la phase gazeuse et une approche eulérienne pour la phase dispersée. Le solveur de mécanique des fluides (gaz et particules) a été couplé à un code radiatif, de type lancer de rayons, permettant de calculer le rayonnement dans la gamme UV émis par le jet et de comparer ce dernier aux résultats expérimentaux. La phase gazeuse était composée uniquement de deux espèces, celle représentant les gaz de com-bustion et celle représentant l’atmosphère externe, la capacité calorifique de chacune d’elles étant considérée comme constante. Par ailleurs des conditions de non-glissement aux parois, non adaptées au régime raréfié du jet ont été uti-lisées. Pour la phase dispersée, un modèle de changement de phase à l’équilibre a été utilisé et les particules étaient réparties en plusieurs classes de taille de particules. Enfin, seule l’émission radiative des particules a été pris en compte (l’absorption et la diffusion par les particules ne sont pas considérées), mais aucune information n’est donnée sur les propriétés d’émissivité utilisées pour les particules d’alumine.

En 1993, Anfimov [5] a présenté une approche similaire à celle de Candler et al. Les équations de Navier-Stokes sont résolues pour modéliser la phase gazeuse et une approche eulérienne est utilisée pour la phase dispersée. Les méthodes

6 1.3 -État de l’art

de calcul du jet sont cependant très peu détaillées, y compris celles utilisées pour le calcul de rayonnement qui prend en compte semble-t-il la diffusion par les particules. L’essentiel de l’étude est en effet centré sur le changement de phase des particules d’alumine et les propriétés radiatives de la phase liquide et des différentes phases cristallines de l’alumine. Son étude s’intéresse aussi à l’aspect hors équilibre de la phase gazeuse, composée de CO et N2 , mais aucune information n’est donnée sur la manière dont il est traité.

Les travaux plus récents utilisent pour la plupart la méthode DSMC développée par G. Bird [9] dans les années 60. Cette méthode consiste à modéliser l’écou-lement gazeux par un grand nombre de particules numériques, représentant chacune un certain nombre de molécules et de prendre en compte les collisions de ces particules. Un grand nombre de méthodes de type DSMC ont été dé-veloppées depuis, les principales différences étant les méthodes utilisées pour modéliser les collisions entre particules. Les méthodes DSMC sont alors adap-tées pour traiter les régimes d’écoulement raréfié, c’est la raison pour laquelle elles sont couramment utilisées depuis pour les simulations de jets à haute al-titude. Cependant pour les zones à forte densité, cette méthode requiert des temps de calcul très élevés. Pour cette raison, pour la simulation de jets, les codes DSMC sont généralement couplés à des codes continus de type Navier-Stokes permettant de traiter les zones proches de la sortie de tuyère à forte densité.

Les travaux de Burt et Boyd [16,17,18], menés au milieu des années 2000, sont certainement les plus aboutis en ce qui concerne la simulation des jets à haute altitude et leur rayonnement. Ils ont développé et utilisé pour leurs études le code MONACO basé sur l’approche DSMC pour permettre la simulation des écoulements raréfiés. Pour traiter les zones du jet à plus forte densité, le code DSMC est couplé avec un code de type Navier-Stokes, la limite d’utilisation entre les deux codes étant définie à partir du nombre de Knudsen local qui caractérise le régime d’écoulement. La phase dispersée est quant à elle traitée avec une méthode lagrangienne [17], en prenant en compte le phénomène de surfusion pour le changement de phase de l’alumine. Le transfert radiatif dans les jets est calculé avec une méthode de type Monte Carlo [16], permettant de prendre en compte l’émission, l’absorption et la diffusion du rayonnement par les particules d’alumine. À l’aide de cet outil, Burt et Boyd ont effectué des simulations numériques couplées (rayonnement/écoulement) sur le troisième étage de l’expérience BSUV2 [18]. Si l’étude de Burt et Boyd est relativement complète, on note tout de même quelques points sur lesquels notre étude se démarque. Tout d’abord, ils n’ont pas pris en compte le rayonnement des gaz dans leurs simulations, qui certes ne joue que très peu dans la gamme ultraviolet pour laquelle les mesures ont été effectuées, mais qui peut fortement influencer le transfert radiatif dans les zones de l’infrarouge, beaucoup plus émissives, et ainsi le couplage rayonnement/écoulement . À la connaissance de l’auteur, le rayonnement des gaz n’a d’ailleurs pas été pris en compte dans l’ensemble des études menées sur les jets de moteurs à propergol solide à haute altitude alors

