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I.4 Érosion des sols

I.4.1 Érosion interne

I.4.1.1 Processus d’érosion interne

Les ruptures et les incidents causés par l’érosion interne des remblais de barrages, et de leurs

fondations, peuvent être classés selon quatre modes de rupture (Bonelli, 2013) :

 érosion interne associée à des structures traversant l’ouvrage, telles que des conduits ;

 érosion interne à travers le remblai ;

 érosion interne à travers la fondation ;

Par ailleurs, ces modes de rupture se développent progressivement dans l’ouvrage. Selon Fell

et al. (2003, 2004) le processus de l’érosion interne et du renard hydraulique dans un remblai

de digue peut être divisé en quatre phases :

 initiation de l’érosion dans une zone de concentration de fuites ;

 continuation de l’érosion ;

 progression de l’érosion avec l’élargissement de la zone de fuites jusqu’à la formation

d’un conduit ;

 formation d’une brèche qui peut conduire à la destruction totale de la structure.

Pour chaque mode de rupture, les phases de développement du processus d’érosion peuvent

être différentes, et ce selon le mécanisme initiateur de l’érosion et de sa localisation. Plusieurs

mécanismes d’érosion peuvent être la cause de l’initiation et de la progression de l’érosion

interne. Ces mécanismes sont décrits ci-après.

I.4.1.2 Mécanismes d’érosion interne

Blais (2004), donne de façon générale l’ensemble des mécanismes d’érosion pouvant causer de

l’érosion interne et qui sont de deux catégories : les phénomènes d’arrachement des particules

de sols et les phénomènes de transport. Selon Blais (2004), dans la catégorie des phénomènes

d’arrachement figurent : la boulance, le débourage, l’entraînement, la défloculation, l’érosion

régressive, l’exsolution et la dissolution. Selon Blais, le transport de particules de sols peut se

faire par deux phénomènes : le renard hydraulique et la suffusion. Cependant, l’importance de

chaque phénomène dans l’initiation d’érosion n’est pas de la même ampleur. En effet, selon

Fry et al. (2012) et Bonelli (2013) quatre mécanismes principaux sont à l’origine de l’initiation

de l’érosion interne : i) suffusion, ii) concentration de fuites, iii) érosion régressive, iv) érosion

de contact.

Suffusion : sous l’effet d’un écoulement d’eau, une redistribution des particules fines peut se

produire dans le sol. Le squelette solide constitué de grains de grande taille reste stable, tandis

que les particules fines migrent suivant le sens d’écoulement. La masse du sol solide ne change

pas, mais la migration des particules fines provoque un changement de porosité induisant ainsi

un changement de la perméabilité locale (Kovacs, 1981, cité par Garner & Sbokowiks, 2002).

Fry et al. (1997) (cité par Tarog, 2000) distinguent deux types de suffusions : i) la suffusion

interne : appelée aussi suffusion de volume, et qui se développe au sein d’une masse du sol. ii)

écoulement parallèle entre deux couches de sol de granulométries distinctes, elle peut être

considérée aussi comme un phénomène d’érosion de contact.

Concentration de fuites: la présence d’une zone de concentration de fuites favorise le

détachement de particules de la surface du sol dans cette zone. Selon le Comité Français des

Grands Barrages (CFGB) (Blais, 2004) les principales causes sont : les tassements différentiels,

les terriers de rongeurs, les conduites dans le corps des digues et les racines d’arbres. Selon

Bonelli (2013), certaines conditions doivent être réunies pour que l’érosion progresse jusqu’à

la formation d’un conduit d’érosion traversant la structure. Ces conditions sont liées à la

géométrie et aux conditions hydrauliques des zones d’ouverture et de fuite. Ce mécanisme

d’initiation est la cause de rupture par érosion interne de 73 % des petits et moyens barrages et

de 53 % des grands barrages (Fry et al., 2012).

