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Éducation et culture, parents pauvres

de la politique

évènementielle ?

Vingt-cinq années d’une politique culturelle à Nantes, c’est ce que nous venons de voir, en essayant de comprendre le contexte d’élaboration de ces actions publiques, de déceler les incidences que cela avait avoir pu avoir sur la ville, jusqu’au glissement, du paradigme culturel vers l’établissement d’un modèle touristique.

On en a vu les répercussions sur la ville, entre son désir de notoriété, celui de vouloir peser sur l’échiquier national et européen et son envie de réconcilier les citoyens avec leur ville, celle de tendre vers l’idée d’une culture pour tous. La culture a cette « capacité à réconcilier l’endogène et l’exogène »1, c’est à dire à produire de la fierté localement mais aussi à donner de la visibilité depuis l’extérieur. C’est en cela que la culture occupe aujourd’hui cette place, et sans doute pour très longtemps encore, car elle détient cette capacité, qui appartenait jusqu’alors aux seuls clubs sportifs.

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dans les musées, la fréquentation des bibliothèques est-elle en hausse, les associations artistiques touchent-elles un plus grand public, y a t’il plus d’éducation artistique et de pédagogie cultuelle ? Les gens sont-ils vraiment plus sensibilisés à l’art ?

Et quand il est question de budget - car toutes ces manifestations coûtent de l’argent -, certain diront qu’en ces temps difficiles, le financement de la culture n’est pas une priorité. Je ne le crois pas, car la culture est justement là, dans des moments de crise plus encore, pour rassembler les populations.

Mais si la plupart des fi nancements vont aux mastodontes que sont Estuaire, Voyage à Nantes ou le Lieu Unique, qu’en est-il de ceux des petites structures, des associations artistiques indépendantes, qui ne sont pas forcément dans le circuit municipal ? Bien entendu, il y aura toujours les envieux, qui n’étant pas dans le système, vocifèrent de manquer de fi nancements. Mais cela ne traduit-il pas une réalité, que la politique engagée actuellement est plus à destination de l’extérieur de Nantes que pour l’intérieur, qu’elle est plus exogène qu’elle n’est endogène?

La prochaine étape ne devrait-elle pas être celle d’entamer un dialogue avec les Nantais, plutôt que de vouloir capter le touriste ? Afin d’engager un vaste plan de pédagogie culturelle et de médiation, pour d’abord donner envie à la jeunesse de s’intéresser à l’art, de le comprendre et peut-être - qui sait - plus tard de le fabriquer.

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Vingt-cinq années d’une politique culturelle étudiées, certes, mais seules les politiques donnant une visibilité depuis l’extérieur. Pourtant, la vie culturelle d’une cité n’est pas uniquement constituée des éléments structurants de sa politique extérieure, mais aussi de la vie associative (danse, arts plastiques, théâtre, musique, pédagogie culturelle, etc) qui y est développée.

Il y a aussi cette « culture off », loin des discours officiels, cette culture de tous les jours, qui parle quotidiennement à tous les Nantais et plus encore à ceux qui sont le plus défavorisés de ce point de vue. Jean-Claude Wallach se demande « comment rétablir les liens, les liens entre l’art, les œuvres, les artistes et les couches de la population qui en sont le plus éloignées »2.

Cet ensemble de manifestations, est certainement un début de réponse, celui de montrer au plus grand nombre, ce qui d’habitude est réservé aux plus initiés. Estuaire, les Allumés ou le Voyage à Nantes constituent une formidable occasion, celle de capter un public inhabituel, celle de montrer ce qu’est l’art contemporain, celle d’une médiation culturelle, et celle de tendre vers cette magnifique idée de la démocratisation de la culture, de la culture pour tous.

Mais dans le quotidien des gens, dans la vie de tous les jours, la magie opère t’elle toujours ? (si tant est qu’elle opère durant les manifestations)

Ce genre d’évènement attire t’il plus de gens

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collectivement, comme des sujets agissants, mettant en œuvre des jugements de goût et inscrivant leur relation à l’art et aux œuvres dans le champ plus vaste de leur relation au monde »5.

Au lieu de stigmatiser la ménagère qui regarde la Star Ac’, demandons-nous plutôt pourquoi elle en est arrivée là …

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Jean Blaise disait d’Estuaire : « La stupeur, l’affrontement éventuel avec l’œuvre, seront brusques, mais ce choc est la première pédagogie dans une société qui n’a pas pris le temps de réformer son système éducatif pour introduire sa population aux formes contemporaine. »3

Après la découverte par la stupeur d’une œuvre d’art, il faudrait probablement prendre le temps de la comprendre. «On est dans une société où on ne sait plus prendre son temps, or l’œuvre d’art demande du temps.»4

La voilà la solution, réapprenons à prendre notre temps et à souffler un instant. Mais dans cette société où l’on regarde, zappe puis jette, plus long encore sera le chemin à parcourir.

On consomme aujourd’hui le bien culturel - le bien culturel, comme s’il était un bien comme un autre - comme n’importe quelle autre marchandise. Mais il faut aussi voir ce que l’on nous donne à manger ! Le problème n’est pas tant ce que les gens « consomment » que ce qui leur est proposé.

« Il est totalement contre productif de stigmatiser rituellement une soi-disant propension des publics à « consommer » ce qui leur est proposé (la télévision en premier lieu) si on n’a pas, au préalable, montré qu’on les considère, individuellement

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