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Etude de l’adsorption critique par réflectivité de
neutrons. Application à la compréhension de
mécanismes environnementaux
Jacques Jestin
To cite this version:
Jacques Jestin. Etude de l’adsorption critique par réflectivité de neutrons. Application à la
com-préhension de mécanismes environnementaux. Dynamique des Fluides [physics.flu-dyn]. Université
de Bretagne occidentale - Brest, 2001. Français. �tel-00001286�
Etude de l'adsorption critique par
re ectivite de neutrons
Application a la comprehension de
mecanismes environnementaux
Presentee par Jacques JESTIN
pour obtenir le grade de
DOCTEUR de l'UNIVERSITE de BRETAGNE OCCIDENTALE
Soutenue le 18 decembre 2001 devant un jury compose de :
M. P.-G. De Gennes president M. J. Meunier rapporteur M. P. Damay rapporteur M. P. Toulhoat M. M. L'Her M. G. Zalczer M. C. Militon
A Gaelle,
Remerciements
GilbertZalczerm'aaccompagnequotidiennementdurantcestroisannees.Lesenseignements
et la rigueur scientique qu'il a su me communiquer ainsi que sa grande disponibilite m'ont
permis de mener a bien ce travail. J'ai eu beaucoup de plaisir a travailler avec lui et je lui
exprimetoute magratitude.
Mireille Privat m'a propose ce sujet et a ete presente tout au long de cette these malgre
l'eloignement geographique. Je la remercie pour son enthousiasme et ses encouragements qui
m'ont toujoursete d'un grandsoutien.
J'exprimemaprofondereconnaissanceaMessieursPierreDamayetJacquesMeunierd'avoir
accepte de rapporter ce manuscrit ainsi qu'a Messieurs Maurice L'Her et Christian Militon
d'avoir accepte de participer au jury. J'ai eu beaucoup de plaisir a discuter de ce travail avec
MonsieurPierre Toulhoatetjele remerciede saparticipation.
MonsieurPierre-GillesDeGennesm'afaitl'honneurd'accepterde presiderce juryet jel'en
remercie.
Cette these a ete conancee par le Commissariata l'Energie Atomique (CEA) et l'Agence
de l'Environnement et de la Matrise de l'Energie (ADEME). Je remercie ces deux organismes
d'avoirainsipermislarealisationdecetravail.JeremercieMessieursJacquesHammanetHerve
DesAbbayesdem'avoiraccueillidansleurlaboratoire,leServicedePhysiquedel'EtatCondense
(SPEC)a Saclayetlelaboratoire deChimie de L'universite de Bretagne Occidentalea Brest.
C'est avec Lay-Thang Leeque j'ai debute mes premieres experiences dere ectivite de
neu-tronsauLLB.Sonextr^emegentillesse,soninter^etpourlesujetetsesconseilsavisesontete d'un
grandsoutien etje luiadresse tous mes remerciements. AlainMenelle aparticipe aunegrande
partie des experiences presentees dans ce manuscrit.Toujoursdisponible,j'ai grandement
pro-te de ses competences scientiques ettechniques au travers de nombreuses discussions. Jelui
exprimemaprofonde gratitude.Jeremercie DidierLairezetJulianOberdissepourl'aidequ'ils
m'ont apportee lorsdesexperiencesde diusionauxpetitsangles.
Durant ces trois annees, j'ai pu benecier des competences scientiques et humaines de
nombreuses personnes. Je tiens a remercier Messieurs Patrick Guenoun, Alan Braslau, Michel
Alba,MarcoBonetti, JeanDaillant et MohammedDaoudde l'inter^etqu'ilsont manifestepour
ce travail. Un merci particulier a Michel pour les sandwichs du midi.Mes remerciements vont
egalement a Christian Blot et Daniel Luzet pour le soutien technique et leur eternelle bonne
humeur.Denombreuxsoucisadministratifsontpu^etre demelesgr^aceauxtalentsde Raymonde
Marciano, ElianeJallot etMichele Kerleroux. Cecile Gasquet et AnneCapdepon ont ete d'un
grandsecours danslaresolution desproblemesinformatiques. Messejours a Brestont toujours
eted'agreablesmomentsgr^aceaCecileLeCaudrec,DominiqueAndrieux,Jean-PierreHuruguen,
echanges que nous avons eus durant notre cohabitation et a Antonio Checco pourson soutien
lors de la derniere ligne droite de la redaction. Je souhaite a Antonio, ainsi qu'a Guillaume
Rommet-Lemmone, beaucoupde courage pourleurn de these.
Plusieurs personnes etrangeres au milieu scientique ont contribue de maniere inestimable
a ce travail. Je ne remercierai sans doute jamais assez mes parents, Francoise et Louis de leur
reconfort omnipresent durant ces trois annees, ainsi que Gwen et Annaig.La presence de mes
Grand-parentslorsdelasoutenance restera pourmoi un magniquesouvenir.Toutema
recon-naissancea Yann, Sandra,Guillaume,Karen, Dam's, Kelig,Seb, Celine, Erwan, Mike, Hugues
et Aurelie, Gilles, Franck, Stanet Edouard pour leuramitie. Mention speciale a Eric pour son
deplacement depuislaMayenneprofonde etaFrancispourses mailsfra^chement postesdu sud
de laCalifornie.Enn,ce travail doitenormement aGaelledont lesoutien de chaque instant a
Introduction 10
1 Des sols pollues aux phenomenes critiques... 17
1.1 Introduction. . . 17
1.2 Les melanges binairespartiellementmiscibles . . . 19
1.2.1 Qu'est cequ'unmelange binaire partiellementmiscible? . . . 19
1.2.2 Parametre d'ordre . . . 20
1.2.3 Analogie avec d'autres systemes, universalite . . . 20
1.3 Descriptiontheorique desphenomenes critiques . . . 22
1.3.1 Theorie deLandau . . . 22
1.3.2 La longueur de correlation . . . 23
1.3.3 Exposants critiques. . . 24
1.3.4 Theorie dugroupede renormalisation . . . 25
1.4 Phenomenes liesa lapresence d'uneinterface . . . 26
1.4.1 La descriptionde Cahn . . . 27
1.4.2 Universalite du phenomene . . . 28
1.4.3 Demarche de l'etude . . . 30
2 Description theorique de l'adsorption critique 33 2.1 Introduction. . . 33
2.2 Forme generaledu prol . . . 33
2.3 Les fonctionsd'interpolation. . . 36
2.3.1 La loi en puissance-exponentielle . . . 37
2.3.2 La loi Pade-exponentielle . . . 37
2.3.3 La loi sinus-hyperbolique . . . 37
2.3.4 Les modelesP 1 et P 3 . . . 37
2.4 Le regime de l'adsorptioncritique . . . 38
8 TABLE DESMATIERES
2.5.2 Conclusion . . . 41
2.6 Experiencesanterieuresen re ectivite de neutrons . . . 42
2.6.1 L'experience de Zhao etal. . . 42
2.6.2 L'experience de P. Sibille . . . 42
2.6.3 L'experience de Howseetal.. . . 44
2.6.4 Conclusion . . . 45
3 La re ectivite de neutrons 49 3.1 Principesde lare ectivite de neutrons . . . 49
3.1.1 Equation de Schrodingeretpotentield'interaction . . . 49
3.1.2 Indice neutronique,re ectiontotaleet anglecritique . . . 50
3.1.3 Expressiongenerale de lare ectivite . . . 52
3.2 Le calcul dela re ectivite a l'interfaceliquide-vapeur . . . 53
3.2.1 Re ectivite deFresnel . . . 53
3.2.2 Evolutionsattenduespourl'adsorptioncritique . . . 54
3.3 Re ectivite a l'interfacesolide-liquide. . . 59
3.3.1 Re ectivite deFresnel . . . 59
3.3.2 Cas d'unemonocouche adsorbee sur unsubstrat . . . 60
3.4 Mesure d'une courbe de re ectivite . . . 61
3.4.1 La techniquedu tempsde vol . . . 61
3.4.2 Les re ectometres utilises . . . 62
4 Caracterisation des melanges critiques 67 4.1 Preparationdesechantillons . . . 67
4.2 Determination descourbesde coexistence . . . 68
4.2.1 Principede lamesure . . . 68
4.2.2 Acquisition ettraitement desdonnees . . . 68
4.2.3 Determinationdes parametrescritiques . . . 70
4.3 Mesure deslongueursde correlation . . . 70
4.3.1 Origine de ladiusion . . . 72
4.3.2 Principeet montage de l'experience . . . 73
4.3.3 L'acquisition etletraitement desdonnees . . . 74
4.3.4 Mesures de laviscosite . . . 76
4.3.5 Le calculde lalongueurde correlation . . . 77
5 Etude de l'adsorption critique 83 5.1 Dispositif experimental . . . 83
TABLE DESMATIERES 9
5.1.3 Mesure deturbidite optique . . . 85
5.1.4 Les mesuresde transmission. . . 86
5.2 Mesure desspectresde re ectivite . . . 88
5.2.1 La preparation desechantillons . . . 88
5.2.2 Resultats obtenuspourlemelange C 6 F 14 -C 6 H 14 . . . 88
5.2.3 Resultats obtenussur lemelange CD 3 OD-C 6 H 12 . . . 90
