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Depuis l’adoption de la CDE en 1989, des acteurs et des groupes d’intérêt divers ont formulés leurs revendications en s’appuyant sur le cadre normatif des droits humains en général et de la CDE en particu- lier pour soutenir leurs demandes. Le consensus croissant autour de l’importance stratégique de la reconnaissance des droits de l’enfant en tant que droits humains ne résout toutefois pas les éventuels points de vue divergents entre des approches différentes à l’égard des enfants et de leurs droits. En conséquence, la recherche en droits de l’enfant ne doit pas seulement considérer les exigences liées à l’interdisciplinarité mais doit aussi tenir compte des enjeux idéologiques.

L’extension du champ des droits de l’enfant et du nombre de professionnels issus tant du monde académique que des rangs des dé- fenseurs de ces droits a donné lieu à une prolifération de points de vue sur la signification et le contenu de la recherche dans le domaine. Dans la littérature scientifique sur les droits de l’enfant, divers sujets sont discutés non seulement à partir d’une large variété de perspectives dis- ciplinaires, mais aussi de diverses positions idéologiques. Thomas W. Simon (2000) remplace ainsi les ‘droits de l’enfant’ par les ‘injustices envers les enfants’ et met l’accent principal sur les droits de l’enfant à la protection. Pour lui, les droits de l’enfant traitent d’une obligation mo- rale universelle s’imposant à tous les individus qui doivent éviter que des préjudices graves soient infligés aux enfants. À l’inverse, Katherine Hunt Federle rejette un tel point de vue sur les droits de l’enfant en affirmant que les personnes qui visent à protéger les enfants ne respon- sabilisent pas les enfants à travers des droits mais qu’ils habilitent les adultes à intervenir dans leur vie (1994). Pour l’auteure, le mérite des droits de l’enfant est qu’ils permettent aux enfants de les investir pour défier les hiérarchies existantes. Ils peuvent ainsi contribuer à faire passer le pouvoir de ceux qui le détiennent aux enfants et permettre d’égaliser la balance du pouvoir dans les relations entre adultes et en- fants. Les deux auteurs, qui ont tous deux publié leurs points de vue

dans The International Journal of Children’s Rights, l’une des principales revues scientifiques sur le sujet, font référence au discours sur les droits de l’enfant pour défendre des positions radicalement différentes sur le sujet. En outre, leurs arguments contrastés montrent que même si tout le monde semble s’accorder pour affirmer l’importance des droits de l’enfant, un véritable consensus sur la signification et le contenu de la notion n’existe pas. L’aphorisme lancé en 1973 par Hillary Rodham, qui écrivait « The phrase ‘children’s rights’ is a slogan in search of defi- nition » (« L’expression ‘droits de l’enfant’ est un slogan à la recherche d’une définition ») (p. 487) ne semble ainsi pas avoir perdu de sa per- tinence.

Les activités de défense et de promotion en faveur des droits de l’enfant ainsi que le choix des thèmes et des méthodes de recherche sur les droits de l’enfant et l’enfance sont en grande partie influencés par les points de vue des chercheurs sur quatre dimensions distinctes qui concernent l’image de l’enfant, la compétence des enfants, les droits de l’enfant et le dilemme de la différence. La dimension ‘image de l’en- fant’ permet de distinguer ceux qui considèrent l’enfant uniquement ou principalement en tant que personne en devenir (« becoming ») de ceux qui les considèrent plus ou moins en tant que personnes pré- sentes (« being »). La dimension ‘compétence’ introduit la distinction entre ceux qui considèrent les enfants en tant que personnes incom- pétentes de ceux qui partent de l’idée de la compétence de l’enfant. Suivant son positionnement, on peut défendre que soit la compétence soit l’incompétence de l’enfant doit être démontrée ; l’enfant peut être jugé en principe incompétent ou compétant, à moins que la preuve du contraire soit apportée. La question de ce que méritent les enfants ren- voie à la dimension des ‘droits de l’enfant’ et concerne le type de droits qui est jugé le plus pertinent. En s’appuyant sur la subdivision des droits contenus dans la CDE en « trois P », on peut ainsi mettre en avant l’une ou l’autre ou encore une combinaison particulière des droits à la protection, à des prestations et à la participation. Enfin, la dimension ‘dilemme de la différence’ envisage que l’on peut aborder de plusieurs manières les différences entre adultes et enfants. Entre la position qui regarde les enfants uniquement en tant que personnes spécifiques qui ont, sur la base de leurs particularités, droit à être considérées diffé- remment que les adultes, et ceux qui regardent les enfants en tant que personnes qui ne sont intrinsèquement pas différentes et doivent être considérées exactement de la même manière que les adultes, des posi-

tions intermédiaires existent.

Les différents points de vue sur ces quatre dimensions sont pré- sentés dans le tableau ci-dessous sous forme de quatre écoles de pensée en droits de l’enfant, à savoir le paternalisme, le bien-être, l’émanci- pation et la libération (Hanson, 2012). Ce regroupement en écoles de pensée vise non seulement à contribuer à une meilleure compréhen- sion de la diversité des prises de position dans le champ des droits de l’enfant, mais peut aussi être utilisé en tant que cadre d’analyse heu- ristique permettant de mieux situer la diversité de la recherche sur l’enfance et les droits de l’enfant.