• Aucun résultat trouvé

Épaisseur d’équilibre en fin de drainage

Dans le document Entraînements visqueux (Page 61-64)

Nous avons vu que l’épaisseur du film se stabilise en fin de drainage à la hauteur de la texture. Ce même équilibre est également obtenu lorsque l’on dépose un film liquide à très basse vitesse (Ca < Cac, cf. partie 2.12), ou en plongeant une extrémité de la surface dans

le liquide et en laissant celui-ci imprégner spontanément la texture. Il paraît intéressant de préciser les mécanismes en jeu dans cet équilibre, et en particulier de se rendre compte que la gravité modifie en réalité l’épaisseur du film liquide.

3.4.1

Gradient d’épaisseur de film

La figure 3.11 schématise en coupe l’interface liquide/air du film captif. La condition de mouillage total se traduit par un accrochage de la ligne de contact au sommet des piliers. De plus, le film liquide est le siège d’un gradient de pression hydrostatique, compensé à l’équilibre par la pression de Laplace issue de la déformation de l’interface. Plus précisé- ment, notant Rc le rayon de courbure de l’interface, l’équilibre de ces deux pressions s’écrit

(l’origine de l’axe x est à la surface du bain) : γ Rc

= ρgx (3.5)

Figure 3.11 – Schéma du film captif en fin de drainage, soumis à la gravité. Entre les piliers, on assimile l’interface à une portion de sphère de rayon Rc.

Lorsque l’on s’éloigne de la surface, les effets de pression hydrostatique sont de plus en plus importants et l’interface est de plus en plus déformée. Le film ne pouvant pas se déformer indéfiniment, il ne peut exister que jusqu’à une hauteur maximale xmax. Plus

précisément, le film pour exister doit rester accroché au sommet des pilier (sinon le raison- nement que nous avons présenté ne tient plus), ce qui se traduit par :

– un angle θapp entre le ménisque et le plot strictement positif, c’est à dire Rc > p/2

3.4. ÉPAISSEUR D’ÉQUILIBRE EN FIN DE DRAINAGE 53

justifié par le fait que la pression hydrostatique, donc la courbure de l’interface, sont quasiment constants à l’échelle de p).

– δ < hp

C’est la géométrie de la texture qui détermine laquelle de ces inégalités est violée en premier, et fixe ainsi l’extension maximale du film (figure 3.12). Si les piliers sont "très" hauts par rapport à leur espacement (ce qui est le cas sur la plupart des surfaces utilisées jusqu’à présent) c’est la condition sur θapp qui est limitante. Associée à l’équation 3.5, elle

fournit une hauteur maximale de film xmax :

xmax ∼ 2

a2 p

Cette hauteur, égale à celle atteinte par un liquide mouillant dans un capillaire de taille p (dite hauteur de Jurin), vaut environ 20 cm pour p = 20 µm. Si l’on veut faire tenir un film captif sur une grande surface avec une épaisseur homogène, il faut donc s’affranchir de la gravité, en le plaçant par exemple horizontalement. Ceci peut limiter l’intérêt de cette technique dans d’éventuelles applications pratiques. Les expériences présentées jusqu’ici ont été réalisées avec des surfaces d’environ 2 cm, sensiblement plus petites que xmax, ce

qui explique que l’effet de la gravité sur le film captif résiduel ait été négligé.

Figure 3.12 – Schéma des deux limites d’existence du film. Lorsque hp  p, la taille du

film est limité par le détachement de l’interface du sommet des plots, qui a lieu lorsque l’angle θapp entre le ménisque et le plot s’annule. Lorsque hp  p, le film s’arrête lorsque

l’interface entre en contact avec la surface du wafer (δ∼ hp).

Lorsque hp est plus faible, ou lorsque les plots sont très espacés (ce qui est le cas pour

les surfaces ultra-diluée utilisées à partir de la partie suivante), c’est la condition δ < hp

qui fixe la taille du film. Plus précisément, la flèche δ de l’interface entre deux piliers est reliée à Rc et au pas p du réseau par la relation (on néglige le rayon des piliers) :

Rc ∼

δ 2 +

p2

8δ L’équation 3.5 fournit alors l’expression de δ :

δ(x) = a 2 x 1− r 1 p 2x2 4a4 !

54 CHAPITRE 3. DRAINAGE TEXTURÉ

Si l’on suppose que l’effet de la gravité est faible (soit δ p), elle se simplifie en : δ(x) = p

2x

8a2 (3.6)

Cette dernière équation nous permet d’évaluer xmax dans le cas des petits plots. En effet,

δ(xmax) = hp impose :

xmax ∼

8a2hp

p2 (3.7)

Cette dernière expression n’est évidemment valable que si δ  p, soit hp  p. Elle nous

indique également que la transition entre les deux expressions de xmax s’effectue pour

hp ∼ p/4 (la valeur de hp pour laquelle les deux expressions sont égales). En récapitulant,

on a donc : ( xmax ∼ 2a 2 p lorsque hp & p 4 xmax ∼ 8a2h p p2 lorsque hp . p4

L’équation 3.6 fournit également une estimation du gradient de hauteur dû à la gravité, qui a une conséquence sur l’interprétation des expériences effectuées. On s’attend en effet à mesurer à l’aide de l’interféromètre (qui sonde une zone beaucoup plus grande que p) une épaisseur de l’ordre de hp− δ : on devrait donc observer un gradient de hauteur sur notre

plaque. Par exemple, la différence de hauteur entre le bas et le haut d’une surface de taille l est d’ordre :

∆e = p

2l

8a2

Sur les surfaces étudiées, l ≈ 2 cm, et ∆e vaut donc 0,1 µm pour p = 10 µm et 0,5 µm pour p = 20 µm, valeurs plus faibles que les barres d’erreur présentées sur les différentes figures.

3.4.2

Mesure du gradient d’épaisseur

Pour conforter cette analyse, nous avons tenté de mesurer ce gradient d’épaisseur sur des surfaces texturées de pas p = 20 µm, p = 20,6 µm, p = 28 µm et p = 66 µm, que nous avons préalablement laissées reposer plusieurs heures en position verticale, puis sur lesquelles nous avons mesuré l’épaisseur de liquide résiduelle en fonction de l’altitude x.

La difficulté de cette mesure pour les surfaces de plus faible pas tient dans le fait que le gradient de hauteur escompté est très faible. La figure 3.13 présente sur le graphique de gauche trois courbes de hauteur de liquide captif en fonction de l’altitude x. Les croix et les points représentent deux réalisations de l’expérience, entre lesquelles la surface étudiée a été retournée (le "haut" de la surface s’est retrouvé en "bas"). Le fait que ces deux courbes ne se superposent pas (en particulier l’une est croissante alors que l’autre est décroissante) est très probablement dû à un gradient de hauteur des piliers sur toute la surface de l’échantillon.

Nous avons considéré la moyenne de ces deux courbes (◦), censée représenter l’effet de la gravité seule. Comme attendu, la hauteur de liquide varie d’une fraction de micron sur l’étendue de la plaque, et linéairement avec la hauteur. Le gradient de hauteur vaut 0,8 µm/cm (il a été déterminé par un ajustement linéaire représenté en trait plein sur la

3.5. DÉPÔT ET DRAINAGE SUR DES SURFACES ULTRA-DILUÉES 55

Dans le document Entraînements visqueux (Page 61-64)