5.2.4 Resultats obtenussur lemelange CH 3 OH-C 6 D 12 . . . 93
5.3 Ajustementsdes courbesde re ectivite . . . 95
5.3.1 Objectifs del'analyse . . . 95
5.3.2 Methode decalcul . . . 96
5.3.3 Qualite desajustements . . . 98
5.4 Discussiondesparametresobtenus . . . 113
5.4.1 L'exposant = . . . 113 5.4.2 Les amplitudesP 0 et P 1 . . . 114 5.5 Conclusion . . . 117
6 Etude du prol non-critique 121 6.1 Introduction. . . 121
6.2 Descriptionde l'experience. . . 123
6.3 Resultats . . . 123
6.4 Analyseetconclusion . . . 125
7 Adsorption a l'interface solide-liquide : etude par re ectivitede neutrons 129 7.1 Vers unsysteme plusrealiste . . . 129
7.2 Descriptiondu systeme . . . 132
7.2.1 Le melange H 2 O-2,5DMP . . . 132 7.2.2 Le melange D 2 O-2,5DMP . . . 133 7.2.3 Preparation dusubstrat . . . 136
7.3 Les premierstests eectues . . . 136
7.3.1 Conguration experimentale. . . 136
7.3.2 Resultats . . . 137
7.4 Etude lelongde lacourbe decoexistence . . . 139
7.4.1 Evolutiondu dispositifexperimental . . . 139
7.4.2 Resultats . . . 139
7.5 Analyse . . . 142
7.5.1 Prolen marche . . . 142
8 Adsorption a l'interface solide-liquide : etude par diusion de neutrons 153
8.1 Introduction. . . 153
8.2 La diusionde neutronsaux petits angles . . . 153
8.2.1 Principede lamesure . . . 153
8.2.2 Intensite diusee parunsysteme dilue . . . 154
8.2.3 Le traitement desdonnees . . . 155
8.3 Premiers testseectues . . . 155
8.4 Conclusion . . . 159
Conclusion 160
Annexe 166
La protectionde l'environnement estdevenue unepreocupationmajeurede notresociete et
motive, a c^ote d'etudes sur la reduction des facteurs createurs de pollution, le developpement
croissant de recherches pour l'amelioration des methodes de depollution. La necessite de
com-prendrelesmecanismesintervenantdanscesprocessusconduitaabordercesrecherchessousun
angle fondamentaldans uneperspectivede transfertde connaissances.
La rehabilitation d'un sol contamine par un hydrocarbure liquide,rehabilitation a laquelle
nousnous sommesparticulierementinteresse, passe parl'emploide techniquesdont le principe
est base sur une modication des proprietes d'adhesion de l'hydrocarbure sur les elements de
sols. La perte d'adhesion est generalement provoquee par l'action de produits tensioactifs. La
procedureestcompleteeparunlessivagedespolluantsparinjectiondevapeurd'eau.Unsysteme
reel de sol pollue est evidemment tres complexe du fait de la diversite de la nature des sols et
des hydrocarbures, de la presence d'agents biologiques etmineraux. Cependant,le phenomene
physique intervenant dans le processus de depollution est tres comparable a un phenomene
fondamental,identieilyaunevingtained'anneepourdesmelangesbinairesdedeuxliquidesau
contactd'unesurface,souslenomdetransitiondemouillage.Unetransitiondemouillagedecrit
la perte d'adhesion de l'une des deux phases liquidessur le substrat induite par unevariation
detemperature,seproduisantaproximitede latemperaturecritiquedumelangebinaire.Cette
transition s'inscritellem^eme dansuncontexted'etude plusgeneral regroupantles phenomenes
d'adsorptionetdemouillage,lesphenomenescritiquesetlaphysiquedestransitionsdephase.Ce
themederechercheasusciteunvifinter^etd'ordrefondamentaldepuisunevingtained'annee.Les
perspectives d'application ne sont d'ailleurspas limitees aux problemes environnementaux qui
nousinteressent.Lesphenomenesde mouillageetd'adsorption seretrouventdansdesdomaines
tres varies tels que la recuperation du petrole, l'etalement de peinture ou d'une encre sur un
substratsolide,l'adhesiondespneussur unsol mouille,l'etalement de produitsphytosanitaires
surles dierentesparties d'une planteetbien d'autres encore.
Sidenombreusesdescriptionstheoriquesdecesphenomenesontpu^etrevalideesavecsucces
par l'experience, certaines de ces predictions, comme celles portant sur le prol d'adsorption
jus-mouillage)presd'unpoint critiqueetrepresente doncle comportement limitedesproprietesde
surfacesdedeuxphasesenequilibredesaturationcontreunmur,solideouvapeur:cesproprietes
sont cellesquiinterviennentdansles phenomenesenumeresplushaut. Conna^trece prolrev^et
donc une importance certaine, ce qui conduit a developper et raÆner l'etude physique de ces
phenomenes pardes techniques presentant unemeilleure resolution que les methodes optiques
habituellementutilisees.Lestechniquesneutroniquesfontpartiedescesmoyenspotentiellement
pluspuissants.
Ce travail porte donc, en grande partie, sur l'etude du phenomene d'adsorption critique
parunetechnique de re ectivite de neutrons.Cette demarche,motivee dans unpremier temps
parun inter^etfondamental,presenteegalement l'inter^et experimental de testerl'applicationde
techniquesneutroniquesa dessystemesmodelesserapprochant d'unschema eau/polluant/sol.
Le premierchapitredecedocumentfournitlesdescriptionstheoriquesdessystemesmodeles
utilisesdanscetravail,lesmelangesbinairespartiellementmisciblesetpresentedefacongenerale,
les phenomenes d'adsorption et de mouillage. Le second chapitre presente le phenomene
d'ad-sorptioncritique, les predictions theoriques et les resultats des experiences deja menees sur ce
sujet. Les chapitre 3 et 4 decrivent respectivement la technique de re ectivite de neutrons et
lesmesurescomplementairesnecessairesalacaracteristation desmelangesbinairescritiques.Le
chapitre5 presente les resultatsnouveauxobtenussur l'adsorptioncritique etlechapitre 6,les
mesureseectueeslorsqu'ons'ecarte delaconcentrationcritique.Leschapitres7et 8presentent
l'applicationdetechniqueneutronique,lare ectiviteetladiusiondeneutronsauxpetitsangles,
surun systeme modele de typeeau/polluant/sol.En annexe,on trouveunepublication
concer-nant une problematique proche de ce travail relative a la coadsorption d'hydrocarbures et de
Des sols pollues aux phenomenes
critiques...
1.1 Introduction
Une situation de sol pollue par un hydrocarbure peut ^etre schematisee de facon simple en
considerant deux phases liquides, une phase composee d'eau (element inevitablement present
dans les milieux naturels) et une phase hydrocarbure, au contact d'une paroi solide, le
sub-strat, caracterisant le sol. Une telle representation (gure 1.1) permet d'introduire la notion
d'interface : une interface liquide-liquide, eau-hydrocarbure et deux interfaces liquide-solide,
eau-substrat et hydrocarbure-substrat.Ces interfacessont deniesparunetension supercielle
,appelleetension desurfacedanslecasd'uneinterfaceliquide-solide(
Sl A et Sl B ) ettension
interfaciale pour l'interfaceliquide-liquide(
lAlB
). Ces grandeurs sont reliees entre elles via la
relationde Young: Sl A = Sl B + l A l B cos (1.1) si j Sl A Sl B j l A l B 1 (1.2)
Cetterelationtraduitsimplementl'equilibremecaniquedesforcesexerceesparlestroisinterfaces
sur la ligne triple de contact entre les trois phases du systeme. La relation de Young permet
de denir des etats de mouillage selon la valeur de l'inegalite 1.2. Une valeur non nulle de
l'anglede contactdenitunetat demouillagepartiel(gure1.1(a))pourlequellesdeuxphases
liquides sont en contact avec le substrat. Le cas inverse, correspond a un etat de mouillage
complet (gure 1.1(a)) pour lequel une des phases liquides (par exemple l'eau) forme un lm
macroscopique sur le substrat, emp^echant ainsi la phase organique d'^etre en contact avec le
solide.Pourpasserd'unetat demouillagepartielaunetatde mouillageparfait,ilfautmodier
S
(substrat)
S
(substrat)
θ
l
A (hydrocarbure)
l
B (eau)
(a)
l
A (hydrocarbure)
l
B (eau)
S
(substrat)
(b)
σ
lA lB
σ
S lA
σ
S lB
Fig. 1.1{ Mouillagepartiel (a), mouillage complet (b).
sont evacues mecaniquement parinjectionde vapeurd'eau.)
