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Structure générale

2.4 Élém ents clés et lim ites de l’approche

La théorie d’options réelles est un outil puissant pour gérer l'incertitude et a le potentiel de mieux évaluer la vraie valeur des projets flexibles. Cependant, il est important de souligner que cette théorie apporte peu de valeur dans certaines situations. Autrement dit, son utilisation exige que le projet d’investissement en question soit :

- Évaluable

- Évolue dans un contexte d’incertitude - Comporte une certaine flexibilité

- Soit au moins partiellement irréversible.

- La valeur du projet est calculable : l’application de la théorie vise à estimer la valeur masquée dans le projet qui s’ajoute à sa valeur cf. équation (3) et à réduire ses risques. Par conséquent, la valeur et les risques du projet doivent être mesurables. En d'autres termes, les modèles mathématiques nécessaires à l’évaluation doivent être disponibles avant l’application de cette théorie (Trigeorgis, 1988).

- L’évolution du projet est incertaine : les options financières ont été créées pour s’affranchir de l’incertitude sur le prix des actifs financiers. Les options réelles héritent de l’incertitude de leurs ancêtres. Si l’évolution d’un projet est connue avec certitude, la valeur d’une option réelle perd son poids. En l'absence d'incertitude, toute décision déterministe peut être analysée dans un scénario fixe bien défini.

En général, l’incertitude peut se manifester sous différentes formes. Elle peut être liée à l'environnement dans lequel évolue un projet, à l’imprévisibilité du marché, à l’apparition d’un concurrent, à des fluctuations à la hausse ou à la baisse de la valeur anticipée initialement, etc. - Le projet est flexible : la théorie d’options réelles est basée sur l'identification et la formulation

des options pour exploiter la flexibilité des projets dont l’évolution est incertaine. En effet, si les gestionnaires de projets ne possèdent pas les moyens (flexibilités) pour ajuster leur projet, même si le projet évolue dans l’incertitude, il est inutile d’utiliser les options réelles. Cela est également vrai pour les projets flexibles dont les gestionnaires sont incapables d’identifier leur flexibilité. Les gestionnaires doivent identifier les sources de flexibilité et d'options qui pourraient être utilisées. Celles-ci peuvent prendre des formes extrêmement disparates. Dans une situation simple, la flexibilité peut se résumer en la possibilité d'attendre avant d’investir et de reporter les investissements à une autre échéance, c’est le cas d’une option d’attente cf. exemple présenté par la Figure 2-1.

Cette même flexibilité peut également se manifester sous forme très complexe et combiner plusieurs aspects techniques et temporels, comme la possibilité de choisir entre plusieurs technologies à la suite d’une période d’apprentissage et de recherche/développement, ou la possibilité de choisir entre un développement séquentiel et un développement parallèle pour répondre aux besoins du marché.

2.4 Éléments clés et limites de l’approche

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La difficulté d’identification de cette flexibilité ainsi que son niveau d’importance dépendent fortement du projet et de son contexte. De plus, la flexibilité est parfois gratuitement utilisée sans aucun coût additionnel. Elle peut aussi bien être matérialisée par des coûts concrets comme le cas d’un brevet ou lorsqu’un investisseur déploie des équipements supplémentaires pour se donner la possibilité d’augmenter sa productivité et ainsi agrandir son chiffre d’affaire. Le projet dans ce cas doit avoir la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux changements futurs au stade de la conception. Il est nécessaire d'incorporer des options réelles qui permettraient l’adaptabilité du projet à un certain futur envisageable22.

- L’irréversibilité : selon (Henry, 1974), les décisions irréversibles sont celles qui limitent significativement les choix possibles du décideur dans le futur. Autrement dit, une fois la décision d’investir est prise, l’opportunité de prendre une décision opposée est perdue. Malgré le fait que dans la plupart des situations on peut réagir pour limiter cet effet, il est impossible de recréer le même contexte et faire revenir le passé. En effet, toute décision est au moins partiellement irréversible. (Dixit et Pindyck, 1995) souligne l’importance de l’irréversibilité dans la prise des décisions. Il insiste également sur le fait que l’optimisation de choix décisionnel et la valeur d’option d’attente perdent leur valeur dans le cas des investissements réversibles dès lors que ces derniers peuvent être modifiés et réadaptés sans perte de la valeur.

Les investissements irréversibles exigent une analyse plus attentive parce qu’une fois la décision est prise les coûts associés ne peuvent pas être récupérés sans perte significative de sa valeur. Avec l'analyse des options réelles, il est entendu que les investissements irréversibles ainsi que leur temps d’exécution soient optimisés.

L’irréversibilité dans les options financières se présente simplement par une prime d’option. Celle-ci est versée au compte de son vendeur et est irrécupérable. La liquidité du marché finanCelle-cier facilite la capacité de revendre les actifs et ses contrats d’assurance. De ce fait, les options financières sont généralement moins concernées par l’effet de l’irréversibilité.

