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Figures de mères à l'origine du christianisme:

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Figures de mères à l'origine du christianisme:

traits communs et essai de typologie

l .

Parler de figures de mères à l'origine du christianisme et de leurs traits communs, tenter aussi un essai de typologie, c'est un ambitieux effort de synthèse qui ne peut être qu'une esquisse. Évidemment, je me suis gardé de mettre devant le substantif figures un article défini qui supposerait l'exhaustivité d'un corpus clos ou une définition abstraite rigoureuse. Du point de vue chronologique, l'origine que j'évoque n'est pas un point précis de l'axe temporel ; dans le champ de l'imaginaire de la maternité, je fais apparaître une figure qui, avant même l'ère chrétienne, témoigne déjà d'une sensibilité qu'on trouvera plus tard dans les textes chrétiens - la figure légendaire de la mère des sept martyrs des guerres maccabéennes, aussi bien que ce que nous montrent les approches du concile d'Ephèse; je considère donc des sensibilités qui vont de la seconde moitié du deuxième siècle AC. ( 169-167 : débuts de la crise d'Antiochos IV; peu après 125-124 : II Mace. ) à la première moitié du cinquième siècle A.D. ( Ephèse : 431 );

l'évolution des sensibilités au cours de ces siècles ne me concerne pas ici2.Du point de vue conceptuel, je ne veux pas considérer le christianisme comme un système déjà plus ou moins dogmatisé et en cours de définition;

ce sont les conceptions, peut-être floues, de l'affectivité, plutôt que l'auto- définition conflictuelle, qui m'intéressent ici; aussi puiserai-je parmi les récits ( mythes, légendes, histoires) concernant les martyrs, Marie, les saints, allant de la Bible grecque aux discours des orateurs chrétiens en passant par le Nouveau Testament canonique, les apocryphes et l'hagio- graphie. Je n'exclurai que deux choses, d'une part les mythes gnostiques de Sophia-Ennoia ou la mère qui est ogdoade - d'abord parce que je ne connais pas le copte, mais aussi parce qu'ils me paraissent témoigner d'une sensibilité un peu différente3 , d'autre part les textes trop directe-

1 Exposé prononcé au séminaire du 16/11/91. Suivi d'appendices pour présenter, en traduction française, des textes à l'appui .

2 Pour le cas particulier de la mère des martyrs Maccabées, quelques remarques sur l'évolution diachro- nique de la figure dans l'Appendice 1.

3 Chacun connait les distorsions de sensibili té que peut apporter la traduction; mais, si l'on veut toucher au gnosticisme, exclure les textes coptes de Nag Hammadi et utiliser seulement les fragments et témoi- gnages des hérésiologues grecs est maintenant chose impossible. La lecture de ces textes en traduction dans une langue moderne occidentale, confirmant, de ce point de vue, les témoignages des hérésio- logues, me laisse l'impression d'une différence assez nette de sensibilité aux figures de mère (traduction anglaise: ROBINSON, James M. , ed. , The Nag Hammadi Library in English, 3rd revised edition 1980).

Toutefois la mise à part de ce que l'on a nommé le gnosticisme, cet ensemble assez flou de bon nombre des hérésies anciennes, serait peut-être chose qui s'imposerait moins si l'on s'en tenait pour le christia- nisme à la période prénicéenne .

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ment prescriptifs ( traités de la virginité, comparaison de la virginité et du mariage, etc. )4.

Un premier trait commun des mères valorisées par le christianisme est qu'elles tendent à être des mères pures.

J'entends d'abord par là de pures mères. La mère, c'est aussi la femme du père, d'un mâle. Le père est omis, subordonné, nié. La mère des sept frères dits Maccabées, la protomartyre suppliciée par Antiochos IV Epiphane pour avoir refusé de renier la Loi, est seule avec eux, sans que les textes qui reprennent son histoire fassent connaître un père; mieux, elle souligne à ses fils la responsabilité unique du Dieu créateur pour leur formation dans son sein5. On sait que pour Jésus, Joseph n'est auprès de Marie qu'un protecteur6• La mère qui, dans le ciel, enveloppée par le soleil, avec la lune sous ses pieds, crie, torturée par l'enfantement et guettée par le dragon, est une femme sans homme; mieux, cette figure céleste du cha- pitre 12 de l'Apocalypse poursuivie par le dragon à sept têtes s'oppose à la prostituée fameuse à qui se sont unis dans la prostitution les rois de la terre et qui siège sur une bête à sept têtes; à une maternité sans sexualité s'oppose ainsi une sexualité sans maternité7.

Je n'insisterai pas sur les images de maternité, où, par exemple, la création est dans les douleurs de l'enfantements: elles ne font que présen- ter de façon plus métaphorique et moins mythique le même isolement de la maternité. Mais passons à l'évocation des saints du christianisme.