D'unpointdevuefondamental,lepassaged'unesituationdemouillagepartielaunesituation
de mouillage complet a ete identie en 1977 par J. W. Cahn [1 ] dans le cas particulier de
melangesbinaires liquidespartiellement miscibles.L'aspect leplusremarquable de cette etude
est quece changement d'etat de mouillage,qualie de transitionde mouillage, prendeet sous
laseulein uenced'unchangement detemperature. Cetteparticularitepresentedoncuninter^et
evident enterme d'ameliorationsdestechniquesdedepollution,dont lepointfaibleestl'emploi
de tensioactifs. Ainsi, sur la base de la description de Cahn, les melanges binaires liquides
partiellement miscibles constituent de bons candidats en tant que "systemes modeles" pour
developperun travail experimentaldans cettethematique.
Ungrandnombredemelangesbinairespartiellementmisciblespresententl'avantagede
pou-voir ^etre etudies dans des conditions de temperature et de pression facilement accessibles a
l'experimentateur. La presence d'un point critique inclut ces melanges dans un ensemble plus
vaste de systemes gouvernes par des proprietes identiques, les phenomenes critiques. L'etude
de ces phenomenes a suscite un vif inter^et depuis une quarantaine d'annee, ce qui permet de
disposer de descriptions theoriques abouties pouvant servir de reference lors d'une approche
experimentale.
Nous commencerons par detailler les proprietes volumiques des melanges binaires par une
approche thermodynamique puis selon la theorie des phenomenes critiques. La transition de
mouillageconstitueunecaracteristiqueparticulieredesphenomenescreesparlapresence d'une
C
φ
perfluorohexane
φ
c
température
monophasique
diphasique
T
c
(2)
(1)
Fig.1.2{Diagrammedephase d'unmelangebinairepartiellement misciblecomposede
per uo-rohexane et d'hexane.
1.2 Les melanges binaires partiellement miscibles
1.2.1 Qu'est ce qu'un melange binaire partiellement miscible?
Un melange binairepartiellementmiscibleestunmelangede deuxliquidesdontlasolubilite
reciproquevadependredesparametresthermodynamiquestelsquelapressionoulatemperature.
La gure 1.2 presente le diagramme de phase d'un des melanges etudies au cours de cette
these, le melange per uorohexane-hexane, ou la temperature est reportee en fonction de la
fraction volumique en per uorohexane (ce diagramme de phase a ete determine selon une
methode optique decrite dans le chapitre 4). On distingue le domaine monophasique au sein
duquel les deux liquidessont parfaitement miscibles,du domaine diphasiqueou le melange se
separe en deuxphases de concentration f(T), ne dependant que de la temperature. La lignede
separationdesdeuxdomainesestlacourbedecoexistence.Ladierenceentrelesphasess'annule
contin^umentaupointcritique.Siontraverselacourbedecoexistenceaupointcritiqueenvariant
la temperature (chemin (1) gure 1.2), la concentration des phases variera contin^ument (mais
premierordre.
Generalement, les uidesbinairespresentent despointscritiqueditssuperieurscommec'est
le cas de la gure 1.2. Dans les basses temperatures (pour T < T
c
), les interactions entre
molecules similaires predominent, et le systeme se separe en deux phases distinctes. Dans les
hautes temperatures (T >T
c
), l'agitation thermiquel'emporte sur les aÆnites entre molecules
du m^eme type etprovoquelareunionenuneseulephase de molecules dierentes.
Cependant, quelques melanges binaires ont un comportement inverse, c'est a dire qu'ils
presentent une phase homogene aux basses temperatures, ces solutions possedent une
temperature critique inferieure au dessus de laquelle la separation de phase se produit. On
trouve ce casde guredansplusieursmelangestelsque lessolutions aqueusesde surfactantset
lesmelangeseau-polymeressolubles((parexemplelemelangeeau-poly(N-isopropylacrylamide)).
Ilexisteplusieursdescriptionstheoriquesdespointscritiquesinferieursquisontengeneralbasees
surla presence de liaisonshydrogenes entre lesmolecules d'especes dierentes [2 ].
Il existeenndes systemesou l'on observe a lafois un point critique superieur etun point
critique inferieur. Le systeme eau-2,5 dimethylpyridine etudi e au cours de cette these en fait
partie.
1.2.2 Parametre d'ordre
On appelle parametre d'ordre, une variable nulle dans le domaine monophasique et non
nulledansle domainediphasique. Dans lecas d'unmelange binaire,le parametre d'ordre peut
^etre '=
c ou
c
est la fraction volumique critique. On peutegalement denirle champ
conjugue du parametre d'ordre,qui gouverne sesvariations,comme ladierence despotentiels
chimiques:h==
c
.La dissymetrie de lacourbe de coexistence de certains melanges
binaires rend delicat le choix de '. Cette dissymetrie est reliee a la dierence de tailles des
molecules constituant le melange et au caractere plus ou moins dissymetriques de celles-ci[3 ].
Ainsi, ce parametre n'est plusen mesure de rendreparfaitement compte du comportement du
systeme surtoutlediagramme de phase.Neanmoins,etcomme nousallonsle voir,lesmodeles
sontetablisal'approchedupointcritique,danslaregionditeasymptotique,oucettedissymetrie
dispara^t.
1.2.3 Analogie avec d'autres systemes, universalite
La presence d'un point critique, comme c'est le cas dans un melange binaire, implique
dans son voisinage des comportements singuliers, les phenomenes critiques. Ces phenomenes
ont la particularite de presenter des comportements analogues sur des systemes a priori tres
dierents[4 ].Le diagramme de phase d'unmelange binairepartiellement miscibleest tres
P
c
ρ
c
T
c
T
diphasique
monophasique
ρ
P
T
c
T
M
pas d ’état
stable
(a)
(b)
Fig. 1.3 { (a) Diagramme de phase d'un corps pur en representation de Clapeyron (T,). (b)
Courbed'aimantation spontanee d'unmateriauferromagnetique(comme lefer par exemple).La
temperaturecritique est dans cecas la temperature de Curie (d'apres [4]).
a la"temperature de Curie".
Le parametre d'ordre et son champ conjugue prennent un caractere universel puisque ces
grandeurs denies dans le cas d'un melange binaireauront un comportement tout a fait
com-parables a celles denies pour un uide pur (
c
) ou pour un systeme magnetique (la
magnetisationM).
Cesanalogiesconduisent alanotiond'universalite quipermetde regrouperdansunem^eme
classe l'ensemble des systemes presentant des comportements critiques identiques. Les criteres
d'appartenancea unetelle classesont ladimensionalitedusysteme det lenombre dedegresde
liberteduparametred'ordre.Lesmelangesbinairesliquidesappartiennentainsialaclassedites
d'Ising-3D, a laquellesont egalement associesles systemes magnetiques etles uidespurs.
Le modele d'Ising consistea repartir N spins en positionup (")ou down (#) surles noeuds
d'unreseaudedimensiond(d=2 surleschemadelagure1.4)oulesinteractionsontlieuentre
plusprochesvoisins. Dans ce modele les spins upet down peuvent ^etre remplaces parles deux
molecules d'un melange binaire ou par une molecule et un "trou" dans le reseau, dans le cas
d'un uide pur.
Historiquement, c'est Van der Waals qui decrivit le premier une theorie des phenomenes
critiquesdans le cas d'un uide pur en 1873. La theoriede Van derWaals est construite selon
uneapproximation,appelee approximation duchamp moyen ouchampmoleculaire.Dans cette
approche,les interactionsentre lesmolecules du uidesontremplaceesparunevaleurmoyenne
de l'ensembledesinteractions,ayant lem^emeeet surchaque molecule et nes'etendant pasau
Fig. 1.4{ Reseau de spinsdans la modele d'Ising a deux dimensions (d'apres [5]).
d'Ising.Cesdescriptionsont ensuiteete generalisees parLandau[6 ].
