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La mémoire des lieux

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Academic year: 2021

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Ecole des Hautes e´tudes en psychologie sociale

LA ME

´MOIRE DES LIEUX

Chaque mode`le du monde contient des cate´gories a` l’aide desquelles nous percevons et appre´hendons l’espace, les valeurs qui y sont lie´es et les relations spatio-temporelles. Un lieu constitue un fragment de l’espace culturel auquel, pendant le processus de sa formation, on a attribue´ des significations d’une manie`re plus ou moins consciente. On peut donc dire que, contrairement a` une foreˆt, pour prendre cet exemple, l’espace urbain « parle », meˆme si c’est l’observateur qui l’incite a` parler. Pour comprendre la signification d’un e´difice, d’une rue ou d’une place, il est indispensable de connaıˆtre le code c’est-a`-dire le langage des formes mate´rielles. Au fur et a` mesure qu’on saisit et assimile l’espace, on apprend ce langage de la meˆme manie`re qu’on apprend une langue. Ce processus peut eˆtre illustre´ par les dessins d’enfants qui repre´sentent des fragments de villes. Ce langage constitue une partie de l’he´ritage de ceux qui appartiennent a` un milieu culturel commun. Graˆce a` lui, la signification des formes spatiales (comme par exemple une cathe´drale gothique ou un palais baroque) est imme´diatement perc¸ue inde´pendamment des connaissances histori-ques, meˆme si l’e´ducation ame´liore sa compre´hension.

La signification des lieux leur a e´te´ attribue´e par les hommes mais, au fur et a` mesure que les sie`cles passaient, elle changeait et devenait plus objective. Nous parlons ici des lieux partage´s par une communaute´, meˆme s’il existe des lieux qui s’associent a` des biographies individuelles. Espaces et lieux symboliques, e´glises, cimetie`res, monuments, certains quartiers, des ensembles architectu-raux lie´s a` l’histoire de la communaute´ ne sont pas que des formes mate´rielles posse´dant des fonctions de´termine´es. En ge´ne´ral, ils sont sujets a` un « tabou » dont la violation est un sacrile`ge. Ces valeurs sont, bien suˆr, inde´pendantes des crite`res e´conomiques. Les formes et les genres spatiaux ont donc aussi bien une fonction lie´e aux valeurs utilitaires qu’une signification lie´e aux valeurs symboliques.

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26 LA ME´ MOIRE DES LIEUX L’espace et les lieux ont chacun deux aspects : le premier, extra-se´miotique, ou` l’espace est un produit re´sultant avant tout de la relation entre le mode de la production et l’e´cosyste`me environnant, mais refle´tant aussi la structure ge´ne´rale de la socie´te´ (religion, politique) ; le second − se´miotique, l’espace e´tant conside´re´ comme produit par des individus appartenant a` une socie´te´ donne´e et guide´s par son ide´ologie. La part de l’ide´ologie destine´e a` produire l’espace devient un syste`me signifiant, transforme´ en un ensemble de codes de´notants1.

En de´chiffrant le langage des lieux, nous utilisons la plupart du temps les espe`ces sociales typologiques.

Chaque e´poque dans l’histoire sociale de l’architecture− e´crivait Aleksander Wallis − a ses propres mode`les et, dans chaque e´poque, la socie´te´ juge son architecture d’apre`s certains ste´re´otypes2.

Un mode`le serait donc une forme spatiale durable, re´sultant de la domination de certaines fonctions et de certaines valeurs appre´cie´es par la socie´te´ dans une pe´riode donne´e. Ainsi, apre`s l’e´poque ou` dominaient des mode`les tels qu’e´glise, hoˆtel de ville, chaˆteau, est venue celle des usines, gares de chemins de fer et maisons bourgeoises, mode`les remplace´s dans la pe´riode contemporaine par les HLM, tours, centres commerciaux et autoroutes.

Quant au ste´re´otype, il serait constitue´ par un ensemble de crite`res utilitaires et esthe´tiques qui servent a` valoriser l’espace a` un moment pre´cis ; ces crite`res sont e´videmment moins stables et subissent l’influence de diffe´rentes modes. L’immeuble bourgeois par exemple, rejete´ par la pe´riode moderniste qui ne lui a attribue´ que peu de valeurs utilitaires et esthe´tiques, est redevenu cet e´le´ment typique de villes qui confe`re aux rues une riche signification esthe´tique et symbolique, et ceci graˆce a` sa de´coration individualise´e.

