• Aucun résultat trouvé

C. Les communautés des plantes adventices : théories agronomiques et écologiques

C.2. L’écologie des communautés végétales

C.2.1. Du pool total d’espèce à la communauté

C.2.1.1.Pools d’espèces et filtres

Selon les plus récentes estimations, il existe de 300 000 à 350 000 espèces végétales dans le monde

(Millennium Ecosystem Assessment, 2005) et si la flore de France comptabilisait environ 3 000 (Coste, 1937),

environ 5 000 espèces sont comptabilisées aujourd’hui (Duhautois et Hoff, 2000). De nombreux filtres (ou

contraintes) viennent sélectionner le pool d’espèces (Figure 4) qui peuvent, dans une région donnée, coloniser,

s’établir, se développer, se reproduire, … dans un habitat donné. Sous-ensemble du pool régional, le pool

stationnel regroupe les espèces capables de s’établir et se développer dans les conditions environnementales

qu’impose le milieu. Le pool géographique rassemble les espèces capables de coloniser le milieu.

L’intersection des deux ensembles

rassemble donc des espèces capables de

coloniser un site, de s’y établir et de s’y

maintenir, et est définie comme le pool

écologique. Par la suite, du fait des

processus de coexistence, certaines

espèces ne persisteront pas dans la

communauté végétale.

Figure 4 : Pools d’espèces (bleu) dont la composition spécifique est déterminée par les processus de co-existence (souligné). Tiré de (Fried, 2007), adapté de (Belyea et Lancaster, 1999)

C.2.1.2.Processus de coexistence

L’écologie des communautés végétale étudie notamment les processus qui conduisent à la formation des

communautés. Plusieurs processus pilotent la coexistence des espèces (Figure 4) au sein de ce que l’on a défini

comme étant une communauté végétale.

− La spécialisation décrit la tolérance physiologique des espèces aux conditions du milieu (par

ex. température, fertilité du sol, pH, lumière). Elle permet d’identifier les espèces spécialistes (ayant des

exigences restreintes) qui se caractérisent par une niche réduite (Hutchinson, 1957). A l’opposé, les espèces

généralistes ont une niche potentielle très large, leur permettant de s’adapter à des conditions environnementales

très variées. Même si les espèces adventices des champs sont tolérantes aux larges conditions du milieu leur

permettant d’être présentes dans les espaces hors champ, leur amplitude de niche peut varier (Fried, 2007).

Quelles contraintes les bandes enherbées imposent-elles aux espèces ? Quelles sont les types

d’espèces qui peuvent tolérer les conditions de vie dans la bande enherbée ?

Pool régional d’espèces (diversitéγ) Pool stationnel d’espèces (adaptées à l’habitat) Pool géographique d’espèces Communauté (diversité α) - composition - richesse - abondance Contraintes environnementales Spécialisation Adaptation Colonisation Contraintes de dispersion Pool écologique d’espèces Compétition Fluctuations démographiques Contraintes de coexistence

Introduction

21

− Les interactions interspécifiques s’opèrent par la rencontre dans un espace restreint d’individus

d’espèces différentes dans la même période de temps. Même si ces interactions peuvent être positives

(facilitation), la compétition est une interaction négative car les deux organismes souhaitent utiliser les mêmes

ressources (par ex. lumière). Quel degré de compétition est exercé par la flore semée sur la flore

spontanée ?

− La colonisation d’un habitat résulte de l’échange d’individus entre communautés. Même si nous

ferons allusion à certains mécanismes de dispersion des semences, cet aspect sera peu étudié dans ce

document.

− Les fluctuations démographiques sont des variations de l’abondance des espèces qui décrivent

la dynamique des populations. Ces variations résultent du recrutement et de la mortalité des individus.

C.2.1.3.Variation spatiale de la communauté

La variabilité spatiale de la communauté existe car certaines espèces s’agrègent en patch quand d’autres sont

plus dispersées. Ainsi, la diversité de la communauté est partitionnée en plusieurs composantes, correspondant

à des échelles d’observations différentes.

La composante α correspond à la diversité locale à l’intérieur du site (quadrat). La composante β décrit la

variabilité spatiale de la diversité, regardant les différences entre les sites (bandes enherbés). La composante γ

est la diversité totale. Cette approche permet d’identifier l’échelle la plus pertinente pour décrire et gérer la

diversité des communautés végétales de toutes les bandes enherbées observées. Cela permet de comprendre à

qu’elle échelle un changement de pratique a un effet sur la diversité (Gabriel et al., 2006). Est-ce que la mise

en place de la bande enherbée augmente la diversité végétale ? A quelle échelle ? De la parcelle ? De la

parcelle et ses bordures ? Du paysage ?

La communauté végétale que l’on observera en réalisant un relevé floristique est donc composée d’espèces. A

l’exception de quelques botanistes, les noms des espèces ne sont pas toujours informatifs. De plus, ils renvoient

parfois à un pool régional d’espèces et rendent difficile la comparaison de sites différents.

C.2.2. Les traits : du concept à l’utilisation

Un trait peut être défini comme une caractéristique morphologique, physiologique ou phénologique d’une espèce

mesurable à l’échelle d’un individu sans référence faite à l’environnement ou à un autre niveau d’organisation

(Violle et al., 2007).

Le trait lui-même est une caractéristique de l’espèce, qui ne fait pas référence aux conditions du milieu. En

revanche, les valeurs que prend le trait d’une espèce varient avec les conditions du milieu. Ainsi, l’utilisation des

traits au lieu du nom des espèces présente l’avantage qu’ils ont une valeur explicative car ils sont potentiellement

en relation directe avec les filtres environnementaux qui ont sélectionnés les espèces et structurés la

Introduction

communauté que l’on observe (Figure 5). Quels sont les traits permettant le développement et le

maintien des espèces spontanées dans les bandes enherbées ?