1.3 Description theorique des phenomenes critiques
1.3.1 Theorie de Landau
Bien qu'approximative parnature, la formulationde Landaude latheorie des phenomenes
critiquesestlabasede leurdescription.Cette theoriede champ moyen quine tientcompteque
de la valeur moyenne du parametre d'ordre postule que la partie singuliere de l'energie libre,
quidecrit l'approche asymptotique du point critique,est uneseriede puissances du parametre
d'ordre '[6 ,7, 8](gure 1.5): ~ F(T;')= ~ F 0 (T;0)+ a 2 t 2 ' 2 + A 4 4 ' 4 (1.3) ou F 0
estlapartie regulierede ladensited'energie.t=(T T c
)=T c
est latemperature reduite,
avec T
c
la temperature critique et A
4
> 0 pour garantir un minimum et donc la stabilite
thermodynamique. L'equilibre est donne par le minimum de
~
F, c'est a dire par la condition
pourlaquellele champ conjugueau parametred'ordre h=(@
~ F=@') T est nul: @ ~ F @' ! =a 2 t'+A 4 ' 3 =0
F
ϕ
T < T
c
T > T
c
T = T
c
Fig. 1.5 { Energie libre decrite selon Landau : F =ax
2
+bx
4
, correspondant a l'equation 1.3.
Lechangementdesignedeaprovoque latransitionencreant deuxminimums,c'est adire,deux
phases en coexistence.
Le parametre d'ordre s'exprimeen fonctionde latemperature reduitecomme :
'(t)= 8 < : 0 pourt>0 ( a 2 t=A 4 ) 0:5 pourt<0
La stabilite despositionsd'equilibreest determinee parladerivee secondede l'energielibre :
@ 2 ~ F @' 2 ! T =a 2 t+3A 4 ' 2 =0
etpermetd'exprimerla susceptibilite:
T = @ 2 ~ F @' 2 ! 1 T = @' @h T = 8 < : a 2 t 1 pourt>0 (a 2 t+3A 4 ' 2 ) 1 = 1 2 ( a 2 t) 1 pourt<0
1.3.2 La longueur de correlation
Avec laproximite de latransition s'annoncent les deux phasesde compositiontresvoisines
domainesdedensitedierentes'etendentspatialementsurunecertaineechelle,appeleelongueur
de correlation , qui devient innie au point critique. Ce phenomene est responsable dans les
liquidede ce quel'on appellel'opalescence critique.Pour tenircomptede ces uctuationsdans
la theorie de Landau,on introduit dans
~
F unecorrection proportionnelleau carre du gradient
du parametre d'ordre.L'equation 1.3 devient :
~ F(T;')= ~ F 0 (T;0)+ a 2 t 2 ' 2 + A 4 4 ' 4 + g 2 (r' 2 ) (1.4)
La longueurde correlation est :
(t)= 8 < : p (g=a 2 t)= 0 t 0:5 pourt>0 p ( g=2a 2 t)= 0 ( t=2) 0:5 pourt<0 ou 0
estl'amplitudedelalongueurdecorrelation.Cetteformulationpermetdeconstaterquela
longueurdecorrelationestaussiunegrandeurquidivergeaupointcritique.L'approchedupoint
critiquecorresponddoncal'apparitiondanslesystemed'une nouvellelongueurcaracteristique,
beaucoupplusgrandeque ladistance moyenne entre particules.
1.3.3 Exposants critiques
La theorieclassiqueexposeeprecedemment preditladependance duparametre d'ordreavec
latemperature reduite, au voisinagedupointcritique,par uneloi de puissance:
'jtj 1 2 =jtj ; t<0
ou estun exposant critique.Les autresgrandeurs caracterisant lesysteme peuvent alors^etre
deniesde lam^eme facon :
La longueurde correlation varie comme:
jtj 1 2 =jtj ; t>0 La susceptibilitecomme : T jtj 1 =jtj ; t>0
Les denitions de la chaleur specique C
V
, du parametre d'ordre en fonction de son champs
conjugue h, et de la fonction de correlation , permettent l'introduction d'autres exposants
critiques: { C V jtj { j'j h 1 3 =jhj 1=Æ ; t=0 { (r) 0 d 2+ ; t=0; et r 0
parametre exposant champ moyen renormalisation
parametre d'ordre' 1/2 0.325
longueur de correlation 1/2 0.63
susceptibilite T 1 1.241 chaleurspecique C V 0 0.11 compressibilite Æ 3 4.8
fonction decorrelation 0 0.031
Tab.1.1{Exposants critiquesdelaclassed'universalited'Ising-3Dcalculesparl'approximation
du champ moyen et par la methode numerique du groupede renormalisation (d'apres [8]).
ou 0
est l'amplitudede correlation et=0 dansla theoriede Landau.
Les determinations experimentales des exposants critiques ont permis de montrer que les
va-leurstrouveesne correspondaient pasacelles determineesparlatheorie deLandau(table 1.1).
La theorie de Landau neglige les uctuations. Or, on montre que ces uctuations sont
impor-tantes pour un systeme de dimensionnalite d=3 en presence d'interactions a courte portee.
Cette"incoherence"peut^etre generalisee selonlecriteredeGinzburg,quievalue l'in uencedes
uctuationsenfonctiondeladimensionnalitedusystemeetpermetainsidedemontrerque
l'ap-proximationdeLandaudevientexactepourunsystemededimensionnaliteinnie(lesexposants
champ moyen sont corrects pour d>4), ou dans le cas d'interactions a tres longue portee. Ces
considerationsont conduitlestheoriciensareconsidererladescriptiondecesphenomenes.Cette
demarche aete entrepriseen sebasant surlatheoriedu groupe de renormalisation.
1.3.4 Theorie du groupe de renormalisation
La modelisation desphenomenes critiquesparlamethode dugroupede renormalisationest
base sur le principe de l'homogeneite de la partie singuliere des fonctions thermodynamiques,
en particulier l'energie libre [9 ]. La construction de la partie singuliere des fonctions
thermo-dynamiques sous la forme de fonctions homogenes generalisees est realisee en conciliant leurs
comportements limites loin et proche du point critique, ce qui permet de prendre en compte
l'existence de uctuations a grande echelle, omises dans latheorie de Landau. Cette demarche
permetde reecrire l'energie libreselon:
~ F(';T) ~ F(0;T)=jtj 1 g ' jtj =jtj 1 f h jtj (1.5)
sont au nombrede quatre : 8 > > > > > > < > > > > > > : ++2 =2 1 =(Æ+1) =(2 ) d=2
De m^eme, on peutetablir desrelations entre les amplitudescorrespondant aux exposants
cri-tiques tellesque:
BC + D Æ 1 =R x A + C + B 2 =R c ouB,A + ,C +
etDsontrespectivementlesamplitudesdelacourbedecoexistence,delachaleur
specique, de lasusceptibilie et du parametre d'ordre en fonction de son champ conjugue. Les
grandeurs R
x
etR
c
sont desconstantes universelles.
La determination des exposants critiques a partir de la methode des solutions numeriques
du groupe de renormalisation (table 1.1) permet de retrouver les valeurs determinees
experimentalement et de valider la notiond'universalite pour des systemes appartenant a une
m^emeclasse.Deplus,cette coherence entretheorieetexperiencea motive ledeveloppement de
cetteapproche pourladescriptiondephenomenespluscomplexestelsqueceluidesphenomenes
critiquesde surfacequiconduitladescriptionduprold'adsorption critique.
1.4 Phenomenes lies a la presence d'une interface
Les melanges binairespartiellement miscibles constituent des systemesexperimentaux bien
connus. La presence d'une interface, par les interactions caracteristiques qu'elle induit va
mo-dierlocalement les proprietes desmelanges. Lorsqu'on s'interesse a cesproprietes, il convient
dans un premier temps de distinguer la notion d'adsorption, processus microscopique qui
ca-racterise l'in uencede lasurfacesur lemelange enphase homogene, de lanotionde mouillage,
processus macroscopique decrivant les phenomenes lorsque les deux phasesliquidescoexistent.
Ainsi les transitions de phase,passage parexemple du monophasiqueau diphasiquepar
varia-tions de latemperature le long d'une isochore, sont modieespar la surface.On parlealors de
transitionsde phasesdesurface,pourlesquellesunetat demouillagepeut^etreconsiderecomme
la phaseterminale macroscopique (plusieursdizainesd'epaisseurs moleculaires)d'un processus
d'adsorption (microscopique).L'ensemble desproprietes demouillage etd'adsorption ainsique
les transitions associees, ont ete decrites d'un point de vue theorique par J. W. Cahn dans
un article fondateur en 1977 [1]. Bien que certains fondements de cet article aient ete remis
nousinteressent etdes problematiques qu'ilsengendrent.
1.4.1 La description de Cahn
Le passage d'un etat de mouillage partiel a un etat de mouillage complet constitue l'une
destransition dephase desurfacedecrite precedemment appelee transitionde mouillage.Cette
transition de mouillageaete prediteparCahn [1 ] etindependamment parEbner et Saam[10 ],
dans lecadre des melanges binaires, surla base de la theorie desphenomenes critiquesdecrite
precedemment.
