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Les technologies numériques en santé face aux inégalités sociales et territoriales : une sociologie de l’action publique comparée

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-02963193

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Submitted on 9 Oct 2020

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Les technologies numériques en santé face aux inégalités

sociales et territoriales : une sociologie de l’action

publique comparée

Viviane Ramel

To cite this version:

Viviane Ramel. Les technologies numériques en santé face aux inégalités sociales et territoriales : une sociologie de l’action publique comparée. Médecine humaine et pathologie. Université de Bordeaux, 2020. Français. �NNT : 2020BORD0053�. �tel-02963193�

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THÈSE PRÉSENTÉE POUR OBTENIR LE GRADE DE

DOCTEURE DE

L’UNIVERSITÉ DE BORDEAUX

ÉCOLE DOCTORALE SOCIETE, POLITIQUE, SANTE PUBLIQUE SPÉCIALITÉ SCIENCE POLITIQUE

Par Viviane RAMEL

LES TECHNOLOGIES NUMERIQUES EN SANTE FACE AUX

INEGALITES SOCIALES ET TERRITORIALES : UNE

SOCIOLOGIE DE L’ACTION PUBLIQUE COMPAREE

Sous la direction de : Andy SMITH & Jérôme WITTWER

Thèse soutenue le lundi 8 juin 2020

Membres du jury :

Mme CAMBON Linda, Titulaire de la Chaire Prévention, Université de Bordeaux, Examinatrice Mme GAGNON Marie-Pierre, Professeure, Université Laval, Rapporteure

M. HASSENTEUFEL Patrick, Professeur, Université de Versailles-Saint Quentin, Rapporteur Mme LYNCH Julia, Professeure, University of Pennsylvania, Examinatrice

M. SMITH Andy, Directeur de recherche FNSP, Sciences po Bordeaux, co-directeur de la thèse M. WITTWER Jérôme, Professeur, Université de Bordeaux, co-directeur de la thèse

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Les technologies numériques en santé face aux inégalités sociales

et territoriales : une sociologie de l’action publique comparée

Résumé

Les liens entre santé numérique et inégalités sociales et territoriales sont rarement étudiés. Sur ces deux marqueurs des systèmes de santé et sur le couplage numérique-inégalités, les politiques des systèmes de santé occidentaux ont encore moins fait l’objet d’étude, malgré les injonctions internationales à adopter des stratégies de « santé (et d’équité) dans toutes les politiques ». Cette thèse a étudié l’action des gouvernements et des autres acteurs impliqués sur ce couplage numérique-inégalités. Ancrée dans la recherche interventionnelle et en science politique, elle s’appuie sur une méthodologie principalement qualitative de sociologie de l’action publique. L’analyse comparée de l’action publique entre infra-territoires de quatre pays (France, Canada, Espagne et Angleterre), depuis 2015, repose sur l’étude documentaire (sources officielles et de parties prenantes) et sur des entretiens auprès d’acteurs clés des champs du numérique et des inégalités sociales de santé. La politique de numérisation de la santé s’est institutionnalisée à divers degrés, dans les quatre pays étudiés. En revanche, l’équité dans la santé numérique n’a pas été placée à l’agenda des priorités politiques, malgré le constat du potentiel de la santé numérique à accroître les inégalités d’accès, de compréhension et d’appropriation des TIC. Dans les quatre territoires, quand elle est (rarement) abordée, l’inclusion numérique l’est via une combinaison d’instruments et de groupes d’acteurs de divers forums qui coproduisent des interventions publiques sur le numérique, les inégalités et l’inclusion numérique. Chaque mode d’instrumentation de l’action publique varie selon les territoires et est affecté par les institutions locales existantes, les intérêts et les perceptions des acteurs à leur sujet. Cette thèse propose un cadre conceptuel pour l'action publique et la mise en œuvre des politiques en matière de santé numérique et d'équité dans quatre territoires. Elle a été conçue pour fournir des clés d’analyse de politiques dans d'autres contextes et pour suggérer des stratégies qui pourraient être mises en œuvre sur le terrain.

Mots-clés : Sociologie de l’action publique - Analyse comparée - Recherche interventionnelle en

santé des populations - Recherche sur la mise en œuvre - Recherche sur les politiques et les systèmes de santé - Aide à la décision - Mise à l’agenda politique - Instrumentation de l’action publique - Analyse séquentielle - Forums - Les trois « i » - Problèmes publics - Politiques et interventions publiques - Santé Publique - Inégalités sociales de santé - Technologies de l’information et de la communication – Technologies numériques en santé – Santé numérique – E-santé – Parcours de santé - France - Canada - Québec - Angleterre - Espagne - Pays basque espagnol

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Digital health technologies and social and geographic inequalities: a comparative sociology of public action

Summary

The link between digital health and equity is seldom studied, even less are the policies which tackle both issues, and this despite governments being urged to implement health-and-equity-in-all-policies strategies. This thesis has studied whether and how governments and health systems’ stakeholders address this linkage. Specifically, this piece of population health interventional and political science research has been based upon a qualitative study design and comparative public policy analysis of territories from four countries (France, Canada, Spain & England) since 2015. Data were gathered from official and various stakeholders’ documents and through interviews with key stakeholders in e-health and health equity fields. Digital health policy has been institutionalized to varying degrees in the four so-called developed countries focussed on. However, equity in digital health issue has not been placed on the political agenda, although it is acknowledged that digital health use can increase social health inequalities (SHI), in terms of unfair access, use, understanding and adoption of technologies. In the four territories, when (rarely) dealt with, digital inclusion is tackled through a set of instruments, by actors involved in several fora which coproduce public interventions on digital health, SHI and digital inclusion. Each mode of instrumentation of public action is affected by previous local institutions, along with actors’ interests and preconceptions about the issues involved. Our study proposes a conceptual framework for public action and policy implementation as regards digital health and equity in four territories. This study has been designed to be useful for analyzing policies in other settings and for suggesting strategies that could be directly implemented in the field.

Keywords : Sociology of Public Policy - Comparative Analysis - Population Health

Interventional Research - Implementation Research - Policy & Health Systems Research - Support For Decision-Makers - Political Agenda Setting - Instrumentation of Public Policy - Implementation Analysis -Sequential Analysis - Forums - the Three « Is » - Public Problems - Public Policies and Interventions - Public Health - Social Health Inequalities - Digital Health Technologies/E-health/Digital Health - Health Pathways - Innovation - France - Canada - Quebec - England - Spain - Spanish Basque Country

Laboratoire où la thèse a été préparée

Centre Bordeaux population health, Inserm U1219

Equipe Economie et management des organisations de santé

Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement - Université de Bordeaux

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« L'obligation de subir nous donne le droit de savoir » Jean Rostand

« La connaissance progresse en intégrant en elle l'incertitude, non en l'exorcisant »

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Une thèse est une aventure fort solitaire, toutefois maillée de collaborations si enthousiasmantes, tant au niveau professionnel qu’humain, qu’il me faut absolument les mentionner car je dois énormément à toutes ces rencontres.

Remerciements

A mes directeurs de thèse Andy Smith & Jérôme Wittwer. Chapeau bas, messieurs, de m’avoir accompagnée tout ce temps ! Je vous suis sincèrement reconnaissante pour votre patience, votre soutien sans faille et optimiste ainsi que pour votre regard acéré.