Érosion régressive : c’est un processus mécanique qui se déclenche en aval des ouvrages

hydrauliques et remonte progressivement vers l’amont. Ce phénomène concerne

principalement les sols granulaires (Tarog, 2000). Le détachement des grains de sol en aval

survient lorsque les gradients hydrauliques et les vitesses d’écoulement sont suffisamment

élevés pour causer l’arrachement et le départ des grains de sols de la surface de contact. Le

processus se poursuit ensuite progressivement vers l’amont. Le départ de particules de sols

s’accélère alors par l’augmentation du gradient hydraulique. La progression du processus

engendre l’initiation du phénomène de renard. Deux types d’érosion régressive peuvent être

distingués (Blais, 2004). i) le déchaussement : qui concerne les remblais, en effet en pied de

pentes des talus, l’initiation de l’écoulement provoque la déstabilisation des matériaux formant

le squelette du sol. Ces matériaux sont transportés par écoulement ce qui déstabilise le remblai

provoquant un glissement de terrain. Ce glissement apporte de nouveaux matériaux qui seront

à leur tour entrainés. Le processus perdure par augmentation des gradients hydrauliques

(diminution des chemins hydrauliques) et/ou par affaissement du remblai (augmentation de la

pente en aval). ii) l’érosion régressive par conduits: des conduits se développent depuis l’aval

et progressent par érosion des matériaux jusqu’en amont de l’ouvrage.

Érosion de contact: l’érosion intervient dans ce cas dans la zone de contact entre un sol

granulaire (type gravier) et un sol fin. L’écoulement qui se fait dans un sens parallèle à

l’interface de contact, peut alors provoquer l’érosion et le départ des particules fines (Fry et al.,

2012). L’érosion de contact est favorisée à l’interface de couches de sol de granulométrie et de

perméabilité différentes. Selon Beguin et al. (2012) l’érosion de contact intervient lorsque deux

contrainte hydraulique qui doit atteindre un niveau assez élevé pour causer le détachement des

particules. La deuxième concerne la géométrie des particules du sol fin qui doit être

suffisamment petite pour passer à travers les pores de la couche du sol granulaire. Les travaux

de Beguin (2011) montrent que l’érosion de contact peut conduire à la formation d’un conduit

d’érosion en dessous de l’interface sol granulaire/sol fin. Les essais in situ sur des digues

expérimentales montrent aussi que la formation des conduits d’érosion à l’interface de deux

sols conduit à une rapide rupture des structures (Beguin et al., 2012).

Au-delà des phénomènes d’initiation d’érosion par l’action mécanique de l’eau sur le sol, il

existe aussi un autre mécanisme d’érosion lié à la nature des sols, et qui est la dispersion, où

l’action des forces électrochimiques éloigne les particules les unes des autres dans le fluide. Le

mécanisme est régi par les forces de répulsion qui engendrent l’extension de la double couche

(Gray & Rex, 1961). Les mécanismes responsables du passage d’une substance colloïdale

initialement floculée vers une forme dispersée peuvent être de nature physique, chimique, ou

physicochimique. Sherard et al. (1976a) expliquent que la principale différence entre une argile

dispersive et une argile non dispersive réside dans la nature des cations présents dans l’eau des

pores. Les argiles dispersives ont une prépondérance du sodium, tandis que, les argiles non

dispersives ont une prépondérance des cations de calcium et de magnésium. Holmgren et

Flanangan (1977) (cité par Pham, 2008) distinguent quatre phases qui régissent le processus de

dispersion des argiles : l’hydratation, la désaération, le gonflement et finalement la dispersion

proprement dite. Le processus est initié par l’hydratation et la désaération quiconduisent à la

séparation des agrégats et de particules de sol non saturé. Le gonflement commence à se

développer avant la saturation du sol et peut continuer après saturation. finalement la dispersion

proprement dite se produit lorsque le processus de relâchement des particules est suffisamment

grand pour produire un fort déplacement relatif entre les particules (feuillets) constituant le sol

(Pham, 2008).