Malgré sa réputation prometteuse, la théorie d’options réelles doit faire face à plusieurs obstacles et surmonter certaines hypothèses avant qu'elle soit acceptée et utilisée à grande échelle. En pratique, les gestionnaires des projets n’acceptent pas facilement l’idée des options réelles pour plusieurs raisons. Ces raisons sont discutées plus en détail par (Edward Teach, 2003), nous citons :

Elle privilégie les projets risqués : la valeur de la flexibilité est une fonction d'incertitude. Par conséquent, la valeur de la flexibilité est aussi importante que l’incertitude à laquelle elle répond. Il est particulièrement important de posséder une flexibilité pour réduire les pertes dans les scénarios pessimistes et maximiser les gains dans les scénarios optimistes. En effet, la flexibilité devient plus précieuse.

_____________________________________________________ 22 Le Pont du 25 Avril sur le fleuve Tage à Lisbonne, Portugal. Le projet initial ne comprenait qu'un seul pont pour les voitures, mais la sous-structure a été renforcée pour accueillir un deuxième pont dans un futur favorable. Un deuxième pont a été ajouté quelques décennies plus tard, la nouvelle plate-forme offre également des services ferroviaires (de Neufville et al., 2008).

2.5 Modélisations

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Les options réelles doivent leur existence aux options financières. Au-delà de la ressemblance des noms et des définitions, l’analogie entre les deux se manifeste également dans les moyens de valorisation utilisés. La section suivante se focalise sur les méthodes les plus utilisées dans la valorisation des options réelles.

2.5 M odélisations

Les principales approches utilisées pour l'évaluation des options sont basées sur des simulations numériques telles que les méthodes de Monte-Carlo, des arbres polynomiaux et méthodes purement analytiques comme les équations différentielles conduisant à la formule de Black-Scholes (Scholes et Black, 1973).

Chaque approche a ses avantages et ses inconvénients et peut être utilisée pour traiter correctement certains types d'options et projets. Cette section fournit une description de ces trois méthodes d’application.

2.5.1 B lack-Scholes

La formule de Black-Scholes a été la première qui a permis un calcul direct et simple de la valeur d'une option financière (Scholes et Black, 1973). Pour estimer le prix d’une option, la formule repose sur deux hypothèses fondamentales. Premièrement, elle suppose que le prix du produit adressé par l'option est incertain et il suit un mouvement brownien géométrique. Deuxièmement, l’option est échangeable « traded » sur un marché sans possibilités d'arbitrage, ce qui permet l'utilisation du taux de rendement sans risque dans ses équations différentielles. Pour une option call23 de type européen24 la solution des équations différentielles est donnée par (7) et (8).

C = S . N(d ) − X. . N(d )

(7)

=

( )

et

= − √

(8)

C : le prix d’une option Call

S et X : le prix de l’actif actuellement et le prix d’exercice de l’actif respectivement

T, r et : le temps, le taux de rendement sans risque et la volatilité du prix respectivement N (d ) et N (d ) représentent la valeur donnée par la loi normale aux points et respectivement

X.

: ce terme représente la valeur de l’actif au moment d’exercice actualisé au présent

_____________________________________________________ 23 C'est un contrat financier, de couverture contre la volatilité du marché. Il permet à son acheteur d'acheter la marchandise à un prix fixé à l'avance (prix d'exercice).

24 Dans les contrats d’options européennes, la date d’exercice est fixée dans les contrats qui est la même date d’expiration. En effet, contrairement aux contrats américains l’exercice d’option avant cette date est interdit

2.5 Modélisations

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Une fois les paramètres présentés sont connus, l’évaluation du prix de l’option est obtenue en replaçant simplement les paramètres par leurs valeurs. Malgré son élégance, l’équation de Black-Scholes peut être difficile à comprendre sans confronter son origine théorique. A cet effet, les références (Briand, 2003) (Heimer et Arend, 2008) (Merton, 1973) (Merton, 1973) donnent des éléments pour permettre au lecteur d’approfondir le sujet.

Cette évaluation suit une modélisation en temps continu. Son utilisation dans l’évaluation des options réelles n’est pas toujours évidente. D’ailleurs, les hypothèses de la formule et ses paramètres ne sont pas forcément valables pour tous les projets d’investissements. Néanmoins, il existe dans la littérature de nombreuses applications et modèles généraux pour appliquer cette fameuse équation aux projets d’investissement. C’est le cas de (Luehrman, 1998). Ce dernier développe une analogie facilement compréhensible et simplement utilisable permettant d’obtenir la valeur d’une opportunité d’investissement en utilisant un tableau des valeurs basé sur les termes de l’équation de Black-Sholes. Dans son modèle, une association des différents paramètres est ainsi expliquée et justifiée.