Aux membres du comité de suivi de la thèse, Marina Honta & Claude Sicotte, pour m’avoir fait bénéficier de votre regard tout autant acéré et extrêmement bénéfique ainsi que pour m’avoir reçue à l’Ecole de santé publique de l’Université de Montréal, pour mon terrain québécois.

Aux membres du jury de la thèse, Linda Cambon, Marie-Pierre Gagnon, Patrick Hassenteufel et Julia Lynch. C’est un honneur d’être jugée par vous.

A Aurore Loretti, avec qui j’ai vécu cette aventure passionnante du double-codage et du croisement des savoirs entre santé publique, science politique et sociologie.

A Lucie De Graaf, Mélissa Macalli, Guyguy Manangama et Camille Masselot, étudiants.es de M1 en 2015-2016, en projet tutoré, qui m’ont aidée à défricher ces sujets.

A Emma Kloboukoff, stagiaire sur le projet en 2018 et collaboratrice assidue sur la revue de la littérature.

A Johannes Van Der Pol qui m’a initiée à la cartographie des réseaux.

A Ilaria Montagni et Aurélie Affret, mes collaboratrices sur le projet Espi3se, pour lequel il nous reste une belle aventure à venir.

A Emmanuelle Floch-Gallaud, pour son appui méthodologique pour la revue de la littérature. Aux collègues de l’Isped « embarqués » dans l’aventure entre 2015 et 2017, Marie-Hélène Carère, Ludivine Christophe, Claire Damar, Valérie Garcia, Amandine Grellety, Roger Salamon (merci de m’avoir fait confiance).

Aux collègues du projet EVATSN, Maelys Abraham, Nora Arditi et Tamara Roberts, co-intervieweuses de terrain, Sylvie Calvar, Emmanuelle Fourneyron, Thomas Renaud, Florence Saillour-Glénisson, Louis-Rachid Salmi, Matthieu Sibé, Frantz Thiessard.

Aux collègues de l’équipe EMOS, très belle équipe de recherche émergente mêlant plusieurs disciplines pour conférer à la santé publique une expertise complexe et complète, au-delà des sentiers battus. A Aïcha Boutarraha pour sa précieuse aide administrative.

Au Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine qui finance la recherche dans la région, pour aller plus loin dans la compréhension du monde contemporain et anticiper l’avenir et qui a soutenu financièrement ce projet.

A l’ARS Nouvelle-Aquitaine qui, en tant qu’organisation, permet à quelques-uns de ses agents d’allier recherche et action en santé publique, clé d’un système de santé guidé de manière éclairée.

Aux collègues de l’ARS. Remerciements spéciaux pour leur grande confiance à Vincent Cailliet et à Michel Laforcade qui croient sincèrement que recherche et décision en santé

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publique sont intimement liées et qui m’ont permis de poursuivre cette recherche, dans le cadre de mon travail à l’ARS. A Julie et Bertrand. A tous les collègues de l’ARS avec qui je collabore avec très grand plaisir depuis 2017, que je ne cite pas tous.tes mais envers qui je suis très reconnaissante.

A mis primeros colegas de la Organización panamericana de la salud y de Unifem Región andina que han inspirado este trabajo, a partir de los vínculos entre género y salud : Lucía Salamea-Palacios, Isabelle Auclair (mi primera lectora y amiga tan inspirante), Rita Cloet, Soledad Guayasamin, César Chérrez, a Marijke Velzeboer-Salcedo y Óscar Suriel que han insertado paulatinamente la perspectiva de género en la OPS y a todos los.as otros.as. Aux enseignants que j’ai eu la chance de côtoyer tout au long de mes études, du collège et du lycée à Montfort-sur-Meu jusqu’à Sciences po Bordeaux ainsi qu’à l’EHESP, en passant par la fac de sciences politiques de Grenade en Andalousie, qui m’ont poussée à ne pas me satisfaire des savoirs convenus.

A toutes les personnes qui ont accepté d’être interviewées en France, au Canada, en Angleterre et en Espagne.

A la Maison française d’Oxford où j’ai pu bénéficier d’une bourse de recherche en mai 2016. A mes ami.es et collègues Ana, Marielle, Mélanie, Najwa et Patrice pour leur appui sans faille.

A mes amis.es, Anaïs, Anthony, Caro G., Camille, Caro L. G., Clément, Elise, Estelle, Esther, Jess, Justine, Kiran, Marine, Matthieu, Sandie, Véro, Vincent, Thibault, à la Armetis

African team pour leur appui et leur joie de vivre et spécialement à Elise V. pour sa

précieuse aide sur les illustrations. A la bande des bretons et d’ailleurs et à tous.tes les autres pour ces moments de détente qui m’ont permis, à plusieurs reprises, de recharger les batteries.

A S. B.

A Gaïdig, Florence, Guy, Marie-Alice, pour votre présence et vos encouragements.

A ma famille, pilier de ce parcours. Mention bien plus que spéciale à Anne et Christian, à Fabien (merci pour votre patience, votre aide, la vie avec vous).

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9 Sommaire1 Résumé ... 3 Summary ... 4 Remerciements ... 7 Sommaire ... 9

Table des figures et des illustrations ...12

Sigles et acronymes ...14

PARTIE INTRODUCTIVE ...17

Introduction ...17

1. La numérisation de la société et le gouvernement numérique ...18

2. Le numérique en santé, une innovation censée produire de la santé, autrement, de manière plus performante ...20

3. Les inégalités sociales de santé : un certain « signe de faillite » des Etats-providence ? ...25

4. Le discours de la santé et de l’équité en santé dans toutes les politiques : entre injonction et pratique réelle ...27

5. L’étude comparée de l’action publique sur les liens entre santé numérique et inégalités sociales et territoriales de santé ...31

Chapitre 1 – Santé numérique, inégalités sociales et territoriales de santé et action publique : une énigme à plusieurs facettes...37

1. La santé numérique, un nouvel objet technique, social, culturel et politique ...37

2. Les inégalités dans la société, d’un objet d’étude théoriquement majeur à l’étude quasi-absente de l’action publique sur les inégalités de santé ...43

3. Santé numérique et ISTS : les « liaisons dangereuses » ? ...54

4. Les interventions en santé numérique prenant en compte l’équité ...70

Chapitre 2 – Santé numérique et inégalités de santé au prisme de l’action publique : une méthodologie d’exploration ...83

1. L’analyse comparée de l’action publique...83

2. Cadrage de l’étude ...98

3. Techniques d’enquête et d’analyse ... 105

DEUXIEME PARTIE... 122

UNE MISE A L’AGENDA DU COUPLAGE SANTE NUMERIQUE-INEGALITES OU LES INEGALITES SONT PRESQUE INEXISTANTES ... 122

Chapitre 3 - La santé numérique : un nouvel objet proposé à l’agenda politique ... 124

1. Une forte attention vers un problème défini de manière relativement similaire ... 124

Des antécédents partagés ... 124

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Une définition commune consensuelle s’accordant sur la nécessité d’utiliser le

numérique ... 128

Des nuances dans les discours de légitimation et des attentes diverses : des barrières appréhendées de manière similaire ... 150

2. La sélection de la santé numérique comme un « problème public » : du cadrage du problème à la transmission à la sphère politique ... 157

I. De la co-définition du problème par divers groupes de pression et d’intérêt externes : une influence sur les autorités hétérogène selon les territoires et dans le temps … ... 158

II. … A la considération unanime du problème par la sphère politique et institutionnelle/administrative ... 173

3. Une solution faisable existe et prend corps progressivement : vers l’institutionnalisation de la santé numérique ... 189