• La grande sainte Thècle, l'émule de Paul, figure peut-être plus héroïque que lui dans l'apostolat et le martyre, a une mère et une mère adoptive; aucun père n'est jamais évoqué9 . La jeune mère Perpétue, enfer- mée dans sa prison, va subir le martyre; il y a des interventions auprès d'elle pour la faire faiblir - mais elles ne sont jamais le fait de son mari, dont il n'est pas non plus question dans les préoccupations de Perpétue dont on nous fournit le journa}lo. Au IVe siècle chrétien, un certain nombre d'auteurs évoquent les grandes figures de leur famille. Ainsi, selon Grégoire de Nysse, le mariage de sa mère, orpheline exposée au rapt, n'est autre que la recherche d'un protecteur; on pense au thème de la recherche

4 Ici les textes mis à l'écart sont poIItnicéens . 5 Voir Appendice l, spécialement T.1U.

6 Voir T. 3121 et T.U33.

7 Voir T. 314 et plus spécialement les remarques sur T. 3142.

8 Voir T. 3321, T. 3331, etc.

9 Voir Appendice Il.

10 Edition VAN BEEK (1936), p. 9 sqq .. Tout au plus le mari accompagne-t-ille pèTe, sans intervenir spé- cialement. Pour les préoccupations de Perpétue, voir T. 321.

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d'un protecteur pour la Vierge du Seigneur élevée dans le Temple, protec- teur qui sera trouvé dans le veuf Josephl1 ; c'est d'ailleurs pour Grégoire de Nysse les figures de la mère, de la grand-mère et de la soeur aînée qui jouent le rôle principal dans les évocations familiales, évocations dont le père est presque absentl2 • Attitude un peu analogue chez Grégoire de Nazianze qui n'hésite pas à faire assez longuement l'éloge de sa mère Nonna, vivante et présente, dans l'oraison funèbre de son père évêque, et qui, dans un autre discours, attribue à Nonna "un enfantement spirituel"

dont on peut se demander s'il n'est pas aussi la conversion au christianis- me de son mari, action évoquée immédiatement après13•

S'il y avait simplement un triomphe de la mère, auprès de laquelle le mâle, s'il existe, fait pâle figure, on retrouverait simplement là dans les figures chrétiennes des avatars d'un type mythique bien connu. Mais les mères valorisées par le christianisme tendent aussi à être des mères pures, en ce que toutes les réalités biologiques de la maternité tendent à être occultées, niées, ou considérées comme des obstacles à cette valorisation.

Jamais nous ne rencontrons de phrase du type "un tel connut une telle, sa femme" ou plutôt cette expression n'existe que sous forme négative dans le cas de Marie et de Joseph, Joseph qui, selon l'Evangile de MaUhieu "ne connut pas son épouse jusqu'à ce qu'elle mit au monde un fils"14. Mais ce n'est pas seulement la conception par union sexuelle qui est occultée quand elle n'est pas niée. Grossesse, mise au monde, nourriture au sein, sont l'objet d'une certaine répugnance ou dévalorisation.

Prenons le cas de la mère des sept martyrs Maccabées; dans tous les textes qui la concernent on insiste, avec plus ou moins d'effets rhétoriques, sur la sympathie toute particulière et biologique qu'il y a entre une mère et ses enfants; mais c'est là obstacle au rôle maternel qu'elle doit jouer pour les encourager au martyre. L'un des textes les plus rhétoriques va jusqu'à dire que, si elle avait été lâche, quoiqu'elle fut leur mère, elle aurait rappelé les souffrances de la maternité et aurait appelé ses fils à vivre pour la nourrir en échange dans sa vieillesse; la curieuse concessive "quoi- qu'elle fut leur mère" est-elle un lapsus révélateur faisant apparaître la prise de conscience, chez l'auteur, de l'ambivalence des sentiments violents

l1 T. 3381 ; ct: T. 3133 . De même la garde de Thècle par Tryphaine (T. 24) est-elle en même temps que mise aux arrêts protection de sa virginité.

12 Voir, par exemple, tout le début de la Vie de Macrine de GREGOIRE DE NYSSE.

13 Voir, de GREGOIRE DE NAZIANZE, l'Oraison funèbre de son père (= Or. 18) . Pour l'enfantement spiri- tuel chez Nanna, voir T. 3351 (Oraison funèbre de Gorgonie = Or. 8).

14 T. 3121 . Formule négative analogue, dans un contexte un peu différent: T. 3111, en Luc 1, 34 . Pour la négation de la conception par union sexuelle en dehors du cas de Jésus, voir T.3131 (Contra l~nterpréta­

tian trop habile de ce texte par Epiphane, qui n'admet pas le sens obvie du texte mais suppose ce que nous nommerions un septantisme: T. 3182 ).