Pool régional d’espèces Règles d’assemblage = filtres Sous-ensemble d’espèces ayant des traits MAL adaptés aux filtres

Sous-ensemble d’espèces ayant des traits BIENadaptés aux filtres P ro b a b ili d e p s e n c e d e l’e s p è c e

Figure 5 : A partir d’un pool régional, assemblage d’espèces ayant les traits adaptés aux filtres environnementaux. Tiré de (Fried, 2007), adapté de (Weiher et Keddy, 1999).

C.2.3. Les types fonctionnels

Les groupes fonctionnels permettent de regrouper les espèces qui ont des traits communs. Plusieurs

classifications fonctionnelles seront utilisées tout au long de ce travail.

C.2.3.1.Classification de Raunkiær

La classification de Raunkiær (1934) sépare les espèces en types biologiques (Figure 6) à partir de critères

morphologiques (position hivernale des méristèmes de croissance ou organe de survie) déterminant l’adaptation

des plantes à passer la saison défavorable (Raunkiær, 1934). Les géophytes ont leur organe de survie sous la

surface du sol, les hémicryptophytes à la surface du sol. Enfin les thérophytes sont des espèces annuelles, qui

passent l’hiver sous forme de semences déposées à la surface du sol.

Figure 6 : les types biologiques des espèces végétales selon la classification de Raunkiær (1934). En marron le sol. En rouge, les organes de survie (méristèmes de croissance). La ligne pointillée représente le niveau moyen de neige (NMN). On distingue alors, les espèces vivaces, 1 : phanérophyte ; 2 : chaméphyte ; 3 : géophyte dont 3a : géophyte à bulbe, 3b : géophyte à rhizome, 3c : géophyte à tubercule ; 5 : hémicryptophyte ; et les espèces annuelles, 4 : thérophyte.

Introduction

23

Cette classification est souvent utilisée hors de sa fonction première. Par exemple, dans les milieux pérennes et

fauchés comme les bandes enherbées, cette classification peut être utile. Quels types de Raunkiaer seront

les plus adaptés à la fauche (perturbation) ?

C.2.3.1.Stratégie d’établissement de Grime

Selon Grime (1979), deux gradients environnementaux représentés par les niveaux de stress et les niveaux de

perturbation (Figure 7), limitent la présence des végétaux. Seules des combinaisons d’intensités modérées de

ces facteurs permettent l’établissement d’une végétation. Il existe trois stratégies végétales principales en

réponse à différents facteurs environnementaux : la compétition (C), le stress (S), et la perturbation (R).

Figure 7 : triangle de Grime définissant la stratégie d’établissement des espèces selon leur degré de tolérance au stress (S), à la compétition (C) et à la perturbation (R).

La compétition désigne la capacité des plantes à utiliser et entrer en concurrence pour les ressources (eau, azote

…) ou pour l’espace. Le stress correspond à tout facteur abiotique qui va entraîner une limitation de la croissance

des végétaux (manque de lumière, de ressources trophiques …). La perturbation est définie comme tout facteur

susceptible d’entraîner une destruction partielle ou totale de biomasse, comme par le broyage.

A chacun de ces trois facteurs correspond un type de stratégie développée par les plantes du fait de compromis

physiologiques fondamentaux :

− Les espèces compétitrices (C) sont des espèces pérennes à forte stature, à croissance forte,

produisant peu de graines. Ces espèces dominent les milieux productifs et peu perturbés, sans limitation de

ressource du fait de leur forte capacité d’acquisition des ressources souterraines et aériennes et de leur forte

aptitude à la compétition.

Introduction

− Les espèces tolérantes au stress (S) ont une croissance lente et une faible allocation à la

reproduction. Elles dominent les milieux physiquement contraints, c.-à-d. peu perturbés et peu productifs.

− Les espèces rudérales (R) ont une durée de vie courte, une croissance rapide, une forte

allocation vers la reproduction et une forte aptitude à la colonisation. Elles dominent les milieux perturbés et

potentiellement productifs.

Quelle stratégie permet aux espèces de se maintenir dans les bandes enherbées sachant qu’elles sont

semées avec un couvert de graminées (compétition), entraînant un manque de lumière (stress), et

entretenues par broyage (perturbation) ?

C.2.3.2.Indicateurs écologiques d’Ellenberg

Les indicateurs d’Ellenberg (Ellenberg et al., 1992) ont été très largement utilisés pour permettre de caractériser

un milieu (Diekmann, 2003). Ces indicateurs notent les espèces sur une échelle numérique pour caractériser, par

exemple, les préférences écologique pour la lumière (L, de 1 : sciaphile à 9 : héliophile), l’humidité édaphique (F,

de 1 : xérophile à 12 : hygrophile), ou aux éléments nutritifs (N, de 1 : oligotrophe à 9 : nitrophile).

Ces indicateurs sont très utiles en l’absence de connaissance sur l’historique d’entretien d’un habitat. La flore est

l’expression intégrée de ce passé et permet de révéler les conditions environnementales dans lesquelles elle se

développe. Cependant, certaines espèces ont une tolérance large aux conditions écologiques. Ainsi, il est plus

judicieux d’utiliser plusieurs espèces car le chevauchement des tolérances des espèces donnera une mesure

précise des caractéristiques de l’habitat. Ainsi, il suffit de pondérer la valeur indicatrice d’une espèce par son

abondance. Es-ce que les bandes enherbées favoriseront des espèces plus hydrophiles, moins

nitrophiles et plus sciaphiles, étant donné qu’elles sont implantées en bordure des cours d’eau, où

l’apport d’azote est interdit et où le couvert végétal peut être plus dense ?

Documents relatifs