Chapitre 4 – Les « inégalités sociales et territoriales de santé », une mise à l’agenda de façade et fluctuante ... 198

1. Une attention forte affichée vers un problème défini de manière hétérogène et parfois floue ... 199

2. Des acteurs engagés pour lutter contre les inégalités avec des motifs pour agir et des systèmes de valeurs distincts : la fragile sélection des ISTS comme un problème public220 3. Une solution réalisable peine à prendre corps, surtout dans le cas de la France ... 247

Chapitre 5 - Prendre en compte l’équité dans toutes les politiques de santé : une utopie ? Le cas de la numérisation de la santé ... 274

1. Une définition non partagée de l’enjeu comme un problème ... 275

L’absence de mise en avant spontanée de cet enjeu croisé ... 275

L’inquiétude de certains acteurs minoritaires ... 290

2. La non-sélection de l’enjeu comme un « problème public » par les acteurs dominants 304 3. L’absence d’un discours structuré sur des solutions faisables ... 318

Conclusion de la deuxième partie - La mise à l’agenda comparée ... 326

Une fenêtre d’opportunité conditionnée par trois « ingrédients » ... 326

L’importance des « idées » ... 326

Les « intérêts » et la négociation entre de multiples acteurs ... 328

Les institutions, des pratiques ancrées au rôle déterminant ... 329

TROISIEME PARTIE... 332

LA SANTE NUMERIQUE ET LES INEGALITES A L’EPREUVE DE L’ACTION PUBLIQUE CONCRETE ... 332

Chapitre 6 - La mise en œuvre des politiques de santé numérique : la convergence des instruments ... 334

1. Des phases similaires de mise en œuvre de la politique de santé numérique mais des niveaux d’institutionnalisation différents ... 334

2. Un Etat plus moderne et transformé grâce au numérique ? La santé numérique entre des instruments classiques et nouveaux ... 343

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3. Un vaste espace de négociation entre parties prenantes publiques et privées ... 366

4. Les conditions favorables pour la mise en œuvre de la santé numérique ... 381

5. Des barrières et des résistances à la mise en place d’une politique de numérisation de la santé ... 391

Chapitre 7 - Développer la santé numérique en prenant en compte l’équité : les instruments mobilisés et mobilisables ... 412

1. La prise en compte de l’équité dans la santé numérique : deux pionniers aux pieds d’argile et des initiatives au compte-goutte ... 413

2. Un héritage de l’action publique de lutte contre les ISS ... 426

3. Mobiliser des instruments existants pour coupler équité et santé numérique ... 435

Des « marques de fabrique » par territoire ... 493

Chapitre 8 – Une interconnexion limitée des politiques : santé numérique et ISTS, des chemins parallèles ... 498

1. Des acteurs aux intérêts divergents prenant des décisions chemin faisant, au sein d’univers qui communiquent peu... 499

2. L’équité dans la santé numérique : une réelle gageure ? ... 512

3. La réduction des ISS par l’utilisation du numérique en santé, une illusoire promesse ? 535 Conclusion de la troisième partie - La mise en œuvre comparée ... 543

Les caractéristiques de la mise en œuvre ... 543

Des influences et des tentatives d’explication diverses... 546

CONCLUSION ... 549

REFERENCES ... 561

Sites web consultés ... 598

Annexes ... Erreur ! Signet non défini. Glossaire ... Erreur ! Signet non défini.2 TABLE DES MATIERES ... 652

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Table des figures et des illustrations Tableaux

Tableau 1 - Diagramme de sélection des articles, première revue de la littérature ... 57

Tableau 2 - Synthèse des questions de la thèse et des hypothèses permettant de débuter la réflexion ... 117

Tableau 3 - L'appel à projets Territoires de soins numériques, un concentrateur et un accélérateur de dynamiques déjà en cours ... 134

Tableau 4 - Dynamiques d'influences-décisions et antériorité des décisions sur l'enjeu de la numérisation de la santé, par territoire ... 174

Tableau 5 - Caractéristiques de la décision sur la numérisation de la santé, par territoire ... 188

Tableau 6 - Les profils types des territoires étudiés quant au cadrage, à l'influence et à la sélection du numérique en santé comme un "problème public" ... 196

Tableau 7 - Le type de cadrage des ISS, par territoire ... 220

Tableau 8 - Dynamiques influence-décision sur les ISTS par type d'acteurs, en fonction des territoires ... 223

Tableau 9 - Caractéristiques de la décision sur les ISTS ... 246

Tableau 10 - Les profils types des territoires quant au cadrage, à l'influence et à la sélection des ISTS comme l’émergence d’un "problème public" ... 270

Tableau 11 - Le type de cadrage du couplage numérique-ISTS, par territoire ... 304

Tableau 12 - Dynamiques influence-décision sur le couplage ISTS - numérique en santé, par type d'acteurs, en fonction des territoires ... 307

Tableau 13 - Caractéristiques de la décision sur le couplage ISTS - santé numérique ... 318

Tableau 14 - Les profils types des territoires étudiés quant au cadrage, à l'influence et à la sélection du couplage santé numérique-inégalités comme un " problème public non stabilisé" ... 324

Tableau 15 - Synthèse des acteurs participant à la mise en oeuvre de la numérisation de la santé, par territoire ... 377

Tableau 16 - La diffusion de l'innovation et le transfert des politiques publiques ... 386

Tableau 17 - Synthèse des caractéristiques de la mise en oeuvre de la numérisation de la santé, par territoire ... 407

Tableau 18 - Initiatives de couplage numérique-inégalités, dans les quatre territoires ... 425

Tableau 19 - Caractéristiques de la mise en oeuvre de la lutte contre les ISTS, par territoire ... 434

Tableau 20 - Synthèse de l'instrumentation de l'action publique sur les ISTS et sur le couplage numérique-inégalités, par type d'instruments et par territoire ... 493

Encadrés Encadré 1 - Une revue de la littérature scientifique internationale sur les liens entre ISTS et numérique en santé ... 55

Encadré 2 - La littératie en santé ... 59

Encadré 3 - Différences d'accès et d'utilisation du numérique dans les quatre pays étudiés ... 68

Encadré 4 - "Politique" en français, des nuances de taille pour un seul mot ... 85

Encadré 5 - Définition d'un "problème public" ... 88

Encadré 6 - Les types d'instruments de politique publique ... 94

Encadré 7 - Les avantages de la comparaison de l'action publique ... 96

Encadré 8 - Les limites de l'analyse comparée de l'action publique ... 97

Encadré 9 - L'équipe du projet ... 98

Encadré 10 - Les échelons de territoires comparés ... 101

Encadré 11 - Qualification des autorités de santé dans les quatre territoires ... 101

Encadré 12 - Le fonctionnement administratif territorial lié à la santé, par territoire ... 102