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qu'une mère éprouve pour ses enfants, ou est-ce l'annonce un peu mal- adroite du thème du véritable enfantement à la vraie vie dans la souffran- ce partagée du martyre auquel elle les convie - thème que nous trouvons par ailleurs ?15

La grossesse est aussi l'objet de répugnance; je citerai Grégoire de Nazianze: "Je fus d'abord dans la chair de mon père, puis ... de la viande confuse, pas un homme, une honte sans forme, privé de raison, ne partici- pant pas à l'esprit, ayant ma mère pour tombeau." ou "La vie commence par une corruption qui est notre mère; elle continue par une corruption qui nous fait à chaque instant sortir du présent; elle retourne à une corrup- tion, la dissolution de cette vie biologique." - et ceci dans des paroles de consolation devant le deuil, adressées à sa mère par Grégoire, indice qu'ailleurs silence n'est pas simple pudeur, mais répugnance plus profonde16• D'ailleurs l'homélie de Proclos de Cyzique sur la Théotokos, où, dans les prodromes du concile d'Ephèse, il lutte contre ceux qui refusent à Marie ce titre de "Mère de Dieu", montre bien que ce qui joue alors est cette répugnance. "N'aie pas honte de la grossesse et de l'enfantement.", dit-il avant d'évoquer la grossesse de la Vierge et de justifier cette situa- tion (honteuse) du Dieu incarné par la façon dont, dans la honte bien connue de la mort sur la croix, l'Incarnation divine est bien réelle17•

En ce qui concerne les réalités même de l'accouchement, la situation est à peu près la même. On ne les évoque que dans le cas de Marie et pour nier leur existence. Comme le dit Clément d'Alexandrie, "bien qu'elle ait accouché, elle n'est pas une accouchée"18. Ici, le récit caractéristique est celui du Protévangile de Jacques, où l'on trouve une sage-femme qui constate de son doigt cette situation; dans ce même texte, l'ombre couvre d'abord la grotte de la Nativité, puis apparaît dans la grotte une grande lumière qui peu à peu se met à se retirer jusqu'à ce qu'apparaisse un petit enfant qui vient prendre le sein de sa mère; si nous remontons un peu plus haut dans la même histoire, Joseph se trompe quand il croit Marie, au visage tantôt sombre et tantôt joyeux, tourmentée par les douleurs de 1'enfantement : la douleur est toute spirituelle, car Marie pense à son fils comme signe de contradiction19 . On peut aussi citer ce texte chrétien qu'est la)[[X!! Ode de Salomon: "Elle devint Mère-Vierge ... ; elle devint grosse et enfanta un fils sans douleur ... ; elle ne demanda pas de sage-

15 T. 127 . Pour l'enfantement par encouragement au martyre, voir T. 3221 et, en un texte sans doute influencé par la légende de la mère des martyrs Maccabées, T. 3222.

16 T. 3361 et T. 3371.

17 T. 3191 . Rapprocher avec l'objection arienne à l'égard de la génération éternelle du Verbe; et avec les polémiques sur la mort sur la croix dont nous avons trace chez les apologistes chrétiens.

18 T. 3161, pour le texte précis de Clément que j'ai résumé.

19 T. 3134 ; T. 3135 ; T. 3136.

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femme pour l'assister; comme un homme (un mâle), elle enfanta volontai- rement."20. Cette masculinisation dans l'enfantement est d'autant plus remarquable que le Fils est présenté au début de la même ode comme pro- venant soit du Saint-Esprit, soit du Père pourvus tous deux de caractéris- tiques féminines: "L'Esprit-Saint a ouvert son sein (son sein à lui Esprit)."

ou "Le Fils est coupe (de lait); celui qui a été trait, c'est le Père ... parce que ses mamelles étaient pleines."21.

Par le trait de l'enfant qui tète Marie22, on a vu qu'il y a moins de répu- gnance à l'allaitement qu'à l'accouchement. Mais nous sommes bien loin d'être aux temps des crèches ou des Vierges à l'enfant. Le journal de pri- son de Perpétue nous montre que la lactation aussi peut être un obstacle pour une mère chrétienne. Tant qu'elle n'est pas condamnée, on apporte à Perpétue son enfant à allaiter, et l'on joue sur le souci qu'elle a du nourris- son pour tenter de lui faire abandonner le christianisme; après sa condam- nation, on le lui refuse, mais, providentiellement, celui-ci se trouve sevré cependant que, symétriquement, la lactation prend fin chez elle. C'est immédiatement après cette fin de la maternité biologique que se présen- tent les visions qu'a Perpétue de son frère Deinocratès, autrefois mort sans être baptisé; il y apparaît d'abord défiguré, puis guéri - symbole évident du salut obtenu par le martyre de sa soeur, mais aussi sorte de maternité spi- rituelle de compensation. Ajoutons une troisième vision, celle où Perpétue masculinisée lutte contre un Egyptien et triomphe de lui - symbole et pré- sage de son triomphe dans le martyre23 .

