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1.2 Analyse des écarts de rémunération et de carrière

1.2.2 Des écarts entre filières : les parois de verre

« Ma femme, éducatrice de jeunes enfants en collectivité territoriale (bac +2), gagne 1000€ de moins que moi qui n'ai qu'un CAP. Elle est dans une filière typiquement féminine. Le niveau des primes est particulièrement bas mais surtout : elle n'a pas comme moi droit aux promotions internes, aux examens professionnels et il lui est imposé d'avoir le diplôme + concours !! N'est-ce pas l'Etat qui devrait garantir l'équité ? »

- Témoignage d’un technicien de la fonction publique territoriale, catégorie B, titulaire, 54 ans [58] Pour analyser les écarts de rémunération et de perspectives de carrière selon les filières, la mission a choisi d’étudier pour chaque fonction publique un corps d’emploi « masculinisé » versus un corps d’emploi « féminisé ». L’étude porte pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière sur des corps de catégorie C. Elle ne constitue donc qu’un exemple, bien que portant sur des catégories relativement nombreuses (320 000 ETP8 soit 40% des effectifs pour la FPH).

1.2.2.1 Dans la fonction publique d’Etat, la ségrégation professionnelle, dont les « parois de verre » sont un constituant, représente le déterminant majeur des inégalités

[59] Selon l’étude de 2016 du CEE précitée9, dans la FPE, le déterminant « ségrégation professionnelle » explique 53,9% de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes (76,5% si on exclut les enseignants), bien loin devant les différences d’offre de travail ou les différences d’âge et de localisation.

1.2.2.2 Dans la fonction publique territoriale, la dévalorisation relative des filières féminisées est très nette, tant en termes de rémunération que de carrière

[60] En termes de rémunération, l’étude de l’université de Caen de 2014 montre que les primes accentuent les inégalités de rémunération dans la territoriale pour la catégorie C : les primes sont impactées à 14,45% par le sexe contre 10,92% pour les traitements.

[61] Cela est dû notamment à la différence des primes entre les filières technique d’une part, sociale (et aussi administrative) de l’autre.

[62] La mission a donc comparé ces deux filières en choisissant d’étudier les parcours dans les cadres d’emplois suivants :

- pour la filière sociale :

 les agent.e.s techniques spécialisé.e.s des écoles maternelles (catégorie C) : ils/elles sont chargé.e.s de l’assistance au personnel enseignant pour la réception, l’animation et l’hygiène des très jeunes enfants ainsi que la préparation et la propreté des locaux.

 Ainsi que les auxiliaires de puériculture (catégorie C) : ils/elles participent à l’élaboration et au suivi du projet de vie d’un établissement accueillant des enfants ;

8 Equivalents temps plein

ils/elles prennent en charge les enfants et collaborent à la distribution des soins quotidiens ;

- pour la filière technique :

 les adjoint.e.s techniques (catégorie C) : ils/elles sont chargé.e.s de tâches d’exécution dans les domaines du bâtiment, de la voirie, des espaces verts ; ils/elles peuvent également être éboueur.euse.s, fossoyeur.euse.s, égoutier.e.s, conducteur.rice.s, gardien.ne.s, …

 les agent.e.s de maîtrise (catégorie C) : ils/elles sont chargé.e.s de missions et de travaux techniques comportant notamment le contrôle de la bonne exécution de travaux confiés à des entreprises ou effectués en régie ;

 les technicien.ne.s territoriaux.ales (catégorie B) : ils/elles sont chargé.e.s, sous l’autorité d’un.e supérieur.e hiérarchique de la conduite des chantiers ; ils/elles assurent l’encadrement des équipes et contrôlent les travaux confiés aux entreprises.