Le contact quotidien et constant avec les œuvres architecturales, la compo-sition de l’espace, les de´tails architectoniques et le mobilier urbain influencent bien suˆr la manie`re de les percevoir. Wallis note que, de meˆme que l’usage de l’e´criture cre´e la norme de la langue parle´e, la pre´sence iconographique de fragments de l’espace − e´difices, fac¸ades, de´tails dans les albums, films et la te´le´vision, sur les cartes postales et dans la presse illustre´e − fait naıˆtre les crite`res de la valorisation de l’espace qui peuvent devenir des normes plus ou moins utilise´es.

1

A. Ph. Lagopulos, « Analyse se´miotique de l’agglome´ration europe´enne pre´-capitaliste », Semiotica, 1978.

2 A. Wallis, « Œuvre d’architecture comme composant de l’environnemen » in : B. Hamm,

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Ces deux cate´gories, a` savoir mode`le et ste´re´otype, semblent toutefois in-suffisantes pour une lecture correcte de l’œuvre architecturale. On peut supposer qu’il existe des mode`les a` l’aide desquels l’espace produit est valorise´, qui sont plus durables, universels, et enracine´s plus profonde´ment dans la nature humaine. On peut les appeler arche´types ou mode`les primitifs ; ce sont des e´le´ments constants et universels de la culture, accepte´s en partie sans re´flexion, au niveau de l’inconscient.

En paraphrasant un texte de J. Łotman et de B. Uspienski, l’espace et ses lieux constituent la me´moire durable de la socie´te´. On peut distinguer trois voies de sa production : agrandissement quantitatif de l’e´tendue de l’espace graˆce au remplissage des ses cases (lieux) par des textes ; regroupement de la structure des e´le´ments dont la conse´quence est le changement de son caracte`re ; et enfin l’oubli, c’est-a`-dire l’e´limination de cases et de formes spatiales3.

Evidemment, ces processus concernent aussi bien les espaces sacre´s que non-sacre´s. Dans ce premier cas, remplissage, regroupement et oubli ont toutefois un caracte`re nettement ide´ologique. L’une des formes de la lutte ide´ologique dans le domaine culturel (un espace symbolique donc) est l’exigence de l’oubli des e´le´ments et des formes spatiales4.

L’histoire peut fournir de nombreux exemples de telles actions. Rappelons par exemple les transformations du chaˆteau royal de Wawel en caserne sous l’occupation autrichienne, des e´glises en entrepoˆts ou maisons de divertissements pendant les pe´riodes « he´roı¨ques » des Re´volutions franc¸aise et bolchevique, ou encore la destruction des synagogues et cimetie`res juifs par les nazis.

Les exemples du remplissage de l’espace symbolique selon une ide´ologie actuelle, et oublie´e ensuite, ne manquent pas non plus. Ainsi, par exemple, une e´glise orthodoxe fut baˆtie au XIXesie`cle sur la Place de Saxe a` Varsovie comme un symbole du triomphe de la russification ; apre`s la 1e`re Guerre mondiale, elle fut de´molie dans le cadre de la re-polonisation de l’espace urbain de Varsovie.

Le « don » de l’Union sovie´tique qu’e´tait le Palais de la Culture et de la Science a` Varsovie pourrait eˆtre conside´re´ comme une sorte de vengeance... Le proble`me que constitue ce Palais ne consiste pas en sa valeur esthe´tique douteuse ni en sa position inapproprie´e au centre de la ville, mais plutoˆt en la se´mantique voulue par l’architecte : cet e´difice devait constamment rappeler aux habitants de Varsovie qu’ils se trouvaient sous la domination sovie´tique.

3

J. Łotman, B. Uspienski, “O semiotycznym mechanizmie kultury” in : Semiotyka kultury, Warszawa, PIW, 1977.

4 B. Jałowiecki, “Space as memory” in : B. Hamm, B. Jałowiecki (e´d.), The Social Nature

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28 LA ME´ MOIRE DES LIEUX La de´molition de l’e´glise de la Place de Saxe en 1918 sembla e´vidente ; une e´ventuelle de´molition du Palais ne l’est pas. En effet, le Palais s’est charge´ d’un symbolique quotidien, de millions d’e´ve´nements. Des centaines de milliers (ou peut-eˆtre des millions) de personnes sont passe´es par le Palais de la Jeunesse avec ses piscines, the´aˆtres, cine´mas, muse´es ; on pouvait y be´ne´ficier de spectacles magnifiques pendant la meilleure pe´riode du the´aˆtre polonais. Des centaines de milliers de personnes gardent un bon souvenir du Palais : il a souvent e´te´ le lieu des rencontres des amoureux. Il est donc inscrit dans la vie d’un grand nombre d’habitants de Varsovie. Ainsi la signification premie`re de l’e´difice voulue par Lev Roudneff a-t-elle e´te´ quasiment efface´e.