Pour donner son vrai sens aux répugnances qui viennent d'être signa- lées, je crois qu'il faut se souvenir qu'elles s'accompagnent d'une valorisa- tion de la maternité, parfois métaphorique, parfois historique. Toute action qui amène à la vie, enseignement, encouragement au martyre, a tendance à être présentée selon le schéma des douleurs de l'enfantement auxquelles succède la joie d'avoir un enfant nouveau-né; on trouverait des textes de Paul24; on peut aussi noter comment le médecin Alexandre, qui exhortait par signes les martyrs de Lyon à persévérer dans leur confes- sion, "paraissait à ceux qui entouraient le tribunal éprouver les douleurs de l'enfantement25. Mais il yale pouvoir de ces mères chrétiennes qui,

20 XIxeOde de Salomon, traduction LABOURT du texte syriaque; voir LABOURT - BATTIFOL (1911), p.

20-21-

21 Ibid. p. 20.

22T.3135.

23 Pour l'enfant de Perpétue, voir T.3211, traduisant des passages des chapitres II à VI de la Passion de Perpétue. Les visions de Deinocratès sont aux chapitres VII et VIII (Remarques de DODDS sur l'appa- rition de ces rêves en Païens et chrétiens dans un tige d'angoisse, Paris, 1979, p. 67 - l'original anglais est de 1965. ) . Pour la masculinisation de Perpétue triomphant de l'Egyptien, voir T. 3212.

24 Textes de Paul: T. 3331; T. 3341 (avec le verbe_ôdineinl . Pour le schéma, voir T. 332l.

25T.3221.

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comme Nonna, consacrent leur enfant à Dieu dès avant sa naissance et jouent ainsi leur rôle, un rôle essentiel, dans la naissance d'un héros fon- dateur26• Mère pure ne veut pas dire mère impuissante.

J'ai regroupé des épisodes divers; j'ai tenté de souligner des traits com- muns. Comment cependant classer?

Je crois qu'il ne faut pas se laisser aller à la tentation d'opposer les mères collectives ou cosmiques, comme la mère du chapitre douze de l'Apocalypse, aux mères individuelles; toutes les mères importantes sont plus ou moins fondatrices, comme la mère des martyrs Maccabées, qui est

"mère de la race"; et les figures de l'Eglise-Mère ou de la Foi-Mère ne sont pas intemporelles27•

Il me semble qu'on pourrait généraliser l'opposition des deux mères qui apparaît nettement dans les Actes de Thècle : l'une est la mère biologique, attachée au mariage de sa fille, mais par là mauvaise mère, allant jusqu'à inviter le gouverneur à brûler celle qui contrevient à la loi de fécondité;

l'autre est la mère adoptive, à qui est confiée Thècle dans l'attente du sup- plice, et qui, après le salut miraculeux de son enfant de substitution, sait désormais que les morts ressuscitent28.

Il y a tendance à l'opposition entre une maternité toute impure dans sa terrestre fécondité et une autre maternité: on peut penser à la façon dont Anne, la mère de la Vierge, au moment où cette dernière va faire ses pre- miers pas, bâtit un sanctuaire dans sa chambre pour qu'elle ne touche pas la terre29• La bonne maternité, dépourvue d'ambivalence, serait une maternité céleste, sorte de lumineuse diffusion génératrice, peut-être qua- siment dépourvue aussi de séparation ou de sevrage30• Ce rêve n'est évi-

26 Multiples allusions chez GREGOIRE DE NAZIANZE à cette consécration; ainsi Carm.II, l, 11 (=De vita sua) , vv. 67-92 (ed. JUNGCK, 1974, p. 54-59) . Parallèle possible avec le rêve de la mère de Macrine <Macrine la didaskalos) avant la naissance de Macrine, en GREGOIRE DE NYSSE, Vie de Macrine 2, lignes 21sqq. MARAVAL.

27 T. 314, et les interprétations T. 3151, T. 3171, T. 3172, T. 3181, poux Apocalypse 12 . Poux la mère des Maccabées, voir T. 126 . Poux le thème de l'Eglise mère, voir PLUMPE, Joseph C., Mater Ecclesia. An inquiry into the Concept orthe Church as Mother in Early Christianity, Washington D.C., 1943.

28 Voir Appendice II.

29T.3132.

30 Poux la maternité lumineuse: T. 3135, cf. T. 3137; on peut penser aussi au prologue de l'Evangile de Jean; cf. aussi, plus tard, certaines invocations de l'Hymne akathiste : ·Salut, astre qui manifeste le soleil" ou ·Salut, toi qui as enfanté la lumière de fàçon indicible" ; sans doute tout ceci concerne-t-il uni- quement Marie, mais, si l'on nous a suivi, on a vu qu'il ya continuité entre d'autres figures de mères et Marie. Poux l'opposition de deux maternités, cf. peut-ètre d~à la parole de Jésus figurant en Luc 11, 27-28 (T. 3311).

