Si la specificite de la faute en concurrence deloyale demontre sa difficile adaptation aux regies de droit commun, en plus d ’accorder une trop grande marge de manoeuvre aux juges, c ’est surtout la notion de dommage qui souleve des difficultes. En responsabilite civile delictuelle, la preuve de l’existence d ’un prejudice direct, personnel et certain doit etre apportee par la demanderesse. Force est de constater que ce principe civil cadre mal avec la perte d ’achalandage que peut subir la victime, difficilement quantifiable puisqu’il ne s’agit que d ’une supposition. Comment savoir si elle aurait ecoule ses ventes si elle n ’avait pas du faire face a une concurrence deloyale ? Si les juges frantpais ont clairement permit cette contradiction, n ’exigeant des lors plus la preuve d ’un dommage545, les juges canadiens ont maintes fois hesite546 avant de s’aligner avec cette position. En 1992547, la Cour supreme du Canada ira meme jusqu’a relever que l’achalandage sur lequel porte Faction en concurrence deloyale constitue un veritable droit de propriete pour son fabricant, venant par la meme redonner vie a la these du droit reel de la clientele548. Mais, interpreter les agissements deloyaux comme une violation d ’un droit de propriete obligerait inevitablement a transformer la charge de la preuve de dommages en une seule presomption549. Meme si les avocats Clermont et Dubois notaient, en 1997, que la Cour ne semblait pas suivre ce raisonnement en demandant a la demanderesse un quantum de dommages 545 C ass., co m ., 2 9 septembre 2 0 0 9 , Legifrance, n° 0 8 - 2 0 .4 8 6 : « Attendu que pour rejeter la dem ande en reparation des faits de concurrence deloyale, la cour d ’appel retient qu’il n ’y a pas lieu de faire droit a la condam nation [...] p
Résumé :
Le droit de l’Union européenne appréhende les comportements d’entreprises en matière de prix par des règles antitrust et par une législation contre le dumping. Ces deux réglementations diffèrent à de nombreux égards. Elles poursuivent des objectifs différents : défense des intérêts de certains concurrents européens versus promotion de la libre concurrence au bénéfice des consommateurs. Cependant, toutes deux contribuent à protéger la loyauté de la concurrence (i.e. promotion d’une certaine homogéniété des conditions de concurrence). Elles appréhendent des pratiques tarifaires différentes : les marchés concernés sont définis différemment (produit concerné exporté depuis un pays tiers et produit similaire fabriqué par l’industrie de l’Union versus marché de produit et marché géographique en cause) et les caractéristiques des entreprises concernées sont également différentes (aucune forme d’accord entre entreprises ou de pouvoir de marché minimum requis par la législation antidumping) ; le dumping discriminatoire n’équivaut à aucun prix discriminatoire anticoncurrentiel, et le dumping à perte n’est pas l’équivalent du prix prédateur ni de tout autre prix bas anticoncurrentiel. Nonobstant leurs différences, les deux réglementations doivent coexister paisiblement. Pourtant, les opportunités de biais protectionnistes dans la détermination du dumping préjudiciable sont toujours nombreuses dans la législation antidumping et la pratique de la Commission. En outre, la mise en œuvre de la législation antidumping peut être néfaste pour la concurrence dans le marché intérieur via l’incidence des procédures et des mesures antidumping et les effets anticoncurrentiels de certains comportements d’entreprises dans le cadre des procédures antidumping ou environnant ces dernières. De telles incidences nocives pour la concurrence sont déjà réduites par des dispositions telles que la règle du droit moindre et la claus e d’intérêt public (intérêt de l’Union), mais pourraient et devraient l’être davantage.
