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Chapitre 2 — Cadres théorique et conceptuel

2.2 Cadre conceptuel

2.2.4 Élèves présentant des difficultés comportementales

Dans le cadre de ce projet de recherche doctorale, le concept d’élèves présentant des difficultés comportementales (PDC) a été retenu puisque la scolarisation des élèves ayant une problématique comportementale représente un défi de taille au-delà du fait qu’ils soient identifiés ou diagnostiqués comme ayant des difficultés ou des troubles de comportement. Le regroupement de ces deux catégories d’élèves, sous l’acronyme PDC, a permis de considérer les études ayant porté sur des élèves présentant des difficultés de comportement (en anglais, student with social, emotional and behavioural difficulties) et sur celles ayant porté sur des élèves présentant des troubles du comportement (en anglais, student with emotional and behavioral disorders). De plus, ce regroupement permet de tenir compte de la réalité du système scolaire québécois qui tend de plus en plus vers une approche non catégorielle (sans diagnostic, sans code de difficulté) pour les élèves ayant une problématique comportementale, mais dont l’organisation des services s’effectue encore en fonction des troubles (avec diagnostic et code de difficulté) (MELS, 2007). Même si le concept d’élève PDC a déjà été défini dès le début de la problématique (voir Chapitre 1, p.3), les prochaines lignes présentent quelques définitions complémentaires à celle retenue dans cette thèse. De fait, le concept d’élèves PDC et les autres termes connexes qui y sont associés sont définis de plusieurs manières autant par le MEES que par les chercheurs dans le domaine. Tout d’abord, la définition la plus simple des élèves PDC stipule qu’ils correspondent à « l’ensemble des élèves présentant des problèmes de comportement à partir du moment où ils sont perçus comme tels par leurs enseignants » (Gaudreau et Nadeau, 2015, p. 2). Ensuite, le MEES offre plusieurs définitions pertinentes à la compréhension du concept d’élèves PDC. Tout d’abord, les difficultés de comportement (DC) sont définies comme :

« Des manifestations réactionnelles généralement temporaires qui apparaissent dans un contexte particulier. Elles peuvent trouver leur origine dans les caractéristiques personnelles de l’élève ou dans son environnement scolaire. Elles peuvent aussi survenir à la suite d’événements de vie, extérieurs au milieu scolaire, auxquels doit faire face l’élève (ex. : deuil, déménagement, séparation des parents). Ces difficultés sont susceptibles de se manifester avec une intensité variable selon le lieu, le moment ou l’intervenant. Toutefois, malgré leur caractère transitoire, elles devraient être prises au sérieux et donner lieu à la mise en place de mesures d’adaptation dès leur apparition. Des interventions pour modifier les conditions environnementales suffisent habituellement à alléger la situation, voire à y remédier. Dans cette perspective, l’application d’une gestion de classe efficace représente un facteur

déterminant, puisqu’elle permet de limiter l’apparition de telles difficultés chez les élèves. » (MEESR, 2015, p. 11)

Concrètement, les difficultés comportementales correspondent donc aux manifestations perturbatrices, peu adaptées et plus ou moins volontaires qui sont non conformes aux normes, aux valeurs et aux règles établies dans un milieu (Gaudreau, 2011 ; Goupil, 2007 ; MEESR, 2015 ; MELS, 2007). Ensuite, les troubles du comportement (TC) sont définis comme :

« Un déficit important de la capacité d’adaptation qui se manifeste par de sérieuses difficultés d’interaction avec un ou plusieurs éléments de l’environnement scolaire, social ou familial. Il peut trouver son origine dans une trajectoire développementale d’inadaptation de l’élève (ex. : il a vécu de manière répétée des problèmes familiaux, scolaires ou personnels) ou dans son environnement. La fréquence, la durée, l’intensité, la constance et la complexité des comportements observés nuisent au développement de l’élève et à celui des autres élèves. En milieu scolaire, un trouble du comportement peut se manifester par des comportements « sur-réactifs », aussi appelés « extériorisés », en regard des stimuli de l’environnement (actes d’intimidation et de destruction, refus persistant d’un encadrement justifié, mensonges, etc.), ou de comportements « sous-réactifs », connus également sous le nom de comportements « intériorisés » (comportements anormaux de passivité, de dépendance et de retrait, de tristesse, d’évitement, de fatigue, etc.). » (MEESR, 2015, p. 11)