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demment pas sans poser quelques problèmes quand on veut que la bonne mère soit aussi la mère biologique. Peut-être nous aide-t-il à comprendre comment la Théotokos n'est pas la Grande Mère des Dieux .

AppendiceI La mère des frères Maccabées :

Jean-Marie MATHIEU Université de Caen

Les six textes ici étudiés concernent un récit qui apparaît pour la pre- mière fois dans le Deuxième livre des Maccabées. Alors que le récit des guerres maccabéennes menées contre Antiochos IV et Antiochos V est celui d'une guérilla, d'abord conduite par Matathias, puis par son fils Judas, dit Maccabée, et d'une guerre menée par les frères de Judas Maccabée, guerre qui aboutira à la fondation de la dynastie hasmonéenne, ce récit épiso- dique est celui de la résistance passive (du martyre) d'un homme (souvent nommé Eléazar) et d'une mère ( anonyme dans ces textes) avec ses fils (anonymes). Ce martyre est dû à l'interdiction de la Loi par Antiochos IV Epiphane ( mois de Nisan

=

Avril 167 AC. ). Adoptés par la tradition chré- tienne, ces saints de l'Ancien Testament, ou les seuls frères, seront appelés les martyrs Maccabées ou les Maccabées . Dans la tradition martyriolo- gique chrétienne, l'épisode est un modèle de récit de martyre.

Du point de vue monumental, et non plus documentaire, le tombeau des Maccabées était honoré à Antioche au IVe siècle AD. dans une église chré- tienne, ancienne synagogue confisquée; cette synagogue serait la "syna- gogue de l'Hasmonéenne", première synagogue bâtie après la destruction du Temple ( OBERMANN, J., "The Sepulchre of the Maccabean Martyrs", Journal of Biblical Literature, 50, 1931, 250-265 ); l'invention de reliques en 1876, lors de la réparation à Rome de l'église Saint-Pierre-ès-Liens, a entraîné, vingt ans après, pour la défense de leur authenticité comme pour le développement de la politique orientale de Léon XIII, la publication d'un article de Mariano RAMPOLLA deI Tindaro, cardinal de la Sainte Eglise Romaine, "Del luogo deI martiro e deI sepolcro dei Maccabei", Bessarione, publicazione periodica di studi orientali, diretta a facilitare l'unione delle Chiese, 1, 1896-1897, 655-666; 751-763; 853-866; et 2, 1897-1898, 9-21 (sans nom d'auteur); 2ème édition , en traduction française par Mgr.

Lemonnier, "Martyre et sépulture des Machabées", Revue de l'Art chrétien ,42, 1899,290-305; 377-392; 457-465 (comprenant l'indication du nom de l'auteur et quelques pages complémentaires, 390 à 392; c'est à cette

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deuxième édition plus complète qu'on renvoie habituellement; la traduc- tion Lemonnier a aussi fait l'objet d'une publication séparée à Bruges, Desclée de Brouwer, 1899, Gr. in 8°, 87p. , cote B.N. : A 18 118 . ) . Les visées liturgiques et politiques du Cardinal Secrétaire d'Etat n'empêchent pas l'article de Rampolla d'être encore l'étude de base du point de vue archéologique et hagiographique .

Texte 11 : Il Mace. 7. 1-41 .

L'ensemble du récit de martyre ( chapitres 6 et 7) ressortit à ce que l'on a nommé la source légendaire du Deuxième livre des Maccabées, dont on ne sait si elle a fonctionné avant Jason de Cyrène ou entre Jason et l'épitomé.

Le récit relève du genre littéraire de l'histoire tragique. Après le martyre d'Eléazar, vient celui des sept frères et de leur mère.

T. 111 : " (7, 21) (La mère) encourageait chacun d'entre eux dans la langue de leurs pères (patriôi phônêi) , remplie de généreux sentiments et ayant éveillé d'un coeur mâle (arséni thymôi) son raisonnement femelle (ton thêlyn logismon). Elle leur disait: (22) 'Je ne sais comment vous êtes apparus dans mon sein; ce n'est pas moi qui vous ai gratifié de l'esprit (pneuma) et de la vie (zôên) ; et ce n'est pas moi qui ai organisé les élé- ments chez chacun. (23) Par conséquent le créateur du monde, (ktistês tou kosmou), qui a modelé Cplasas) la génération (génésin) de l'homme et inventé la génération de tout, vous redonnera encore dans sa pitié l'esprit (pneuma) et la vie (zôên) puisque, à présent, à cause de ses lois, vous n'avez pas de considération pour vous-mêmes.' . "

Remarquer 1) la masculinisation de la mère; 2) la disparition du rôle biQlogique du mâle qui s'efface dans la génération au profit de Dieu; 3) l'assimilation entre création (du monde ou de l'homme) et génération; 4} le parallélisme création résurrection.