Encadré 13 - Guides d'entretiens ... 108

Encadré 14 - Considérations sur le déroulé général des entretiens ... 112

Encadré 15 - Précisions sur les verbatim ... 115

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Encadré 17 - L'histoire communautaire et la solidarité au Québec ... 249 Encadré 18 - The Seaview Project, modèle d'intervention synthétisé par The Good Things Foundation ... 416 Encadré 19 - Les principes du co-design, par The Good Things Foundation ... 416 Encadré 20 - Emmaüs connect, la médiation numérique pour les éloignés du numérique ... 418 Encadré 21 - Osakidetza, un service de santé se voulant une combinaison entre l'interaction avec des professionnels et en ligne ... 419 Encadré 22 - L'information en santé pour tous et la télésanté eu CHUM et au RUIS McGill ... 419 Encadré 23 - Approche de la lutte contre la distribution inéquitable des déterminants sociaux de la santé, selon O. Solar & A. Irwin, 2010 ... 439 Encadré 24 - Checklist de l'inclusion numérique dans une organisation ... 453 Encadré 25 - Les dispositifs de médiation numérique ... 460 Encadré 26 - Stratégies à adopter vis-à-vis de l'exclusion numérique (Emmaüs connect, France) .. 466 Encadré 27 - Prise en charge intégrée et budget santé personnalisés ... 481

Figures

Figure 1 - Nombre d'entretiens par type de personnes interviewées ... 111 Figure 2 - Types de personnes interviewées par territoire ... 112 Figure 3 - Panorama des types d'acteurs impliqués dans le processus d'influence-décision pour la mise à l'agenda du numérique en santé, par territoire ... 160 Figure 4 - Angleterre - Les principales étapes autour des enjeux des ISTS et de la numérisation de la santé ... 175 Figure 5 - France - Les principales étapes autour des enjeux des ISTS et de la numérisation de la santé ... 176 Figure 6 - Pays basque - Les principales étapes autour des enjeux des ISTS et de la numérisation de la santé ... 177 Figure 7 - Québec - Les principales étapes autour des enjeux des ISTS et de la numérisation de la santé ... 178 Figure 8 - Panorama des types d'acteurs impliqués dans le processus d'influence - décision pour la mise à l'agenda des ISTS, par territoire ... 222 Figure 9 - Panorama des types d'acteurs participant à la mise à l'agenda du couplage ISTS - santé numérique, dans des dynamiques influenceur-influencé et de décision ... 306 Figure 10 - Etapes du développement de la santé numérique en Angleterre ... 337 Figure 11 - Mise en oeuvre de l'action publique sur la santé numérique – Instruments, acteurs impliqués et leur rôle, par territoire ... 367 Figure 12 - Mise en œuvre de la lutte contre les ISTS : instruments mobilisés, par types d'acteurs et par territoire ... 501 Figure 13 - Mise en oeuvre du couplage santé numérique-ISTS : instruments mobilisés, par types d'acteurs et par territoire ... 508 Figure 14 - Chaîne de causes et de manifestations des inégalités sociales de santé... 537 Figure 15 - Actions sur le numérique en santé, effets au potentiel délétère pour réduire les ISTS .... 537 Figure 16 - Actions sur le numérique en santé, effets au potentiel positif pour réduire les ISTS ... 538

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Sigles et acronymes

ACO : accountable care organisation (Angleterre) ACS : accountable care system (Angleterre)

ARCEP : Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (France) ARS : agence régionale de santé (France)

ASIP SANTE : Agence française de la santé numérique (France) ASV : ateliers santé ville (France)

AVC : accident vasculaire cérébral

CAF : caisse d’allocations familiales (France) CAI : Commission d’accès à l’information (Québec) CCG : clinical commissioning group (Angleterre) CCIO : chief clinical information officer (Angleterre)

CEST : Commission de l’éthique en science et en technologies (Québec) CGE : Conseil général de l'économie (France)

CGI : Commissariat général à l’investissement (France)

CGIET : Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (France)

CHUM : Centre hospitalo-universitaire de Montréal (Québec)

CISS : Collectif inter-associatif sur la santé (remplacé par France assos santé) (France) CI(U)SSS : centre intégré (universitaire) de santé et de services sociaux (Québec) CLS : contrat local de santé (France)

CLSC : centres locaux de services communautaires (Québec) CMU : couverture maladie universelle (France)

CNAM : Caisse nationale d’assurance maladie (France)

CNCPH : Conseil national consultatif des personnes handicapées (France) CNIL : Commission nationale informatique et libertés (France)

CNOM : Conseil national de l’ordre des médecins (France) CNNUM : Conseil national du numérique (France)

CRSA : conférence régionale de la santé et de l’autonomie (France) DGS : Direction générale de la santé (France)

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15 DGOS : Direction générale de l’offre de soins (France) DMP : dossier médical partagé (France)

DSQ : dossier santé Québec (Québec)

EHPAD : établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (France) ETP : éducation thérapeutique du patient

EVATSN : Evaluation du projet TSN (France)

FMOQ : Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (Québec) GCS : groupement de coopération sanitaire (France)

GDE : Global Digital Exemplars (Angleterre) GDS : Government digital service (Angleterre) GHT : groupement hospitalier de territoire (France) GMF : groupe de médecine de famille (Québec) HAS : Haute autorité de santé (France)

HCSP : Haut conseil de la santé publique (France)

HSCIC : Health and social care information center (Angleterre) IGAS : Inspection générale des affaires sociales (France)

INESSS : Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (Québec) INPES : Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (France) INSPQ : Institut national de santé publique du Québec

ISS : inégalités sociales de santé

ISTS : inégalités sociales et territoriales de santé MSP : maison de santé pluri-professionnelle (France)

MSSS : Ministère de la santé et des services sociaux (Québec) NHS : National health service (Angleterre)2

NICE : National institute for health and care excellence (Angleterre) OIG : Organisation internationale gouvernementale

OMS : Organisation mondiale de la santé

ONDAM : objectif national des dépenses de l’Assurance maladie (France)

2 N.B : nous supposons, dans l’ensemble du texte, que nous nous référons spécifiquement à chaque fois au NHS

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16 ONG : organisation non gouvernementale

OPECST : Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (France)

PHE : Public Health England (Angleterre) PIA : plan d’investissements d’avenir (France)

PMSI : programme de médicalisation des systèmes d’information (France) PNSP : programme national de santé publique (Québec)

PRADO : service de retour à domicile des patients hospitalisés de l'Assurance maladie (France)

PTA : plateforme territoriale d’appui (France) PUMA : protection universelle maladie (France)

RGPD : règlement général pour la protection des données RUIS : réseau universitaire intégré de santé (Québec) SFSP : Société française de santé publique (France)

SNIIRAM : Système national d’information inter régimes - Assurance maladie (France)

SOPHIA : Service d'accompagnement des malades chroniques de l'Assurance Maladie (France)

SQSP : Société québécoise de santé publique (Québec)

STP : Sustainability and Transformation Partnership (Angleterre) TIC : technologies de l’information et de la communication TSN : territoire de soins numérique (France)

UQAM : Université du Québec à Montréal (Québec)