La polonisation des espaces urbains de Gdańsk et de Wrocław e´tait plus facile a` cause des destructions lors de la Seconde Guerre mondiale. La reconstitution des noyaux historiques de ces villes, meˆme si elle se re´fe´rait a` l’histoire, e´tait plutoˆt, pour prendre un terme musical, une variation sur le the`me... Ainsi la Ville Principale de Gdańsk a-t-elle e´te´ pourvue non seulement d’un contenu social nouveau mais aussi une forme spatiale et architecturale neuve, et par conse´quent d’une nouvelle me´moire. La reconstruction, ou plutoˆt la construction nouvelle des parties historiques de ces villes rendait l’appropriation d’un espace e´tranger par les nouveaux habitants plus facile.

En 1970, est paru un volume contenant les re´ponses envoye´es au concours intitule´ « Qu’est-ce que la ville de Wrocław pour vous ? » L’analyse sociologi-que de ces re´ponses a montre´ comment les nouveaux habitants s’appropriaient un espace e´tranger, et elle a permis de distinguer huit manie`res (non-exclusives) de la recherche de l’identite´. « Le pays de l’enfance » : cette re´fe´rence est la plus e´vidente. « C’est ici chez moi » est certainement la motivation la plus importante et la plus commune du lien avec la ville. Dans beaucoup de re´ponses, on pouvait lire « Wrocław est mon œuvre » ce qui montrait l’exe´cution d’un certain travail cre´atif qui contribuait a` former ce lieu. « La ville re´cupe´re´e » montrait l’accord avec le programme du repeuplement des Territoires Re´cupe´re´s [anciens terri-toires allemands (re)devenus polonais apre`s 1945 − N.d.T.] et la satisfaction morale consistant a` eˆtre pre´sent dans une ville anciennement polonaise, « vole´e » par les Allemands, et enfin re´cupe´re´e. « Grand monde » − il s’agit ici du lien avec la ville re´sultant du fait qu’elle est plus grande, plus riche, plus pleine, plus europe´enne, posse`de plus un caracte`re de me´tropole, re´pondant a` nos reˆves d’un grand monde. Ce type de liaison avec la ville e´tait particulie`rement caracte´ristique pour les personnes qui y sont venues de la campagne ou de petites villes. « Un bon habitat » − motivation utilitaire fre´quente se re´fe`re a` un travail inte´ressant, a` un milieu social agre´able, a` la de´mocratie et a` la tole´rance dans les relations humaines. « Lieu de l’ascension sociale » ou` l’on peut profiter de l’e´ducation et acque´rir une position sociale plus e´leve´e. Enfin, « le port

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d’attache » de´note la tranquillite´ apre`s les difficulte´s de la guerre, apre`s une e´poque de souffrances, de turbulences et de privations5. Ainsi les habitants de Wrocław attribuaient-ils a` leur lieu de vie leur propre signification et en meˆme temps les significations sociales.

Cela fut bien plus difficile dans des villes dont la symbolique pour les nouveaux habitants e´tait pauvre. Il s’agit par exemple de Szczecin, caracte´rise´ par Artur D. Liskowacki6 en ces termes :

Les habitants de Szczecin recherchent l’identite´ de ce lieu par la re´fe´rence a` une bre`ve visite du poe`te polonais Konstanty I. Gałczyński, ils y e´le`vent une statue du

Fiacre enchante´7. Ils ont e´galement sollicite´ le retour d’une copie du monument

ve´nitien du condottiere de Bartolomeo Colleoni, transfe´re´ a` Varsovie apre`s 1945. Ils cherchent e´galement des traditions allemandes, en donnant a` un rond-point le nom du maire Hermann Haken a` qui la ville doit sa forme spatiale, calque´e sur la reconstruction ope´re´e par Georges Haussmann a` Paris.

Ce lieu diffe`re donc significativement de Gdańsk ou de Wrocław, dont la sphe`re des connotations est incomparablement plus riche.