Reprenons le cas de la gure 1.1 decrivant un etat de mouillage entre deux phasesliquides
l A
et l B
et une phase solide, le substrat S. Le caractere partiel ou complet du mouillage est
formule, apartir de larelationd'Young(equation 1.3),selonuneinegalite :
j Sl A Sl B j l A l B
Cahn denit que la quantite j
Sl B
Sl
A
j tend vers zero selon une loi d'echelle le long de la
X
c
T
c
Température
Concentration
T
w
•
mouillage partiel
•
mouillage complet
Point critique de surface
T
sc
prémouillage
S
S
l
B
l
B
l
A
l
A
B
A
coexistence : j Sl A Sl B jjtj (1.6)
ou test latemperature reduite, =0:325 est l'exposant critiqueassocie auparametre d'ordre.
Parailleurs,Widom [11 ]avaitdeni auparavant :
l A l B jtj (1.7)
ou =1:3 l'exposant critiquede latension interfaciale.
L'exposant etant superieur a l'exposant , le membre de droite de l'inegalite tend plus
vite vers zero que le membre de gauche lorsque la temperature tend vers la temperature
cri-tique. Ainsi,lorsqu'on se rapproche de T
c
,l'inegalite stricte setransforme en egalite pour une
temperatureT
w
appeleetemperaturedemouillage(wetting),cequi corresponda unetransition
de mouillage.
Cahndeveloppeensuiteunetheoriephenomenologiquedelatransitiondemouillageapartir
d'analysesgraphiquesou"portraitsdephase".Sonanalysereposesursurladescriptiontheorique
des interfaces eectuee par Van derWaals [12],puis parCahn etHilliard[13 ]. Ildetermine un
diagrammedephasegeneriquerepresentesurlagure1.6.Cediagrammemetenevidencel'etat
de mouillage complet a proximite du point critique et une transition de mouillage pour une
temperature T
w
.SelonCahn, cette transitionest du premierordre carelles'accompagne d'une
discontinuitedans laderivee de l'energielibre desurface .
La ligne horizontale de transition de mouillage se prolonge dans le domaine monophasique
par unelignede premouillagequise terminepar un point critique de surface. Le premouillage
constitue une transition de phase de surface qui caracterise le passage d'un regime de faible
adsorption a un regime de forte adsorption. Si la phase riche en A mouille completement le
substrat, le saut d'adsorption caracteristique du premouillage a lieu dans la partie gauche du
diagramme de phase (gure1.6), du c^ote des faibles concentrations en espece mouillante. On
peutnoterque cettedescriptionest identiquepourunsysteme aun composant (unliquidepur
en equilibre avec la vapeur) pourlequel leliquide A represente laphase liquide et le liquide B
laphase vapeur.
1.4.2 Universalite du phenomene
L'argument de Cahn,quireposesur uneloi d'echelle, conduita penserque les phenomenes
de mouillagesontuniverselsetdoncgouvernes parlapresence du point critique.Cet argument
a ete largement critique par la suite, d'une part par les theoriciens des phenomenes critiques,
d'autre part selonlefait qu'une transition de mouillage n'estpas strictement dependante d'un
sans aucune exception, le siege d'interactions a longue portee, dites de Van der Waals. Cette
considerationadonnee lieua uneabondantelitteraturetheorique surlemouillageet les
transi-tionsdemouillageenfonctiondelanaturedesinteractions,alongueouacourteportee(onpeut
se referer aux articles de revue [15 , 16 , 17 ]). Le resultat de ces travaux, base sur des modeles
statistiques, a permisd'etendre le modele de Cahn et de mettre en evidence des cas de gure
plus complexes en fonction des interactions uide- uide et substrat- uide et de la nature des
potentielsquel'on choisitpourlesdecrire[18 , 19 ].Ceciapermisdemontrerlapossibilited'une
transition demouillage de second ordre,dite transition demouillage critique [20 , 21 ].
La prise en compte de l'in uence des interactions a longue portee ne remet cependant pas
en cause la possibilite d'une transition de mouillage du premier ordre et de la transition de
premouillageassociee. Des transitionsde mouillage dupremier ordre ont ete misesenevidence
experimentalementsur dierentsmelangesbinaires. Onpeutciter sans^etreexhaustif:Cahn et
Moldover[22 ] sur le melange methanol-cyclohexane au contact de la vapeur, Pohlet Goldburg
[23 ]surlemelangeeau-2,6dimethilpyridinesurunsubstratsolide,SchmidtetMoldover[24 ]sur
un melange de per uoromethylcyclohexane et d'isopropanol au contact de la vapeur ou encore
lemelange eau-2,5dimethylpyridinesurun substrat solide[25 ].
La verication experimentale de l'existence de la transition de premouillage a longtemps
resiste aux tentativesa cause notamment de sa proximite avec lacourbe de coexistence. Ellea
ete montree pourla premiere fois par le biais de simulationsnumeriques eectuee par Finn et
Monson[26 ].Sonexistenceaensuiteetedemontreesurunsystemecomposed'heliumencontact
avec un substrat de cesium par Rutledge et Taborek [27 ] et Nacher etal.[28 ]. Dans le cas des
melanges binaires, Bonn et al. [29 ] ont observe la transition de premouillage sur le melange
methanol-cyclohexaneaucontactdelavapeurpardesmesuresd'ellipsometrie.Plusrecemment,
cette transition a ete mise en evidence sur le systeme eau-2,5 dimethylpyridine au contact de
billesde silicespardes mesuresd'isothermes d'adsorption,parHamraouietal. [30 ].
Ces experiences ont permis de comprendre les aspects generaux de ces transitions.
Cepen-dant, un certain nombre d'interrogations demeurent, concernant notamment les mecanismes
moleculaires qui gouvernent ces transitions et l'in uence de la nature des molecules sur
celles-ci. Ce type d'information peut s'averer pourtant tout a fait interessant dans une perspective
de transfertde connaissancesfondamentales vers des preocupations pluspratiques telle que la
pollutiondessols.Lesinterrogationsquipersistentdanslacaracterisationsdecestransitions
pro-viennent du fait que les methodes experimentales employees (optiques ou thermodynamiques)
ne disposent generalement pas d'une resolution suÆsante pour permettre des interpretations
1.4.3 Demarche de l'etude
La re ectivite de neutrons est une technique experimentale qui dispose d'une resolution
nanometrique et s'avere donc ^etre un outil interessant pour aborder l'etude des phenomenes
d'adsorption et de mouillage dans le contexte que nous venons de decrire. Cependant, au vu
de la complexite des phenomenes etudies et des contraintes experimentales relatives a cette
technique, ce type de demarche requiert une approche par etape consistant classiquement a
partird'unesituation"simpliee"experimentalement,pourlaquelleondisposedesuÆsamment
d'elements pour la comprendre, et a evoluer ensuite vers des situations pluscomplexes. C'est
dans ce contexte que s'inscrit l'etude de l'adsorption critique sur la surface libre de dierents
melanges binaires eectuee dans cette these. L'etude de ce phenomene presente de plus un
inter^etfondamentaletantdonnelesinterrogationsquidemeurentactuellementdanslavalidation
experimentaledespredictionstheoriques. Surlabased'unetelleetude,l'etapesuivanteconsiste
a appliquer la technique de re ectivite de neutrons a l'etude d'un melange binaireau contact
d'un substrat solide. Le systeme choisi est un melange d'eau et de 2,5 dimethylpyridine qui
constitue d'une part, un modele acceptable d'un schema eau/polluant/sol et pour lequel on
Description theorique de
l'adsorption critique
2.1 Introduction
Comme nous l'avons vu dans le chapitre precedent, les melanges binaires partiellement
miscibles presentant un point critique benecient de bases theoriques abouties permettant de
decrire leursproprietesen volume.Biensouvent,cespredictionstheoriques ont ete valideespar
l'experience.Cesresultatsontpermisd'etendre ladescriptiondesmelanges binairescritiquesa
dessituationspluscomplexes,telleque l'in uenced'uneinterfaceetlephenomened'adsorption
resultant,l'adsorptioncritique.
Nous presentons dans ce chapitre les bases theoriques permettant de decrire leprol
d'ad-sorption critique. A partir d'une forme generale qui donne le comportement aux limites, nous
verronsensuiteles solutionsproposeespourdecrirecontin^uementleprold'adsorptionen
fonc-tion de ladistance z a la surface. Nous discuterons ensuite de la notion d'universalite en nous
interessant auxvaleurs desparametres duprol, prevues d'unpointde vue theorique ou issues
d'etudes experimentales. Enn, nous detaillerons les experiences deja realisees sur l'etude du
prold'adsorption critiqueparre ectivite deneutronspouressayerd'endegager lesprincipaux
enseignements.