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PARTIE INTRODUCTIVE

Introduction

Dans le film I, Daniel Blake, du réalisateur K. Loach (Loach 2016), un homme veuf, menuisier de 59 ans, victime d'un accident cardiaque, rencontre les pires difficultés à s’orienter dans le maelstrom administratif de son pays. Le réalisateur, Ken Loach, nous transporte dans la réalité crue du mal-être indicible d’une personne qui ne parvient pas à s’orienter dans les services d’aide à l’emploi, avec des difficultés intensifiées par l’utilisation des outils numériques. Il donne à voir une situation individuelle délétère et nous interroge collectivement sur la façon dont les sociétés contemporaines conçoivent leur administration. Ainsi, K. Loach s’interroge sur la place des « bénéficiaires » des politiques publiques, surtout dans le cadre de la numérisation de l’administration, ainsi que sur les effets de la numérisation de la société et des services publics. Cette numérisation est le processus par lequel la société utilise les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour échanger des informations, communiquer et produire dans toutes les sphères de l’activité humaine ainsi que dans l’administration, entraînant ainsi de nouvelles formes d’interaction entre celle-ci et ses « bénéficiaires ». Son propos interroge aussi sur la direction que nous donnons aux politiques publiques, notamment à celles dites innovantes. Le numérique est progressivement utilisé, de manière exponentielle, dans l’administration mais également pour se soigner et pour organiser les systèmes de santé, afin de répondre aux nouveaux défis auxquels ils font face et pour renforcer leur performance. Dans ce sens, l’utilisation du numérique dans la santé, ou ce que nous qualifions de processus de numérisation de la santé, semble être un nouveau marqueur du fonctionnement des systèmes de santé occidentaux. En même temps, les systèmes de santé de ces pays (en Europe et en Amérique du Nord), y compris celui de la France, sont qualifiés de « performants », parmi les meilleurs du monde, par les organisations internationales ainsi que par eux-mêmes (OMS 2000) (OCDE 2019) (Miller 2019) alors que perdurent de nombreuses inégalités sociales et territoriales de santé (ISTS). Cette persistance des ISTS représente un autre marqueur du fonctionnement de ces systèmes de santé qui exerce une forte pression sur ces derniers. Notre étude explore ces deux marqueurs des systèmes de santé occidentaux en s’interrogeant sur leur place respective dans les politiques publiques de santé et sur leurs liens dans ces mêmes politiques. La principale question porte sur la manière dont l’ensemble des acteurs des politiques publiques aborde, ou non, les liens entre les inégalités et le numérique dans le champ de la santé. Notre travail de recherche s’attache donc à faire le point sur les liens entre les inégalités de santé, le numérique et l’action publique. Mais, surtout, notre étude décrit la façon dont ces marqueurs des systèmes de santé sont appréhendés dans le cadre des politiques publiques, les tentatives de solutions qui leurs sont apportées et les analyse « en faisant travailler la comparaison » (Hassenteufel 2000) entre différents territoires, plus ou moins pionniers dans la lutte

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contre les inégalités en santé et par rapport au numérique : la France, l’Angleterre, le Québec au Canada et le Pays basque, en Espagne. Dans ce cadre, la première partie de la thèse comporte cette introduction générale, une revue de la littérature scientifique détaillée (chapitre 1) et un exposé complet de notre approche et de notre méthode de recherche (chapitre 2). La présente introduction explore ces deux marqueurs des systèmes de santé contemporains, les liens qui se manifestent entre eux (avant d’y revenir dans le chapitre 1) ainsi que la façon dont l’action publique y répond. Sont présentées les interrogations à l’origine de la thèse, nos objectifs de recherche et, brièvement avant un retour dans le chapitre 2, les approches méthodologiques que nous avons sélectionnées pour répondre à ces questions.

1. La numérisation de la société et le gouvernement numérique

A. L’explosion du numérique dans toutes les sphères de la société

Nous observons, au cours des deux dernières décennies, une « numérisation » ou une informatisation des sociétés dites développées ou occidentales. Le « numérique » est, selon l’OCDE, une « combinaison de produits et de services qui

capturent, enregistrent et affichent des données et des informations par voie électronique ». Globalement, la vie en société et son organisation sont de plus en

plus régies par cette numérisation. Les TIC sont utilisées et adoptées dans tous les domaines de la société et couvrent toutes les sphères d’activité, qu’il s’agisse de l’économie (banque, commerce, etc.), de la recherche scientifique, de la logistique, de la culture ou de l’éducation. Les services proposés vont des systèmes d’assistance téléphonique à reconnaissance vocale aux algorithmes d’intelligence artificielle utilisés dans l’aéronautique ou le secteur financier, en passant par les services à la clientèle automatisés, les moteurs de recherche qui anticipent nos besoins, des algorithmes qui recommandent des contenus culturels ou commerciaux, répondant à nos centres d’intérêt, ou des mécanismes d’analyse de données et d’aide à la prise de décision. Entre 2015 et 2016, le nombre d’objets connectés a progressé de 30 % et, d’ici à 2020, on estime qu’il progressera de 228 %, pour atteindre près de 21 milliards (Gartner 2017). De plus, le trafic Internet mondial a, au fil des ans, évolué de 100 giga-octets par seconde, en 2002, à 150 700 Go par seconde prévus en 2022. Selon la définition que l’on retient, « la taille de l’économie

numérique est estimée entre 4,5 % et 15,5 % du PIB mondial. (…) À l’échelle mondiale, le nombre d’emplois dans le secteur des TIC est passé de 34 millions en 2010 à 39 millions en 2015, les services informatiques représentant la plus large part de ces emplois (38 %). La part du secteur des TIC dans l’emploi total a également augmenté sur la même période, passant de 1,8 % à 2 % » (Cnuced 2019) p.6. Le

secteur du numérique est, en effet, lié à des évolutions technologiques récentes (dans les années 2000, les PDA3 ; en 2007, les premiers smartphones ; en

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2008, les premiers Android4). La transformation numérique en cours s’accentue en raison d'une connectivité toujours meilleure et plus rapide ainsi que d’une capacité de collecte, de stockage et de traitement des données en progression constante et à un moindre coût. Dans ce cadre, le numérique est aussi décrit comme marquant une rupture avec les façons traditionnelles de penser et de faire ainsi qu’avec les manières de concevoir le monde et son avènement a ainsi pu être assimilé à la quatrième révolution industrielle (Cardon 2019b) p.5.

B. Le gouvernement numérique

Dans les sociétés occidentales, nous avons aussi assisté à un choix politique de « se mettre au numérique », de le développer et le déployer. Le numérique semble être un nouvel outil et une nouvelle manière de gouverner puisque son utilisation dans les administrations, quoique récente, est omniprésente. Il semblerait que l’utilisation du numérique pour l’action publique apporte de nombreux bienfaits : elle permettrait d’améliorer l’efficacité des politiques publiques grâce au mouvement d’ouverture des données (open data) qui rendrait les administrations moins opaques et permettrait de lutter contre la corruption, d’« aider les décideurs à optimiser l’allocation des

ressources publiques et à faire les bons choix » grâce à l’exploitation de ces

données, à « alléger certaines procédures et faciliter la vie des citoyens » (Santiso 2019) p.131. Grâce au numérique, « l’Etat plateforme » est, en effet, supposé transformer ses principes d’organisation et ses modes d’action (Chevallier 2018). Selon le gouvernement du Québec, par exemple, qui résume bien un discours répandu dans les pays dits occidentaux, « la transformation numérique influence la

culture organisationnelle et amène l’administration publique à repenser la manière dont elle rend ses services », notamment en adaptant « ses relations avec les citoyens en fonction de leur réalité », en misant « sur le numérique pour transformer ses façons de faire, de manière à être plus innovante, efficiente et transparente »

afin « d’offrir des services publics plus rapides et intuitifs » (Secrétariat du conseil du Trésor 2019) p.4. En général, dans les administrations et les organisations, le numérique suscite beaucoup d’espoirs (l’amélioration de la créativité, de la coordination et de la coopération), ces outils étant attendus, entre autres, comme une piste d’amélioration des politiques menées et du service public rendu. Dans cette perspective, la plupart des pays occidentaux ont développé des stratégies numériques au niveau politique. Celles-ci consistent, tout d’abord, à développer des infrastructures (les « câbles ») mais aussi à incorporer les TIC dans l’ensemble des domaines économiques et sociétaux (Commission européenne 2019b, c, d, e) (US Department of State 2019). En France, le service public s’est lancé dans cette même dynamique, par le biais d’Action publique 2022 (CITP 2018), avec une généralisation de la dématérialisation annoncée en 2022 pour les services publics. Par conséquent, ceci amène à s’interroger sur la place du numérique dans l’action publique puisque l’utilisation des TIC semble devenir un véritable outil de politique publique.