Les villes occupent des positions diffe´rentes sur les cartes symboliques d’un pays donne´, de l’Europe ou meˆme du monde. Ce rang est lie´ a` l’histoire de la communaute´, mais aussi a` la manie`re de « fixer » un lieu dans la me´moire collective. Pour les Polonais, Gdańsk c’est avant tout la de´fense he´roı¨que de Westerplatte et la ville du syndicat « Solidarność » ; en Europe occidentale, c’est plutoˆt la ville pour laquelle « il ne fallait pas mourir » ou bien un endroit magique de´crit par Gu¨nter Grass dans son Tambour.

Actuellement on assiste en plusieurs endroits a` des regroupements de la structure des e´le´ments, des fonctions et des formes, ce qui est a` l’origine du changement de leur caracte`re. Une cathe´drale situe´e dans une ville fre´quente´e par les touristes aura une signification diffe´rente de celle d’une petite e´glise pe´riphe´rique qui ne « vit » que pendant les offices du dimanche. Dans ce premier cas, la fonction cultuelle devient quasiment marginale, et l’e´glise devient un muse´e, dont l’entre´e n’est souvent possible qu’apre`s avoir paye´ son ticket d’entre´e. Une transformation de fonctions a donc lieu : un lieu de culte devient un muse´e. Ce deuxie`me mode d’utilisation devient plus important, et la fonction primaire est limite´e a` une ou deux heures le dimanche matin.

5 J. Goćkowski, B. Jałowiecki, « Prace nadesłane na konkurs “Czym jest dla ciebie miasto

Wrocław” jako materiał socjologiczny » in : B. Jałowiecki (re´d.) Związani z miastem, Wrocław, 1970, Ossolineum, pp. 60-68.

6 Gazeta Wyborcza, 26-27 janvier 2002. 7

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30 LA ME´ MOIRE DES LIEUX Des foules de touristes formant des queues a` l’entre´e, munis de guides en diffe´rentes langues, appareils photographiques et came´ras a` la main, attribuent a` l’e´glise une signification particulie`re, celle d’une curiosite´ touristique. On peut donc admettre que la Tour Eiffel, le Muse´e d’Orsay, le Disneyland et la cathe´drale Notre-Dame ont, quant a` leur utilisation, la meˆme fonction, meˆme si a` l’origine ce n’e´tait pas le cas.

Le baˆtiment du Muse´e d’Orsay avait e´te´ une gare de chemin de fer, construit a` l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, sans aucune connotation symboli-que. Acque´rant une nouvelle fonction− celle de lieu d’exposition d’une grande collection d’art − il est devenu l’une des principales attractions touristiques de Paris, ce dont te´moignent de longues files d’attente qui se forment de`s le matin, avant meˆme l’ouverture du baˆtiment. Le Muse´e d’Orsay est ainsi devenu non seulement un temple de l’art, mais aussi l’un des symboles de la ville. Le Disneyland, implantation ame´ricaine a` la pe´riphe´rie de la me´tropole, est une grande « usine de divertissement » et un symbole de la culture de masse qui fait concurrence a` la cathe´drale Notre-Dame quand il s’agit d’absorber le plus grand nombre de touristes. Dans les guides destine´s a` l’usage populaire, tous ces objets ont le meˆme rang : ce sont des « must ».

La de´sacralisation de la cathe´drale Notre-Dame de Paris, ainsi que d’un grand nombre d’autres e´glises anciennes en Europe, est devenue un fait si e´vident que le touriste se sent tout a` fait en droit de protester quand on limite les possibilite´s de visite pendant la ce´le´bration de l’office.

La ville est un lieu, mais dans les villes il peut y avoir des lieux. La biblio-graphie de la perception de l’espace est riche et diversifie´e, en commenc¸ant par les analyses de la manie`re dont les villes sont de´crites dans les œuvres litte´raires jusqu’aux recherches sur la perception quotidienne de la ville. Celles-ci ne traitent pas l’espace urbain comme homoge`ne ; au contraire, elles distinguent des espaces et les e´valuent sur la base de plusieurs crite`res : utilitaire, esthe´tique, e´thique et existentiel.