2.2 Forme generale du prol
La presence d'une interface cree une dissymetrie des forces subies par les molecules d'un
melange binaire.La modicationdes interactions uide- uideet substrat- uide provoque
l'ad-sorption d'une des especes du melange et la desorption de l'autre. En termes de minimisation
sera plusgrande aproximite de lasurfacequ'envolume, loinde lasurface. Onadoncun prol
de concentration ou de densite.
Dans le cas general, ce phenomene esttres faiblesur l'ensemble dusysteme etdiÆcilement
mesurable.Cependant, sil'on seplace a proximite du point critique de demixtion du melange,
l'in uence de la paroi est considerablement augmentee. Le phenomene d'adsorption resultant,
l'adsorptioncritique va s'etendrebeaucoupplusloinde lasurfacedu faitde lapropagation des
correlationsspatialesquidominental'approchedupointcritique.Laformegeneraledeceprol
aete prevue parFisheretDeGennes[31]a partirde latheoriedesloisd'echelles decritesdans
la premiere partie. Sans rentrer dans le detail des calculs, nous allons maintenant decrire les
etapes de la theorie qui ont permisa Fisher et De Gennes de proposer une forme generale du
prold'adsorption critique.
La theoriedugroupederenormalisationpermetd'exprimerlapartiesingulierede ladensite
d'energielibre ~
F d'unsysteme inniselonunefonction homogene telleque :
~ F(';T) ~ F(0;T)=jtj 2 f h jtj ! (2.1)
La modelisation des phenomenes critiques de surface conduit a considerer que la surface cree
une contribution
~ F s
a la partie singuliere de l'energie libre.En supposant que la geometrie de
base est constituee d'un uide compris entre deux parois identiques separees parune distance
D,latheorie desloisd'echelles permet d'exprimerladensite d'energie libreselon:
~ F s =jtj 2 f s h jtj ; h 1 jtj 1 ; D ! (2.2)
Cette expressionpermet d'introduireun champ localde surfaceh
1
representant l'eet du mur
commeunemodicationdupotentielchimiqueau contact dessurfaces :
h 1 = ( A B ) s ( A B ) k B T (2.3)
etun exposant critique nouveau
1
,caracteristiquede lasurface, deni parla derivee seconde
de ~ F s
par rapport au champ de surface (
1
0:5). Pourrechercher le prolde concentration
impliqueparlapresenced'unmurunique,l'energielibreestecriteapartirdesadensite(equation
2.2) comme: F s =ADt 2 W h 1 t 1 ; D (2.4)
ouAdesignel'airedesparois.Lechamphconjugueauparametred'ordreduvolumeestnulcar
lemodeleestconstruitpourl'approchedupointcritiquelelongdel'isochorecritique.L'equation
fractionvolumiquede l'especeadsorbee sur lasurfaceest de l'ordrede1.
En derivant l'equation 2.4 parrapporta h
1
eten prenant comme la limiteD !1 (ce qui
revientaconsidereruneparoiunique),ondeterminelaloid'evolutionduprolpourleparametre
d'ordre deni localement m
1 = a s a c ou a s
est la fraction volumique sur lemur de l'espece
adsorbee et a c
celle, critique,dans levolume:
m 1 =t 1 X s h 1 t 1 (2.5) ou 1
, est un exposant de surface, qui peut ^etre exprime selon l'hypothese d'homogeneite en
fonctiondesexposants du"volume" comme:
1
=2
1
0:8.
Cetteequation peut^etre generalisee pourtoute distancez de lasurfacepar:
m z = a (z) a c =t Y z ; h 1 t 1 (2.6)
Lorsquez!1,leparametred'ordretendversceluiduvolume:m(z)!
a t
,quinedepend
plusde z.Pour t!0,leproltend versformeunelimite :
m c (z) z = Z zh =1 1 (2.7)
quiestuniverselleavec = '0:52pourles melanges binaires.
Apartirdel'equation2.7,lecomportementasymptotiqueduprolenfonctiondeladistance
z de lasurfacepeut^etreetabli.
Au voisinagede lasurface, leprolpeut^etre exprime en fonctionde x=z= selon:
m(z)x =
pour x!0 (2.8)
Sile regime de l'adsorption correspond au regime d'adsorption sature,on admet sur la surface
l'existence d'une couche homogene monomoleculaired'epaisseura
0
. Cetteepaisseur a
0
,quiest
del'ordredelatailledesmolecules,estdeterminee parlesproprietesde lasurface:a 0 'h = 1 1 .
Loin de la surface, on neglige les interactions entre le volume et la surface (les
interac-tions longue portee type Van derWaals), leprolest uniquement gouverne par lalongueur de
correlation etest donne parlatheorie deLandau :
m(z)e x
pour x!1 (2.9)
L'hypothese de la decroissance exponentielle provient de l'idee que ce sont les forces a courte
portee qui dominent. La presence de forces a longue portee induit une queue de prol en loi
de puissancez
3
a
0
z/
ξ
φ
z
1
φ
c
P
0
(z/
ξ
)
-
β
/
ν
P
∞
e
-(z/
ξ
)
z
∼ξ
Fig.2.1{Formegeneraleduprold'adsorptioncritiqueenfonctiondelaprofondeurnormalisee
z=(t). La valeur theorique de la loi de puissanceest = =0:52 et le changement de regime a
lieupour z=. Les echelles ne sontpas respectees.
tressuperieuresalalongueurdecorrelation dusysteme etdevientnegligeable al'approchedu
point critique.
Entre cesdeux caslimites,uneexpressiongenerale apu ^etre formulee selon:
m(z)' At
P(x) (2.10)
A estl'amplitude del'adsorption. La fonctionP(x)ainsi deniedoit verier:
P(x)= 8 < : P 0 x = pour x!0 P 1 e x pour x!1 (2.11) P 0 et P 1
representent des amplitudes et leur rapport est une quantite universelle. Une
representationde laformegenerale duprolest presentee surla gure2.1.
2.3 Les fonctions d'interpolation
Pour decrire completement le prol de concentration sur l'ensemble des valeurs de z, la
fonction P(x) doit ^etre denie plus precisement. Plusieurs solutions sont proposees, chacune
2.3.1 La loi en puissance-exponentielle
Liu etFisher[34]proposentlaformule suivante:
P(x)= 1+cx x = e x (2.12)
oulechangementderegimeentrelaloidepuissanceetl'exponentielleestgouverneeparlavaleur
duparametrec.Cettevaleurestsupposeeetre^ del'ordredel'unite,cequiproduitlechangement
de regime pourz =.On peutnoter qu'une petite valeurde c va repousser lechangement de
regime auxgrandes distances, etelargirl'extension de laloi de puissance. Le rapportuniversel
des amplitudesdeni precedemment vaut alorsP
1 =P
0
=c
=
. Pour assurer un comportement
monotonede m(z) en fonctionde T avec z xe,cdoit ^etre inferieura =2.
2.3.2 La loi Pade-exponentielle
P(x)= 1+c(1 e x ) 1 e x = e x (2.13)
Cetteloi donneuneformeplusgenerale aladecroissance exponentielle[35 , 36]telle que:
m(z)=P 1 e x +P 0 1 e 2x +P 00 1 e 3x +:::pour z!1
Leproldecritparcetteloiesttresprochede celuiobtenuparlaloi depuissance-exponentielle.
Toutefois, ilsdierent dansleurrapportP
1 =P
0
qui esticiegal a(1+c) = . 2.3.3 La loi sinus-hyperbolique P(x)= sinh x = (2.14)
Cetteexpression,originalementproposeeparPelitietLeiber[33 ],peut^etreobtenueparuncalcul
dechampmoyen dansunsysteme binaire,complete pardesconsiderationsdeloisd'echelles.Ce
prolimplique:P 1 =P 0 =(2=) = '2:01.
2.3.4 Les modeles P
1
et P
3
Plus recemment, Carpenter etal. [37 , 38 ] proposent d'utiliser les developpements
asympto-tiques plusgenerauxtelsque,a proximitede la surface:
P(x)=P x = +P x (1 )= +P x (2 )= +::: (2.15)
et loinde lasurface: P(x)=P(1)+P 1 e x +P 1 e 2x +P 3 e 3x +::: (2.16)
Lesdeveloppementspeuvent^etrereliespardesconditionsdecontinuitedeP(x)etdeladerivee
premiere deP(x) parrapport a xautour d'une valeurx
0
.Le nombrede parametres ajustables
estdiminueentenantcomptedesconditionsdecontinuiteduprolent=0,c'estadire,entrela
regionmonophasiqueetlaregiondiphasique.Endenommantpar(+),ledomainemonophasique
etpar ( ) le domaine diphasique,on peutintroduiredes rapports d'amplitudes universelstels
que: P 0+ =P 0 = 0+ = 0 '1:96
Deux modeles sont proposes, le modele P
1
quiinclut les termes x
(1 )= et e 2x , et le modele P 3
quicomprendslestermes suivants, x
(2 )=
et e 3x
.