T. 112 "(27) (La mère) s'inclinant vers lui (le dernier fils), trompant le cruel tyran, lui dit ainsi dans la langue de leurs pères : 'Mon fils, aie pitié de moi qui t'ai porté neuf mois, t'ai allaité trois ans, t'ai nourri, t'ai amené à l'âge que tu as et t'ai entretenu. (23) Je te le demande, mon enfant, regarde le ciel et la terre et, voyant tout ce qu'ils enferment, reconnais que Dieu les a créés (époiêsen) du néant (ex ouk ontôn) et que c'est ainsi que fut engendré igégénêtai ) le genre (génos) humain; (29) ne crains pas ce bour- reau, mais, digne de tes frères, accepte la mort, afin que, dans Sa pitié, je te retrouve avec tes frères.' ."

Remarquer 1) l'affirmation de la création ex nihilo; 2} la reprise de

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l'assimilation entre création et génération; et 3) de la seule présence alors de la mère et de Dieu.

T. 113 "(41) La dernière, après ses fils, mourut la mère."

T.12 PSEUDO-JOSEPHE, De la souveraineté de la raison, aussi nommé Quatrième livre des Maccabées. L'ouvrage a fait l'objet d'une traduction française et d'une étude de Dupont-Sommer ( A DUPONT-SOMMER, Le Quatrième livre des Machabées, Paris, 1939) et d'une édition commentée avec traduction anglaise de Moses Hadas (Moses HADAS, The Third and Fourth Books of Maccabees, New York, 1953) . .

On peut, avec BICKERMANN ("The Date of IV Maccabees", Louis GINZBERG Jubilee Volume, New York, 1947, 105-112) dater l'ouvrage de la seule brève période de l'empire romain où il y a eu un gouverneur de la Syrie, de la Phénicie et de la Cilicie, puisque ce titre est attribué en 4, 9 à un gouverneur, autrement dit le situer entre 20 et 50 AD ..

Il s'agit d'un ouvrage juif rédigé en grec, à la fois diatribe et enkômion de style asianique. S'agit-il d'un faux discours en dépit des allusions au public ? Ou d'un véritable discours en dépit du thème général philoso- phique d'une oeuvre qui, dans ses trois premiers chapitres évoque d'autres exemples que celui d'Eléazar et de la mère et des sept fils? Et, dans ce cas, pour quelle œte a-t-il été prononcé?

Le schéma général du récit reprend celui de II Mace ..

T.121 "Après qu'on eut arrêté un grand nombre de gens, le premier du troupeau, un nommé Eléazar, prêtre de race (to génos hiéreus), versé dans la connaissance de la Loi, avancé en âge, connu en raison de son âge de plusieurs personnes de la cour du tyran, fut amené devant lui ." ( 5, 4 ) .

T.122 "Quand sa mère l'eut encouragé en langue hébraïque, (l'enfant) ... " (12,7) .

T. 123 " (11) Ne considérez point que c'est une chose merveilleuse si, chez ces mâles, la raison (logismos) a eu le dessus au milieu des tour- ments, quand, même chez une femme, l'intellect (nous) a méprisé des souf- frances extrêmement variées. (12) Car la mère des sept jeunes gens a subi les tortures infligées à chacun de ses enfants. (13) Observez combien sont multiples les replis de l'affection maternelle ( hê tês philotéknias storgê) qui ramène tout à la sympathie qu'elle éprouve pour ses entrailles (pros tên tôn splagkhnôn sympatheian ), (14) quand même les êtres vivants

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dépourvus de raison (ta aloga zôia) ont pour ce qui est issu d'eux une sym- pathie et une affection semblable à celle des hommes ." (14,11-14) .

T.124 " (14, 20) Mais la sympathie pour ses enfants n'a point ému la mère des jeunes gens, dont l'âme était la même que celle d'Abraham~ (15, 1) 0 raison, tyran des passions pour les enfants, foi, plus désirable pour la mère que les enfants, ( 2) une mère est placée devant une alternative, la conservation de ses sept fils pour un temps selon la promesse du tyran, (3) la foi qu'elle aime mieux, celle qui conserve pour la vie éternelle selon Dieu." (14, 20 - 15, 3) .

T.125 "0 mère mise à l'épreuve maintenant par des peines plus aiguës que les douleurs de l'accouchement de ses enfants (tôn ep'autois ôdinôn ) ."

(15,16).

T.126 "(28) Bien plutôt, du courage du pieux Abraham sa fille se sou- vint. (29) 0 mère de la race (mêtêr ethnous ), vengeresse de la Loi, bouclier de la foi, athlète vainqueur du combat qui divisait ses entrailles (tau dia splagkhnôn agônos athlophoré ). (30) 0 toi plus généreuse en courage que les mâles, plus virile en endurance que les hommes. (31) Car, comme l'arche de Noé ... " (15,28-31)

Remarquer à propos de l'expression mêtêr éthnous 1) que l'appellation intervient immédiatement après l'évocation d'Abraham;2) que, si l'on cherche des modèles bibliques, seule Déborah -le juge Déborah - est dite, en Juges 5, 7 .. "mère en Israël".