Au Québec, les professionnels des services éducatifs des centres de services scolaires divisent les élèves PDC en deux catégories qui influencent l’organisation des services qui leur sont offerts : 1) élève présentant un trouble du comportement (TC, code de difficulté 12) et 2) élève présentant un trouble grave du comportement (TGC, code de difficulté 14). Alors qu’elles sont regroupées sous l’appellation d’élèves PDC dans cette thèse, ces deux catégories d’élèves sont incluses dans l’échantillon de participants. Premièrement, l’élève ayant un TC (code 12) correspond à :

« Celui ou celle dont l’évaluation psychosociale, réalisée en collaboration par un personnel qualifié et par les personnes visées avec des techniques d’observation ou d’analyse systématique, révèle un déficit important de la capacité d’adaptation se manifestant par des difficultés significatives d’interaction avec un ou plusieurs éléments de l’environnement scolaire, social ou familial. Il peut s’agir :

• de comportements surréactifs en regard des stimuli de l’environnement (paroles et actes injustifiés d’agression, d’intimidation et de destruction, et refus persistant d’un encadrement justifié...) ;

• de comportements sous-réactifs en regard des stimuli de l’environnement (manifestations de peur excessive de personnes et de situations nouvelles, comportements anormaux de passivité, de dépendance et de retrait...).

Les difficultés d’interaction avec l’environnement sont considérées significatives, c’est-à-dire comme requérant des services éducatifs particuliers, dans la mesure où elles nuisent au développement du jeune en cause ou à celui d’autrui en dépit des mesures d’encadrement habituelles prises à son endroit.

L’élève ayant des troubles du comportement présente fréquemment des difficultés d’apprentissage en raison d’une faible persistance face à la tâche ou d’une capacité d’attention et de concentration réduite. » (MELS, 2007, p. 24)

Deuxièmement, l’élève ayant un TGC (code 14) correspond à :

« Celui pour qui une évaluation a été réalisée par une équipe multidisciplinaire, composée d’au moins l’un des professionnels suivants : psychologue, psychoéducateur ou travailleur social ; dont l’évaluation du fonctionnement global porte sur l’ensemble des données scolaires, psychologiques, psychosociales ou autres. S’il y a lieu, cette évaluation est faite au moyen de techniques d’observation systématique et d’instruments standardisés d’évaluation, dont une échelle comportementale standardisée. Les résultats sur l’échelle comportementale standardisée indiquent un comportement s’écartant d’au moins deux écarts-types de la moyenne du groupe d’âge de l’élève.

La majeure comportementale de la vie est dominée par la présence de comportements agressifs ou destructeurs de nature antisociale se caractérisant de manière simultanée par leur intensité très élevée ; leur fréquence très élevée ; leur constance, c’est-à-dire se produisant dans différents contextes (classe, école, famille, etc.) ; leur persistance (depuis plusieurs années) ; malgré les mesures d’aide soutenues offertes à l’élève. » (MELS, 2007, p. 12)

Ainsi, les élèves PDC ont fréquemment fait l’objet d’une évaluation clinique débouchant sur un diagnostic médical (p. ex. trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité [TDAH], trouble oppositionnel avec provocation [TOP], trouble des conduites, troubles anxieux). Outre les diagnostics qui leur ont souvent été attribués, il est important de rappeler que les élèves PDC ont en commun de présenter des manifestations comportementales perçues comme étant difficiles en raison des cinq critères suivants : 1) durée (plusieurs mois) ; 2) fréquence (répétition des écarts de conduite) ; 3) intensité (gravité des comportements et de leurs conséquences pour l’élève et autrui) ; 4) constance (présence des manifestations comportementales dans plusieurs contextes et environnements de vie de l’élève) et 5) complexité (présence de plusieurs difficultés associées, comorbidité avec d’autres troubles) (Kauffman et al., 2018).

