• Aucun résultat trouvé

Élaboration de la position dépressive et fragilité narcissique

II. Cadre théorique de la recherche

II.2 Approche psychologique et psychopathologique de la personnalité des auteurs

II.2.1 Les caractéristiques de personnalité communes aux auteurs d’agressions sexuels

II.2.1.2. Élaboration de la position dépressive et fragilité narcissique

Il ressort de l’analyse de 30 tests de TAT et Rorschach par Chabert et al. (Ciavaldini, 2001) que « La plupart des protocoles [d’auteurs d’agressions sexuelles] relèveraient d’états-limites, dans la mesure où ils dénotent une très grande dépendance à l’objet, mais selon des modalités qui varient considérablement d’un sujet à l’autre, même si les mécanismes de défense, répétitifs pour l’ensemble de la population, ne permettent à aucun de ces sujets d’efficaces aménagements intrapsychiques antidépressifs. Peut-on alors faire l’hypothèse que les passages à l’acte occuperaient pour les auteurs d’agressions sexuelles la place des aménagements antidépressifs ? »

Ciavaldini (2002) constate que « L’acte d’agression s’est produit pour plus d’un tiers des auteurs d’agressions sexuelles dans une période particulière de leur vie. Les événements cités indiquent que perdure une situation traumatique ancienne entraînant pour eux une grande difficulté à traiter les signaux de « perte objectale ». Cela confirme que l’acte délictueux surgirait en lieu et place de la défaillance de leur capacité dépressive ».

Chabert et al. (In : Ciavaldini, 2001) précisent cependant que « si la position dépressive reste pour l’ensemble des sujets […] impossible à élaborer, néanmoins le traitement de la problématique de perte » peut être repéré même s’il n’est pas satisfaisant.

De même, Chagnon (2000) affirme que les auteurs d’agressions sexuelles « paraissent bloqués sur l’élaboration de la position dépressive ; l’affect dépressif tantôt abrasé, déficient, tantôt massif (et cela peut être variable à l’intérieur même du protocole) n’étant pas susceptible d’être lié à des représentations de perte ».

Il explique que « Sur un plan métapsychologique on voit bien que dans ces contextes familiaux et éducatifs perturbés, la défaillance du cadre familial marquée par une surcharge d’excitations précoces, une insuffisance d’investissement narcissique et objectal a grevé les capacités du Moi d’élaborer l’absence […]. ».

Par ailleurs, Chabert et al. (In : Ciavaldini, 2001) mettent en avant que « L’objet primaire apparaît chez nos sujets comme manquant. La fonction de pare stimuli et de holding, défaillante, n’a pas permis la constitution d’un objet interne stable ».

Ces auteurs précisent d’ailleurs que « c’est la confrontation à l’imago féminine-maternelle qui désorganise […] la majorité de la population étudiée ici » et qu’elle « est évoquée le plus souvent comme inconsistante, avec des contours flous […], comme un reste de présence, parfois aux limites du tangible […] ».

Ils font ainsi état d’une « angoisse de la perte d’un « objet maternel psychique », selon le terme de Freud (1926), à peine constitué, parfois aux bords de l’informe et de l’inconsistant, si peu capable de contenir ou d’apaiser la détresse du moi du nourrisson. De plus, l’objet maternel psychique, ce « presque rien », peut devenir mauvais […]. L’angoisse de perte d’objet se redoublerait alors d’une angoisse devant la perte d’amour de la part d’un objet à peine présent et virtuellement menaçant, ces sujets se retrouveraient dans la position que Freud spécifie comme féminine dans Inhibition, symptôme et angoisse. »

Ces angoisses sont donc étroitement liées aux caractéristiques spécifiques de l’objet maternel.

II.2.1.2.2 Fragilité narcissique

La relation aux images parentales des auteurs d’agressions sexuelles étant caractérisée par une absence de stabilité ou une trop grande excitation, celles-ci n’ont donc pas rempli leur rôle pare-excitant (Bouchet-Kervella, 1996 ; Chagnon, 2000) et cela a pour conséquence une grande fragilité narcissique des sujets : « dans tous les cas, on trouve au premier plan des troubles graves du narcissisme, une fragilité du sentiment de continuité identitaire, et une menace d'effondrement dépressif sous-jacent, liée à des angoisses majeures d'altération voire de disparition de la représentation de soi. » (Bouchet-Kervella, 2002).