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des cas pour des raisons injustifiées. Comme le démontre par exemple sa mobilisation pour des marchés de fourniture où, même vus de près, il est difficile de déceler l’intérêt essentiel de sécurité : achat d’uniforme, de carburant ou encore de munitions à blanc pour des usages cérémoniels. Y compris sur un plan juridique, le texte même de l’ordonnance constitue un obstacle dirimant au développement d’un marché concurrentiel commun de défense sur un plan européen. L’article 16 alinéa 4, relatif à l’exclusion de projet permettant « la divulgation d’informations contraires aux intérêts essentiel de sécurité de l’Etat » renvoie implicitement à la notion de protection du secret de défense nationale. Ces modalités sont encadrées par un arrêté du Premier ministre aux termes de l’article 1 er Alinéa 2 du décret d’application n°2016- 361. Le droit positif émane pour l’instant d’un arrêté en date du 30 novembre 2011 101 . Or, la disparité des réglementations de la protection du secret de la défense nationale entre les Etats membres nuit nécessairement à l’harmonisation des règles et pratiques de l’achat public de défense. Il paraît impossible de promouvoir un marché commun de l’achat de défense avec 28 définitions différentes du secret national débouchant sur l’évincement systématique des règles de publicité et mise en concurrence. Selon le professeur Pourcel, ce « nœud gordien » pourrait être tranché par le juge de l'Union européenne qui « pourrait très bien s'inspirer pour créer un nouveau cadre juridique bénéficiant de la primauté du droit communautaire afin de trancher des litiges inhérents à des marchés qui feraient appel à la notion nationalement définie de secret » 102 . L’auteur vise la primauté de la directive « Défense et sécurité » qui prévoit en son sein un ensemble de règles pouvant caractériser une définition européenne du secret.
7 volet privé n‟est pas encore reconnu par les autorités de concurrence, qu‟elles soient française ou européenne 3 , en revanche, la tendance générale est au renforcement des sanctions pénales.
Evidemment, ce sont les Etats-Unis, pionnier en droit de la concurrence, qui ont lancé le mouvement, avec dans sanctions symboles telles que celle d‟Alfred Taubman, président de Sotheby‟s, condamné malgré ses 78 ans et son état de santé critique, à une peine d‟emprisonnement d‟un an et de 7,5 millions de dollars d‟amende personnelle, et de sa directrice générale, écopant quant à elle d‟une peine de 6 mois d‟assignation à domicile avec port du bracelet électronique 4 . Si l‟Union Européenne ne se prononce pas sur la question, l‟Irlande et le Royaume-Uni, mais aussi l‟Allemagne, l‟Autriche, le Danemark, l‟Estonie, la Roumanie, la Slovaquie ou encore la Slovénie incriminent directement tout ou partie des pratiques anticoncurrentielles. Alors que la Grèce et la République Tchèque entrent dans le mouvement, les Pays-Bas semblent eux aussi prêts à passer le cap 5 . Dans ce paysage pénal, force est de constater que la France fait tâche : prônant la dépénalisation de la vie des affaires, le rapport Coulon du 20 février 2008 met au placard l‟article L.420-6 du Code de Commerce 6
l’association
d’un
mandat
écrit
à
agir
au
nom
et
pour
le
compte
des
victimes
de
ladite
infraction 54 .
De
surcroît
«
le
mandat
ne
peut
pas
être
sollicité
par
voie
d’appel
public
télévisé
ou
radiophonique,
ni
par
voie
d’affichage,
de
tract
ou
de
lettre
personnalisée
» 55 .
Le
droit
de
la
concurrence
vise
ni
à
protéger
les
consommateurs
ni
les
entreprises,
mais
de
combattre
ces
pratiques
et
d’assurer
le
développement
d’une
concurrence
libre
et
non
faussée 56 .
Si
bien
que
le
législateur
essaye
de
remplir
sa
mission
en
créant
cette
action
hybride
permettant
de
faire
une
action
collective
tout
en
ne
portant
pas
préjudice
à
l’opérateur
visé
avant
que
sa
responsabilité
soit
établie.
Pour
autant
cette
action
reste
inefficiente.
