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Des éléments structurels en défaveur d’une évolution des référentiels

Des éléments structurels en défaveur d’une évolution des

référentiels

La question des statuts

Un responsable de service dans une bibliothèque relatait, lors d’un entretien informel le cas d’un agent qui refusait d’accomplir une tâche car elle n’était pas inscrite dans le référentiel Bibliofil’. Or le référentiel n’a aucune valeur juridique et n’est pas opposable devant la loi. La présentation de REME le précise bien : ce répertoire n’est pas un outil juridique, ce sont les statuts qui priment.

Les emplois de la fonction publique sont effectivement strictement encadrés par les décrets portant statut des différents corps, pour la fonction publique d’État ou des cadres d’emploi pour la fonction publique territoriale. Concernant les bibliothèques les différents décrets correspondant aux métiers des bibliothèques datent de 1988 à 1992. Les missions qu’ils décrivent ne correspondent plus parfaitement avec ce que sont devenues les bibliothèques, ce qui a été souligné de nombreuses fois lors des entretiens menés au cours de cette étude. Cette inadéquation, qui fait écho à celle constatée dans les référentiels métiers, pourrait encourager une rénovation conjointe des deux outils, afin de penser une meilleure articulation.

Mais la réforme des statuts est une question réellement distincte de celle de la rénovation des référentiels métiers et Philippe Marcerou, inspecteur général des bibliothèques, dans l’ouvrage Les métiers de bibliothèques106, affirme que si une

telle réforme est souhaitable elle n’est pas encore d’actualité. La réflexion sur la réforme de statuts est complexe. Si Philippe Marcerou défend la conser vation de la logique de filières, il reconnaît que cette logique ne doit pas être « enfermante » et nuire à la mobilité des agents. Les statuts, tout en décrivant les missions principales doivent rester suffisamment souples et larges, ce qui semble aller à l’encontre d’une logique qui se dirige vers une personnalisation des administrations. Les référentiels métiers sont un outil pour préciser les missions et les activités et pallier cet aspect général des statuts et ils doivent s’adapter à tous les types de structures.

Il est donc indispensable que, d’une part les statuts, correspondent à une logique de filière, reflétant les missions générales du métier et que les référentiels, bien que plus détaillés sur les activités des bibliothèques soient suffisamment souples pour être applicables à toutes les sortes de structures.

Statuts et référentiels peuvent et doivent cohabiter et être utilisés de façon complémentaire. Une refonte des référentiels n’est pas nuisible à une future réforme

106 MARCEROU, Philippe. Nouvelles fonctions, nouveaux statuts ? Dans : Les métiers des bibliothèques. Paris :

III. Pistes de réflexion pour une autre gestion des compétences dans les bibliothèques

des statuts même si, d’une certaine manière, il est possible qu’elle alimente la réflexion à ce sujet.

Notons par ailleurs que les organisations de représentation du personnel se sont souvent exprimés contre l’établissement des référentiels métiers. Catherine Lancha107, représentante du SNASUB aux Commissions administratives paritaires (CAPN) des bibliothécaires d’État concède qu’ils sont considérés comme des outils allant à l’encontre des statuts et permettant d’attribuer à des agents des tâches qui ne correspondent pas à leur catégorie. Cette position a été clairement exprimée au moment de l’établissement de Bibliofil’ car le ministère refusait d’adosser le référentiel aux statuts. Référens, dont la corrélation avec les corps statutaires a été mieux accepté de la part des syndicats. Cependant Catherine Lancha reconnaît aussi que les éléments statutaires sont dépassés et qu’ils ne répondent plus à la réalité.

L’articulation des référentiels métiers avec les statuts n’est donc pas une évidence et nécessite de mettre en place une démarche de dialogue avec les différents acteurs concernés.

