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La crise économique et sociale des années 1970 et 1980 Nantes, à partir des années 1960 est affectée par des transformations importantes de sa

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1. Contexte et prémices du projet

1.1 La crise économique et sociale des années 1970 et 1980 Nantes, à partir des années 1960 est affectée par des transformations importantes de sa

base économique et sociale qui vont plonger la ville dans une crise politique durable. La ville peine à réinventer un modèle de développement économique. Ces incertitudes sur le devenir économique et social de la ville se traduisent par un affaiblissement du pouvoir local, une grande instabilité et le renforcement parallèle de l'intervention de l'Etat dans le gouvernement du territoire.

1.1.1 Les transformations de la base économique

Depuis le XIXe siècle, l'économie nantaise est caractérisée par une forte composante industrielle. Dès les années 1960, cependant, l'industrie nantaise entre dans une crise qui se traduit par des destructions d'emplois et une captation des entreprises locales par des capitaux nationaux ou étrangers. Face à cette crise du système productif local, l'Etat prend une part de plus en plus grande dans la conduite du développement économique local.

Au cours du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe, Nantes a su construire une industrie diversifiée en dehors de toute intervention de l'Etat. La mécanique, les chantiers navals et l'industrie agro-alimentaire constituent le cœur de la structure économique de la ville. Les chantiers navals, installés à la proximité immédiate du centre-ville sur la Prairie au Duc et à Chantenay, font figure d'emblème de l'industrie locale. Jusque dans les années 1960, ils sont mis à contribution pour reconstruire la flotte française. En 1959, plus de 7000 personnes travaillent dans les deux chantiers nantais : les Ateliers et Chantiers de Bretagne et

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les Chantiers Dubigeon. La métallurgie3 et les industries agro-alimentaires4 comptent également parmi les grands employeurs de la ville. Comparé à cette présence massive de l'industrie, le secteur des services paraît, lui, largement atrophié5. Ces filières industrielles se sont développées dans le sillon tracé par la tradition maritime et portuaire de l'économie nantaise. La biscuiterie s'est développée afin de répondre aux besoins de la marine au long cours, de même que l'industrie de la conserve. La tradition métallurgique est née dans le sillage de l'industrie de la conserve et de la construction navale. C'est donc un ensemble de filières intégrées qui entre en crise dans les années 1960-1970. C'est aussi toute une structure sociale associée à cette économie qui va connaître de sérieux bouleversements. Sans que la ville entrevoit alors un modèle de développement économique de substitution.

La bourgeoisie industrielle et commerciale nantaise qui, jusque-là, contrôlait l'essentiel des activités industrielles, perd peu à peu le contrôle des principaux établissements et, ce faisant, la maîtrise du développement économique local. En 1968, la Biscuiterie Nantaise vend 85% de son capital au groupe américain General Mills. En 1970, le siège de Lefèvre-Utile est transféré en région parisienne et la firme est bientôt absorbée par le groupe BSN. En 1974, Brissonneau et Lotz passe sous le contrôle du groupe Jeumont-Schneider. Au même moment, Nantes voit son destin économique de plus en plus pris en main par des politiques d'aménagement menées par l'Etat6. En 1965, la création du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire soustrait le port au contrôle des Chambres de commerce. En 1966, Nantes est désigné comme métropole d'équilibre par la DATAR et bénéficie d'un certain nombre de

3 . Les Etablissements Carnaud et Forges de Basse-Indre et la Société des Forges et Ateliers du Creusot (ex-Batignolles-Châtillon) emploient chacun quelques 3000 employés. S'y ajoutent les entreprises de chaudronneries telles que Brissonneau et Lotz, Saulnier-Duval, Joseph Paris.

4 . LU, BN, Saupiquet, Cassegrain, Frigécrème fournissent les plus célèbres produits d'exportation nantais.

5 . Une autre illustration de la manière dont l'industrie marque la société locale est la très forte présence, encore sensible aujourd'hui, de l'enseignement technique à Nantes. Cette présence est à mettre en rapport avec la réouverture tardive de l'Université de Nantes, en 1962. Celle-ci avait été chassée de la ville par le maire en 1735 et s'était réfugiée à Rennes. Notons, cependant, que la faculté de médecine n'est pas concernée par cet exil et que Nantes se dote dès la fin du XIXe siècle d'une Ecole de commerce.

6 . Jusqu'aux lois de décentralisation, le pouvoir du préfet de région à Nantes ne cesse de s'accroître. Outre les fonctions et les moyens de représentant de l'Etat dont il dispose, le préfet de Nantes a aussi la charge du secrétariat de l'Etablissement Public Régional et dispose d'une mission régionale composée de chargés de mission mis à disposition par les administrations d'Etat. Le pouvoir du préfet de Région est encore renforcé à Nantes par le fait qu'Olivier Guichard, Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale de 1963 à 1968, député de Loire-Atlantique à partir de 1967, plusieurs fois ministre et président de l'Etablissement Public Régional des Pays-de-la-Loire s'appuie entièrement sur le préfet et ses services. Claude Mauffret, chargé de mission sur la recherche auprès du préfet Camous dans les années 1970, témoigne du déséquilibre entre un préfet tout puissant et des élus relayés dans les seconds rôles : "Je ne m'attendais pas cependant à un tel déséquilibre des rapports de force entre l'administration et les élus ; j'en éprouvais même une certaine gêne ; l'élu de base, le maire, le conseiller général, et même souvent le député, en était réduit au rôle de quémandeur pour sa commune, son canton ou tout autre besoin de sa circonscription. Tout ce qui avait quelque importance était imaginé, négocié, mis au point, coordonné et exécuté de façon très centralisée par les services du préfet , après accord au sommet entre celui-ci et le président de l'établissement public régional", in Régent, J.-J. (dir.), Rue Kervégan. Nantes 1977-1998, Nantes, Editions Kervégan, 1999, p. 60.

