• Aucun résultat trouvé

Chapitre IV – Conception, réalisation et pré-caractérisation des nano-détecteurs HEB en YBaCuO 131

IV.6 Fabrication des dispositifs en salle blanche

IV.6.1 Étape n°1 (durée : 5 h)

L’échantillon est d’abord nettoyé à l’acétone puis placé sur une plaque chauffante (à 135 °C) pour favoriser l’évaporation de l’acétone et l’accroche ultérieure de la résine. L’échantillon est ensuite déposé sur une tournette et une goutte de la résine de lithographie électronique UV III est déposée en son centre pour "spinner" à 4000 tours/min pendant 30 s. L’échantillon est ensuite recuit à 135 °C pendant 2 min afin d’activer la résine UV III. L’échantillon est redéposé sur la tournette et une goutte de la résine de conduction électrique "ESPACER" est déposée en son centre pour "spinner" à 4000 tours/min pendant 30 s. L’échantillon est ensuite recuit à 90 °C pendant 30 s afin de sécher la résine "ESPACER".

À la suite de cette opération, l’échantillon est introduit dans le RAITH 150, selon la procédure de réglage décrite au §IV.4.2.2. Les échantillons sont peu conducteurs et les mises au point seraient impossibles sans la résine de conduction. Cependant, même avec la résine de conduction, il est impossible de visualiser des détails en deçà de 20 nm. Pour optimiser l’observation de l’échantillon et la qualité de la lithographie, nous avons procédé à de nombreux essais (fig. IV.39 et fig. IV.40), et identifié la tension de travail et les doses à utiliser. Les paramètres choisis sont : un diamètre du faisceau d’électrons (avant focalisation) de 20 µm, une tension d’accélération de 5 kV et une distance de travail de 7 mm. Les réglages (wobble, astigmatisme, focalisation) sont réalisés sur les coins de l’échantillon. Après la mise au point, on détermine le repère (u,v) attaché à l’échantillon, suivi du raccord de champ (§IV.4.2.2).

Le temps d’exposition de la résine est déduit de la mesure du courant du faisceau (de l’ordre de 70 pA) et de la dose requise pour lithographier la résine (15 µC/cm2 pour la résine UV III). Ceci définit la dose nominale, mais typiquement une lithographie se fait avec une dose allant de 10% à 200% de cette dose nominale. Pour faciliter la lecture de la dose utilisée, nous introduisons le symbole D#, où # est un chiffre indiquant combien de fois nous incrémentons la dose utilisée de 10% de la dose nominale. Par exemple, si le masque électronique est réalisé avec une dose D4, cela signifie que la dose déposée par le RAITH 150 est 40% de la dose nominale (D10).

Figure IV.39 : Influence de la tension d’accélération des électrons sur les motifs lithographiés.

À gauche : lithographie à 20 kV. À droite : la même lithographie à 5 kV.

Figure IV.40 : Influence de la dose de la lithographie électronique. La sensibilité à la dose varie d’un

échantillon à l’autre, les doses de D5 à D7 étant les plus utilisées.

L’optimisation est faite sur les motifs fonctionnels. Comme ces derniers requièrent une grande précision, nous supposons que s’ils sont réussis, les autres motifs le seront aussi. Le but est d’obtenir une antenne planaire avec des contacts d’or en son centre, de façon que ces contacts soient aussi rapprochés que possible, mais sans se toucher. Nous présentons ci-après la liste des progrès que nous avons identifiés dans nos travaux d’optimisation.

• Pour obtenir une mise au point précise, il faut accélérer le faisceau d’électrons sous 5 kV avec un diaphragme de 20 µm. Un flux d’électrons plus élevé provoque une saturation de l’image ; au contraire, un flux d’électrons moins élevé ne révèle pas tous les détails de l’échantillon.

• Pour éviter l’effet de casquette, c'est-à-dire une insolation de la résine plus large en profondeur qu’en surface, il faut limiter la diffusion des électrons dans la résine en diminuant à 5 kV la tension d’accélération des électrons. Nous supposons que la tri-couche agit comme un miroir diffusant pour les électrons incidents. Cela provoque une sur-irradiation sur une zone d’aire proportionnelle à l’énergie cinétique des électrons.

• La dose utilisée en lithographie doit s’adapter à la qualité de surface de la tri-couche. Un échantillon récent nécessite une dose D5, alors qu’un échantillon de plus d’un an requiert une dose D10. Cette observation est empirique, mais se vérifie quasi systématiquement. Par précaution, une deuxième rangée de détecteurs, insolée à la dose la plus élevée, peut être lithographiée sur la gauche de la rangée fabriquée par défaut. Cela permet d’éviter une mauvaise estimation de la dose, mais rend les étapes suivantes plus délicates.

• Le masque électronique utilisé a subi une évolution majeure au cours de la thèse. Par le passé, chaque motif devait être positionné par ses coordonnés (u,v) dans une liste de positions. Maintenant tous les motifs font partie d’un seul masque et sont donc parfaitement bien positionnés les uns par rapport aux autres. Cette nouvelle méthode permet d’éviter une erreur de positionnement des motifs, car trois règles coexistent pour déterminer le point de départ de la lithographie de chaque motif à insoler (§IV.4.2.2). Avec le nouveau masque électronique, ces trois règles coexistent toujours, mais ne s’appliquent qu’une fois pour définir l’origine du masque contenant tout les motifs.