Schéma 1 : Les carrières des agent.e.s des filières sociale et ouvrière de la catégorie C de la fonction publique territoriale

Filière sociale

Filière technique

Source : Mission

[63] Certaines filières de la FPT en catégorie C n’offrent aucune possibilité de promotion interne pour les agent.e.s. Il n’y a pas de cadre d’emplois de « débouché ». Ces filières sont essentiellement féminines (24 600 auxiliaires de puériculture dont 99,5 % de femmes ; 47 000 ATSEM dont 99,7% de femmes). A contrario, pour la filière technique, un passage en catégorie B est possible par promotion interne, avec une formation très courte. La progression au sein même des catégories n’est pas séquencée de la même manière, le nombre de grades des filières féminisées étant souvent moins élevé que pour les filières masculinisées, offrant par là même des perspectives de progression de carrière plus faible.

[64] Il y a donc là une discrimination indirecte envers les femmes, avec une conséquence lourde sur leur rémunération puisque l’indice terminal de leur carrière culmine à 543.

1.2.2.3 Dans la fonction publique hospitalière, au contraire des autres versants, la filière soins très féminisée est mieux rémunérée que la filière ouvrière

[65] Cette exception est visible dans l’étude du CEE puisque le facteur de ségrégation professionnelle joue en faveur des femmes dans la FPH. A contrario, l’âge joue en défaveur des femmes – les femmes sont plus jeunes – de même que l’offre de travail ou la localisation des postes.

[66] Pour la catégorie C par exemple, la filière soins (agent.e.s de service hospitaliers qualifié.e.s ou ASHQ, aides-soignant.e.s ou AS) bénéficie de la même grille que la filière ouvrière (agent.e.s d’entretien qualifié.e.s ou AEQ, ouvrier.e.s qualifié.e.s ou OPQ et maître.sse.s ouvrier.e.s – maitre.sse.s ouvrier.e.s principaux.ales MO et MOP). L’amplitude de la grille est la même, les agent.e.s commencent au même niveau et peuvent finir au même niveau :

Schéma 2 : Les carrières des agent.e.s des filières soin et ouvrière de catégorie C de la fonction publique hospitalière

Filière soins

Filière technique

Source : Mission

[67] Le niveau de rémunération globale, incluant la rémunération de base correspondant à l’indice et les primes, est même plus favorable, lorsqu’on le rapporte à un temps plein, pour la filière soins qui bénéficie de plus de primes, liées notamment aux contraintes supérieures de ces métiers (travail de nuit, horaires variables…), sauf pour le grade de maître.sse ouvrier.e principal.e :

Tableau 2 : Répartition du volume de travail et des effectifs physiques par sexe dans la fonction publique hospitalière et salaire mensuel net moyen en équivalent temps plein

[68] Cependant, le déroulement de carrière est plus contraignant pour la filière soins :

[69] – le passage du corps d’agent.e des services hospitaliers à celui d’aide-soignant.e nécessite de passer par une sélection professionnelle ou un concours sur titre et de suivre ensuite une formation d’une durée de 10 mois, parfois dans un institut relativement éloigné du domicile ; [70] – a contrario, dans la maîtrise ouvrière, un.e agent.e peut gravir les étapes de carrière par inscription sur liste d’aptitude, sans suivre de formation ou passer de concours.

[71] Pour autant, la fluidité des carrières n’est pas nécessairement plus grande : en effet, les promotions « au choix » sont régies par des ratios de promus/promouvables peu élevés et les métiers de la filière ouvrière sont directement impactés par les mutualisations voire les externalisations de services. Seule une étude poussée permettrait de déterminer si la probabilité pour un.e agent.e des services hospitaliers de devenir aide-soignant.e est supérieure à celle qu’a un.e agent.e qualifié.e de devenir maître.sse ouvrier.e.

Recommandation n°3 : Revaloriser en priorité financièrement les métiers et spécialités féminisés sous-valorisés à niveau de missions et contraintes égales. Pour les filières techniques et ouvrières plus masculinisées, porter l’effort sur l’amélioration des perspectives de carrières (accès à la formation continue, passerelles entre métiers…).

Recommandation n°4 : Envisager la création de corps inter-versants de la fonction publique pour atténuer l’effet des filières tout en favorisant la mobilité entre versants (ex : attaché.e.s).