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Vers un élargissement de la place laissée aux associations au sein de la

2. Un renforcement limité des droits des étrangers du fait de la faible place laissée au

2.2. Vers un élargissement de la place laissée aux associations au sein de la

La QPC serait « la principale avancée des droits et libertés dans notre pays depuis l’abolition de la peine de mort il y a trente ans90 », en ce qu’elle compléterait notre État de

droit et permettrait de veiller au respect de libertés précieuses à toute démocratie91. Ainsi, les associations, en recherchant la protection des droits et libertés des étrangers au travers de la QPC, concourent à ces avancées. Or, si comme le déclarait Jean-Louis Debré, le Conseil constitutionnel sera toujours aux côtés de ceux luttant pour les droits et libertés ; il apparaît dès lors comme nécessaire de remédier à la place limitée de ces acteurs d’un genre particulier et d’encourager l’élargissement de la QPC.

Le contrôle a posteriori se veut être un contrôle abstrait et objectif. Ce contrôle déconnecté du litige de fond n’a que pour seule et unique visée que de révéler les atteintes aux droits et libertés constitutionnellement garantis que comportent la loi. Ainsi, tout comme le recours pour excès de pouvoir « est un procès fait à un acte92 », la QPC serait « un procès

fait à une loi ». Il n’est, dès lors, pas inconcevable d’envisager l’idée d’une ouverture de la procédure de la QPC, calquée sur celle du recours pour excès de pouvoir, afin d’en faire la nouvelle « arme la plus efficace, la plus pratique, la plus économique qui existe au monde pour défendre les libertés93 » constitutionnellement garanties. En élargissant l’intérêt à agir et en permettant ainsi aux associations d’être plus facilement à l’origine d’une QPC, c’est l’État de droit qui s’en verrait grandi. Ainsi, tout comme le recours pour excès de pouvoir l’a été pour la légalité, le contrôle a posteriori gagnerait en effectivité à devenir un « instrument mis à la portée de tous au service94 » de la constitutionnalité méconnue. En admettant une telle souplesse, les associations seraient fondées à poser une QPC dans la mesure où la disposition contestée serait susceptible de porter atteinte aux intérêts qu’elles entendent défendre. Dès

90 Discours de Jean-Louis Debré, « Protection des libertés et QPC », 21 octobre 2011

91 Discours de Jean-Louis Debré, « Protection des libertés et QPC », 21 octobre 2011

92 LAFERRIÈRE (E.), Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, 2ème éd., 1887,t. 2,

p. 560.

93 JÈZE (G.), « Les libertés individuelles », Rapport à l’institut international de droit public, Annuaire 1929, p. 180.

30 lors, les associations n’auraient plus à exploiter la technique de la QPC provoquée pour obtenir une déclaration d’inconstitutionnalité, de même qu’elles ne seraient plus contraintes à attendre qu’un justiciable soulève une QPC pour la soutenir et espérer qu’elle aboutisse. En facilitant le recours à la QPC par les associations, on encourage le développement de la QPC et on diminue le risque d’atteintes aux droits et libertés constitutionnellement garantis. L’idée d’un ordre juridique interne dépourvu de toutes dispositions législatives contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit serait ainsi à portée de main.

En outre, la nature même du contrôle a posteriori ne s’en trouverait pas atteinte. Ce contrôle étant, en effet, un contrôle objectif et abstrait, le juge constitutionnel n’a nul besoin de faits auxquels se rattacher pour apprécier la conformité d’une disposition législative. Dès lors, permettre aux associations de demander le renvoi au Conseil constitutionnel d’une QPC en dehors de tout litige n’apparaît pas comme illusoire. Les plus pessimistes craindront alors un éventuel engorgement du prétoire du juge constitutionnel. Ce serait là oublier le travail du « juge du filtre » qui demeure libre de ne pas transmettre une question dépourvue de tout caractère sérieux. D’autres dresseront la critique d’un risque de voir de nouvelles catégories de justiciables exiger le bénéfice de ce recours constitutionnel d’un nouveau genre. Ce serait cette fois-ci ignorer l’intérêt d’une telle généralisation. Celle-ci ne pourrait que favoriser l’élimination des dispositions législatives portant atteintes aux droits et libertés constitutionnellement garantis.