En
effet
nous
pouvons
citer
l’un
des
rares
exemples
où
cette
action
a
été
utilisée
qui
prouve
ses
limites.
C’est
l’affaire
qui
a
opposé
les
opérateurs
de
téléphonie
mobile
et
l’association
de
consommateurs
UFC
Que
Choisir
?
relative
à
des
pratiques
anticoncurrentielles
constatées
dans
le
secteur
de
la
téléphonie
mobile 57 .
Le
lendemain
de
la
condamnation
par
le
Conseil
de
la
concurrence
des
opérateurs
de
téléphonie
mobile
sur
le
fondement
des
articles
L.
420-‐1
du
Code
de
commerce
et
101
du
TFUE,
l’association
de
consommateur
a
créé
un
site
invitant
à
agir
contre
les
contrevenants.
Elle
a
distribué
des
tracts
à
cet
effet.
Bien
que
UFC
Que
Choisir
?
ait
développé
d’important
moyens
pour
récolter
des
mandants,
elle
ne
s’est
vu
confier
que
12
521
mandats,
ainsi
99,94%
des
consommateurs
lésés
par
le
cartel
se
sont
vu
privés
de
toute
indemnisation 58 .
En
outre
les
personnes
représentées
n’ont
pu
obtenir
réparation
de
leur
préjudice
à
cause
de
la
publicité
mise
en
place
par
l’association.
«
Sauf
à
faire
perdre
aux
dispositions
de
l’article
Le seuil de 15% constitue le seuil de minimis. Au regard de la position de la Commission européenne sur les accords dits « d’importance mineure », les accords verticaux passés par les entreprises dont les parts de marché combinées ne dépassent pas 15% sont considérés comme échappant au champ d’application de l’article 81 §1 du traité de Rome. Ces accords sont présumés comme n’étant pas susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre Etats membres, ou comme ne restreignant pas sensiblement la concurrence au sens de l’article 81 §1. La plupart des professionnels estiment que, par application du seuil de minimis, un nombre important de contrats de distribution se trouvent en dehors du champ d’application du droit communautaire de la concurrence. Mais, il convient de préciser que si un accord de distribution est considéré par une juridiction ou une autorité nationale comme étant d’une importance mineure, il pourra néanmoins être considéré comme étant anticoncurrentiel au regard du droit national. En outre, un accord de distribution d’importance mineure ne pourra pas être exempté s’il contient des restrictions figurant sur la « liste noire » des pratiques qui sont par nature contraires aux règles européennes de la concurrence ; il en ira de même si le réseau de distribution entraîne un effet cumulatif.
2006, pp. 505-524.
A.-L. S IBONY , Le juge et le raisonnement économique en droit de la concurrence, L.G.D.J., coll. droit & économie, Paris, 2008.