T. 127 "(5) En plus, tenez compte de ceci, que, si la femme eût eu l'âme faible, bien qu'elle fût mère (kaipér mêtêr ousa ) elle se fût lamenté sur eux et peut-être aurait-elle dit: '(6) Malheureuse que je suis ... (suit, aux versets 6 à 10, l'évocation des douleurs subies lors des accouchements suc- cessifs des sept enfants et des peines prises ensuite pour eux, travaux qui ne seront récompensés par aucune descendance et aucun honneur funèbre) , . " (16, 5-10)

Remarquer qu'on a été tenté de se débarrasser de l'expression para- doxalement scandaleuse kaipér mêtêr ousa 1) soit en corrigeant kaipér en kai, 2) soit - ce qui revient au même - en donnant à kaipér un sens non concessif, 3) soit en faisant porter la concessive uniquement sur le membre de phrase qui précède, ce qui est supposer une force d'âme géné- rale et quasi naturelle caractéristique des mères, thème contraire à toute la théorie de la sympathie biologique développée dans l'ensemble de IV Mace . .

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T.128 " Certains des satellites ont dit que, lorsqu'elle allait être saisie elle aussi pour être conduite à la mort, afin que nul ne touchât son corps, elle se jeta dans le bûcher." (17,1)

T.129 " (6) La mère des sept jeunes gens dit aussi ces paroles de justice à ses enfants: (7)'Je fus enfantée comme une vierge pure; je n'ai pas fran- chi le seuil de la maison paternelle; j'ai gardé la côte qui fut façonnée; (8)

ne me corrompit aucun souilleur du désert, aucun corrupteur dans la plai- ne; le serpent souilleur, serpent de tromperie, ne souilla pas la sainteté de ma virginité; (9) je demeurai à la fleur de mon âge avec un mari; quand ceux-ci grandirent, leur père mourut: heureux fut-il de vivre une vie riche en enfants sans connaître les douleurs de la privation d'enfants. (10) Quand il était encore avec vous, il vous enseignait la Loi et les prophètes ...

(suivent, dans les versets 11 à 19, les exemples d'Abel, d'Isaac, de Joseph, de Phinée, des trois jeunes gens dans la fournaise, de Daniel dans la fosse aux lions, et des citations d'Isaïe 43, 2 SPT; Ps.34, 20; Provo 3 18; Ezéchiel 37, 3; Deut. 32, 39; 30, 20) , . « (18, 6-19)

Remarquer que ce discours est clairement un appendice, précédant quelques lignes de conclusion qui reviennent au style exclamatif. Il est souvent considéré comme une addition interpolée (au deuxième siècle AD.

; voir Dupont-Sommer ad locum) . Du point de vue qui nous occupe, on peut constater que c'est le seul passage de IV Mace. qui évoque le père humain des sept enfants.

T.13 GREGOIRE DE NAZIANZE. Discours 15 (Eloge des Maccabées) . Premier texte grec chrétien sur les frères Maccabées. Peut-être prononcé à Nazianze le premier août 362 A.D. (J. BERNARDI, La prédication des pères cappadociens, Paris, 1968; voir p. 101-102). L'édition est toujours celle des Mauristes (reproduite par Migne : Patrologie grecque, tome 35, col. 911-934). Etude d'ensemble par Th. SINKO, Eos, 13, 1907, 1-29 (en latin). Traduction française par J.M.MATHIEU, Kentron, 6, 1990, 64-75.

Grégoire de Nazianze, au paragraphe 2, renvoie expressement le lecteur à l'ouvrage De la souveraineté de la raison (=IV Macc.) ; si le rappel, en ce paragraphe du discours de Grégoire de Nazianze, des thèmes de l'origine, de l'éducation, etc. , n'est pas une simple obligation due au genre littéraire, la présence au IVes. A.D., dans le texte de IV Macc.utilisé par G.N. , du discours de la mère situé en appendice, est alors garantie par ce rappel.

T.131 "(3) Ici Eléazar, prémices des passions qui précédèrent le Christ comme Etienne le fut de celles qui le suivirent. Cet homme était prêtre et vieillard, avancé en âge comme en sagesse. Auparavant il dirigeait les sacrifices du peuple ... à présent il s'offrait lui-même à Dieu comme l'offran-

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de la plus parfaite ... ; il offrait aussi les sept enfants (tous hépta paidas), réalisation parfaite de l'éducation qu'il leur avait donnée, .sacrifice vivant et saint agréable à Dieu, plus brillant et plus pur que toutes les oeuvres de la Loi : mettre au compte du père les actes des enfants, rien n'est plus conforme à la Loi ni plus juste. Là, les enfants .... (4) Là, lamère ... "