La transposition de l’idée du recours pour excès de pouvoir, conçu comme un recours ouvert à tous, à la QPC apparaît donc comme justifiée à bien des égards. Au regard de la démocratie, en ce qu’elle permet aux associations de défense des droits de participer au débat démocratique au travers de la justice constitutionnelle ; mais également au regard de l’Etat de droit puisque le Conseil constitutionnel sera amené à contrôler davantage de dispositions législatives et donc à davantage contrôler l’absence d’atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis. Le rôle et l’importance du Conseil constitutionnel s’en verraient ainsi renforcée. Or, « le rôle et l’importance des cours constitutionnelles sont toujours le produit du niveau général de la démocratie et de l’État de droit95 ». Démocratie,

État de droit et justice constitutionnelle ne sont pas dépourvus de liens. Dès lors, nul ne doit être tenu à l’écart de cette justice ; l’État de droit et la démocratie étant l’affaire de tous. Prôner l’élargissement de la place accordée aux associations de défense des droits des étrangers au sein de la QPC, ce n’est donc point exiger un renforcement du statut juridique

95 GARLICKI (L.), « La légitimité du contrôle de constitutionnalité : problèmes anciens c/développements récents », Revue française de droit constitutionnel, vol. 78, n° 2, 2009, p. 230.

31 des étrangers, mais c’est avant tout prôner un renforcement de la démocratie et de l’État de droit.

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Bibliographie

I. Documentation officielle

A) Textes constitutionnels et législatifs

Constitution française du 4 octobre 1958

Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République

Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie

B) Jurisprudence

1) Conseil constitutionnel

Conseil constitutionnel, décision no 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse

Conseil constitutionnel, décision no 89-261 DC, 28 juillet 1989, Loi relative aux conditions de séjour et d’entrée des étrangers en France

Conseil constitutionnel, décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990, Loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé, cons. 33

Conseil constitutionnel, décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France Conseil constitutionnel, décision n° 2011-120 ORGA du 21 juin 2011, Décision modifiant le règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité

Conseil constitutionnel, décision n° 2011-186/187/188/189 QPC du 21 octobre 2011, Mlle Fazia C. et autres (Effets sur la nationalité de la réforme de la filiation)

Conseil constitutionnel, décision n° 2011-217 QPC du 3 février 2012, M. Mohammed Akli B. (Délit d’entrée ou de séjour irrégulier en France)

Conseil constitutionnel, décision n° 2017-684 QPC du 11 janvier 2018, Associations La Cabane Juridique / Legal Shelter et autre (Zones de protection ou de sécurité dans le cadre de l’état d’urgence)

33 Conseil constitutionnel, décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018, Section française de l’observatoire international des prisons et autres (Délai de recours et de jugement d’une obligation de quitter le territoire français notifiée à un étranger).

Conseil constitutionnel, décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, M. Cédric H. et autre (Délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger)

Conseil constitutionnel, décision n° 2018-741 QPC du 19 octobre 2018, M. Belkacem B. (Délai de recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière)

Conseil constitutionnel, Décision n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019, Unicef France et autres (Création d’un fichier des ressortissants étrangers se déclarant mineurs non accompagnés)

2) Conseil d’État

Conseil d’État, or., 16 juin 2010, n° 340250, Mme Diakité

Conseil d’État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 21 mars 2011, n° 346164, M. Negmatullah A

Conseil d’État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 22 février 2013, n°364341, M. TorresMoye

Conseil d’État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 6 mars 2015, n° 373400, Comité Harkis et Vérité

Conseil d’État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 13 avril 2016, n° 394114, La Cimade et

autres

Conseil d’État, 6ème et 5ème chambres réunies, 18 juillet 2018, n° 409630, M. B.

3) Tribunal administratif

Tribunal administratif de Lille, ord., 12 juillet 2017, n° 1610295

C) Conclusions de rapporteurs publics

ODINET (G.), Conclusions sur Conseil d’État, 2ème et 7ème chambres réunies, 6 octobre 2017,

Association « La Cabane Juridique / Legal Shelter » et autre, n° 412407 PICHAT (L.), conclusions sur Conseil d’État, 8 mars 1912, n° 42612, Lafage

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D) Rapports officiels

Conseil d’État, « Le Conseil d’État et la justice administrative - Bilan d’activité 2018 », 2018 Conseil d’État, Rapport public : activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2018, 3 juillet 2019

II. Doctrine

A) Ouvrages généraux

LAFERRIÈRE (E.), Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, 2ème

éd., 1887, t. 2

B) Articles et contributions à des ouvrages collectifs

BELORGEY (J-M.), « La justice et les étrangers », Après-demain, n° 15, 2010

BORGETTO (M.), « Le Conseil constitutionnel, le principe d’égalité et les droits sociaux », in Mélanges Danièle Lochak, LGDJ, 2007

CARON-DEGLISE (A.), « Se faire entendre en justice », in AMRANI-MEKKI (S.), (dir.), Et si on parlait du justiciable du XXIème siècle ?, Dalloz, 2019

CHAMPEIL-DESPLATS (V.), « Le principe constitutionnel de fraternité : entretien avec Patrice Spinosi et Nicolas Hervieu », La Revue des droits de l’homme, 2019

DISANT (M.), « L’effet dans le temps des décisions QPC », Nouveaux Cahiers du droit constitutionnel, n° 40, juin 2013

