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2. Cadre théorique

2.2. L’écoute

Dès son arrivée, le patient attend d’être écouté par le thérapeute (DIENER, KARGELA et LOUW, 2016). En effet, les plaintes du patient doivent être écoutées, il est le plus à même de savoir quelles sont ses douleurs et les caractéristiques de celles-ci (HELME, 2012). Cependant les patients sont très souvent interrompus avant qu’ils n’aient pu totalement dire ce qu’ils avaient à dire. (RHOADES et al., 2001) D’après une étude faite par des chercheurs américains, 80% des patients auraient seulement besoin de deux minutes d’écoute auprès de leur médecin pour décrire leurs attentes et besoins (LANGEWITZ, 2002). De plus, l’écoute est la phase où le patient

7 parle le plus. C’est là que nous en apprenons le plus sur ce qu’il a réellement. Ne pas lui laisser le temps de s’exprimer, c’est aussi ne pas prendre le temps de bien réaliser son bilan (SIMPSON et al., 1991).

2.2.1. L’écoute en masso-kinésithérapie

Une étude réalisée en 2009, sur des patients atteints de lombalgies chroniques a montré que ces patients ont exprimé des frustrations et de la colère vis-à-vis des professionnels de santé les ayant pris en charge. Ces professionnels n’écoutaient pas les plaintes et les ressentis des patients sur leur propre corps (SLADE, MOLLOY et KEATING, 2009).

L’écoute est une des bases de notre bilan diagnostic kinésithérapique. Comme le préconise l’HAS pour la lombalgie nous devons évaluer, pour cette pathologie, les risques de drapeaux jaunes du patient. Les drapeaux jaunes correspondent aux indicateurs psychosociaux d'un risque accru de passage à la chronicité (HAS, 2019). Ces drapeaux jaunes regroupent les problèmes émotionnels, les attitudes et représentations inappropriées, les comportements douloureux inappropriés, les problèmes liés au travail et l’environnement familial défavorable. Pour identifier ces facteurs, il est donc nécessaire de laisser une place à la parole pour le patient.

Comme l’explique une étude de 2013, l’écoute à une place entière lors du bilan en kinésithérapie. En effet, le bilan diagnostic kinésithérapique commence par un interrogatoire.

C’est lors de cet interrogatoire que le patient va nous fournir les premiers renseignements sur ses ressentis à propos de sa pathologie. Ces renseignements nous permettent alors de faire un premier tri sur les symptômes du patient (LOUBIERE, BARETTE et BARILLEC, 2013). Ensuite, le thérapeute doit extérioriser le projet du patient, ce qui permettra de révéler son vécu sur sa pathologie et cela passe par l’écoute (GEDDA, 2008).

Cependant, les interrogatoires ont tendance à l’heure actuelle à se faire avec des questions fermées et donc cela laisse peu de place aux patients pour s’exprimer. L’écoute active permet de poser des questions ouvertes, avec des reformulations donnant ainsi une plus grande facilité d’expression pour les patients.

2.2.2. L’écoute active

Afin de pallier au manque d’écoute vu précédemment, le thérapeute peut adopter une écoute active. Mais qu’est-ce que l’écoute active ? C’est une façon non-intrusive qui peut se définir par un ensemble de techniques ayant pour objectif de partager les pensées et les

8 ressentis des patients. L’objectif est donc de trouver ce que le patient souhaite dire derrière les mots qu’il emploi (KLAGSBRUN, 2001). En effet, une minorité de patients parle ouvertement de ce qu’elle ressent. Les patients vont plutôt donner des indices afin de mettre le thérapeute sur des pistes. Ainsi, l’écoute est là pour creuser, pour trouver, donner les mots que les patients n’arrivent pas à exprimer (LANG, FLOYD et BEINE, 2000).

Selon ROGER et RICHARD, chaque message qu’une personne essaie de nous donner est constitué de deux composantes : le contenu du message en lui-même et la façon dont est exprimé ce même message. Pour que nous comprenions mieux ce qu’ils entendent par-là, ils s’attardent sur l’exemple d’une personne qui a fini de réaliser une tâche. Si elle dit « J’ai fini ce travail » à son patron ou « j’ai fini ce maudit travail » on peut comprendre que le message final est le même, le travail est fini, mais d’un côté la personne ne se plaint pas forcément et de l’autre elle se plaint ouvertement (ROGER et RICHARD, 1957). De plus, ils nous expliquent que cette écoute active permet aux patients d’être convaincus que nous sommes intéressés par ce qu’ils disent, que nous ne sommes pas là pour les juger. Cela met en confiance les personnes et ainsi nous permet d’obtenir des informations qu’elles n’auraient pas forcément abordé s’elles ne se sentaient pas en confiance (ROGER et RICHARD, 1957).

Cependant, l’écoute active n’est pas quelque chose d’innée. Elle demande un réel travail pour la maitriser. Comme le montre une étude suédoise de 2010, un groupe ayant réalisé un entrainement de six heures de jeux de rôle autour de l’écoute active, pose plus de questions.

Cela leur permet d’en apprendre plus sur les dires de la personne. Tandis que les personnes ayant fait six heures d’ateliers écrits, ou de simples discussions ne sont pas aussi efficaces (LISPER et RAUTALINKO, 1996). Une étude de 2004, réalisé par PAUKERT, STAGNER et HOPE, a montré qu’ils ont réussi à entraîner des assistants téléphoniques à l’écoute active et que cet entraînement était encore efficace après neuf mois sans entraînement (PAUKERT, STAGNER et HOPE, 2004).

De ce fait, s’il est possible d’entraîner son écoute active, c’est que celle-ci repose sur différentes compétences. C’est ce que nous allons voir maintenant.