Un pilotage interministériel difficile à imaginer

Une refonte des référentiels métiers des bibliothèques ne pourrait s’envisager sans, a minima, le soutien des deux ministères dont dépendent les personnels de bibliothèque, le MESRI et le ministère de la Culture. Or les entretiens menés avec les interlocuteurs des deux ministères108 révèlent que la refonte des référentiels métiers ne figure pas dans les priorités ni de l’un, ni de l’autre, même si elle apparaîtrait souhaitable.

Au MESRI, le référentiel Référens vient de faire l’objet d’une mise à jour particulièrement complexe. Il doit en effet répondre aux besoins des employeurs universités et aux besoins des employeurs organismes de recherche dont les finalités ne sont pas superposables. La question est d’autant plus cruciale que Référens est un référentiel de recrutement. C’est sur lui que reposent les fiches de postes proposées aux concours, une logique fort différente des concours de la filière bibliothèque. Pour cette raison, il paraît impossible aujourd’hui de mieux intégrer les métiers des bibliothèques dans ce référentiel. Par ailleurs, le MESRI est engagé dans une réflexion sur les référentiels métiers mais pour des fonctions transverses à forte responsabilité, comme celles de directeur‧trice général‧e des services, directeur‧trice des ressources humaines. Intégrer à cette démarche la rédaction d’une fiche correspondant aux fonctions de direction de bibliothèque ou de service documentaire serait une piste intéressante à explorer. Une autre ouverture possible serait la démarche actuelle de mise à jour du RIME et du REME. Participer à cette démarche permettrait de revoir les fiches métiers consacrées aux bibliothèques

Au ministère de la Culture, Emmanuelle Favre admet qu’il est nécessaire d’évaluer les référentiels afin de les rendre plus sincères avec la réalité des bibliothèques aujourd’hui. Par ailleurs, le répertoire des métiers de la culture nécessite une mise à jour car il n’a pas été actualisé en même temps que le RIME.

107 Entretien mené le 22 août 2018.

108 Entretien avec Nadine Collineau, sous-directrice de la gestion des carrières, Dominique Bellascain, cheffe du

bureau des personnels de bibliothèques, Marie-Josée Maugeais, adjointe au chef de bureau des personnels ITRF et qui a travaillé sur la dernière refonte de Référens et Denis Guillaumin, chargé au sein de la DGRH de l’actualisation du REME et du RIME le 26 juillet 2018 pour le MESRI et entretien avec Valérie Gaye, cheffe du département des ressources et de l'action territoriale - Bureau des moyens et territoires et Emmanuelle Favre, cheffe du bureau de la filière des professionnels des bibliothèques. MCC le 19 juillet 2018

La BnF est étroitement associée à cette démarche de mises à jour puisqu’elle est le plus gros employeur de personnels de bibliothèques au sein du ministère. Cependant la BnF gère ses équipes de façon très autonome et les services centraux ont donc rarement à traiter avec les personnels de bibliothèque. Emmanuelle Favre reconnaît enfin qu’elle n’a aucun usage de Bibliofil’.

Des conflits d’usage difficiles à résoudre

Les objectifs assignés aux référentiels et aux répertoires que nous étudions dans ce travail sont assez nombreux et variés : outil pour la GPEC, de recrutement, de communication, etc. Mais peuvent-ils réellement remplir tous ces rôles ? En effet a-t-on les mêmes besoins de description lorsque l’on souhaite encourager des étudiants à passer des concours de la fonction publique que lorsque l’on étudie avec un agent ses possibilités de mobilité ou sa montée en compétences.

Les outils qu’utilisent les managers dans les bibliothèques ne sont pas réellement pensés pour être opérationnels. Rappelons ici les propos de Hugues Bertrand, le directeur du Céreq : la logique des emplois-types n’est pas adaptée à l’encadrement rapproché, elle n’est pas un « outil de pilotage et d’organisation ».

L’approche quant à la rénovation des référentiels ou à la réflexion sur de nouveaux outils doit prendre en compte cette logique d’usages différenciés.

Face à des dynamiques qui semblent propices à une