GARLICKI (L.), « La légitimité du contrôle de constitutionnalité : problèmes anciens c/développements récents », Revue française de droit constitutionnel, vol. 78, n° 2, 2009 GUILLAUME (M.), « Question prioritaire de constitutionnalité », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, 2019

HENNETTE VAUCHEZ (S.), « «… les droits et libertés que la constitution garantit » : quiproquo sur la QPC ? », La Revue des droits de l’homme, octobre 2016

ISRAËL (L.), « Faire émerger le droit des étrangers en le contestant, ou l’histoire paradoxale des premières années du GISTI », Politix, vol. 16, n°62, Deuxième trimestre 2003

35 JANUEL (P.), « Le lobbying devant le Conseil constitutionnel : derrière les portes étroites », Dalloz actualité, 17 juillet 2019

JÈZE (G.), « Les libertés individuelles », Rapport à l’institut international de droit public, Annuaire 1929

KLAUSSER (N.), « Les associations de défense du droit des étrangers, des lanceurs d’alerte ? », La Revue des droits de l’homme, octobre 2016

LOCHAK (D.), « Les étrangers et les droits de l’homme », in Mélanges Charlier, éd. de l’Université et de l’enseignement moderne, Paris, 1981

LOCHAK (D.) et JULIEN-LAFERRIÈRE (F.), « Les expulsions entre la politique et le droit », Archives de politique criminelle n° 12, 1990

LOCHAK (D.), « La QPC, une protection efficace des droits et libertés ? Un impact limité pour protéger les droits des étrangers », La Semaine juridique – édition générale, LexisNexis, 2013

LOCHAK (D.), « Qualité de la justice administrative et contentieux des étrangers », Revue française d’administration publique, 2016

LOCHAK (D.), « Les usages militants du droit », La Revue des Droits de l’Homme, n° 10, 2016

MILLARD (E.), « La Constitution ignore les étrangers », Plein droit, n° 94, 2013

PELOSI (Y.), « Une avancée incertaine pour l’effectivité des recours des demandeurs d’asile « prioritaires » », La Revue des droits de l’homme, 2014

PERRIER (J-B.), « L’immigration et la maîtrise de la solidarité », RSC, n°2, 08/2019

PERROUD (T.), « La neutralité procédurale du Conseil constitutionnel », La Revue des droits de l’homme, 2018

POULY (C.), « Étranger : contentieux de l’obligation de quitter le territoire français », Répertoire du contentieux administratif, Dalloz, juin 2019

RRAPI (P.), « Le « contrôle abstrait » de constitutionnalité comme obstacle à l’identification des discriminations », La Revue des droits de l’homme, 2016

36 SLAMA (S.) ; CATELAN (N.) ; PERRIER (J-B.) et al., « Jurisprudence du Conseil constitutionnel », Revue française de droit constitutionnel, n° 90, 2012

TONNEAU (J-P.), « Pratiquer le droit des étrangers, défendre une cause », Savoir/Agir, n° 14, 2010

C) Rapports non-officiels

Le défenseur des droits, Rapport « Les droits fondamentaux des étrangers en France », 9 mai 2016.

GISTI, Bilan d’activité 2018. La Cimade, Rapport d’activité 2018.

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Table des matières

Remerciements ... 1

Sommaire ... 2

Abréviations ... 3

Introduction ... 4

A) La volonté des associations de dépasser les difficultés intrinsèques du droit des étrangers par la mobilisation de la QPC ... 7

1. La QPC, un instrument juridique peu adapté au droit des étrangers ... 7

1.1. Le constat d’une faible mobilisation de la QPC en droit des étrangers ... 7

1.2. Une faible mobilisation due à des facteurs juridiques et sociologiques ... 10

2. Les associations comme vecteurs de mobilisation de la QPC en droit des étrangers14 2.1. La spécialisation des associations comme vecteur de mobilisation de la QPC14 2.2. L’intervention des associations dans la procédure QPC comme levier de mobilisation de la QPC en droit des étrangers ... 16

B) Le renforcement des droits des étrangers par la QPC : une action importante mais limitée des associations de défense des droits des étrangers ... 19

1. La QPC, un instrument au service de la cause défendue par les associations de défense des droits des étrangers ... 20

1.1. Le recours à la QPC par les associations de défense des droits des étrangers : un bouclier juridique nécessaire pour les étrangers ... 20

1.2. Le recours à la QPC par les associations de défense des droits des étrangers : une arme politique utile à l’évolution du statut juridique des étrangers ... 24

2. Un renforcement limité des droits des étrangers du fait de la faible place laissée aux associations dans la QPC : vers un élargissement ? ... 26

2.1. Une action des associations de défense des droits des étrangers restreinte par la procédure de la QPC : une efficacité limitée ... 27

2.2. Vers un élargissement de la place laissée aux associations au sein de la QPC ? ... 29

Bibliographie ... 32

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