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Les écarts de salaire le long de la hiérarchie salariale

1.3 Les moindres performances des personnes obèses sur le marché du travail

1.3.2 Les écarts de salaire le long de la hiérarchie salariale

Une plus forte corpulence est au contraire associée à une probabilité légèrement plus élevée d’avoir un emploi2 chez les hommes (table 1.4, colonne 4).

Concernant le salaire horaire, on utilise des moindres carrés ordinaires sur le log du sa- laire. Les salaires horaires des hommes et des femmes obèses ne sont pas significativement différents de ceux des personnes non obèses lorsque l’on contrôle par le niveau d’édu- cation, l’expérience potentielle (nous utilisons l’expérience potentielle, qui correspond à l’âge moins l’âge de fin d’étude, plutôt que l’âge, pour approcher l’expérience, mesure de capital humain), l’état de santé déclaré et l’origine, qui peut être liée à d’autres méca- nismes discriminatoires (tables 1.5 et 1.6, colonne 1). Chez les femmes, une augmentation d’un point d’indice de masse corporelle est associée à une baisse salariale significative, bien que très légère (-0,3 %). Pour les hommes, il n’y a pas de différence (tables 1.5 et 1.6, colonne 4).

1.3.2

Les écarts de salaire le long de la hiérarchie salariale

Avant de passer aux résultats de l’analyse causale, nous examinons, toujours de ma- nière descriptive, si les écarts de salaire horaire entre les personnes obèses et les personnes non obèses varient le long de l’échelle des salaires. Cela peut être le cas notamment si les normes de corpulence sont plus strictes au niveau des catégories sociales supérieures, en haut de l’échelle salariale. Les figures 1.1 et 1.2 reportent la différence observée entre un certain décile de salaire pour les personnes non obèses et le même décile de salaire pour les personnes obèses (courbes « observé »), chez les femmes et les hommes respectivement. Un écart positif signifie que les personnes non obèses situées à ce décile de salaire sont payées davantage que les personnes obèses. Comme pour les écarts salariaux moyens, une partie de ces écarts est directement liée aux caractéristiques reflétant les compétences des individus, notamment leur diplôme et leur expérience, et une partie seulement peut ne pas l’être. Nous reportons donc aussi les écarts salariaux entre les salariés obèses et les salariés non obèses si ces derniers avaient la même structure de diplôme et d’expérience (courbes « à même structure de diplôme et d’expérience »).

2. Si l’on croise la corpulence et le niveau de diplôme, il semblerait que cet effet positif disparait pour les hommes titulaires d’un CAP/BEP.

Pour analyser comment la disparité de salaire entre deux groupes (g = O; N ) évolue tout au long de la distribution des salaires tout en contrôlant des différences de struc- ture entre ces deux groupes, on construit une distribution de salaires, dite « contrefac- tuelle » par repondération selon la méthode de DiNardo, Fortin et Lemieux (1996). Soit

F (w|g = O) la fonction de répartition du log des salaires observée dans le groupe O, et F (w|g = N ) celle observée dans le groupe N . On cherche à comparer F (w|g = O) à la

distribution « contrefactuelle » qu’aurait une population ayant la même structure de com- pétences (éducation, expérience, etc.) que le groupe O, mais dont les compétences seraient rémunérées comme elles celles du groupe N . On note cette distribution contrefactuelle :

FC(O)(w|g = N ). On note X ∈ D

x les variables caractéristiques observables déterminant

les effets de structure que l’on souhaite contrôler. Pour le groupe O, la distribution des X est notée Fx(x|g = O). On a alors :

FC(O)(w|g = N ) = Z w O F (w|g = N, X = x) dFx(x|g = O) = Z w O F (w|g = N, X = x)Ψ(X) dFx(x|g = O) Où Ψ(X) = dFx(x|g = O) dFx(x|g = N ) = P (x|g = O) P (x|g = N ).

En appliquant la règle de Bayes, on en déduit :

Ψ(X) = P (x|g = O) P (x|g = N ) = P (g = O|x) P (g = O) × P (g = N ) P (g = N |x)

Chacun des termes de ce ratio sont observés ou peuvent être estimés. Pour cela, on utilise un modèle probit expliquant le fait d’être dans le groupe O plutôt que dans le groupe

N par les caractéristiques X sur l’échantillon constitué des deux groupes d’individus (en

se restreignant ici aux personnes en emploi). Finalement, la distribution contrefactuelle

FC(O)(w|g = N ) s’obtient en repondérant les observations du groupe N par ces poids

Ψ(X), qui égalisent la structure des X à celle observée dans le groupe O.

