Chapitre 1 : Introduction générale 3. Les étapes de l’analyse inverse L’analyse inverse peut-être décomposée en 4 étapes : 1) Détermination de la topologie du réseau trophique. 2) Détermination des équilibres de masse et des équations. 3) Ajout de contraintes biologiques. 4) Calcul de la solution ou des solutions. 3.1. Détermination de la topologie du réseau trophique Cette étape consiste à déterminer dans un premier temps les acteurs du réseau trophique autrement dit les espèces et compartiments ‘non vivants’ constituant l’écosystème considéré. Il est possible, par souci de simplification, de regrouper certaines espèces entre elles pour former des compartiments : on parle alors de réseaux trophiques agrégés. L’agrégation peut se faire selon plusieurs critères : par groupe taxonomique (Leguerrier et al., 2004), par régime alimentaire et mode de nutrition (Leguerrier et al., 2003), etc. Johnson et al. (2009) ont montré que ce dernier critère est celui qui altère le moins la structure du réseau trophique et qui est le plus proche de la réalité. Une fois les compartiments vivants et non vivants déterminés il s’agit de définir quels sont les flux possibles entre ces compartiments c’est-à-dire les liens trophiques unissant les compartiments. Des questions essentielles se posent alors : Qui mange qui ? Qui ou quoi est importé ou quitte le système ? Quelle est la forme de la matière non vivante rejetée ? (Niquil et al., 2011). Les compartiments sont toujours codés par 3 lettres (exemple : microphytobenthos = mpb). Puis les flux définis précédemment sont également codés et stockés sous forme d’un vecteur colonne nommé . Les flux sont écrits sous la forme « C (pour carbone) espèce source TO espèce puit ». L’espèce source est l’espèce d’où part le flux (expéditeur) et l’espèce puits correspond au destinataire du flux. Si on considère le flux de broutage de microphytobenthos par les déposivores (dep), le flux est alors codé CmpbTOdep. La production primaire brute (gpp) du microphytobenthos est symbolisée par CgppTOmpb. 20 3.2. Détermination des équilibres de masse et des équations Les équilibres de masse pour un compartiment donné correspondent à un bilan des flux entrant et des flux sortant. Les flux entrants sont définis comme les flux dont le destinataire est le compartiment considéré. Ils correspondent à la consommation et à l’import de ce compartiment. Au contraire les flux sortant sont déterminés comme les flux dont l’expéditeur est le compartiment considéré. Les flux sortant regroupent la respiration, l’excrétion, la prédation et l’export du compartiment considéré. La différence : somme des flux entrant moins somme des flux sortant est égale à zéro lorsque le compartiment présente une biomasse constante, ce compartiment est alors considéré à l’équilibre de masse. Dans le cas d’une différence non nulle, le compartiment est en déficit de masse si le bilan est négatif tandis qu’une différence positive signifie une accumulation de biomasse. Par défaut, l’analyse inverse considère les variations de biomasses négligeables par rapport aux flux, c’est-à-dire que la biomasse des compartiments est considérée à l’équilibre (i.e. flux entrants = flux sortants). A ces équilibres de masse viennent s’ajouter les flux dont les valeurs ont été estimées sur le terrain. Les équilibres de masse et les flux connus (i.e. estimé sur le terrain) sont écrits sous la forme d’équations linéaires : . La matrice (m,n) (i.e. m lignes et n colonnes) est composée des coefficients des équilibres de masse et des mesures de terrain. (n,1) correspond au vecteur de l’ensemble des flux du réseau trophique déterminé dans le 1), et b (m,1) est un vecteur ligne composé des valeurs des observations de terrain et des valeurs des équilibres de masse de chaque compartiment. La lecture de la matrice se fait de manière verticale (figure I-5). 