délocalisations publiques (services du Ministère des Affaires étrangères, services centraux du Casier Judiciaire, Laboratoire central des Ponts et Chaussées) et privées (services des titres de la Société Générale). En 1970, un commissaire à l'industrialisation de l'Ouest Atlantique est nommé par le gouvernement. En s'appuyant sur une association réunissant les acteurs économiques régionaux à l'échelle des trois régions Bretagne, Pays-de-la-Loire et Poitou-Charentes, l'association Ouest Atlantique, et une équipe de chargés de mission mis à disposition par les grandes entreprises publiques (EDF, Armement), ce commissaire pourvoit la région nantaise en implantations industrielles exogènes (LMT, ancêtre d'Alcatel en 1971, puis Sercel). En 1976, le gouvernement décide de l'aménagement d'un terminal méthanier à Montoir-de-Bretagne, en amont de Saint-Nazaire. Avec la décision d'agrandir la raffinerie de Donges et de construire une centrale thermique à Cordemais, l'Etat fait de Nantes-Saint-Nazaire l'un des plus importants ports énergétiques français.

1.1.2 L'émergence difficile d'une nouvelle équation sociale et politique

Ces transformations de la base économique induisent une évolution de l'identité et des structures sociales de la ville. La timide tertiairisation de l'économie renouvelle l'équation sociale nantaise. Ces transformations se font néanmoins dans la douleur dans une ville marquée traditionnellement par une forte conflictualité sociale.

"Dans les années 1960, le secteur secondaire représente encore 42% des emplois et au recensement de 1975, un tiers des Nantais est ouvrier"7. Le caractère ouvrier de la ville imprègne son climat social et politique8. Les conditions de travail extrêmement difficiles dans la métallurgie comme dans les entreprises de confection employant une main d'œuvre féminine, associée à une solide tradition anarcho-syndicaliste font de Nantes la capitale des jours de grève et ponctuent sa vie politique et sociale de mobilisations ouvrières à répétition9. Dès la moitié des années 1960, pourtant une révolution silencieuse commence, qui voit la

7 . Régent, J.-J. (dir.), Rue Kervégan. Op. cit., p. 30.

8 . Et inspire cette remarque peu amène à Jean-François Gravier : "Nantes est une ville de main d'œuvre banale, sujette à des remous violents : première place commerciale et seule place boursière à l'Ouest, la banque et les assurances y sont pourtant mal représentées. Enfin, d'après les statistiques, c'est de toutes les cités provinciales, celle où on lit le moins. Bref la pauvreté du milieu social et l'absence quasi-totale d'activités nobles traduisent une inaptitude aux fonctions métropolitaines", in L'aménagement du territoire et l'avenir des régions françaises, Paris, Flammarion, 1964, p. 337. Les milieux de l'aménagement du territoire ne sont pas, à l'époque, unanimement favorables à la désignation de Nantes comme métropole d'équilibre de l'Ouest, beaucoup lui préfèrent Rennes ou Angers. C'est Olivier Guichard qui permet à la Cité des Ducs d'emporter la mise.

9 . La composante ouvrière des mouvements de mai 1968 part des ateliers de Sud-Aviation dans la banlieue nantaise. Virginie Frappart cite une enquête réalisée en 1966 par les étudiants de l'Ecole Supérieure de Commerce de Nantes, dans laquelle, à la question "Parmi les villes suivantes, quelles sont les quatre qui ont le plus mauvais climat social ?", les cadres parisiens répondent Nantes à 76% devant Le Havre 70%, Marseille 60% et Lille 45%, in La mise en mots de la ville contemporaine, représentations et images de Nantes, thèse de doctorat de géographie, Université de Nantes, 2001, p. 65.

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montée en force de la part des employés dans la population active. La part des ouvriers dans la population active qui était de 48% en 1946, tombe à 33% en 1975 puis à 20% en 1990. La création d'emplois tertiaires compense partiellement les fermetures et délocalisations d'industrie. Jusqu'ici, les emplois tertiaires étaient concentrés dans le commerce et donc souvent directement liés aux activités portuaires et industrielles. Mais, avec le développement des administrations publiques et para-publiques, la réouverture de l'Université en 1962, la part des emplois administratifs augmente rapidement.

Dans les années 1970-80, ces mutations, si elles permettent de compenser les conséquences de la désindustrialisation, n'en suscitent pas moins une forte inquiétude identitaire dans une ville toujours caractérisée par un niveau élevé de conflictualité sociale. La ville connaît alors une longue crise sociale et politique, dont l'instabilité municipale est la plus éclatante illustration.

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