2.2.5 Pratiques de gestion de classe des enseignants

Les pratiques de gestion de classe renvoient généralement à l’ensemble des actions, des habiletés, des façons de faire, des stratégies et des interventions concrètes utilisées par les enseignants, de manière habituelle et fréquente, pour gérer le fonctionnement d’une classe (inspiré de Legendre, 2005). Dans le cadre de ce projet de recherche doctorale, les pratiques de gestion de classe réfèrent à « l’ensemble des actes réfléchis, séquentiels et simultanés que le personnel enseignant conçoit, organise et réalise pour et avec les élèves dans le but d’établir, de maintenir ou de restaurer un climat favorisant l’engagement des élèves dans leurs apprentissages et le développement de leurs compétences » (Gaudreau, 2017, p. 7). Inspirée par les définitions de plusieurs auteurs importants dans le domaine (p. ex. Archambault et Chouinard, 2009 ; Bissonnette et al., 2017 ; Nault et Fijalkow, 1999), cette définition aborde la gestion de classe dans sa globalité et dans toute sa complexité.

Au-delà des nombreuses définitions du concept, la gestion de classe a fait l’objet de plusieurs recherches qui l’ont explorée sous différentes facettes. Tout d’abord, les pratiques de gestion de classe ont été étudiées à travers : 1) différentes approches d’intervention (p. ex. comportementale, cognitive comportementale ou entrainement à la responsabilité) ; 2) différents styles d’autorité (autoritaire, permissif, démocratique) (Artraud, 1989) et 3) différents types d’enseignants (interventionniste, non interventionniste, interactionniste) (Nault et Léveillé, 1997). Ensuite, les pratiques de gestion de classe ont été catégorisées en cinq composantes fondamentales dont les enseignants doivent tenir compte afin de gérer leurs classes et d’être capables d’inclure les élèves PDC (Garrett, 2014 ; Gaudreau et al., 2016 ; O’Neill et Stephenson, 2011). En mobilisant les cinq domaines clés de la gestion de classe, les enseignants favorisent la mise en place d’un environnement de classe sécurisant et bienveillant pour tous les élèves (Gaudreau et al., 2016). Le modèle des cinq composantes de la gestion de classe (CCGC) de Gaudreau (2017) stipule que, pour gérer efficacement une classe, un enseignant doit mettre en œuvre des pratiques probantes visant à : 1) gérer les ressources (temps, espace, matériel, technologie, etc.) ; 2) établir des attentes claires (règles, routines, procédures, consignes, etc.) ; 3) développer des relations positives (entre les élèves et l’enseignant, les élèves entre eux et entre les parents et l’enseignant, etc.) ; 4) capter l’attention et maintenir l’engagement des élèves sur l’objet d’apprentissage (engagement sur la tâche, perception de la tâche, etc.) et 5) gérer les écarts

de conduite (interventions proactives et réactives, etc.) (Gaudreau, 2017 ; Gaudreau et al., 2016). Développé à partir des connaissances issues de la recherche, ce modèle permet de catégoriser les sphères d’intervention et diverses activités associées à la gestion de classe indépendamment des approches utilisées par les enseignants ou de leurs styles d’autorité. Les cinq composantes de la gestion de classe ne s’inscrivent donc pas dans une approche spécifique qui dicte comment gérer la classe, mais offre plutôt un cadre d’analyse qui permet une classification des pratiques des enseignants. À ce sujet, Garrett (2014) a notamment utilisé ce cadre d’analyse dans son livre Effective Classroom Management afin de documenter les perceptions de quatre élèves vis-à-vis des pratiques de gestion de classe. Les résultats présentés dans cet ouvrage (non scientifique) témoignent de la richesse des informations que peuvent fournir les élèves par rapport aux cinq composantes du modèle. Enfin, le modèle CCGC représente donc un cadre d’analyse fort pertinent et complet pour atteindre les objectifs de recherche de cette thèse.