2.4 Le regime de l'adsorption critique
La formegeneraleduprolpresentee precedemment ainsiquelesfonctions quien decoulent
sont toutes fondees sur l'hypothese du regime de forte adsorption. Ce cas de gure qui induit
une saturation de la surface parle composant adsorbe surune distance a
0
, est caracterise par
laconditionh
1 t
1
!1.Recemment,desapprochestheoriquessesont developpees [39 ,40 ,41 ],
visant a generaliser la description du prol d'adsorption critique quelle que soit la valeur du
champdesurfaceh
1
,etdoncaconsidererlecasdel'adsorptionfaiblecaracteriseeparh 1
t
1 !0.
Le resultat deces considerationsconduita l'apparitiond'une nouvellelongueurl
h = ~ A = 1 , ou ~
A est une amplitude non-universelle. L'introduction de cette longueur permet de denir
un domaine proche de la surface pour lequel le prolde concentration presente une variation
non-monotoneen loi de puissancetelleque:
m(z) 8 < : z pour z<l h z = pour z>l h
L'exposant est deni selonla theoriedes lois d'echelle par =(
1
)=)=0:21. On peut
remarquerquepourz>l
h
,onretrouvelecomportementgeneralprevuparFisheretDeGennes.
Lavalidationexperimentaledecettedescriptiontheoriqueestencoreactuellementunchamp
derecherche ouvert[42 ,43].Cependant,cesconsiderationssurleregimede l'adsorptiondoivent
2.5 Universalite du prol
Commenousvenonsdelevoir,plusieurschoixs'orentanouspourdecrireleprol
d'adsorp-tion critique. L'existence de plusieurs solutions possibles pour la fonction P(x) peut remettre
en cause la notion d'universalite du phenomene d'adsorption critique. En realite, on constate
qu'ilestdiÆcile enpratiquede prouverqu'uneseulede ces formessoituniverselle. Enles
com-parant les unes aux autres, on peut remarquer qu'elles ne sont pas veritablement dierentes
car elles verient toutes les conditions imposees par la formulation generale de Fisher et De
Gennes(equation2.11). L'universaliteduprolvadoncapparaitreauniveau desvaleursdes
pa-rametres quel'on va extraire a partir de l'analysedes donnees experimentales. Cesparametres
universels, independants du melange binaire que l'on etudie, sont l'exposant de la loi de
puis-sance = et les amplitudesP
0
et P
1
. Des calculsnumeriques, bases selondivers theories ont
permisde prevoir des valeurs theoriques de ces parametres. D'autre part, on peuttrouver des
determinations experimentales de ces parametres issues de nombreuses etudes anterieures du
phenomene d'adsorption critique. Nous allons, dans cette section, essayer de faire le point sur
ces resultats, ce qui nous servira par la suite de base de comparaison pour l'interpretation de
nosresultats.
2.5.1 Les parametres du prol
L'exposant =
A ce jour, lavaleurtheorique prevue pourl'exposant de laloi de puissance =0:52 n'est
pas remise en cause. Les valeurs et ont fait l'objetde nombreuses verications theoriques
et experimentales qui ont permis de valider l'universalite des ces exposants et leurs valeurs
respectivement egale a 0:325 et 0:63. Dans le cadre desetudes anterieures de l'adsorption
cri-tique,l'experience de uorescence sur le melange nitrobenzene-n-hexane de Beysens et Leibler
[44 ], reanalysee par Zalczer [45 ], fournit un intervalle pour l'exposant : 0:3 < = <0:6, sans
pour autant pouvoir apporter la preuve de l'existence de la loi de puissance du fait que les
donnees puissent^etre egalement ajustees par un prolpurement exponentiel. Plusrecemment,
desexperiencesdere ectivitedeneutrons[46 ,47 ],ontfournilapreuvedel'existencedelapartie
algebriqueduproldeconcentrationetdonnentrespectivementdesvaleursdel'exposantegales
a 0:5et0:53. Les amplitudes P 0 et P 1
LaconnaissancedesamplitudesP
0 etP
1
etdeleurrapportuniversel,poseplusdediÆcultes.
On dispose principalement de deux approches theoriques : des calculs issus de la theorie du
les valeurs suivantes: 8 > > > < > > > : P 0 =0:866 P 1 =1:5 P 0 =P 1 =0:577
La valeurdu parametre c,quiappara^t notamment dans laloi en puissance-exponentiellepeut
^etre deduitede cesresultats :
c=(P 1 =P 0 ) = 2:8
On peut noter que ces donnees peuvent ^etre bien ajustees par le prol en loi de
puissance-exponentielle, avec cependant une valeur legerement dierente pour le parametre c : c = 2:27
(correspondant un rapportd'amplitudeP
0 =P
1
=0:65).
Les calculs menes selon latheoriedu groupe de renormalisation fournissent les valeurs
sui-vantes : 8 > > > > > > < > > > > > > : P 0 =0:717 P 1 =1:621 P 0 =P 1 =0:442 c=4:8
Les donnees obtenues sont diÆciles a analyser etant donne que les points disponibles sont
concentres dans une gamme de distance z a la surface ou la partie exponentielle domine le
prolde concentration. Lesajustementsde ces donnees parleprolen puissance-exponentielle
fournissent en consequencede cela unevaleurbeaucoupplusgrande de c=11.
OntrouveunederniereapprochetheoriqueeectueeparFloteretDietrich[52 ].Ilseectuent
descalculsd'interpolationentre lesresultatsobtenusapartir du modele d'Isinga deux
dimen-sionsetsonextentionaladimension4 etfournissentunevaleurtheoriquedeP
0
=0:940:05.
D'un pointde vueexperimental,le phenomene d'adsorption critique aete beaucoupetudie
durantles vingts dernieres annees pardierentestechniquesexperimentales. Ontrouvedans la
litterature de nombreuses etudes utilisant des techniques optiques : re ectometrie [53 ] a [56 ],
ellipsometrie[57 ] a[67]ou uorescence[44 , 45 ]. Ontrouveegalement desetudesbaseessur des
mesures de tension de surface [68] a [74 ] ou gravimetriques [75 , 76 ]. Globalement, ces etudes
ont ete realisees sur dierents melanges binaires, soit sur la surface libre du melange, soit sur
la surface d'un solide (un substrat de quartz par exemple). Il appara^t donc que
l'universa-lite des parametres du prol d'adsorption critique peut^etre testee en comparant les resultats
de ces travaux experimentaux. Cette demarche a ete entreprise notamment par Floter et
Die-trich [52 ]. L'amplitude P
0
est analysee a travers les resultats d'experiences sur sept melanges
binaires dierents par des techniques optiques (ellipsometrie et re ectometrie). Le resultat de
cette analyse (gure 2.2) montre une assez grande dispersion des valeurs de P
0
P
0
Fig. 2.2 { Comparaison des valeurs d'amplitude P
0
issues de l'analyse de dierentes etudes
experimentales (d'apres Floter et Dietrich [52 ]).
zone d'incertitude determinee. La diÆculte de ce type de demarche est de pouvoir extraire les
parametres universelsa partird'experiencesdierentes, quine mesurentpas toutesstrictement
les m^emesphenomenes,avec de plusdesresolutions variables.
2.5.2 Conclusion
Silephenomened'adsorptioncritiqueaainsipu^etremisenevidenceexperimentalement,sa
quanticationparunefonctionuniverselleresteencore aujourd'huiunequestionsans reponse.
La plupart des techniques utilisees jusqu'a present, ne permet pas d'atteindre les echelles de
longueurs necessaires a la determination directe des parametres du prol. Ainsi, les methodes
optiques sont limitees parla longueur d'onde de la lumierequi est superieure a lalongueur de
correlation dusysteme etdonca lalongueurd'extensionduprold'adsorption.Dece fait,seul
les integrales du prol d'adsorption peuvent ^etre determinees et ce type d'information semble
actuellement insuÆsant pour decrire le prol d'adsorption critique. L'utilisation de
rayonne-ments aux longueursd'ondes plus courtes que celle de la lumiere, tels que les neutrons et les
rayons X, s'est donc imposee. Ces techniques devraient, en principe,permettre d'atteindre la
tionchimique(pardeuteration)decertainesmoleculesd'unmelangeand'accro^trelecontraste.