A.-L. S IBONY et É. B ARBIER DE L A S ERRE , « Charge de la preuve et théorie du
sement du bien-être du consommateur ( pt. 99 ). L’affirmation
de cet objectif n’est certes pas inédite. Elle avait été consacrée
dans des termes quasi-identiques dans l’arrêt Glaxo ( TPICE,
27 sept. 2006, aff. T-168/01, GlaxoSmithKline c/ Commission, non encore publié au Recueil, pt. 118 ), ainsi que dans un précédent arrêt relatif aux banques autrichiennes ( TPICE, 7 juin 2006, T-213/01 et T-214/01, Österreichische Postspar- kasse, non encore publié au recueil, pt. 115 ). Cependant, l’intérêt des consom- mateurs n’a pas toujours été aussi nettement mis en avant par les juridictions communautaires (cela leur a suffisamment été reproché, spécialement en matière d’abus de position do- minante), c’est pourquoi cette nouvelle affirmation n’est pas sans intérêt. Surtout, ce qui retient l’attention, c’est que le juge tire de cette affirmation de principe des conséquences concrètes, ici sur le plan procédural. En effet, les droits des consommateurs trouvent, selon le Tribunal, leur fondement dans l’utilité qu’ils ont pour la réalisation des buts du droit de la concurrence ( pt. 99 in fine ). Ce mode de raisonnement consis- tant à tirer des conséquences concrètes de la primauté de l’in- térêt des consommateurs peut aussi trouver application en dehors du champ des règles de procédure, c’est-à-dire lors de l’application des règles de fond. Le Tribunal en a donné un exemple récent dans l’arrêt Glaxo en retenant que l’effet du comportement d’importateurs parallèles de médicaments sur les intermédiaires n’intéressait pas en lui-même le droit de la concurrence, seulement préoccupé de l’effet de ces compor-
178 DURATION: variable discrète par ensemble de 5 années pour la durée de vie du cartel; DOMESTIC: une variable binaire représentant la dimension nationale ou internationale du cartel ; GEO : variable représentant la localisation géographique du cartel ; LAW : variable représentant 5 différentes périodes dans l’application des règles de concurrence; METHOD : variable méta-analyse contrôlant si les méthodes qui ont été utilisées dans les études ont eu une influence sur les résultats auxquelles elles sont parvenues ; SOURCE variable méta-analyse contrôlant si les sources de la publication ont eu une influence sur le résultat à laquelle l’étude est parvenue. 179 A l’exception peut-être des variables relatives à l’origine géographique (GEO) du cartel, qui sont moins faciles à interpréter. Certes, les deux variables (UE et US) ont chacune un coefficient fortement négatif. Toutefois, seul le coefficient attribué à la variable EU est statistiquement significatif. Les auteurs s’estiment toutefois en mesure d’affirmer que les cartels opérant en Europe ont tendance à fixer une surcharge tarifaire relativement inférieur aux autres car leur régression prend pour référence le monde dans son ensemble. Ce résultat trouve son origine dans le fait que l’Europe (et indiscutablement les Etats-Unis) connaît le régime de droit antitrust le plus strict du monde. Les auteurs ont également l’Asie, l’Australie et l’Amérique latine dans leurs régressions. Pour simplifier, nous n’avons retenu que l’Europe (EU) et les Etats-Unis et canada (US). Voir J. CONNOR, Y. BOLOTOVA, 2006, op. cit. pp.1130-1131.
système bruxellois, point de tribunal impartial en première instance, point d’audience publique devant l’organe de décision et point de contrôle juridictionnel effectif.
B. Evaluation
Alors les arguments des praticiens du droit de la concurrence sont-ils fondés ? Sans entrer dans une discussion technique, un appel à la modération est ici justifié. Premièrement, l’idée d’une Commission épiant les moindres faits et gestes des entreprises est caricaturale. Ses ressources humaines et financières sont évidemment limitées. De plus, sa vigilance s’exerce sur une sphère économique en constante extension et complexification.
titrait le 30 août 2017 1 que les GAFA seraient les premières sociétés à dépasser le seuil de mille milliards de capitalisation, mettant un coup de projecteur de plus à un secteur qui n’en manque pas, et affichant une nouvelle fois la domination économique certaine de ces nouveaux géants. A titre de comparaison, ce montant équivaut au PIB du Mexique en 2016, 15 e puissance économique mondiale 2 . Cette domination, comme toute évolution économique, n’est pas sans avoir de sérieux impacts sur les marchés existants, leurs acteurs, et en bout de chaîne sur les consommateurs. Elle soulève également des questions de respect de la vie privée, d’accès aux données personnelles et de droit du travail pour ne citer que quelques domaines. Comme on peut le voir, les problématiques liées au développement des sociétés numériques sont vastes et leur hégémonie peut rapidement devenir inquiétante. Cette tendance monopolistique naturelle induit une concentration certaine des marchés, préjudiciable en premier lieu à une concurrence forte et saine.
même ordre d'idée, il peut être important que les dirigeants, que ce soit le conseil d'administration ou la direction générale par exemple, prennent part à ces formations afin de montrer que le top from the top n'est pas qu'une déclaration de principe.
