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I. INTRODUCTION THEORIQUE

3. É VALUATION DU TOC

Différentes échelles ont été développées afin d’évaluer la sévérité des symptômes obsessionnels-compulsifs (pour une revue, voir Buisson, Hantouche, Baddoura, & Guelfi, 1989; Freske & Chambless, 2000; Taylor, 1995). Dans les paragraphes qui suivent, nous décrirons brièvement les principaux outils utilisés en clinique et en recherche. Les échelles évaluant les croyances associées au TOC (responsabilité ou perfectionnisme par exemple) seront quant à elles résumées au fil des études du chapitre 2.

3.1. Yale Brown Obsessive Compulsive Scale (Y-BOCS)

Cet entretien semi-structuré (Goodman et al., 1989a; Goodman et al., 1989b) constitue la mesure la plus fréquemment utilisée pour évaluer la sévérité des symptômes du TOC. Dans un premier temps, l’examinateur explore les symptômes à l’aide d’une liste des obsessions et compulsions actuelles et passées. En se référant à cette liste, il définit ensuite les 3 obsessions et les 3 compulsions dont le patient souffre principalement, ainsi que les 3 principales situations qu’il évite actuellement. Les obsessions et compulsions ainsi définies sont alors évaluées séparément sur 5 dimensions différentes: la durée, la gêne provoquée dans la vie quotidienne, l’anxiété, la résistance (c’est-à-dire l’effort fourni pour résister aux obsessions ou aux compulsions) et le degré de contrôle. Chaque item est coté de 0 (pas de symptôme) à 4 (symptôme extrême). Un score d’obsessions (items 1 à 5, score compris entre 0 et 20) et un score de compulsions (items 6 à 10, score compris entre 0 et 20) peuvent être calculés. Le score total est compris entre 0 et 40. De manière générale, la note seuil de 16 a été retenue pour sélectionner des participants dans le cadre de recherches contrôlées (Bouvard & Cottraux, 1996). La version française de l’échelle élaborée par Mollard, Cottraux et Bouvard (1986) montre de bonnes qualités psychométriques (Bouvard et al., 1992).

Récemment, Kim, Dysken, Pheley et Hoover (1994) ont montré que les deux items évaluant la résistance aux compulsions et aux obsessions ne permettaient pas d’évaluer les changements de symptômes aussi bien que les autres items de la Y-BOCS. Ces auteurs ont en effet montré que l’exclusion de ces deux items amenait une meilleure stabilité de la structure factorielle de l’échelle. Dans la même perspective, Moritz et al. (2002b) ont identifié la présence de 3 facteurs au sein de la Y-BOCS: la sévérité des obsessions, la sévérité des compulsions et la résistance aux symptômes, séparant ainsi comme dans l’étude précédente l’évaluation de la résistance des autres items. Ces auteurs proposent donc de coter la Y-BOCS en prenant en compte cette structure (c’est-à-dire en additionnant les items 1 à 3 pour mesurer la sévérité des obsessions, les items 6 à 8 pour mesurer la sévérité des compulsions et les items 4 et 9 pour mesurer la résistance aux symptômes). Enfin, plus récemment, Deacon et Abramowitz (2005) ont obtenu une solution à deux facteurs auprès de 100 patients souffrant de TOC : la sévérité des

symptômes et la résistance/contrôle des symptômes. Ces différentes études suggèrent donc qu’une nouvelle adaptation de la Y-BOCS serait nécessaire, notamment en ce qui concerne les items évaluant la résistance aux symptômes. Plus généralement, l’intérêt de la Y-BOCS est de permettre de différencier les obsessions des compulsions indépendamment du contenu de ces symptômes. Cet instrument permet ainsi de comparer des patients qui souffrent d’obsessions et de compulsions de types différents (par ex. des compulsions de lavage et de vérification). Toutefois, la forme même de cet instrument (un entretien) conduit à un temps de passation élevé et exige un entraînement et une expérience clinique pour le compléter. Notons qu’une version sous forme de questionnaire (auto-administré) a été développée et montre une convergence avec les scores à la Y-BOCS dans sa version classique (par ex., Rosenfeld, Dar, Anderson, Kobak,

& Greist, 1992; Warren, Zgourides, & Monto, 1993).

3.2. Maudsley Obsessional-Compulsive Inventory (MOCI)

Ce questionnaire élaboré par Hodgson et Rachman (1977) comporte 30 items auxquels il faut répondre par « vrai » ou « faux ». Ces items évaluent 4 dimensions : 1) la

« propreté » 2) la vérification 3) le doute et la tendance à être consciencieux et 4) la tendance aux répétitions, aux pertes de temps ou à la lenteur dans l’exécution d’une tâche.

