4. LES COLLECTIFS D’EXPÉRIMENTATION DÉMOCRATIQUE :
4.4. Élections et démocratie représentative : intervention grandissante des civic tech
Bien que situées en dehors des partis traditionnels, à la marge de l’échiquier politique et souvent sans orientation partisane, certaines organisations d’expérimentation démocratique situent leurs actions et initiatives au cœur du processus électif. Dans un contexte où les élections restent régulièrement jugées comme un outil largement insuffisant pour garantir la bonne marche démocratique, un certain nombre de collectifs se sont ainsi engagés vers le développement de nouveaux outils participatifs afin
de redonner aux citoyens la possibilité de devenir les principaux acteurs de la démocratie représentative et de surmonter les logiques verticales qui lui sont inhérentes.
Souvent regroupés dans la catégorie des « civic tech », qui désigne l’ensemble des projets associatifs ou entrepreneuriaux utilisant les technologies pour améliorer le système politique et parfaire la démocratie, ces collectifs ont régulièrement recours au numérique dans l’objectif d’inclure dans la participation à la vie publique une population plus large, plus rapidement, à moindre coût, et de favoriser « l’intelligence collective ». Bien qu’unies autour de cet objectif, deux tendances se distinguent toutefois par leur degré d’articulation avec les institutions de la démocratie représentative :
n Dans le premier cas, ces collectifs interviennent aux côtés des citoyens pour réduire la distance qui les sépare du pouvoir, pour les informer sur les programmes électoraux et pour les outiller afin de diffuser des éléments de connaissance sur les positionnements politiques des candidats à une élection. Ce type de projet vise à fluidifier les échanges et, par ce biais, à consolider le système électif actuel en permettant une meilleure accessibilité des intentions et programmes des candidats, comme cela est notamment proposé par la plateforme Voxe.org (voir encadré). L’objectif est ainsi de recrédibiliser le système actuel en intervenant directement sur certaines de ses imperfections, plus particulièrement en termes d’accessibilité et de pédagogie, en le modernisant et en permettant aux citoyens de s’y reconnaître. In fine, ces initiatives visent à renforcer la confiance du peuple envers les institutions représentatives et envers les hommes et les femmes politiques qui l’incarnent.
VOXE.ORG
Fondée à l'occasion de l'élection présidentielle française de 2012 pour permettre de
comparer les programmes des différents candidats, à l’aide d’une application en ligne, l’association Voxe.org diffuse plus
largement des informations neutres et accessibles sur le débat public, en ciblant plus spécifiquement les 18-35 ans.
En développant via son site internet une boîte à outils intégrant un « chatbot » (ou « agent conversationnel »), un
comparateur de programmes électoraux, des ateliers d’éducation civique et politique et une newsletter, Voxe.org est un
des principaux artisans de la « civic tech » en France et un membre actif du collectif Démocratie ouverte ainsi que des
Halles civiques
6.
Connu pour ses applications de comparateur de programmes pendant les campagnes électorales, Voxe.org a élargi
ses champs d’action pour intervenir dans le cadre de plusieurs évènements publics ou sommets internationaux, comme
la COP 21, en proposant une comparaison des positionnements des partis politiques français dans différents champs.
Cet élargissement s’est également opéré au niveau international en couvrant depuis sa création 26 élections en
Europe, en Afrique ou sur le continent américain et en étant présent dans 19 pays.
Le comparateur de Voxe utilise une technologie open source (c’est-à-dire dont le code source est ouvert) et exporte ses
données sur le portail de données ouvertes : data.gouv.fr
n Dans le second cas, les collectifs se placent en opposition plus radicale avec le fonctionnement politique et institutionnel actuel. Il s’agit alors pour eux de déstabiliser, voire de « hacker », le système politique via les élections ou la pression populaire. Il vise à une réappropriation des institutions de la
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Tiers-lieu consacré à l'expérimentation de nouvelles pratiques de démocratie participative et du débat public, La Halle civique est située à Paris dans le Pavillon du parc de Belleville. Cet espace collaboratif créé en 2018 est dédié à l’ensemble des acteurs de la participation citoyenne et de l’innovation démocratique à Paris.
démocratie par des candidats citoyens « non professionnels » et utilise pour cela les circuits de la campagne électorale pour remettre en débat les principes d’une démocratie représentative élargie. L’opposition n’est donc pas frontale, mais vise bien plus à faire advenir un nouvel ordre politique, sans détruire le précédent, en intervenant directement de l’intérieur. Les collectifs s’appuient ainsi sur les ressources, les réseaux, et les modes de fonctionnement des processus électifs pour mieux le transformer. La démarche la plus connue consiste par exemple à faire élire des représentants citoyens à l’assemblée, à la manière du collectif Ma Voix (voir encadré), afin d’obtenir un poids significatif, tant dans l’espace médiatique que dans les assemblées parlementaires. Ces mouvements refusent la personnification, la représentation et développent des expérimentations de démocratie directe en faisant élire des citoyens volontaires, formés et tirés au sort, qui voteront durant leur mandat selon les choix et décisions de leurs électeurs.