À l'issu de ces formations, les employés doivent connaître les principales interdictions en droit de la concurrence, leurs conséquences pour l'entreprise et les pratiques à éviter afin d'être en mesure, le cas échéant, de les détecter et de savoir comment les dénoncer. Ces formations doivent avant tout sensibiliser le personnel aux risques spécifiques à l'entreprise qui ont été identifiés. Dans toutes ces démarches, plus les managers s'impliquent et plus les employés vont comprendre qu'il s'agit d'un enjeu important au sein de l'entreprise. Les formations doivent également servir à préparer les employés à une éventuelle enquête sur place des autorités de concurrence sans avertissement préalable. Il s'agit d'éviter qu'ils entravent l'enquête par exemple en détruisant ou en gardant pour eux des éléments de preuve, mais aussi leur faire prendre conscience qu'ils bénéficient de certains droits de la défense.
discipliner des comportements relevant d’autres politiques publiques, comme cela pourrait être le cas en matière de données personnelles, de pluralité des médias, de financement électoral ou d’évasion fiscale. La mise en place d’un ordre juridique rationnellement organisé commande l’application de la règle « un objectif, un instrument » : pour chaque objectif de politique publique, un (seul) instrument – adapté à la problématique en cause – doit être mobilisé. Dès lors qu’un cadre réglementaire spécifique est établi, qu’il peut effectivement être appliqué à la situation observée et qu’il permet le régler la problématique identifiée, la règle générale doit être écartée 87 . En droit, on pourrait se référer au principe Lex specialis derogat generali. À titre d’illustration, on s’interroge sur la pertinence de l’intervention de l’Autorité de la concurrence allemande dans l’affaire Facebook 88 . A cette occasion, le Bundeskartellamt a condamné le réseau social pour avoir collecté des informations sur ses usagers à partir de sites tiers (ex. : Instagram ou Whatsapp), sans avoir obtenu un consentement volontaire au préalable – soit, une intervention qui semble précisément tomber dans le champ de la mission dévolue aux autorités nationales de protection des données. Sans compter que la décision n’explique pas comment la prétendue position dominante de Facebook a pu alimenter son abus. En effet, il est connu que les entreprises non dominantes sont aussi en mesure recueillir le consentement des usagers de manière abusive. Le cas échéant, l’UE n’aurait pas eu besoin d’adopter le RGDP, une législation générale s’appliquant aux entreprises dominantes et non dominantes.
Par ailleurs, le principe de subsidiarité revêt une importance toute particulière en matière pénale. Il impose que l’Union ne légifère que si l'objectif poursuivi ne peut être atteint plus efficacement par des mesures prises au niveau national ou régional et local, mais qu'il peut l’être mieux au contraire au niveau de l'Union, en raison de l’échelle ou des effets de la mesure envisagée, et ce dans le respect des droits fondamentaux 315 . Or, ainsi que la Commission l’a elle-même constaté, les mesures de droit pénal empiètent immanquablement sur les droits individuels, qu'il s'agisse de ceux du suspect, de la victime ou des témoins. Enfin, parce qu’elles peuvent entraîner une privation de liberté, elles exigent une attention particulière de la part du législateur. De là, Ingeborg Simonsson propose, dans le contexte de la décentralisation du droit de la concurrence amorcée par le REC, une pénalisation européenne du droit de la concurrence qui s’appuierait non pas sur la Commission, mais sur les États membres les plus expérimentés en matière de répression pénale du droit de la concurrence, via une externalisation, par les États ne disposant pas de dispositions pénales en matière de concurrence, des enquêtes et des poursuites à leur profit 316 . Bien