qu’il peut jouer un rôle important sur le refroidissement des particules et peut être une perspective intéressante dans le cadre d’étude sur la signature d’engins et de flux thermiques sur le culot de l’engin. Par ailleurs, Burt et Boyd ont uti-lisé la théorie de Mie pour calculer les propriétés radiatives liées à la diffusion du rayonnment par les particules mais, par contre, pour calculer l’émission et l’absorption des particules ils ont utilisés des propriétés radiatives confuses (cf. [16]) et en désaccord avec les sources citées [93] et les résultats obtenus avec la théorie de Mie.

Enfin, on cherche dans le cadre de la thèse à développer des modèles intégrables à la plateforme multiphysique CEDRE de l’ONERA qui ne dispose pas de sol-veur de type DSMC. L’approche DSMC permet de mieux simuler les zones d’écoulement raréfié au sein des jets, où le rayonnement peux avoir un impact important localement sur les caractéristiques physiques, mais le rayonnement de ces zones raréfiées n’a quasiment aucun impact sur le transfert radiatif dans le cœur du jet, beaucoup plus dense et émissif, et sur les flux aux parois de l’en-gin. Ainsi une modélisation plus simple et moins coûteuse en temps de calcul de la phase gazeuse via une approche Navier-Stokes semble judicieuse pour la modélisation et la simulation du rayonnement dans les jets à haute altitude. Avec ceux de Burt et Boyd, un certains nombre de travaux utilisant des ap-proches hybrides CFD/DSMC ont été effectués autour de la simulation des jets à haute altitude, à l’aide de différents codes de simulation. On peut citer par exemple les travaux de Papp et Dash [88], ceux de Gimelshein et al. [50] ou encore plus récemment les travaux de Li et al. [75]. Ces études diffèrent essen-tiellement sur les méthodes utilisées pour modéliser les collisions des particules et des molécules avec l’approche DSMC. Ces méthodes constituent d’ailleurs très souvent les motivations des travaux menés. Le rayonnement des jets re-présente généralement plus dans ces études un moyen de valider les modèles de simulation au travers de l’expérience BSUV2 que le point central de la dé-marche scientifique.

Concernant les gaz, il existe de nombreux modèles de rayonnement, ce point est présenté en détails dans la section 3.2.1. En ce qui concerne le déséquilibre thermodynamique dans les jets, induit par la très forte détente des gaz de com-bustion dans une atmosphère raréfiée, Simmons indique dans son ouvrage sur la phénoménologie des jets de fusées [115] que le déséquilibre vibrationnel des gaz a un impact important sur le rayonnement des jets et notamment dans l’op-tique d’effectuer des calculs de signature d’engins. Le déséquilibre électronique n’est quant à lui pas pris en compte pour notre étude en raison de l’aspect non-réactif du jet et des températures modérées rencontrées dans les jets. Le déséquilibre vibrationnel et son impact sur le rayonnement n’ont cependant été que très peu étudiés en ce qui concerne les jets, et plus particulièrement à haute altitude. Des études ont été menées pour des altitudes modérées. Vitkin [139] a ainsi étudié le rayonnement en situation de déséquilibre vibrationnel dans les jets de fusées pour des altitudes comprises entre 10 et 50 km.

Dorais-8 1.4 - Déroulement de la démarche

wamy et al. [39] ont quant à eux développé un modèle cinétique état par état afin de quantifier le déséquilibre vibrationnel de CO2 lors de sa détente dans une tuyère.

Pour d’autres applications que le cas des jets à haute altitude, un grand nombre d’études ont été faites sur le déséquilibre vibrationnel et le rayonnement hors équilibre. C’est le cas du laser à CO2 à détente supersonique pour lequel le déséquilibre virationnel constitue le principe de fonctionnement [3]. Il est aussi largement abordé dans le domaine des rentrées atmosphériques et martiennes, comme par exemple dans les travaux de Kustova [70], où un modèle multi-température est développé afin de quantifier le déséquilibre vibrationnel, ou bien encore, dans le domaine de la physique de l’atmosphère notamment dans les travaux de Lopez et Valverde [79].