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Les étapes moléculaires de la perception des odeurs décrites par les approches de modélisation moléculaire

Computational approaches

Article 2 Les étapes moléculaires de la perception des odeurs décrites par les approches de modélisation moléculaire

La compréhension des comportements des protéines impliquées dans la perception des odeurs semble incontournable dans l’établissement des relations structure-odeur. Au-delà des ROs, un autre type de protéine est également suspecté de jouer un rôle important dans l’olfaction. Cette protéine, l’OBP (Odorant Binding Protein), a été découverte dans le mucus olfactif et a une grande affinité pour les molécules odorantes. Comprendre les mécanismes moléculaires de l’olfaction nécessite au minimum l’étude de ces deux protagonistes vis-à-vis des odorants. L’évolution des outils informatiques permet aujourd’hui d’aborder cette étude sous un angle computationnel. Plus en détail, la modélisation moléculaire permet de décrire la structure et le comportement dynamique des protéines avec une précision au niveau atomique, formant un « microscope computationnel ». Ces outils, basés sur la chimie théorique, permettent d’obtenir des modèles de protéines représentant chacun de ses atomes explicitement (Figure 1) et de les voir évoluer au cours du temps selon les lois de la physique. On parle de mécanique et de dynamique moléculaires. Ce « microscope » permet d’observer le comportement dynamique d’objets moléculaires afin de tenter d’identifier le mode de fonctionnement des ROs et des OBPs.

Figure 1. Gauche) modèle tridimensionnel du ROi7 de la souris. Elle a été obtenue par reconstruction

par homologie et est liée à une molécule d’octanol. Droite) Structure expérimentale de l’OBP 3 du rat liée au décanol. Pour les deux modèles, la structure secondaire est symbolisée en cartoon (hélices en beige, feuillets en gris et coudes en cyan). Les chaines latérales des acides aminés sont représentées par des lignes (les atomes de carbone sont en gris, les atomes d’azote en bleu et les atomes d’oxygène en rouge). Le ligand est dans les deux cas présenté sous la forme de son volume de van der Waals en bleu foncé.

52 Les OBPs dans les mécanismes de l’olfaction

Les OBPs appartiennent à la famille des lipocalines. Elles sont exprimées dans le mucus olfactif qui recouvre notre épithélium olfactif. Ces protéines possèdent une forme rappelant celle d’un tonneau et sont composées d’une cavité de liaison hydrophobe et d’une surface extérieure hydrophile. Elles aideraient à la solubilisation des molécules odorantes, souvent hydrophobes, dans le mucus olfactif composé principalement d’eau. Solubilisent-elles les odorants pour les transporter jusqu’au ROs, ou pour nettoyer le mucus olfactif ? Entrent-elles en interaction avec les ROs ? Leur implication exacte n’est pour l’instant pas clairement établie.

Les ROs, la pierre angulaire de la perception des odeurs.

Les ROs interagissent avec les molécules odorantes et transforment le signal chimique de ces composés en signal électrique transmis à notre cerveau (que nous appelons une odeur). Nos gènes expriment environ 400 types de ROs fonctionnels. Ils sont majoritairement localisés dans nos neurones olfactifs mais ils peuvent également être exprimés de façon dite « ectopique » dans d’autres organes. Un odorant est capable d’activer plusieurs ROs et un RO peut être activé par plusieurs odorants. La perception de l’odeur d’une molécule résulte du code combinatoire d’activation de ROs qui lui est associé. Aussi, chacun de ces ROs peut avoir des comportements différents par rapport à l’espace d’odorants. Certains sont dits à large spectre car ils répondent à de nombreuses molécules, d’autres sont à spectre restreint car ils s’activent de façon spécifique à seulement quelques odorants. La compréhension des mécanismes d’activation, de liaison, de sélectivité est donc cruciale pour tenter de prédire le code combinatoire associé à une molécule sur la base de sa structure. Toutefois, aucune structure expérimentale de RO n’est connue à ce jour et la modélisation moléculaire s’impose comme un outil privilégié pour répondre à ces questions.

Comment prédire la structure de ces protéines ?

La reconstruction d’une protéine dont la structure n’a pas été élucidée expérimentalement peut se faire principalement selon deux protocoles. Les méthodes dites ab initio prennent pour point de départ la séquence d’acides aminés de la protéine cible (sa structure primaire). Elles prédisent la structure secondaire de celle-ci grâce aux propriétés de ses acides aminés. En appliquant les lois de la physique, il est possible de déduire la structure tertiaire la plus probable de la protéine.

La reconstruction dite « par homologie » consiste quant à elle à s’inspirer des structures expérimentalement connues de protéines proches. Dans le cas des OBPs, la structure de quelques- unes d’entre elles est disponible, facilitant la reconstruction par homologie. Concernant les ROs, aucune structure expérimentale n’est connue à ce jour. La reconstruction par homologie se fait donc

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par la prise en compte de structures de protéines appartenant à la même famille, les Récepteurs Couplés aux Protéines G.

Pour ces deux protocoles, l’alignement entre la séquence de la protéine cible et celles d’autres protéines de la même famille reste le point crucial. Un décalage même infime de cet alignement aura des conséquences sur le modèle final. On comprend donc facilement l’intérêt de concevoir un alignement de séquences pertinent et si possible validé par des méthodes expérimentales (de mutagénèse dirigée par exemple). Cet aspect a été développé dans ces travaux de recherche et sera présenté ultérieurement.

Quelle sont les performances des méthodes de chimie théorique ?

La modélisation moléculaire permet d’observer et d’analyser les systèmes moléculaires. Les méthodes les plus couramment utilisées dans l’étude des ROs et des OBPs sont le docking et la dynamique moléculaire. Le docking consiste, par exemple, à identifier la position d’une molécule odorante dans la cavité de liaison d’une protéine. La position la plus stable de cette molécule en fonction des propriétés de la cavité est prédite sur la base de leur énergie d’interaction. La dynamique moléculaire permet quant à elle de faire évoluer un système moléculaire grâce aux lois de la mécanique du point, ou mécanique Newtonienne. Dans ce cas le comportement dynamique du système peut être observé.

L’utilisation des méthodes théoriques alliées aux validations expérimentales est particulièrement adaptée à l’étude de ces protéines et a permis d’apporter de nombreuses connaissances sur leur mode de fonctionnement. Comment ces protéines lient-elles les molécules odorantes ? Comment se comportent-elles de façon dynamique ? Certains résidus sont-ils plus importants que d’autres ? Nous répertorions dans cette revue les études de modélisation moléculaire réalisées sur les protéines impliquées dans l’olfaction ainsi que les grandes avancées qui en ont découlé. Grâce à ces outils, un microscope computationnel est pointé sur notre perception des odeurs.

Nous noterons que malgré l’apport considérable de ce genre d’approche, certaines questions restent en suspens. Ces deux protéines sont-elles capables d’interagir ? De quelle façon les ROs s’activent lorsque le message chimique transmis par molécule odorante est capté ?

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