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Android est un système d'exploitation mobile fondé sur le noyau Linux et développé actuellement par Google.

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2. Le numérique en santé, une innovation censée produire de la santé, autrement, de manière plus performante

Suivant le phénomène de numérisation de toutes les sphères de la société, l’utilisation des technologies de l’information et de la communication se développe également, rapidement et plus intensément depuis les années 2010, dans le secteur de la santé dans les pays dits « du Nord », « développés » ou occidentaux, en somme appartenant à l’OCDE. Fleurissent ainsi d’innombrables objets connectés (tels que les tensiomètres ou podomètres, par exemple) et applications dédiées à la santé et au bien-être, des sites Internet traitant de questions de santé, des robots pour opérer ou prendre soin des personnes âgées, des projets recourant à l’intelligence artificielle (pour mieux diagnostiquer des pathologies, par exemple), des « systèmes d’information », des dispositifs de prise en charge à distance, etc. La santé numérique, terme inventé par John Mitchell, alors défini comme « l’usage

combiné de l’internet et des technologies de l’information à des fins cliniques, éducationnelles et administratives, à la fois localement et à distance » qualifie

aujourd’hui « tout ce qui contribue à la transformation numérique du système de

santé, voire au-delà du seul secteur santé » (Mitchell 2000) et regroupe, en effet, un

grand nombre d’outils, de dispositifs et services. C’est un champ vaste dont les contours sont assez flous. L’utilisation des TIC dans le secteur de la santé est présentée, par les acteurs agissant dans ce domaine et par ceux qui la promeuvent, comme une réponse aux défis des systèmes de santé, comme une solution innovante ainsi que comme un vecteur d’amélioration de la performance des systèmes de santé.

A. L’utilisation des TIC en santé : quel potentiel pour le système et les personnes ?

Le développement de l’utilisation des TIC est présenté comme l’une des réponses pour s’attaquer aux enjeux auxquels font face les systèmes de santé occidentaux, notamment au défi des maladies chroniques. Il est vrai que les pays occidentaux font face, concomitamment, à divers enjeux préoccupants, tels que le vieillissement de la population (Chang, Skirbekk, et al. 2019), l’augmentation de la dépendance et des maladies chroniques qui lui sont corrélées (GBD Collaborators 2016, Dicker et al. 2018) (OCDE 2019), ce qui a des répercussions sur la soutenabilité des systèmes de protection sociale (Chang, Cowling, et al. 2019) (CNAM 2019). D’autre part, l’utilisation des technologies numériques dans le secteur de la santé5

est présentée comme un outil propice à l’amélioration de l’intégralité de l’organisation de la santé et

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Nous utilisons, tout au long de notre étude, le terme « secteur de la santé » pour nous référer au sens large et complet de la santé, en adéquation avec la définition de l’OMS, relative à un « état de complet bien-être physique, mental et social, (qui) ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité » (1946). Nous n’entendons pas le « secteur de la santé » comme restrictif au seul secteur des soins. Notons que, d’habitude, cette notion est comprise selon une acception restrictive, au moins en France, dans les administrations et les établissements, alors que les prérogatives du Ministère sont bien plus larges.

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permettant, particulièrement, des parcours de santé fluides, dans des systèmes souffrant de fragmentation. L’objectif est l’amélioration de la performance des systèmes de santé. L'essor grandissant du numérique utilisé pour la santé et le soin est censé abolir les barrières de temps et d'espace et avoir un impact positif sur la santé ainsi que le bien-être. La santé numérique doit aussi améliorer la coordination des soins, la prévention, l'aide à la décision et faciliter la réalisation des soins. Les « nouvelles » technologies numériques de l’information et de la communication sont particulièrement mobilisées et appelées à prendre une part croissante dans le développement des « parcours de santé »6, (consacrés, en France, par la nouvelle loi de modernisation du système de santé, de 2016), nouveau concept à visées holistique et transformatrice, utilisé par les pouvoirs publics sanitaires français et européens. Il s’agit d’améliorer la coordination des soins et des prises en charge par l’ensemble des professionnels des secteurs de la santé, social et médico-social ou bien de favoriser la prévention auprès des patients et des usagers du système de santé, de servir à l’orientation des patients ou de soutenir l’utilisation d’outils personnalisés de santé. Elles sont même mobilisées, selon certains, pour « réduire les inégalités de santé », tels le directeur général de l’OMS (Collectif 2019) p.96 ou d’autres auteurs (Lyles et al. 2016) (Brewer et al. 2020). Par exemple, l’idée d’applications adaptées aux individus est supposée entraîner une meilleure adhésion et une acceptabilité plus forte de leur part, puis leur « empowerment » individuel. De plus, le numérique en santé est censé réduire les problèmes d’accès géographique aux services de santé. D’autres auteurs ont également démontré que la « fracture numérique » se réduisait progressivement, en France notamment (Renahy, Parizot, & Chauvin 2010). Dans ce cadre, l’OMS soutient fortement la transformation du système de santé grâce au numérique (OMS 2019b). Plus largement, les arguments en faveur des TIC en santé reposent sur l’idée qu’elles sont synonymes d’innovation et de développement économique. Si le sujet du numérique est très récemment traité au niveau réglementaire dans le secteur de la santé, en France, via les expérimentations de télémédecine (de 2010 à 2018), la LMNSS de 2016 (France 2016), la stratégie de santé numérique de juillet 2016 (Ministère de la santé 2016) et la stratégie de transformation du système de santé (Gouvernement français 2018), les pouvoirs publics se sont saisis plus précocement de ce sujet dans différents champs de la société et de l’économie. Promouvoir le numérique en santé est d’ailleurs présenté comme un appui à une filière économique à haut potentiel, au moins dans le cas français via l’appui aux « comités stratégiques de filières santé et

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Le Secrétariat général des ministères des affaires sociales français définit le parcours de santé comme un « parcours de soins articulé en amont avec la prévention primaire et sociale et en aval, avec l'accompagnement médico-social et social, le maintien et le retour à domicile » auquel s’ajoute la notion de « parcours de vie » (parcours de la personne dans son environnement : scolarisation, prévention de la désinsertion professionnelle, réinsertion, logement, etc.) » (ARS 2016). C’est bien sur cette définition large, englobant les stratégies de prévention et de promotion de la santé et la considération des personnes dans un continuum du soin et de la santé entendue au sens large de la définition de l’OMS, que nos travaux se basent, pas seulement sur les réflexions liées aux parcours de soins stricto sensu.

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industrie »7 (Conseil national de l'industrie 2019) (notamment sur l’intelligence artificielle), mais aussi à l’étranger (Commission européenne 2010, 2014).

