LE CAS DE SOLIDARITES INTERNATIONAL
A. Un élément de la charte remis au premier plan
activité vient également en réponse aux enjeux concurrentiels du secteur, car comme le déclare Renaud Douci, le manque de notoriété est un facteur ayant poussé à l’intégration du témoignage à la communication de Solidarités International.
2. L’OPERATIONNALISATION D’UNE ACTIVITE DEJA EXISTANTE
Nous avons vu que l’exercice stratégique et les discussions faites pendant cette réflexion ont poussé l’organisation à mettre en place et développer une activité de témoignage. Nous l’avons évoqué précédemment, le témoignage a toujours fait partie de la communication des ONG. En effet, que ce soit à travers des photos ou vidéos du terrain, ou encore l’interview de bénéficiaires ou d’employés, l’ONG témoignait déjà des réalités vécues sur le terrain, si l’on se fie à la simple définition du mot « témoignage ». Néanmoins, cette activité se voit aujourd’hui donner un nom, et n’est plus vu comme simple « outil de communication ». Le témoignage de différencie d’une certaine manière au sein de l’ONG comme activité à part entière. Nous allons voir de quelle manière s’y prend Solidarités International pour intégrer et « opérationnaliser » comme le nomme Renaud Douci le témoignage à sa stratégie de communication.
A. Un élément de la charte remis au premier plan
La Charte de Solidarités International est intéressante à étudier car nous permet d’identifier les valeurs et les principes de l’ONG. L’article 8 de la Charte, stipule : « Témoin des situations difficiles dans lesquelles elle s’engage, Solidarités International s’efforce d’informer et si nécessaire d’alerter l’opinion publique ». Tout comme l’illustre les conditions de création de l’ONG, Solidarités International a depuis le début eu pour mandat de témoigner. En effet, nous l’évoquions dans la présentation historique de l’organisation, l’association a eu pour objectif premier de témoigner des conditions de vies difficiles de la population afghane dans les années 80 auprès des autorités françaises. Cependant, même si le témoignage fait partie intégrante de l’histoire de l’ONG, elle ne s’est pas pour autant développé comme pour d’autres ONG. Renaud Douci nous explique, « C’est écrit dans la charte de Solidarités, qu’on doit témoigner. C’est peut-‐être quelque chose qu’on avait un peu, pas oublié, mais peut-‐être mis en arrière-‐plan parce que l’important est sur l’action. Peut-‐ être qu’on ne comprenait pas en quoi le fait de témoigner de ce qu’on faisait et de ce qu’on voyait pouvait nous aider à rendre notre action un peu plus forte, plus efficace, plus rapide etc. ». Ainsi, nous comprenons que l’organisation a préféré donner la priorité, et les investissements, aux actions purement opérationnelles du terrain. Et cela revient à l’histoire de la création du service de communication chez Solidarités International.
Si le témoignage était jusque là mis en arrière-‐plan à la faveur d’autres actions de l’organisation, elle se retrouve aujourd’hui au centre de l’exercice stratégique. En effet, l’organisation fait part de sa volonté d’ici 2020 : « En 2020, Solidarités International portera haut et fort son combat contre les maladies liées à l’eau. Ses actions en urgence auprès des populations sur le terrain des conflits et des catastrophes naturelles placent l’ONG comme un témoin privilégié des crises humanitaires. Sa mission de témoignage renforce ses actions sur le terrain. Solidarités International pèse de son expérience et par son influence dans le débat pour rendre possible une aide humanitaire engagée et responsable ». C’est donc sur ce projet que l’ONG décide de remettre au premier plan cet article 8 de la Charte de l’organisation, pour les raisons évoquées jusque là concernant l’utilité et l’efficacité du témoignage.