2.2.3. La construction d’une compétence

Afin de mieux analyser une compétence, des auteurs comme LE BOTERF la définisse comme une « mobilisation ou [l’]activation de plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte donnés » (LE BOTERF, 2000). Les compétences, comme le montre l’article de DURAND

9 peut être vu en trois dimensions, trois savoirs : le savoir lié à la connaissance, la pratique ou le savoir-faire et les attitudes ou le savoir-être (DURAND, 2015).

La première dimension qui va nous intéresser est le savoir en lui-même, le savoir peut être défini comme un « Ensemble cohérent de connaissances acquises au contact de la réalité ou par l'étude. » (LAROUSSE, 2020a). Le savoir est donc l’ensemble des connaissances que nous avons acquises pendant notre scolarité, nos périodes de stages, nos expériences de vie etc.

La deuxième dimension qui nous intéresse est le savoir-faire, cette dimension peut être définie comme : « Compétence acquise par l'expérience dans les problèmes pratiques, dans l'exercice d'un métier. » (LAROUSSE, 2020b). Dans le cas de notre métier, le savoir-faire se raccroche à tous nos savoirs techniques, nos mobilisations, nos massages etc.

Enfin, la troisième dimension qui nous intéresse est le savoir-être, cette dimension peut être définie comme la capacité de produire des actions et des réactions adaptées à son environnement (DURAND, 1997). Elle fait donc référence à toutes les compétences que nous avons acquises durant notre vie en lien avec les autres, c’est-à-dire, avoir le bon comportement au bon moment. Le savoir-être représente aussi ce que pensent et ressentent les personnes (KURTZ, 2002).

2.2.4. Les compétences de l’écoute active

Afin de développer une écoute active la plus efficace possible, il est important de comprendre sur quelles compétences elle repose.

Selon RICCARDI et KURTZ, afin d’améliorer la communication avec le patient, les médecins doivent donner des explications claires aux patients, évaluer leur bonne compréhension et négocier un plan de traitement (RICCARDI et KURTZ, 1987). Ces compétences ne sont pas directement liées à l’écoute active, mais doivent être prises en compte dans notre traitement et donc lors de notre écoute active afin que les médecins soient les plus efficaces possible.

ROGER et RICHARD décrivent l’écoute active comme ayant cinq compétences primordiales : l’accueil, être centrée sur ce que l’autre vit et non sur ce qu’il dit, s’intéresser à l’autre plus qu’au problème lui-même, montrer à l’autre qu’on le respecte et être un véritable miroir (ROGER et RICHARD, 1957).

De plus, selon ces derniers, dans un contexte d’écoute active, en plus de ces cinq compétences, il est important d’avoir deux attitudes fondamentales : la non-directivité et l’empathie (ROGER et RICHARD, 1957).

10 ASSAL en 1992, octroie neuf composantes à l’écoute active : abandonner toute attitude autoritaire, éviter l’affrontement verbal, poser des questions ouvertes, respecter les silences des patients, répondre aux questions des patients, reformuler avec des mots adaptés, relancer, aider le patient à rester dans le concret, récapituler et fixer des objectifs.

Ces différentes composantes de l’écoute active peuvent être rangées selon le modèle de construction d’une compétence :

Savoir Savoir-faire Savoir être

• Abandonner toutes

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2.2.5. L’écoute dans l’éducation thérapeutique

L’écoute a un rôle majeur dans l’éducation thérapeutique du patient. En effet, la première étape de l’éducation du patient est de le connaître et de le comprendre. Pour cela, il faut laisser le patient s’exprimer en le questionnant sur ce qu’il sait de sa maladie, de ce qu’il se dit ou de ce qu’il s’imagine de celle-ci, de son traitement, ce que cette maladie représente pour lui dans sa vie, s’il est capable de gérer ce qu’entraine sa maladie dans sa vie au quotidien (GALLOIS, VALLÉE et LE NOC, 2009). Cette première étape de « diagnostic éducatif » nous permet de mette en avant les éléments importants à prendre en compte pour l’apprentissage à venir, de respecter la temporalité du malade dans l’acceptation de la maladie (selon le modèle d’Elizabeth KÜBLER ROSS réalisé en 1976) ou de son stade dans l’acceptation du changement (Modèle de PROSCHEKA et DICLEMENTE réalisé en 1992)

12 L’écoute active n’est pas seulement présente dans cette phase de diagnostic mais elle est aussi nécessaire dans le suivi du patient au regard de ses priorités dans l’entretien motivationnel (EM). Cela permet d’aider le patient à identifier ses freins et ses ressources à adopter pour favoriser le fait qu’il prenne soin de lui. En effet, comme le disent GOLAY, LAGGER et GIORDAN

« L’EM se présente comme une approche où l’écoute active du patient est fondamentale. » (GOLAY, LAGGER et GIORDAN, 2010). L’EM étant une méthode non-directive (LÉCALLIER et MICHAUD, 2004), il nous est alors aisé de comprendre que l’écoute est primordiale dans celui-ci.

De plus, dans le référentiel de compétences pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient, qui est un document complémentaire à l’annexe n°1 de l’arrêté du 31 mai 2013 relatif aux compétences requises pour dispenser ou coordonner l’éducation thérapeutique du patient (JORF, 2013), une compétence entière est liée à l’écoute. Dans celle-ci nous pouvons retrouver quelques compétences décrites plus haut par ROGER et RICHARD comme « Ecouter et reformuler les demandes des interlocuteurs pour s’assurer que l’on a bien compris » (INPES, 2013) ou bien encore « Pratiquer l’empathie » (INPES, 2013)

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