B. Santé numérique et « effets indésirables »

Néanmoins, l’utilisation du numérique en santé soulève des questions sur leurs éventuelles « externalités négatives ». Tout d’abord, D. Cardon évoque quelques-unes des limites du web en général. Selon lui, le rêve initial « d’une technologie

permettant de mettre la société en réseau, de partager des connaissances et d’en faire des biens communs » est contrecarré par des critiques acerbes dénonçant la

marchandisation du web, sa surveillance et sa manipulation par les algorithmes, transformant « les mondes numériques en un sujet d’inquiétude, (…) perçus comme

un vaste système de contrôle des conduites, un vecteur de pathologies et d’addictions, un Big Brother qui surveille chacun de nos faits et gestes. Loin d’avoir créé de nouvelles libertés, le web serait en fait un nouvel asservissement » (Cardon

2019a) p.420. Très généralement, les transformations suscitées par le numérique sur la société dans son ensemble ont pu être critiquées, en lien avec les controverses largement évoquées sur l’utilisation des TIC (Boullier 2016) (Cardon 2019a) et sur leurs conséquences sur l’économie et le travail (Chevalier 2018). Devant cette part croissante dans l’organisation des sociétés, il apparait donc pertinent de comprendre les raisons du développement du numérique dans l’organisation et le gouvernement de la société. Par exemple, la numérisation des services publics est parfois vécue comme excessive et suscite le débat. A titre d’illustration, dans le cadre du « grand débat national », en France, en 2019, ce sujet est revenu à maintes reprises, d’aucuns critiquant une situation de potentielle rupture des droits lorsque les services physiques ne sont plus disponibles et remplacés par des services numérisés. Lors d’une émission de radio, pendant ce débat national qui a suivi le mouvement dit « des gilets jaunes » de fin 2018, les oratrices8 ont expliqué que, face à la réduction de la présence des services publics, ont été proposées des maisons de services au public qui devraient être accessibles dans un délai de 15 à 30 minutes maximum à tout un chacun. Il y était fait état d’un sentiment d’humiliation des personnes devant la difficulté à solliciter les aides sociales doublée de l’impossibilité à utiliser ces services numériques (France Inter 2019). Par ailleurs, un rapport de la Cour des comptes française a mis en lumière en 2019 le processus croissant de dématérialisation des services publics et ses liens avec l’exclusion numérique (Cour des comptes 2019), en insistant sur l’inégal accès à ces derniers. Quant à la santé

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En France, « 18 comités stratégiques de filière (CSF), correspondant chacun à une filière stratégique de l’industrie française, ont pour mission d’identifier de façon convergente, dans des «contrats de filière», les enjeux clés de la filière et les engagements réciproques de l’État et des industriels, d'émettre des propositions d'actions concrètes et de suivre leur mise en œuvre. Chaque CSF regroupe, sous le pilotage d’un industriel président du CSF, des représentants des acteurs de la filière, entreprises ou fédérations industrielles, des représentants des organisations syndicales, les différentes administrations concernées par cette industrie et des experts » (Source consultée le 25/03/2020 : comité stratégique de filière : voir liste des sites web consultés).

8 Une reporter (A. Verzeaux) ayant réalisé un reportage sur le sujet et l’invitée, présidente du Secours Catholique.

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numérique, elle est aussi décrite, dans la littérature, comme comportant des limites. Selon B. Scala, « le chemin est parsemé d’embûches socio-économiques,

techniques, administratives » (Scala 2016) p.23. Ces embûches se manifestent par

des enjeux d’interopérabilité des systèmes, de la protection des données de santé (dans le cadre du RGPD, en Europe (2016c)) et de l’acceptabilité des TIC, tant par les usagers du système de santé que par les professionnels. Quant au modèle économique, il s’avère encore difficile d’évaluer les gains économiques normalement attendus de ces nouveaux outils (Rahimi 2019). Au-delà des gains en qualité de vie, des gains d’efficience sont, notamment, attendus d’une réduction du nombre et de la durée des hospitalisations. Si les « évidences » scientifiques sont contrastées, les discours politiques sont en revanche fort affirmés en France (comme, par exemple, dans le cas du programme TSN9 qui a été lancé en 2014 afin d’expérimenter le couplage entre des organisations de soins sur des territoires restreints et l’utilisation des TIC).

C. La « fracture numérique », le numérique et les inégalités en matière de santé

Ce qui a été appelé la « fracture numérique » semble représenter un effet inattendu et indésirable additionnel. Selon D. Boullier (Boullier 2016), la « fracture numérique » provient initialement d’un discours politique10 et s’est transformée en un concept flou qui regroupe, à la fois, l’asymétrie des équipements entre pays correspondant aux asymétries préexistantes de développement ; les inégalités de diffusion dans le public ; une fracture scolaire entre culture savante et culture ordinaire car l’accès au numérique est pensé sur le mode de l’alphabétisation (la « digital literacy ») et des « styles particuliers » selon les générations plutôt qu’une fracture générationnelle. Selon l’auteur, il est « indispensable de rester vigilants sur la construction d’une

catégorie à visée politique telle que la « fracture numérique » pour admettre qu’elle n’a aucune valeur scientifique et que ses supposées « mesures » sont entièrement orientées par des a priori totalement pris dans le discours politique qu’elles contribuent ainsi à faire exister » (Boullier 2016) p.118. Dans une note sur ce même

ouvrage, en 2019, N. Doduik récuse cette expression car elle cacherait, selon lui, « une hiérarchie prescrite dans les usages de l’informatique, et véhicule(rait) l’idée

qu’il y a des pratiques de l’informatique plus nobles que d’autres. Or une posture sociologique neutre invite à considérer tous les usages du numérique de manière équivalente » (Doduik 2019) p.411. Néanmoins, la revue de littérature de K. Latulippe et ses co-auteurs (Latulippe, Hamel, & Giroux 2017b), que nous avons complétée dans cette recherche car elle ne propose pas, à notre avis, un cadre synthétique opérant12 et, dernièrement, celle de C. Lutz (Lutz 2019), ont mis en lumière le

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Programme Territoire de soins numérique : nous y revenons plus en détail dans le chapitre 3. 10

Par Al Gore en 1995, en fonction de données fournies par son administration, en lien à la fois avec une volonté économique de créer des « information highways » et de réduire le « digital divide ». 11

Sur la critique scientifique de la notion de « fracture numérique », voir aussi (Rallet and Rochelandet 2004).

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potentiel lien entre les ISTS et le numérique en santé, premier paradoxe que nous souhaitons soulever dans ces travaux. En effet, en 2019, l’utilisation des TIC est répandue dans le monde occidental mais les difficultés d’utilisation et l’exclusion numérique restent tangibles. A titre d’exemple, selon une projection des résultats de l’enquête Capacity de 2017 sur la population française de plus de 18 ans, la France compte environ 14 millions de personnes éloignées du numérique13, soit 28 % de la population française, avec 16 % qui ne se connectent jamais à internet et 12 % qui en ont un usage « distant ». Par ailleurs, au niveau européen, en 2018, la part des ménages de l’Union européenne (à 28 pays) disposant d’un accès à l’internet a atteint 89 %, soit 29% de plus qu’en 200814, même si un clivage entre zones urbaines et zones rurales persiste15. La proportion de la population de l’UE-28 n’ayant jamais utilisé l’internet était de 11 % en 2018 (2% de moins que l’année précédente), ce qui correspond à un tiers du niveau observé en 2008 (elle était alors de 33 %) ; cela montre donc une baisse importante des non-utilisateurs, mais non une absence de cette catégorie. Dans cette perspective, en termes d’engagements politiques, la Commission européenne a adopté, le 10 juin 2016, un nouveau « Skills

