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CHAPITRE 3 : ÉTAPES D’UNE EXPERTISE DE BORNAGE

3.3 Cueillette de la preuve testimoniale

3.3.1. Étape 1 : Préparation et planification

La littérature souligne que « la planification et la préparation ont un effet déterminant sur le déroulement de l’entrevue »242. En effet, une bonne préparation permet à l’enquêteur de diriger son interrogatoire de façon cohérente, d’éviter les omissions et de faire preuve de professionnalisme. Les sous-sections suivantes présentent des moyens pour préparer et planifier une audition de bornage, soit effectuer une enquête préliminaire (section 3.3.1.1), consulter et compléter la liste des témoins (section 3.3.1.2), préparer un plan d’entrevue (section 3.3.1.3) et, enfin, prévoir certaines formalités prévues dans le C.p.c. (section 3.3.1.4.).

3.3.1.1 Enquête préliminaire

Dans le cadre d’une mission de bornage, l’arpenteur-géomètre devrait avoir effectué, préalablement à l’audition, un examen des titres et une analyse foncière afin de déceler les informations manquantes, les incertitudes, les irrégularités ou encore les éléments pertinents à valider243. De plus, il est fortement suggéré de préparer un plan préliminaire des lieux qui permettra de faciliter l’échange d’information tout en réduisant une ambiguïté possible sur l’identité et sur l’emplacement des éléments mentionnés par les parties ou leurs témoins244 puisque « ces témoignages ne prennent toute leur valeur que par leur précision et leur exactitude; il ne doit pas avoir d’équivoque »245. Ainsi, tout au long du témoignage, l’arpenteur-géomètre pourra identifier les éléments physiques invoqués ou mentionnés sur le plan préliminaire246 et vérifier avec le témoin si l’information transposée sur le plan est fidèle au témoignage livré.

242 Michel ST-YVES et Michel TANGUAY, « Chapitre 1 – Psychologie de l’interrogatoire, La quête de l’aveu ou de la

vérité? » dans Psychologie de l’enquête criminelle – La recherche de la vérité, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 16.

243 Daniel FORTIN et Pierre LORTIE, La procédure de bornage, Cours de formation continue, Québec, Ordre des

arpenteurs-géomètres du Québec, 1998, p. 30 et 35; Marie-Louis BEAULIEU, Le bornage, l’instance et l’expertise, La

possession et les actions possessoires, Québec, Le Soleil Limitée, 1961, p. 206; Marc GERVAIS et Nathalie MASSÉ,

« Chapitre 4 – Enquête et analyse foncière » dans Le droit foncier et l’arpenteur-géomètre, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2016, p. 401.

244Marie-Louis BEAULIEU, Le bornage, l’instance et l’expertise, La possession et les actions possessoires, Québec, Le

Soleil Limitée, 1961, p. 206. Voir aussi Daniel FORTIN et Pierre LORTIE, La procédure de bornage, Cours de formation continue, Québec, Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, 1998, p. 33; Paul LACHANCE, Le bornage, 2e éd.,

Québec, Presses de l’Université Laval, 1974, p. 17; Société d'exploitation forestière Nord-Joli inc. c. Lafrenière, 2014 CanLII 4754 (QC CS), par. 25 et 26;

245 Paul LACHANCE, Le bornage, 2e éd., Québec, Presses de l’Université Laval, 1974, p. 17. 246 Paul LACHANCE, Le bornage, 2e éd., Québec, Presses de l’Université Laval, 1974, p. 17.

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3.3.1.2 Liste des témoins (exhaustivité)

L’arpenteur-géomètre doit interroger tous les témoins suggérés par les parties ainsi que les parties elles-mêmes247, mais également « toute personne qu’il croit en état de donner des renseignements ou en possession d’écrits, plans ou documents concernant les bornes ou limites d’un terrain qu’il est chargé d’arpenter »248. En effet, un arpenteur-géomètre qui ne prend pas en considération un témoin important ou une information pertinente livrée lors d’un témoignage verra la force probante de son expertise diminuer, ou même son expertise rejetée249 puisqu’il enfreint alors le principe du contradictoire. À titre d’exemple, dans la décision Forest c. Lemay, le juge reproche à l’arpenteur-géomètre de ne pas avoir fait enquête auprès d’un ingénieur forestier. Le juge précise à cet effet que « le tribunal considère qu’il s’agit là d’un manquement important qui vicie les conclusions du rapport de l’arpenteur- géomètre […] »250.