Un point est donné lorsque la réponse va dans le sens de la présence d’obsessions et de compulsions. Quatre sous-scores peuvent être calculés (sous-scores de propreté, de vérification, de doute-conscience et de lenteur-répétition), ainsi qu’un score total, dont le maximum est 30. Cette échelle présente certains avantages, comme sa facilité d’administration et de cotation et la validité de deux sous-échelles permettant d’évaluer les symptômes de lavage (sous-échelle « propreté ») et les symptômes de vérification. Par contre, les deux autres sous-échelles (lenteur-répétition et doute-conscience) présentent une mauvaise consistance interne et discriminent plus difficilement les patients TOC des patients dépressifs (Kraaykamp, Emmelkamp, & Van der Hout, 1988). De plus, des compulsions comme l’ordre, le collectionnisme ou les impulsions ne sont pas évaluées par cette échelle. Une version française de ce questionnaire a été validée par Hantouche et Guelfi (1993).

Une version révisée du MOCI, le « Vancouver Obsessional-Compulsive Inventory » (VOCI) a récemment été proposée par Thordarson et al. (2004). Les items sont cotés sur des échelles de Lickert à 5 niveaux afin d’augmenter la sensibilité de l’évaluation. La version finale comprend 55 items évaluant 6 types de symptômes : la contamination, la vérification, les obsessions, le collectionnisme, le besoin que tout soit correct (« just right »), et l’indécision. La fidélité, la consistance et la validité du VOCI sont bonnes mais l’échantillon sur lequel porte la validation est assez restreint (88 patients TOC). Par ailleurs, les auteurs n’ont pas examiné la structure factorielle de l’échelle sur une population tout-venant. Plus récemment toutefois, une étude a validé une version française de cette échelle et a récolté des données supplémentaires pour la version

anglaise, ce qui a permis de confirmer les qualités psychométriques de cet instrument sur des échantillons tout-venant (Radomsky et al., 2006b).

3.3. Padua Inventory

Dans sa version originale (Sanavio, 1988), l’Inventaire de Padoue comporte 60 items qui décrivent des pensées ou des comportements. Chaque item est coté de 0 (pas du tout) à 4 (extrêmement). Quatre dimensions ont été mises en évidence : 1) contrôle affaibli sur les conduites mentales (par ex. « Des pensées déplaisantes me viennent à l’esprit contre ma volonté et je ne peux pas m’en débarrasser ») 2) contamination, 3) vérification et 4) inquiétude concernant le contrôle moteur (par ex. « Quand je vois un train s’approcher, je pense parfois que je pourrais me jeter sous ses roues »). Dans des échantillons tout-venant, deux facteurs comportementaux (la contamination et la vérification) et deux facteurs cognitifs (le contrôle affaibli sur les conduites mentales et l’inquiétude concernant le contrôle moteur) ont été retenus (Sanavio, 1988). Une version française a été proposée par Freeston, Ladouceur et Letarte (traduction publiée dans Bouvard &

Cottraux, 1996, texte inédit).

Deux versions abrégées de cette échelle ont été plus récemment proposées. Van Oppen, Hoekstra et Emmelkamp (1995) ont ainsi développé une version à 41 items permettant de distinguer 5 facteurs : les impulsions (c’est-à-dire la peur de perdre le contrôle sur ses comportements ou la tendance à ressentir des impulsions poussant à agir violemment ou à mettre sa vie en danger), le lavage, la vérification, la rumination et la précision (c’est-à-dire le besoin de faire certaines choses d’une certaine manière ou dans un ordre particulier). Burns, Keortge, Formea et Sternberger (1996) ont quant à eux sélectionné 39 items dans le but de mieux différencier les patients TOC des patients souffrant d’anxiété généralisée. En enlevant les items mesurant à la fois les obsessions et les soucis, l’échelle permet de différencier 5 dimensions : 1) les pensées concernant le fait d’avoir blessé les autres ou soi-même 2) les impulsions à blesser les autres ou soi-même 3) la contamination/lavage 4) la vérification 5) les compulsions d’habillage/toilettage.

Cette version permet de mieux différencier les obsessions des soucis, tels que mesurés par le « Penn State Worry Questionnaire » (Meyer, Miller, Metzger, & Borkovec, 1990). Les deux versions abrégées (celle de Van Oppen et al., 1995 et celle de Burns et al., 1995) permettent d’évaluer différentes dimensions (comme par exemple les impulsions ou les ruminations), qui sont absentes dans les autres questionnaires évaluant les TOC.

Toutefois, les traductions françaises des versions abrégées n’ont pas encore été validées.

3.4. Obsessive-Compulsive Inventory (OCI)

Cet inventaire élaboré par Foa et al., (1998) est destiné à évaluer la variété des symptômes du TOC à la fois dans des échantillons cliniques et non cliniques. Il comporte 42 items évalués sur deux échelles de Lickert à 5 points : une échelle évaluant la fréquence des symptômes et l’autre évaluant la souffrance psychologique causée par les symptômes.

Sept sous-échelles ont été construites pour représenter les principaux symptômes du TOC

tels que décrits dans le DSM-IV (American Psychiatric Association, 1994): la vérification (9 items), le lavage (8 items), l’obsession (8 items), la neutralisation mentale (c’est-à-dire les stratégies utilisées pour supprimer ou neutraliser les pensées ou sentiments négatifs) (6 items), le rangement (5 items), le collectionnisme (3 items), et le doute (3 items). La validité psychométrique du questionnaire a été démontrée dans des populations cliniques et non cliniques (Foa et al., 1998; Simonds, Thorpe, & Elliot, 2000).

