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CHAPITRE 5 DISCUSSION

5.1 ECRIRE AVEC LE CRAYON ET LE CLAVIER : MOTIVATION DES ELEVES DES TROIS

5.1.2 Élèves de 4 e année

En 4e année, une distinction un peu plus marquée dans la motivation envers les deux modes d’écriture commence à se dessiner, car les moyennes obtenues pour deux des quatre variables motivationnelles sont significativement différentes l’une de l’autre. Comme c’était le cas en 2e année, il n’y a aucune différence entre les deux modalités d’écriture pour ce qui est du sentiment d’auto-efficacité et du sentiment de compétence des élèves. Leurs perceptions de compétence sont donc équivalentes lorsqu’ils écrivent avec le crayon et le clavier. Cela est d’ailleurs cohérent avec les réponses qu’ils ont fournies aux questions d’appréciation des outils d’écriture, puisqu’ils ont affirmé que le crayon et le clavier sont aussi faciles à utiliser l’un que l’autre et que les deux modes d’écriture leur permettent d’écrire aussi rapidement. Ces résultats concernant leurs perceptions de compétence sont, tout comme ceux des élèves de 2e année, plutôt étonnants puisqu’il aurait été une fois de plus à prévoir que les élèves de 4e année en difficulté en écriture se sentiraient de meilleurs scripteurs lorsqu’ils écrivent à l’ordinateur, d’autant plus qu’ils sont sans doute à l’aise d’utiliser cet outil en raison des expériences qu’ils ont eu l’occasion de vivre depuis le début de leur primaire. Au 2e cycle, le PFÉQ recommande que les enseignants apprennent à leurs élèves comment utiliser le logiciel de traitement de texte à des fins de révision et de correction de texte, ce qui fait qu’à partir de la 3e année, leurs expériences d’écriture au clavier sont supposées être plus nombreuses qu’au premier cycle (en première et deuxième année, l’utilisation de l’ordinateur n’est pas prescrite par le PFÉQ). Comme ils sont

conscients des possibles avantages de cet outil, et qu’ils éprouvent des difficultés en écriture qui se sont probablement aggravées depuis le début de leur primaire (Graham et al., 2005 ; Lin et al., 2007), l’ordinateur semble à prime abord un outil de choix pour leur permettre de se sentir de meilleurs scripteurs. Or, nos résultats montrent le contraire ; malgré leurs difficultés et l’aisance possiblement acquise durant leur 2e cycle lorsqu’ils écrivent à l’ordinateur, ils se sentent aussi compétents et efficaces avec le crayon et le clavier. Aucune étude n’avait auparavant comparé les perceptions de compétence d’élèves en difficulté spécifiquement de niveau 4e année lorsqu’ils écrivent avec le crayon et le clavier. Notre recherche apporte donc une nouvelle donnée quant à ce type de perceptions qu’entretiennent les élèves en difficulté de 4e année du primaire lorsqu’ils utilisent le crayon et le clavier.

Leurs perceptions en lien avec la tâche (intérêt et valeur accordée), toutefois, sont différentes selon le mode d’écriture utilisé. Nos résultats ont montré que les élèves en difficulté de ce niveau scolaire accordent une plus grande valeur à l’écriture manuscrite, mais qu’ils ont davantage d’intérêt pour l’écriture au clavier. Les trois items ayant questionné les élèves sur la valeur qu’ils accordent à l’écriture traitent de l’importance personnelle que revêt l’écriture pour l’enfant lui-même, de l’utilité de l’écriture pour réussir à l’école, puis de son utilité à l’extérieur de l’école. La plus grande valeur accordée à l’écriture au crayon peut être liée au fait que les évaluations scolaires se réalisent de façon manuscrite. Les élèves de 4e année ont été rencontrés en fin d’année scolaire, durant une phase de préparation pour leur première évaluation ministérielle en écriture, ce qui a pu teinter leur perception de l’importance de ce type d’écriture pour la réussite scolaire, et donc leur moyenne obtenue à la sous-échelle « valeur accordée à la tâche ».

De plus, sans surprise, les résultats en 4e année ont montré que l’intérêt des élèves est plus élevé envers l’écriture à l’ordinateur. Ce résultat n’est pas surprenant, étant donné l’engouement des jeunes pour la technologie en général, tel que plusieurs études le montrent depuis quelques années avec des élèves plus vieux (Allaire, Thériault, Gagnon et Lalancette, 2011; Clark et Dugdale, 2009; Collin et al., 2012; Karsenti, 2015 ; Karsenti,

Goyer, Villeneuve et Raby, 2005). Cela corrobore les résultats de Beer-Tocker et al. (1991), obtenus auprès d’élèves de la 4e à la 6e année du primaire en difficulté en écriture (n=11). Ils ont montré que les élèves, tout âge confondu, avaient un intérêt plus soutenu lorsqu’ils utilisaient l’ordinateur plutôt que le crayon pour réaliser leurs projets d’écriture. L’intérêt des élèves a été mesuré par le temps pendant lequel ils sont restés concentrés sur leurs tâches dans la condition manuscrite et à l’ordinateur, une façon bien différente de celle retenue pour notre étude, mais qui mène aussi à un résultat en faveur de l’ordinateur.

Par ailleurs, leur intérêt à écrire révélé par leurs réponses aux items du questionnaire de motivation est conforme, cette fois, aux résultats obtenus à la première question d’appréciation des outils d’écriture « Est-ce que tu préfères écrire avec l’ordinateur ou le crayon ? », qui révèlent que les élèves de cet âge préfèrent majoritairement l’ordinateur comme outil d’écriture. Ce résultat va dans le même sens que Lewis et al. (1998), qui ont conclu que 64% des 106 élèves en difficulté de leur échantillon (de la 4e à la 12e année) préféraient écrire avec l’ordinateur plutôt qu’avec le crayon. Cependant, ces auteurs n’ont pas fait de distinction d’âge dans leur échantillon, ce qui fait que les résultats des élèves de 4e année ont été combinés avec les résultats de tous les autres élèves de l’échantillon. À notre connaissance, la seule étude ayant questionné des élèves en difficulté de 4e année exclusivement à propos de leur préférence entre le crayon et le clavier comme outil d’écriture est celle du National Center for Education Statistics menée par White, Kim, Chen et Liu (2015). En fait, cette étude porte sur les évaluations en écriture et non sur les activités d’écriture de façon plus générale. Les chercheurs ont montré que les élèves en difficulté de ce niveau scolaire (n=2080) choisissent majoritairement le clavier lorsqu’on leur demande le mode d’écriture qu’ils préféreraient utiliser pour réaliser leurs évaluations d’écriture. En fait, 73% des élèves de ce large échantillon ont répondu préférer le clavier.