3.3.1.3 Plan d’entrevue

Une fois l’enquête préliminaire réalisée et la liste des témoins à interroger complétée, il est conseillé de préparer un plan d’entrevue, c’est-à-dire fixer les objectifs de l’audition et préparer une liste de questions251. En outre, ce plan permettra à l’enquêteur « d’être plus concis, d’éviter les répétitions inutiles, de poser des questions qui vont au cœur du litige, d’éviter les questions inutiles […] »252. Cette préparation permet aussi d’éviter de se concentrer sur la formulation des questions pendant l’audition.

3.3.1.4 Formalités

Enfin, de manière plus formelle, l’arpenteur-géomètre doit convenir d’une date avec les parties et leurs procureurs et envoyer un avis préalable d’au moins cinq jours253 confirmant la date ainsi que le lieu de l’audition (un lieu neutre est conseillé254). En général,

247 Gérard RAYMOND, Grégoire GIRARD et André LAFERRIÈRE, Précis de droit de l’arpentage au Québec, Québec,

Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, 1993, p. 234.

248 Loi sur les arpenteurs-géomètres, art. 50.

249 Dicaire c. Legault-Giroux, 2010 CanLII 2233 (QC CS), par.87; Forest c. Lemay, 2007 CanLII 4270 (QC CS), par. 69;

Proulx-Blanchette c. Gaudreault, 2009 CanLII 528 (QC CS), par. 35 et 38.

250 Forest c. Lemay, 2007 CanLII 4270 (QC CS), par. 69.

251 Marc GERVAIS et Nathalie MASSÉ, « Chapitre 4 – Enquête et analyse foncière » dans Le droit foncier et l’arpenteur-

géomètre, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2016, p. 401.

252 Sylvie SCHIRM et Marie Christine KIROUAK, Guide de préparation du témoin, Éditions Yvon Blais, Cowansville,

2012, p. 54

253 Code de procédure civile, art. 236, al. 2

254 Daniel FORTIN et Pierre LORTIE, La procédure de bornage, Cours de formation continue, Ordre des arpenteurs-

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l’arpenteur-géomètre laisse le soin aux parties de convoquer les témoins, et procédera par

subpoena (expression maintenant remplacée par citation à comparaître sous l’égide du

nouveau C.p.c.255) si ces dernières font face à des témoins réticents256. L’arpenteur-géomètre doit s’assurer de la présence des parties et des procureurs257 et ce, peu importe les délais (respect du principe du contradictoire).

De plus, l’arpenteur-géomètre devra prévoir la disponibilité d’un ou d’une sténographe, ce qui est fortement conseillé258 afin de permettre à l’arpenteur-géomètre de se concentrer sur l’audition proprement dite ou, à défaut, il doit « consigner le contenu [des témoignages] sur support approprié »259.

La figure suivante décortique la première étape de l’audition de bornage.

255 Code de procédure civile, art. 139, 269 et 271.

256 Daniel FORTIN et Pierre LORTIE, La procédure de bornage, Cours de formation continue, Ordre des arpenteurs-

géomètres du Québec, Québec, 1998, p. 35.

257 Marc GERVAIS et Nathalie MASSÉ, Cadre juridique concernant la Procédure de bornage au Québec, Université

Laval, 2016, p. 93, par.12; Gérard RAYMOND, Grégoire GIRARD et André LAFERRIÈRE, Précis de droit de

l’arpentage au Québec, Québec, Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, 1993, p. 234, par. 364.

258 Daniel FORTIN et Pierre LORTIE, La procédure de bornage, Cours de formation continue, Ordre des arpenteurs-

géomètres du Québec, Québec, 1998, p. 35; Gérard RAYMOND, Grégoire GIRARD et André LAFERRIÈRE, Précis

de droit de l’arpentage au Québec, Québec, Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, 1993, p. 234, par. 364; Luc

BOUCHARD et Mario PERONI, Recueil de jurisprudence sur le bornage et l’expertise foncière, Québec, Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, 1999, p. 71 et 72, citant l’arrêt Houle c. Brosseau, [1984] C.S. 260 à 263.

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