Nous nous sommes tout de même intéressé à la question de savoir pourquoi l’ONG a mis plus de temps que les autres à développer son activité de témoignage. En effet, Solidarités International fait partie de la génération des « sans-‐frontiéristes », mais n’a pas évolué exactement de la même manière au niveau communicationnel. Renaud Douci nous déclare, « nous, on a pris un autre chemin. C’est à dire que on a choisi d’être des acteurs de terrain avant tout, dans des pays pas forcément évidents, l’Afghanistan, le Rwanda, la Roumanie etc. Alors il y a des actions de communication qui ont fait parler de Solidarités, mais c’est vrai qu’on n’a jamais réussi à se maintenir là. On le voit pendant les urgences, on arrive très bien à collecter. Et puis dès qu’on est en période « hors urgence médiatisée », on revient à un niveau de collecte qui est le nôtre. Et, je pense que ça a été le fruit de toute une histoire, c’est à dire qu’on a toujours voulu imputer le plus d’argent possible sur le terrain. On a toujours été plus ou moins à 90% de notre budget qui va sur le terrain. Donc concrètement, on a plus d’argent pour faire de la com’ ou de la collecte à un bon niveau. On gardera ce choix stratégique là, mais en essayant de jouer sur des leviers évènementiels, des leviers relations presses etc. pour essayer d’inverser un peu la tendance ». Les choix stratégiques faits par l’ONG ont donc privilégié les actions opérationnelles plutôt que les actions de communication, d’où une arrivée plus tardive sur l’activité de témoignage. Ceci ne semble néanmoins pas décourager l’organisation qui garde une vraie plus-‐value, de par son expertise, dans le secteur. Renaud Douci donne son point de vue, « quand demain, il y a une crise dans tel ou tel pays, on aura quelque chose à dire, et il faudra le dire d’une façon un peu musclée que ce que l’on a fait jusqu’à présent. Tout en restant en respect stricte de notre principe, de notre mandat. Mais il faudra forcément le dire un peu plus fort et haut que d’habitude. C’est comme ça qu’on arrivera, je pense, à créer comme ça une demande en quelque sorte, et d’être attendu sur ces points là ». C’est par ailleurs ici un autre point qui va nous intéresser, à savoir les moyens mis en œuvre, aussi bien dans l’immédiat que pour ces prochaines années, pour développer et mettre en place cette activité de témoignage. Comment est-‐ce que l’ONG va essayer de répondre aux enjeux définis par l’exercice stratégique grâce au témoignage ? Nous nous y intéressons dans le point suivant.
B. Les étapes de la mise en place du témoignage : un long processus ?
L’exercice stratégique propose différentes étapes pour la mise en place du témoignage au sein de l’organisation. Nous allons, de par nos observations faites durant le stage, et par les différents points mentionnés dans l’exercice stratégique, faire un compte rendu de ces étapes. Bien sur, Renaud Douci, Directeur de la communication nous éclairera tout au long de cette partie.
Tout d’abord, il est utile de rappeler que c’est le service de communication et de développement qui est garant de la mise en place de cette activité. Même si le témoignage sera, sous la volonté de la direction, le travail de tous les acteurs de l’organisation, la mise en place et l’institution seront effectuées par les équipes de communication. Une des premières choses mises en œuvre par l’organisation, a été de réorganiser l’équipe de communication. En effet, une des volontés évoquées lors de l’exercice stratégique était de désigner un chargé de communication pour s’occuper de la mise en place du témoignage. Or, dans la configuration telle qu’elle était au moment de l’exercice stratégique, le département ne comptait qu’une chargée de communication, s’occupant aussi bien des missions que de la communication évènementielle et institutionnelle. C’est alors que ce poste a été scindé en deux, et le poste de « chargé de communication mission et témoignage » a été attribué à la personne initialement au poste de chargée de communication. Pour ce qui est de la communication évènementielle et institutionnelle, un nouveau recrutement a été fait. Le département communication et développement s’est donc retrouvé, non pas avec une, mais deux chargées de communication.
Le poste de chargée de communication missions et témoignage est « le » lien avec les missions et le référent des futurs chargés de communication terrain. L’exercice stratégique indique que la « personne est en charge de la production des témoignages et de leur diffusion sur les médias Solidarités International, conformément aux objectifs de communication et de collecte de l’ONG. Il appuie les missions pour la communication mission financée par les bailleurs : plans de communication, organisation des projets de communication ». Ainsi, la première chose a été de créer d’une certaine manière un poste en charge du témoignage, et uniquement de la communication « missions » ou de « terrain ». Une fois l’exercice stratégique conclu, et présenté à tous les salariés du siège, le service de communication s’est interrogé sur la définition du « témoignage ». En effet, même si cela a pu être discuté au cours de la réflexion de l’exercice stratégique, une définition exacte et propre à l’organisation n’a pas été établie. De plus, c’est lors de ces discussions qu’a pu être discuté le rapprochement entre « témoignage » et « plaidoyer ». Il convenait ainsi de définir de la façon la plus concrète possible le témoignage, aussi bien pour le service de communication lui-‐même, que pour les autres acteurs de l’ONG. C’est alors que la personne qui occupe le poste de chargé de communication missions et témoignage, a commencé à établir un véritable travail de définition et de recherche sur cette activité de