Par ailleurs, certaines différences salariales peuvent être une conséquence du fait que les personnes obèses et les personnes non obèses risquent de ne pas être sélectionnées dans

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l’emploi de la même façon. Les courbes «à même structure de diplôme et d’expérience et même sélection dans l’emploi » retracent les écarts salariaux si les deux populations suivaient le même processus de sélection dans l’emploi. Pour cela, on emploie la méthode proposée par Chiquar et Hanson (2005), qui permet d’étendre cette méthode pour isoler la part des différences de structure qui vient d’un processus de sélection dans l’emploi différent pour les deux groupes. Ils réécrivent alors pour les individus en emploi (E = 1).

Ψ(X) = P (x|g = O, E = 1) P (x|g = N, E = 1) = P (g = O, E = 1|x) P (g = 0, E = 1) × P (g = N, E = 1) P (g = N, E = 1|x) = cΨ pΨm Où Ψp = P (E = 1|g = O, X = x) P (E = 1|g = N, X = x), Ψ m = P (O = 1|X = x) P (O = 0|X = x) et c = P (g = O, E = 1) P (g = N, E = 1).

Le poids Ψm ajuste les distributions aux caractéristiques des individus en population

générale alors que Ψp capte les différences de structure induites par des processus de

sélection dans l’emploi différents entre le groupe O et le groupe N . Enfin, c est une constante.

Les méthodes de repondération ne permettent pas d’estimer des distributions véri- tablement contrefactuelles, et donc d’identifier des effets causaux que sous une double hypothèse.

– D’une part, une hypothèse d’indépendance conditionnelle : une fois que l’on a condi- tionné sur X, il n’y a plus de variables corrélées avec le groupe qui puissent affecter les salaires.

– D’autre part, sous une hypothèse de support commun 0 < P (g = O|X = x) < 1, ∀x ∈ Dx qui assure la comparabilité des distributions conditionnelles pour toute

valeur de x. L’hypothèse d’indépendance conditionnelle n’est pas satisfaite si l’obé- sité est endogène et, dans ce cas, la méthode de repondération n’identifiera pas d’effet causal mais uniquement des corrélations.

Enfin, dans l’hypothèse où l’état de santé déclaré est un indicateur de compétences productives qui ne seraient pas prises en compte par l’éducation et l’expérience et qui conduiraient à des différences de rémunération, il convient de tenir compte des écarts

d’état de santé entre les deux groupes pour se rapprocher d’une comparaison à même structure de compétences (courbes « à structure de diplôme, d’expérience et d’état de santé »). Pour plus de lisibilité, nous ne reportons dans les graphiques que les intervalles de confiance à 95 % des écarts salariaux pour la simulation à même structure d’éducation et d’expérience. Ces intervalles de confiance ont été calculés par bootstrap (avec 1000 réplications). Dans la suite du texte, seuls les écarts significativement différents de 0 à 10 % sont interprétés.

A tous les niveaux de salaires, les femmes salariées obèses ont un salaire inférieur d’environ 5 % par rapport aux salariées non obèses (cf. Figure 1.1). Ces écarts s’expliquent complètement par des différences de niveaux d’éducation et d’expérience. Lorsque l’on fixe la répartition des diplômes et de l’expérience, les écarts salariaux entre les deux groupes diminuent et ne sont plus significatifs. Cette conclusion est la même lorsque l’on tient compte de la sélection dans l’emploi et de l’état de santé déclaré.

Les salariés obèses situés entre le 3ème et le 4ème décile et autour du 6ème décile de salaire gagnent environ 5 % de moins que leurs homologues non obèses (cf. Figure 1.2). Comme chez les femmes, une grande partie de ces écarts s’élimine lorsque l’on fixe la répartition par diplôme et expérience. Seul l’écart de salaire inexpliqué au troisième décile, autour de 4 %, reste significativement différent de zéro (mais à 10 %). Cela reste vrai si la sélection dans l’emploi est la même pour les salariés obèses et non obèses. Lorsque l’on contrôle aussi par l’état de santé déclaré, les écarts salariaux inexpliqués diminuent encore et ne sont plus significatifs où que ce soit sur l’échelle salariale.