Les sentiments d’identité et d’altérité sont de fait compromis. (Faoro-Kreit, 1998).

Chagnon (2004, 2005) résume ainsi une conclusion principale de la première conférence de consensus « sur cette question de la psychopathologie et du traitement des auteurs d'agressions sexuelles », qui a eu lieu en France en novembre 2001, dans laquelle un lien est établi entre les passages à l’acte sexuels et cette fragilité narcissique : « malgré le polymorphisme clinique des conduites déviantes et la diversité des configurations psychopathologiques, ces troubles du comportement sexuel correspondent moins à des troubles de la sexualité proprement dits qu'à des solutions défensives par rapport à des angoisses majeures concernant le sentiment identitaire, angoisses consécutives à des carences fondamentales de l'environnement primaire au cours de la petite enfance. »

Neau (2001) précise que, pour Balier, « « la mise en acte radicale, avec un enjeu de vie et de mort » caractérise les agresseurs sexuels et empêche de les cantonner dans le champ de la perversion. »

Pour Coutanceau (1996), « On retrouve souvent la coexistence d’un Moi faible, fragile, se vivant facilement humilié, sensible à la blessure d’amour-propre, et d’un Moi infantile à tonalité mégalomaniaque, voulant développer un sentiment de toute puissance, avec néantisation de l’autre. Cette organisation narcissique immature mal différenciée se construit de façon chaotique sur une trajectoire existentielle marquée assez fréquemment par des

traumatismes réels, qu’il s’agisse de traumas sexuels, de traumas physiques (violence corporelle intempestive), de traumas psychiques (relation parentale sadisante, avec quasi interdiction à un enfant passif d’exprimer ses éprouvés). La fréquence de ces divers traumatismes est patente et, en même temps, tout se passe comme s’il y avait une subjectivité mystérieuse de vécu de la blessure narcissique occasionnée, évoluant à bas bruit. […]».

II.2.1.2.2.1 Le fétichisme

Le fétichisme est envisagé par les différents auteurs comme lié au déni de la castration et donc à la fragilité narcissique des sujets.

Husain (In : Tychey (de), 2007) déclare ainsi, concernant le fétichisme que « L'organisation perverse étant un des aménagements possibles de l'état limite et le problème de tous les états limites étant le deuil de la complétude, il n'est pas étonnant de retrouver des particularités identiques (notamment l'expression des pulsions partielles cf. les détails fétichistes) chez d'autres états limites, ce qui n'en fait pas des pervers pour autant! ».

Neau (2001, p.38-39) rappelle aussi que, pour Balier (1996), « l'enjeu narcissique phallique révélé par les recherches de Freud sur le fétichisme est lui aussi commun aux [auteurs d’agressions sexuelles et aux pervers] : « perte de d'identité sexuelle ou perte d'identité tout court, tel est le danger évité par la création du fétiche » [Balier, 1996], qui vient ériger à l'extérieur le phallus paternel impossible à intérioriser, et prolonger le narcissisme exacerbé du sujet, éventuellement sous la forme d'une personne fétichisée. ».

II.2.1.2.2.2 L’hypothèse d’un « masculin maniaque » proposée par Neau (2005) Neau (2005) identifie un point commun concernant le fonctionnement psychique des auteurs d’agressions sexuelles qu’elle dénomme « masculin maniaque » et à travers lequel la grande fragilité narcissique des auteurs d’agressions sexuelles est là encore mise en avant : « Parmi les modalités d'organisation psychique de ces sujets, des mouvements apparaîtraient très fréquemment sur un registre « masculin maniaque », qui tenteraient de les défendre contre une passivité originaire et une différenciation sexuelle source d'une détresse et d'une menace majeure de perte, voire d'anéantissement […] : perte de la perception de l’objet surtout, mais aussi perte narcissique, du moi comme objet. ». Elle émet l’hypothèse que c’est l’« échec de cette lutte anti-mélancolique, qu’un usage maniaque du pénis ou de ses substituts essaierait de relayer dans le recours à l’acte d’agression sexuelle, ultime tentative de sauvegarde psychique selon Balier ».

Cette notion se trouve aussi dans la publication, un peu antérieure, de Bauduin et Bouchet-Kervella (2003) qui parlent de « besoin de lutter contre l’horreur de la passivation » chez les

« pervers sexuels ».

II.2.1.3. Évolution libidinale et problématique oedipienne

Documents relatifs