Agenda for Europe », dont l’objectif est de promouvoir un certain nombre d’actions

visant à faire en sorte que chaque personne dans l’Union européenne ait accès à la formation, aux compétences et au soutien adéquats afin d’acquérir les compétences requises par un environnement de travail moderne, notamment les compétences numériques16. Par conséquent, au vu de l’ensemble de ces constats, la première question de cette thèse porte sur les liens entre la numérisation de la santé et les ISTS. Il importe, en effet, de comprendre si ce phénomène de difficultés d’accès et d’utilisation du numérique se retrouve également dans le domaine de la santé. Ainsi, cette « fracture numérique » se produit-elle dans le domaine de la santé et qu’en est-il, si tel est le cas ? Le numérique peut-il réduire les inégalités de santé, postulat largement développé par de nombreux acteurs de ce secteur, comme nous l’avons vu ou, au contraire, les aggraver en raison des possibles effets socialement différenciés de leur utilisation ? Dans ce cas, il semble intéressant de préciser avec 13

La population éloignée du numérique est définie, dans ce rapport, comme étant la somme de deux groupes distincts : « les non-internautes, qui ne se connectent jamais à internet, et les internautes « distants » dont les compétences numériques sont faibles au point de ne pas pouvoir réaliser certaines opérations simples comme les démarches administratives en ligne, la recherche d’information, les achats en ligne, etc. ».

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Source consultée le 03/02/2020 : Eurostat.

15 Début 2018, plus des quatre cinquièmes (85 %) des particuliers de l’UE-28 âgés de 16 à 74 ans utilisaient l’internet (au moins une utilisation au cours des trois mois précédant la date de l’enquête). Au moins neuf personnes sur dix au Danemark, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Finlande, en Allemagne et en Suède ont utilisé l’internet au cours des trois mois précédant l’enquête. Par comparaison, un peu moins de trois quarts des particuliers âgés de 16 à 74 ans utilisaient l’internet en Italie (74 %), en Grèce (72 %) et en Roumanie (71 %), la proportion la plus faible étant enregistrée en Bulgarie (65 %).

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quelles politiques l’enjeu de la « fracture numérique » fait écho au deuxième paradoxe que nous soulevons dans la section suivante, à savoir celui de la persistance des inégalités de santé dans les systèmes de santé occidentaux.

3. Les inégalités sociales de santé : un certain « signe de faillite » des Etats-providence ?

De façon concomitante, les inégalités sociales et territoriales de santé sont présentes dans les pays occidentaux, pourtant qualifiés de performants par l’OMS, par l’OCDE et par ces Etats eux-mêmes. Dans les analyses internationales, l’OCDE et l’OMS les hissent au rang des meilleurs systèmes au monde, grâce notamment à l’allongement considérable de l’espérance de vie, l’une des avancées les plus remarquables du siècle dernier, dont la tendance devrait se poursuivre17. L’état de santé y est globalement très bon et les citoyens y bénéficient de couvertures sociales très avantageuses. Dans ce groupe « de pointe », figurent la majeure partie des Etats européens, le Japon, l’Australie, les Etats d’Amérique du Nord ; en fait, les Etats membres de l’OCDE.

A. La stagnation ou l’accroissement des inégalités sociales et territoriales de santé

Cependant, nous constatons une stagnation, voire un accroissement, des inégalités sociales et territoriales de santé en Europe et en Amérique du Nord, au cours des deux dernières décennies (Mackenbach 2012, Mackenbach et al. 2019, Mackenbach et al. 2008, Mackenbach et al. 2018) (OMS 2019c), face auxquels les systèmes de santé se révèlent insuffisamment armés. La persistance des inégalités socio-économiques de santé est l’un des plus importants défis de la santé publique. Tous les pays, y compris ceux qui jouissent d’indices de prospérité économique et de développement les plus élevés, subissent des inégalités systématiques de mortalité et de morbidité entre leurs citoyens aux situations socio-économiques les plus élevées et les plus faibles. Ces inégalités sociales de santé sont substantielles et représentent souvent, en moyenne, une différence de cinq à dix années d’espérance de vie à la naissance et une différence de dix à vingt années d’espérance de vie sans incapacité entre les catégories de population (CDSS, 2008; Mackenbach et al. 2008). Le rapport de la Commission sur les déterminants sociaux de la santé «

Combler le fossé en une génération » a montré que les inégalités de santé sont une

source majeure d’inquiétude quant à l’état de santé des populations, compromettent son amélioration de manière équitable pour tous (CDSS, 2008). Les diagnostics relatifs à la persistance des ISS sont bien établis tant en France (Cambois, Laborde, et Robine 2008) (Menvielle et al. 2007) (Drees 2017), qu’en Europe de l’Ouest ou que dans d’autres pays « occidentaux » comme, par exemple, le Canada, outre-Atlantique (Pampalon, Hamel, et Gamache 2008a, 2008b). La plupart du temps, ils relèvent de l’épidémiologie sociale et de la statistique, mettant au jour des données

17 Pour la période 2015-20, l’espérance de vie à la naissance s’établit en moyenne à 78.3 ans pour les hommes et à 83.4 ans pour les femmes (OCDE 2017).

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quantitatives. Quelques-unes de ces données sont détaillées dans les tableaux en annexes 1 et 2. Divers auteurs, français notamment, démontrent l’existence de ce qu’ils nomment des « inégalités spatiales » et les termes « d’inégalités territoriales » ou « géographiques » sont aussi utilisés au détour des documents de la littérature grise (Rican et al. 2014) (Maresca & Helmi 2014). En France, cette situation renvoie à des situations où les états de santé des populations semblent marqués par des caractéristiques particulières des lieux où les personnes naissent, vivent et travaillent, ainsi que par les disparités géographiques en matière d’accès aux soins et aux accompagnements (Vigneron 2013, Vigneron & Haas 2012). Néanmoins, ces manifestations sont complexes, non univoques et assez difficiles à cerner précisément. La notion même « d’inégalités sociales et territoriales de santé » est discutée. La définition communément admise des inégalités sociales de santé, dans les écrits internationaux de santé publique (souvent basés sur l’épidémiologie sociale), est celle de M. Whitehead, à savoir des « disparités » en matière de santé, au sein d'un même pays ou entre différents pays, attribuables aux conditions socioéconomiques systématiques et évitables et, par conséquent, inéquitables et injustes (Whitehead 1991). De prime abord, nous notons le dépassement de la simple notion de « différences en santé », qui seraient dues aux différences biologiques et génétiques entre les êtres humains, et nous soulignons l’idée d’absence d’une répartition aléatoire de ces différences, alignées, en réalité, sur la stratification sociale et économique préexistante des sociétés. Précisons, d’emblée, que cette notion renvoie à la question de la justice sociale pour la majorité des tenants de l’étude de ce phénomène. Les ISTS sont ainsi présentées comme un réel problème pour les systèmes de santé dont les dirigeants, entre autres, louent le caractère universel et dans lesquels chacun est censé avoir les mêmes chances d’être « en bonne santé » que son prochain, dans « un état de complet bien-être

physique, mental et social, (qui) ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité », ce qui représente « l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale » (1946). Cette définition et ses implications ont déjà fait

l’objet de nombreux travaux académiques et politiques qui méritent que nous nous y arrêtions plus longuement, ce que nous faisons dans le chapitre 1 de cette thèse.

B. Une tension entre performance et inégalités questionnant le « contrat social »

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