qu’elle soit en congruence avec le principe de reconnaissance mutuelle, une telle suggestion apparaît éminemment infaisable : au vu des échecs patents de la répression pénale entreprise par les autorités britannique, irlandaise et estonienne, il est improbable que les États acceptent de sous-traiter à d’autres des dossiers relevant d’une matière aussi délicate, d’autant qu’une telle stratégie ferait peser une lourde charge de travail et des coûts disproportionnés sur certains juges et régulateurs nationaux. Toutefois, Andreas Reindl souligne que l’expérience des États membres en matière de répression des crimes en col-blanc est bien supérieure à celle de l’Union européenne. Dès lors, une intervention « décentralisée » à l’échelle des États membres, et non à l’échelle des institutions, serait une piste à considérer 317 . Encore faut-il, dans le
puissance publique mais par des actes de production, de distribution et de services » ainsi que l’a jugé le tribunal des conflits 86 . Au sens du droit communautaire, est considérée comme une entreprise « une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels rattachés à un sujet juridiquement autonome et poursuivant de façon durable un but économique déterminé 87 ». Une fois admis le fait que l’Etat pouvait être un agent économique comme un autre, ce qui, en réalité, est le cas en France, depuis 1921, et le fameux arrêt Bac d’Eloka du tribunal des conflits 88 , il n’existe a priori aucune raison de soumettre l’Etat à des règles différentes de celles des autres agents économiques, car à défaut d’égalité devant la loi, comment prétendre à une concurrence effective entre les entreprises publiques et les entreprises privées ? L’on éprouve cependant quelque peine à affirmer que l’Etat doive être considéré, lorsque il se livre à une activité économique, comme un sujet de droit de la concurrence comme un autre. N’y a t’il pas un paradoxe à vouloir faire de l’Etat, le sujet d’un droit dont il est lui-même la source ? Cette problématique n’est pas nouvelle, et la
Une nouvelle fois, on comprend bien que le législateur français ait voulu garantir les conditions d’une indépendance réelle de l’AAI. La petite taille de l’économie calédonienne renforce d’ailleurs cette nécessité, les connexions entre les différents acteurs étant plus aisées à établir que dans une grande économie. Le législateur calédonien, lui-même, semble être vigilant sur la question de l’indépendance des membres puisqu’il a fixé, dans l’article LP. 461-2 qui établit les conditions d’information des éventuels intérêts économiques et de délibération des membres de l’Autorité, des conditions un peu plus rigoureuses que celles qui sont applicables en France. Ainsi, « Tout membre de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie doit informer le président des intérêts qu’il détient ou vient à acquérir et des fonctions qu’il exerce dans une activité économique. Il doit également informer le président de l’autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie de toute fonction rémunérée qu’il a eue durant les cinq dernières années au sein d’une entreprise exerçant, directement ou indirectement, une activité à but lucratif en Nouvelle-Calédonie, ainsi que de toute fonction de conseil qu’il a eue, directement ou indirectement, au bénéfice d’une telle entreprise. Aucun membre de l’autorité ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt ou s’il représente ou a représenté une des parties intéressées. ». La partie soulignée (par nous) constitue en effet un ajout par rapport au droit français (article L. 461-2). C’est d’ailleurs pour tenir compte d’éventuelles impossibilités de délibérer que le Code de commerce calédonien prévoit que l’Autorité siège en formation de trois membres, sur les quatre personnalités du collège, le président devant cependant être présent aux délibérations (article LP. 461-3).