• Le dernier problème subsistant est la précision du positionnement des motifs. La lithographie électronique excelle pour le positionnement relatif de deux motifs consécutifs. L’erreur est très faible d’un motif à l’autre ; cependant lorsque la lithographie est longue, l’erreur cumulée entre le premier et le dernier motif peut atteindre la dizaine de micromètres. Nous avons remarqué cette erreur lorsque les masques de lithographie optique ne pouvaient s’aligner correctement avec le résultat de la lithographie électronique. La solution adoptée est de lithographier en priorité les motifs fonctionnels et les motifs de positionnement nanométriques. Nous lithographions ensuite les motifs de positionnement microscopiques et macroscopiques. Les erreurs de positionnement sont donc faibles pour les motifs précis et plus élevées pour les motifs qui nécessitent moins de précision.

Une fois la lithographie réalisée, l’échantillon est extrait du RAITH 150 et les zones insolées de la résine doivent être révélées et dissoutes. Pour ce faire, l’échantillon est recuit pendant 3 min à 145 °C, puis plongé dans l’eau pendant 30 s pour enlever la résine "ESPACER". Pour cette opération, la résine protège YBaCuO supraconducteur de l’eau. Pour dissoudre les zones insolées de la résine UV III, il faut utiliser son développeur, le MF-CD-26. L’échantillon y est plongé pendant 36 s, puis il est rincé dans l’EDI pendant la même durée. YBaCuO du futur nanopont est toujours protégé par la résine ; mais dans les fenêtres ouvertes dans la résine pour le futur dépôt d’or, YBaCuO ne bénéficie que de la couche de PrBaCuO comme protection. Il n’existe pas de méthode de rinçage du développeur autre que l’eau (faire évaporer le MF-CD-26 sur plaque chauffante comporte un risque de combustion et une qualité de développement non reproductible). L’alternative serait d’utiliser une résine telle que la ZEP, qui se rince à l’isopropanol, mais la dose nécessaire est 10 fois plus grande que pour l’UV III. L’utilisation d’une autre résine électronique est une évolution qui sera sans doute nécessaire.

Après développement, l’échantillon peut être observé sous microscope optique (images des figures IV.39-40-41) et les résultats des différentes optimisations sont déjà appréciables à ce niveau.

L’échantillon est ensuite introduit dans le bâti de la machine de dépôt par pulvérisation cathodique Denton Vac., au préalable chargée d’une cible d’or. Le vide est réalisé, la pression mesurée

est de 5×10-6 mbar, à température ambiante. Le gaz introduit est de l’argon à 8 sccm de débit. Le plasma créé devant la cible d’or (en "cathode 1") est produit par un courant DC de 400 mA. La vitesse de rotation de l’échantillon était initialement de 30 tours/min. Afin de diminuer les effets de casquette, nous avons préféré laisser l’échantillon immobile. Le temps de pulvérisation est décomposé en deux périodes. La première période correspond au "décrassage" de la cible pendant 30 s : l’échantillon est alors protégé par un cache de la pulvérisation d’or, en attendant que les particules de contamination à la surface de la cible d’or soient éjectées. La seconde période correspond au dépôt : le cache est relevé et le dépôt se fait à 1,19 nm/s, soit 252 s pour obtenir une épaisseur de 300 nm d’or. Pour un bon

lift-off, l’or déposé sur YBaCuO ne doit pas être en contact avec celui déposé sur la résine, ce qui est

assuré en ayant une résine d’épaisseur faisant au moins trois fois l’épaisseur d’or déposé.

L’échantillon est ensuite retiré du bâti de pulvérisation cathodique et plongé dans un bain d’acétone où la résine se dissout progressivement (entre 30 min et 2 h). La couche d’or à la surface de l’échantillon devient visiblement ondulée. Contrairement à d’autres méthodes, l’or ne se fracture pas en éclats lors de la dissolution ; dans notre cas il faut intervenir manuellement pour retirer la couche non désirée. Il est possible d’utiliser un bain sous ultrasons, mais le manque de réglages possibles et l'intensité des vibrations risquent d’endommager la couche d'YBaCuO. La technique adoptée est donc d’utiliser deux paires de pinces brucelles, de maintenir l’échantillon avec l’une et de créer avec la tranche de l’autre une entaille à la surface de l’échantillon au niveau d’un bord. Ensuite, l’échantillon est positionné au-dessus d’un bécher et un jet d’acétone issu de la pissette est envoyé sur l’entaille, décrochant ainsi l’or déposé sur la résine dissoute. Les morceaux d’or ondulés restants sont retirés avec un paire de pinces brucelles, car seuls les motifs définis en lithographie doivent rester. Enfin, la qualité du dépôt est observée, voire mesurée (Detktak) et l’étape n°1 est achevée.

Figure IV.41 : Résultat de la première étape : antenne log-périodique en or déposée sur la tricouche

supraconductrice. Les contacts de l’antenne sont ici séparés de 340 nm, correspondant à la longueur L du futur nanopont du détecteur HEB.