2.5.2 A rbre binom ial

L’approche de l’arbre binomial pour les options réelles est largement utilisée. Elle est simple, robuste et peut être adaptée selon le projet. Contrairement à l’approche précédente, cette approche utilise une modélisation à temps discrets. Dans le cas d’un arbre binomial, deux scénarios sont envisagés à chaque échéance. Le nombre d’échéances dépend de chaque projet et de son propre contexte. L'inconvénient principal des méthodes basées sur l’arbre polynomial est la dépendance du calcul de nombre des scénarios et celui des échéances. Autrement dit, pour une bonne précision, le nombre de scénarios doit être augmenté, mais alors la complexité de calcul augmente. Pour simplifier ce dernier, une réduction du nombre des scénarios et échéances est nécessaire, ce qui entraine alors une perte de précision. Il faut donc trouver le bon compromis entre les deux approches.

2.5 Modélisations

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La Figure 2-2 ci-dessus illustre un arbre binomial, dans lequel le prix d’un actif peut évoluer favorablement comme défavorablement avec deux probabilités généralement différentes. Pour plus de détails sur cette approche, le lecture peut se référer à (Cox, Ross, et Rubinstein, 1979), (Boyle, 1988) ou (Chance, Peterson, et Peterson, 2004). Toutefois, la section suivante détaille un exemple concret basé sur cette approche.

2.5.3 Sim ulation stochastique

Étant donné la nature statique d’évaluation traditionnelle, l’estimation résultante est une seule valeur. Cette valeur actuelle nette est influencée par plusieurs paramètres qui sont rarement connus avec certitude. En effet, une analyse de sensibilité est souvent effectuée sur cette évaluation. Autrement dit, une variation des paramètres tels que les revenus, les coûts ou les taux d'actualisation, est effectuée pour analyser leur impact sur la valeur actuelle nette.

Le problème est que les valeurs des paramètres influençant la valeur actuelle nette sont souvent corrélées. Par exemple, les coûts d'exploitation peuvent augmenter proportionnellement à la capacité de production où les prix de vente peuvent être inversement proportionnels à la quantité vendue. Dans ce cas, une analyse par scénario est nécessaire.

La simulation Monte-Carlo repose sur une évaluation de quelques dizaines, centaines ou milliers de scénarios selon la précision demandée et la nature de projet étudié. La génération de variables d’entrées est réalisée par des fonctions aléatoires ou déterministes pour produire un nombre important des scénarios. À chaque scénario une évaluation est associée. Enfin, une distribution de probabilité de la valeur actuelle nette est produite pour une analyse plus poussée de l’intérêt du projet et de sa volatilité.

Dans un projet d’investissement, les options réelles sont les fruits d’une stratégie décisionnelle. Les décisions envisagées sont listées puis analysées pour chaque scénario. Un code générique est développé selon la nature de chaque stratégie. Celui-ci est intégré dans l’évaluation de chaque scénario pour calculer une nouvelle distribution de la valeur actuelle nette. Cette nouvelle distribution gère activement la prise de décisions en fonction d’évolution des scénarios. Pour cela, un modèle Monte-Carlo d’options réelles contient normalement des instructions conditionnelles pour déclencher certains choix décisionnels25 « options ». Ces déclencheurs sont intégrés dans le modèle Monte-Carlo, et peuvent être adaptés à presque tout problème spécifique. La valeur de la flexibilité « option » est obtenue en comparant les résultats avant et après l’utilisation du déclencheur concernée.

Cette méthode est largement utilisée par les industriels et dans la littérature dès lors qu’elle ne nécessite pas des hypothèses difficilement réalisables comme pour la formule de Black-Sholes. Néanmoins, elle peut être coûteuse en matière de calcul et ressources informatiques pour atteindre

_____________________________________________________ 25 Par exemple si et seulement si la demande ne dépasse pas un seuil prédéfinit, l’investissement de l’année prochaine est annulé.

2.6 Approche options réelles pour l’évaluation du prix de l’effacement

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le niveau de précision requis de la valeur d’option recherchée, surtout lorsqu’il existe plusieurs sources d'incertitude. De plus, la simulation nécessite une forme analytique des conditions d'exercice des options. Enfin, chaque source d’incertitude doit avoir une modélisation stochastique individuelle le plus proche possible de sa réalité.

Nous citons quelques exemples de la littérature qui ont développé et détaillé des exemples concrets. C’est le cas de (de Neufville, Scholtes, et Wang, 2006) qui ont développé un modèle d’options réelles basé sur une simulation Monte-Carlo dans la conception d'un garage de parc multiniveau. (Zhao, Sundararajan, et Tseng, 2004) ont développé également un modèle stochastique basé sur une simulation Monte-Carlo en plusieurs étapes pour la prise de décision dans le développement d’une autoroute. Son modèle évalue une stratégie décisionnelle avec des options réelles dans la phase de développement et d'exploitation. Enfin (Copeland, Antikarov, et Copeland, 2001) ont détaillé étape par étape l’utilisation du Monte-Carlo dans l’évaluation des options réelles.

2.6 A pproche options réelles pour l’évaluation du prix de