Plusieursexperiences de re ectivite de neutrons pourl'etude de l'adsorption critique, ont deja
ete realisees. Nous consacronslasection suivante a ladescriptionde ces experiences de facon a
pouvoir fairele bilandesenseignementsquienressortent.
2.6 Experiences anterieures en re ectivite de neutrons
2.6.1 L'experience de Zhao et al.
La premiere etude de l'adsorption critique par re ectivite de neutrons a ete entreprise par
Zhaoetal.[46 ].Lemelangeetudieestlemethanol-cyclohexane deutere.L'in uenceduprolde
concentration sur les spectres de re ectivite est l'apparition d'une discontinuite (ou "
pseudo-discontinuite" en raison des resolutions experimentales), au voisinage de la re ection totale
(gure2.3).L'ajustementdesspectrespeut^etrerealiseparl'integrationnumeriquedel'equation
deSchrodingerpourlaquellelepotentieldependduproldeconcentrationpuisparlecalculde
lare ectivite (Chapitre3).
Leresultatessentieldecetteexperienceestlaconrmationdel'existencedelaloidepuissance
dansleproldeconcentrationetseulelafonctiondeLiu-Fisher[34 ]permetd'ajusterlesspectres
realises, au plusproche dupoint critique.Les parametres recherches du proldeconcentration
d^ua l'adsorptioncritique,n'ont pu^etredeterminesquepardesmethodesindirectes:lamesure
de la hauteur de la pseudo-discontinuite donnant l'estimation de l'exposant = 0:5 et les
ajustements des spectres, avec = xe, fournissant une valeur de l'amplitude du prol trop
importante(la concentration proche de lasurfaceetant superieure a 1). La re ection totale ne
restituaitque 10%du signal incident (R0:1 au lieude1 pourleseuil de re ection totale) et
des temps de comptage tres long (30 a 40 heures) ont ete necessaires pour obtenir un niveau
de bruit acceptable.Pourexpliquer les diÆcultesd'analyse rencontrees, Les auteurssupposent
l'existence d'unartefact experimental,sans pourautant pouvoir l'identierprecisement.
2.6.2 L'experience de P. Sibille
Cette experience a ete ensuite reprise par P. Sibille [77 ] sur le melange methanol deuter
e-cyclohexane(CD 3 OD-C 6 H 12
).L'inversionde ladeuterationd'undescomposesdumelange
pro-voquel'inversionde lanature dupotentielsonde parlesneutrons .Ilappara^t doncinteressant
d'etudier les consequences de ce phenomene sur le prol d'adsorption critique. Par ailleurs,
l'experiencedeZhao[46 ]semblaitpouvoir^etreamelioreedanslebutd'obtenirunedetermination
directe desparametres duprold'adsorption critique.
P.Sibille demontre danssathese, l'existence d'uneforte absorptiondu faisceau re echi par
Fig.2.3{Re ectivitedeneutronssurlasurfacelibredumelangemethanol-cyclohexanedeutere.
estla longueur d'ondedesneutronsincidents. Al'approche du pointcritique (symbole), une
"pseudo-discontinuite" par un prol de concentration en loi de puissance appara^t au bord du
plateau de re ection totale, vers 11,3
A (d'apres [46 ]).
composantspurs,latransmissionetant deniecommele rapportentrel'intensitetransmisepar
lemilieuabsorbantI
tr
et l'intensite incidente I 0
.
Comme on peut le voir sur la gure 2.4, l'attenuation du faisceau de neutrons provoquee
par le melange critique est beaucoup plus forte que celle provoquee par chacun des
compo-sants purs.Pourtenter de supprimerla formationdes menisques, uneexperience aete realisee
sur une cellule dont les parois ont ete prealablement silanisees dans le but d'inverser le sens
du mouillage. Cette experience s'est revelee infructueuse et la seule modication du dispositif
experimental initialement utilisepar Zhao, permettant d'ameliorer signicativement l'intensite
recueillie,estl'allongementde lacelluledemesure.Ainsi,avec unecelluletroisfoispluslongue,
l'attenuationn'estplusquede 20 a 30%dans lecasdu melange methanol deutere-cyclohexane
(a comparer avec une attenuation de l'ordrede 100% lorsdes premieres experiences). Des
me-sures, egalement realisees sur le melange methanol-cyclohexane deutere, permettent d'obtenir
unniveau dere ectiontotalequasimentegala1 alorsquece niveauetaitdel'ordrede0:1pour
les mesuresde Zhao et al.
Desmesureshorsspeculaireontpumettreenevidenceunsecondphenomeneparasite
corres-pondantaun bruitde fondengendreparladiusiondesneutronsparles menisqueset pouvant
alterer les spectres de re ectivite. L'eet de cette diusion est semblable a celui provoque par
la rugosite de la surface dueaux ondes capillaires [78 ], mais avec une in uencebeaucoup plus
0,001 0,01 0,1 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 Tr Å C 6 H 12 CD 3 OD + ++++++++++++++++++++++++++++ + ++++++++++++++ v =0;68enC 6 H 12 2 2 2 2 2 22 2 2 22 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 22 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 22 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 22 2 2 2 2 22 2
Fig.2.4{ Mesures detransmission desneutrons par 2mm decyclohexane, demethanol deutere
et demelange homogene des deux a la concentration critique (d'apres [77 ]).
construireunefonction decorrection a appliquersurle calculde lare ectivite :
R ()=R cal c () N 0 e ~ A | {z } atte nuation + D 0 +D 1 e D 2 | {z }
diffusionhors specul aire
pour laquelle la forme exponentielle de l'attenuation est empirique. Ce modele a ete
prelablement teste sur la surface libre d'un melange d'eau deutere et d'eau legere (la
concen-tration en eau legere etant ajustee pour le melange contiennent le m^eme nombre d'atomes
d'hydrogeneque dansle melange methanol deutere-cyclohexane), puisutilise pour analyserles
courbesde re ectivite obtenues sur lasurface libre du melange methanol deutere-cyclohexane.
Malgre leseorts misen oeuvre pourquantierlescorrections a appliquer,le resultat de
l'ana-lyse (qui utilise la fonction de Liu-Fisher [34 ]) s'est avere peu satisfaisant par le fait que les
meilleurs ajustements ont pu ^etre obtenuspourunevaleurquasi-nulle de l'exposant =. Bien
quel'analysesoitperturbeeparunproblemerelatifal'angled'incidence(ledecalagedumoteur
contr^olant la position du super-miroir qui denit
0
au cours de la mesure), cette contrainte
experimentale ne permet pas d'expliquer un ecart si important entre la valeur de l'exposant
obtenue etla valeurtheorique attendueegale a0:52.
2.6.3 L'experience de Howse et al.
Plusrecemment,Howseet al.[47]proposentunenouvelleetude del'adsorptioncritique par
re ectivite de neutrons.Le melange binaire est compose de 2-butoxyethanol etd'eau lourde et
lesmesuresde re ectivite sont eectueesa l'interfaceentreleliquideetunsubstrat desilicium.
interpreterleursdonnees,les auteursutilisentlamethode deDietrichetSchack[79 ] (applicable
uniquementdanslecasd'unpotentielrepulsif(chapitre3))quiproposeunesolutionanalytique
permettantdedeterminerlavaleurdel'exposantdelaloidepuissance.Unevaleurde0:530:02,
entresbonaccord avec lavaleurtheorique attendue,peut^etreainsideterminee.Cependant,les
auteurstentent d'extrapoler lamethode aucalcul del'amplitudeP
0
etproposent unevaleurde
0:11, treseloignee delavaleurtheorique attendue(P 0
=0:940:05).Deplus,desreservessont
emisesquanta lastabilitechimiquedu melangeetudiepourlequelladissociationdesmolecules
d'eau peut entrainer lefait que lemelange nesoit pasreellement unbinaire.Malgre cela, cette
experiencesemblemontrer lavaliditedelamethode de DietrichetSchack,du moinsquanta la
determinationde l'exposant.
2.6.4 Conclusion
Comme nous venons de le voir, l'etude de l'adsorption critique par re ectivite de
neu-trons, experience relativement simpledanssonprincipe,se revele^etre beaucoup pluscomplexe
en realite. Les experiences decrites precedemment n'ont en eet pas permis d'aboutir a une
determination directe des parametres du prol d'adsorption critique a partir des donnees de
re ectivites de neutrons. De plus, une comparaison de tous les parametres obtenus a l'issue
de ces experiences avec les valeurs theoriques et experimentales existantes, est pour l'instant
diÆcile.
D'un point de vue experimentale, le travail de P. Sibille a permis de mettre en evidence
ladiÆculte experimentale majeure del'experience. Le phenomened'attenuation dufaisceau de
neutrons par les menisques du liquide semble en eet ^etre a l'origine de la diÆculte d'analyse