21 Figure I-5 : Schéma représentant les vecteurs et la matrice résultants des étapes 1 et 2. La matrice A’ (n,m) correspond à la transposée de la matrice A et le vecteur b’(1,m) à la transposée du vecteur b. Prenons pour exemple la colonne 1 de la matrice A’ : cette colonne correspond à l’équilibre de masse du compartiment mpb, et se lit : 1*CgppTOmpb – 1*CmpbTOdep – 1*CmpbTOdet – 1*CmpbTOres – 1*CmpbTOexp = 0. La colonne 3 correspond à la mesure sur le terrain de la production primaire du mpb et se lit 1*CgppTOmpb = 183,60. 3.3. Ajout de contraintes biologiques Afin d’obtenir des valeurs plus réalistes pour les flux manquants, des contraintes biologiques sont ajoutées aux équilibre de masse et aux équations. Ces contraintes correspondent à des taux physiologiques (exemple : efficacité d’assimilation) ou à des données sur les flux ou les processus provenant d’un milieu/écosystème présentant des caractéristiques similaires au milieu/écosystème considéré. Ces données sont issues de la littérature et sont considérées comme des connaissances a priori des organismes et du type d’écosystème. Cette étape de l’analyse inverse est très importante car la précision des résultats en dépend : plus le nombre de contraintes est important et plus les bornes inférieures et supérieures de ces contraintes seront affinées, et plus les valeurs calculées pour chaque flux inconnu seront proches de la réalité et donc fiables. mpb dep det gppTOmpb mpbTOdet 1 0 0 1 0 -1 1 0 0 0 -1 0 1 0 1 0 -1 1 0 0 -1 0 0 0 0 0 -1 0 0 0 -1 0 0 0 0 0 0 -1 0 0 CgppTOmpb CmpbTOdep CmpbTOdet CdepTOdet CmpbTOres CdepTOres CmpbTOext CdetTOext 0 0 0 183.6 51 b’ A’ x’ Sens de lecture 22 Les contraintes biologiques sont écrites sous la forme : , où (n,1) est toujours le vecteur contenant tous les flux du réseau trophique. (p,n) est une matrice composée des coefficients des contraintes biologiques et (p,1) est un vecteur ligne déterminant les valeurs de contraintes biologiques. La matrice et le vecteur sont construits et lus de la même façon que la matrice et le vecteur (figure I-6). Figure I-6 : Schéma représentant la matrice des inéquations . La matrice G’(n,p) est la transposée de la matrice G et le vecteur h’(1,p) est le transposé du vecteur h. La première colonne se lit -0.3*CgppTompb + 1*CmpbTOres ≤0. CgppTOmpb CmpbTOdep CmpbTOdet CdepTOdet CmpbTOres CdepTOres CmpbTOext CdetTOext h’ G’ x’ Sens de lecture mpbTOres max detTOdep max depTOdet max -0.3 0 0 0 -0.11 0 0 0 0 0 1 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 22.75 23 3.4. Calcul des solutions Grâce aux 3 étapes précédentes, un espace de solution, correspondant à un polyèdre multidimensionnel, est formé. Cet espace est limité grâce aux équilibres de masse, aux équations et aux inéquations déterminées au cours des étapes précédentes (figure I-7). Figure I-7 : schéma représentant la formation du polyèdre de solutions. Dans le premier cas à gauche, seulement 2 dimensions (ou 2 flux) sont considérés. Le flux F2 est compris entre 5 et 30% du flux F1. De plus, le flux F1 possède une valeur maximale, ainsi l’espace de solution pour le flux F2 se réduit au triangle hachuré. Lorsque que le nombre de dimensions considérées augmente, le triangle hachuré devient la figure complexe, correspondant à un polyèdre multidimensionnel. Après l’obtention du polyèdre, deux méthodes exploratoires peuvent être envisagées. La méthode dite déterministe (Vézina and Platt, 1988) ne propose qu’une seule solution qui remplit à la fois conditions d’équilibres de masse, d’équations et de contraintes biologique à la sortie de l’analyse inverse. Une méthode plus récente propose l’échantillonnage aléatoire de l’espace des solutions (Kones et al., 2006; Van den Meersche et al., 2009). Plusieurs solutions remplissent alors toutes les conditions pour chaque flux et sont proposées en sortie de l’analyse inverse. F1 F2 F2≤ 30% F1 F2≥ 5% F1 max 2 dimensions n dimensions 24 Dans le document Modélisation du rôle du biofilm dans le fonctionnement du réseau trophique de la vasière de Brouage (Bassin de Marennes-Oléron) : influence sur les flux de carbone et conséquences sur la stabilité (Page 45-50)