On peut avoir une attitude personnelle et e´motionnelle a` l’e´gard de certains fragments de l’espace urbain. Beaucoup de ces lieux sont marque´s par des e´ve´nements appartenant a` l’histoire collective ou individuelle, faisant naıˆtre des associations, et par conse´quent, des souvenirs. La magie de ces lieux a donc souvent un caracte`re subjectif et unique. Mais il existe en ville des endroits dont le caracte`re exceptionnel et la « magie » sont perc¸us par un grand nombre d’habitants et de touristes. Ce sont − selon l’expression d’Aleksander Wallis − les espaces culturels de la ville.

En Pologne, on peut citer la Rue Longue de Gdańsk, la Place du Marche´ de la Vieille-Ville de Varsovie, le chaˆteau de Wawel, ou la ville juive de Kazimierz a` Cracovie. Ce sont des endroits magiques a` qui les ge´ne´rations successives ont

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attribue´ des significations riches et varie´es. Ce sont des endroits uniques, inimi-tables dont l’identite´ est fortement ancre´e.

On voit parfois des e´difices insolites et e´pisodiques s’inscrire dans l’espace urbain. Ils sont gouverne´s par leurs lois propres, et leurs signification primaires sont, en ge´ne´ral, assez pauvres. Ainsi par exemple la Tour Eiffel, construite a` l’occasion d’une exposition universelle, et dont le seul but a` l’origine e´tait de montrer les possibilite´s de la construction en acier. La Tour Eiffel devint rapidement le symbole de la ville justement a` cause du vide se´mantique initial. Chacun pouvait lui confe´rer sa propre signification, et c’est pour cette raison que les Parisiens et des millions d’habitants d’autres villes et pays aiment cet e´difice.

Certaines rues qui ont la fonction occasionnelle d’eˆtre le lieu de ce´le´bration des feˆtes et des manifestations unissant des groupes, ou meˆme tous les habitants autour d’une ide´e, appartiennent e´galement aux espaces culturels des villes. Le choix d’une rue comme de´but d’une manifestation n’est pas fortuit ; elle est choisie en raison des connotations symboliques lie´es a` l’itine´raire suivi. La gauche franc¸aise commence ses manifestations a` la Place de la Bastille. Dans la dernie`re pe´riode de la Re´publique Populaire de Pologne, les manifesta-tions centrales du 1ermai suivaient un itine´raire comme´morant les luttes lors des re´volutions ou les insurrections des habitants de Varsovie. Les groupes profes-sionnels me´contents ont aussi un itine´raire constant a` Varsovie : du Ministe`re des Finances a` la Die`te et, plus loin, jusqu’au sie`ge du Conseil des Ministres. Les jours des manifestations, diffe´rents groupes sociaux s’approprient la rue pour montrer leur existence ou leur unite´.

Certaines rues portent e´galement l’histoire de la ville et la me´moire des ge´ne´rations successives dans leur tissu urbain. L’architecture des maisons, des e´difices destine´s a` l’usage des institutions publiques et des e´glises exprime l’e´volution des styles, des gouˆts et des modes, elle constitue donc un moyen de transmission de l’histoire et de la culture. Les plaques place´es sur les murs comme´morent les citoyens illustres qui y ve´curent et travaille`rent. Le monument qui fait partie du mobilier de la rue exprime les valeurs que la communaute´ urbaine conside`re comme les plus e´leve´es. Mais il existe aussi des lieux de me´moire collective pour les socie´te´s entie`res : Jasna Góra en Pologne, le cime-tie`re militaire polonais a` Lvov, les ruines d’Oradour sur Glane, le Mur des lamentations a` Je´rusalem.

Mais en meˆme temps, les lieux, dans lesquels nous vivons et que nous visitons a` des occasions diffe´rentes, se composent pour former une image de notre monde qui ressemble de plus en plus a` une mosaı¨que. Il est de plus en plus rare que l’on soit lie´ a` un seul endroit, car les lieux sont e´galement sujets

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32 LA ME´ MOIRE DES LIEUX a` la globalisation. L’un des journaux polonais propose une rubrique permanente « Mon cœur est reste´ a`... ». Les lecteurs y de´crivent des endroits, situe´s dans les diffe´rentes re´gions du globe, qu’ils conside`rent comme importants. La Place et la basilique Saint-Pierre a` Rome, les places Saint-Marc a` Venise et du Tertre a` Paris, l’Acropole d’Athe`nes peuvent servir d’exemple d’endroits les plus « globalise´s » qui ne laissent personne indiffe´rent. Ce sont les exemples les plus connus des hauts lieux de la me´moire europe´enne.

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