43
« le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que […] le droit national refuse à une partie, dont il est constaté qu'elle porte une responsabilité significative dans la distorsion de la concurrence, le droit d'obtenir des dommages et intérêts de son cocontractant. En effet, conformément à un principe reconnu dans la plupart des systèmes juridiques des États membres et dont la Cour a déjà fait application, un justiciable ne saurait profiter de son propre comportement illicite, lorsque celui-ci est avéré. À cet égard, parmi les éléments d'appréciation susceptibles d'être pris en considération par la juridiction nationale compétente, il y a lieu de mentionner le contexte économique et juridique dans lequel les parties se trouvent ainsi que […] le pouvoir de négociation et le comportement respectifs des deux parties au contrat. En particulier, il appartient à ladite juridiction d'examiner si la partie qui prétend avoir subi un dommage, en raison de la conclusion d'un contrat susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, se trouvait dans une position d'infériorité caractérisée par rapport à l'autre partie, de sorte qu'auraient été sérieusement compromises, voire nulles sa liberté de négocier les clauses dudit contrat ainsi que sa capacité d'éviter le préjudice ou d'en limiter la portée, notamment en utilisant en temps utile toutes les voies de droit qui étaient à sa disposition. […] le cocontractant du titulaire du réseau peut ne pas porter une responsabilité significative dans la violation de l'article 85, notamment lorsque les termes du contrat lui ont été, en fait, imposés par le titulaire du réseau. Contrairement à ce que soutient C OURAGE , une appréciation différenciée de l'étendue des responsabilités n'est pas contraire à la jurisprudence de la Cour » 158 .
trois formes d'ententes qu'il proscrit: il pose tout d'abord le principe de la prohibition des ententes anticoncurrentielles, puis déclare la nullité per se de certaines ententes anticoncurrentielles par leur objet, et envisage enfin des possibilités d'exemption pour les ententes dont le bilan économique est positif. En effet, les entreprises participant à une pratique concertée conservent la possibilité de démontrer les effets proconcurrentiels de leur comportement, dans le cadre de l'article 101.3 du traité. En droit interne, la justification par la conformité à la loi ou par un bilan économique positif est mentionnée à l'article L. 420-4 du code de commerce. De surcroît, en s'entendant pour réduire la concurrence, les entreprises s'exposent à des sanctions identiques, quelle que soit la forme qu'emprunte le concours de leur volonté. Le caractère informel des pratiques concertées ne les rend en effet pas moins graves, les pratiques concertées horizontales qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction sont notamment considérées par la jurisprudence comme particulièrement graves 185 .
Les impératifs de prévisibilité et de sécurité juridique rendent malgré tout nécessaire l’instauration d’un barème pour le calcul des sanctions pécuniaires. En France, le manque de prévisibilité de la sanction a été mis en exergue à l’occasion de l’affaire du négoce de l’acier qui a mené à la publication par l’Autorité de la concurrence d’un communiqué en mai dernier. Ce dernier, qui s’inspire de la méthode suivie par la Commission européenne, précise et formalise la façon dont sont mis en balance les critères par l’Autorité lors du calcul de la sanction. Une telle grille de lecture permet notamment de renforcer la prévisibilité des sanctions tout en améliorant la conformité du système aux principes généraux du droit.
Maniadaki insiste, par la suite, sur l’approche « centrée sur les effets » et « orientée vers le consommateur » du droit de la concurrence de l’UE : le préjudice doit être apprécié en fonction de l’attitude individuelle concernée et selon ses effets sur la concurrence et les consommateurs. A ce propos, les autres textes législatifs ou règlementaires devraient être pris en considération. A cet égard, il faut accorder de l’importance aux principes qui sous-tendent la réglementation. Par exemple, la directive-cadre n’a pas apporté de réponse définitive quant à l’importance à accorder aux effets concurrentiels de la NI et de sa violation sur les marchés de transmission et de contenu. Seul un mécanisme basé sur une méthode casuistique y est inscrit. Si une autorité a imposé une interdiction de blocage selon cette réglementation, cela pourrait être pertinent pour une enquête en droit de la concurrence mais il est nécessaire, pour Maniadaki, de considérer le champ d’application d’une telle obligation (si l’ARN a imposé une obligation peu contraignante, cela peut être pertinent) et sa raison d’être sous-jacente (étant donné que les objectifs non-concurrentiels ont peut-être été d’une importance plus grande pour l’ARN quand elle a imposé une obligation en vertu de la directive-cadre). 142