Une version simplifiée et plus courte du questionnaire a été développée par Foa et al.

(2002a). Etant donné les corrélations importantes entre les échelles de Lickert évaluant la fréquence des symptômes et la souffrance psychologique causée par les symptômes, seule cette deuxième échelle a été conservée dans la version simplifiée. Par ailleurs, la version révisée comporte 6 sous-échelles comprenant chacune 3 items. Ces sous-échelles sont les mêmes que dans la version plus longue, à l’exception de la sous-échelle de « doute » qui n’est plus présente dans la nouvelle version mais qui a été associée à la sous-échelle

« vérification ». Des études récentes ont confirmé les qualités psychométriques de la version révisée de l’OCI à la fois sur des échantillons cliniques (Abramowitz & Deacon, 2006; Huppert et al., sous presse) et sur des échantillons tout-venant (Fullana et al., 2005; Hajcak, Huppert, Simons, & Foa, 2004). Une étude récente a également montré que l’OCI-R était sensible aux effets thérapeutiques d’un traitement de type cognitivo-comportemental (Abramowitz, Tolin, & Diefenbach, 2005).

L’un des avantages de l’OCI et de l’OCI-R est de permettre d’évaluer une large palette de symptômes du TOC tant dans des populations cliniques que non cliniques, tout en nécessitant un temps de passation extrêmement court (18 items seulement pour l’OCI-R).

Cet outil est donc particulièrement intéressant à la fois en recherche et en clinique pour évaluer rapidement la grande variété des sous-types de TOC. L’objectif de la première étude de notre travail (voir la partie expérimentale) sera de valider une version française de l’OCI-R au sein d’un échantillon de participants tout-venant.

3.5. Schedule of Compulsions, Obsessions and Pathological Impulses (SCOPI) L’échelle SCOPI développée par Watson et Wu (2005) est un questionnaire comprenant 47 items. Les auteurs ont mis en évidence 5 facteurs : les obsessions de vérification, les obsessions de propreté, les rituels compulsifs (c’est-à-dire le besoin de réaliser des tâches de manière rigide et ritualisée), le collectionnisme et les impulsions pathologiques (comprenant l’évaluation des troubles du contrôle des impulsions comme la cleptomanie ou la pyromanie par exemple). Les premières données psychométriques semblent bonnes, et révèlent une bonne consistance interne (alphas de Cronbach de .80 et plus), une bonne fidélité et de bonnes validités discriminante et convergente. Dans leur travail de validation, les auteurs ont montré que ce questionnaire évaluait des aspects très proches de la version révisée de l’OCI. Ils ont en effet montré un très haut niveau de convergence entre ces deux questionnaires. Les analyses ont ainsi révélé que les facteurs obsessions de vérification, obsessions de lavage, rituels compulsifs et collectionnisme du SCOPI étaient fortement corrélés respectivement avec les facteurs vérification, lavage,

rangement et collectionnisme de l’OCI-R. Les seules différences entre les deux questionnaires concernent le facteur impulsions pathologiques du SCOPI qui n’a pas de contre-partie dans l’OCI-R, et les facteurs obsession et neutralisation de l’OCI-R qui ne correspondent à aucun facteur dans le SCOPI. En résumé, le SCOPI semble présenter les mêmes avantages que l’OCI-R en permettant d’évaluer une série de symptômes du TOC.

Toutefois, le SCOPI est plus long que l’OCI-R et nécessite d’autres études de validation.

3.6. Clark-Beck Obsessive-Compulsive Inventory (CBOCI)

Cette échelle récente mise en place par Clark, Antony, Beck, Swinson et Steer (2005) comporte 25 items permettant de décrire brièvement la fréquence et la sévérité des symptômes obsessionnels et compulsifs à la fois dans des échantillons cliniques et non cliniques. Elle est constituée de deux facteurs évaluant les obsessions et les compulsions.

Cette échelle a été développée dans la lignée de l’Inventaire de Dépression de Beck (Beck, Steer, & Brown, 1996) et de l’Inventaire d’Anxiété de Beck (Beck & Steer, 1993), afin d’offrir une batterie permettant d’évaluer différents états psychopathologiques. Le format des réponses est calqué sur celui du BDI-II : chaque affirmation doit ainsi être évaluée en référence aux deux dernières semaines sur une échelle de 0 à 3, score reflétant des niveaux croissants de fréquence ou de sévérité des symptômes. Quinze affirmations concernent les obsessions, alors que 12 items concernent les compulsions. Les premières données semblent montrer de bonnes qualités psychométriques, mais les recherches futures devront s’atteler à vérifier la validité de ce questionnaire. Il n’existe pas actuellement de version française de cette échelle.

En conclusion, il existe un nombre important d’outils destinés à évaluer le TOC, chacun présentant des avantages et des inconvénients. Les mesures devront donc être choisies en fonction de l’objectif à atteindre et dans certains cas, la sélection de plusieurs outils en parallèle devrait permettre de rendre l’évaluation plus complète.