Remarquer 1) que la Grande-Prêtrise attribuée à Eléazar, conjuguée avec les souvenirs de l'EpUre aux Hébreux, fait de lui non seulement un type, mais un disciple anticipé, du Christ (Cf. le thème de la foi au Christ avant la venue du Christ, au chapitre 1 du discours); 2) que le sens contextuel de tous hépta paidas devrait être "ses sept enfants" . Seule la connaissance des autres textes, qui ne font pas d'Eléazar le mari de la mère des sept frères Maccabées, conduit à refuser cette interprétation et à faire de la paternité d'Eléazar une pure paternité spirituelle. Plutôt que confusion ,je croirais, chez le fils, consacré à Dieu , d'un couple épiscopal, qui assimile volontiers ses père et mère à Abraham et Sara, au jeu littérai- re à la limite du mensonge pédagogique.

T. 132 "(4) Là, la mère, d'une audace de jeune en sa générosité, pleine d'amour pour ses enfants comme pour Dieu, déchirée contre toute vraisem- blance naturelle dans ses entrailles maternelles (ta métrôa splagkhna spa- rassoménê para to eikos tés physéôs) . Ce n'était pas pitié devant la passion de ses enfants, mais angoisse s'il n'y avait pas passion .•. . Sacrifice plus grand ... que le sacrifice d'Abraham! L'un offrait volontiers un seul indivi- du ... L'autre consacra (kathiérôse) à Dieu tout un peuple fait de ses enfants '" Rien ne la brisa, ni les coins ... Ce qui pour les autres est le plus dur dans ces circonstances, la lente attente de la mort, c'était pour elle le plus doux (hédiston ). Elle jouissait (énétrypha) du spectacle. C'est qu'elle transformait en entraînement ... "

Remarquer 1) l'évocation des entrailles (Cf. T.123 et T. 126) liées à la physis; 2) le thème sacrificiel (kathiérôsé) .

T.133 "(9) Quand elle vit que tout était parfait ... , elle dit ... : 'Je te rends grâces, Père saint; je te rends grâces, Loi éducatrice; je te rends grâces, notre père, toi qui as précédé tes enfants dans le combat (proagônista tôn téknôn tôn sôn ), Eléazar; car vous avez reçu le fruit douloureux de mon enfantement (tontôn émôn ôdinôn karpon); car je suis devenue mère plus consacrée (hiérôtéra) que toutes les mères .... Je n'ai rien laissé au monde;

j'ai laissé à Dieu tout mon trésor, tous mes espoirs de nourriture pour ma vieillesse (tas émas gérokômous eZpidas) .... Je ne m'arrache;ai pas les cheveux .... Voilà ce que font les mères qui sont mères seulement de la chair (sarkôn mêtêres) ... ( la fin du chapitre, et du discours de la mère,

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reprend le thème de la joie et évoque les modèles de Phinée, modèle du zèle contre la prostitution avec Canaan, et celui d'Anne, mère de Samuel.)'

"

Remarquer 1) la reprise du thème de la paternité d'Eléazar; 2) le thème de l'enfantement par encouragement au martyre (variation sur T.

125 ?); 3) l'évocation de la gérokômia; 4) le fait que le modèle de la mère de Samuel, consacré par elle avant sa naissance, apparaît naturellement sous la plume d'un G.N., consacré lui-aussi par sa mère avant sa naissance

T.134 "(10) ... comme vers la chambre nuptiale (épi nymphôna ), elle courut vers le bûcher ... sans attendre ceux qui devaient l'y conduire, afin qu'il n'y eut point de corps impur qui touchât son corps pur et généreux ...

. (10) Voilà qui est plus sûr et plus magnifique que le sacrifice de la fille de Jephté ... "

Remarquer la variation sur T.128.

T.135 "(10, plus loin que T.134) .. , . C'est ainsi que la mère profita de la multitude de ses enfants ... ; ceux qu'elle avait enfanté au monde, elle les confia à Dieu; le nombre de ses douleurs, elle en fit le compte avec leurs luttes (tas héautês ôdinas . ... aparithmêsasa); la suite de ses enfantements, elle la reconnut à la suite de leurs morts."

Remarquer la reprise du thème de l'enfantement par encouragement au martyre (Cf. T.133).

T.14 Trois homélies de JEAN CHRYSOSTOME portent sur les Maccabées, soit (a) les deux premières homélies de la série éditée par Montfaucon, édition reprise par Migne, P.G. 50, col. 617 sqq., série numé- rotée par Geerard , Clavis Patrum Graecorum, 4354. La troisième homélie de la série est probablement inauthentique. Pour Sur les Maccabées l, voir P.G. 50, col. 617-624; pour Sur les Maccabées Il, ibid., col. 623-626;

(b) une homélie Sur Eléazar et les sept enfants (CPG 4441(13». Le texte incomplet édité par Montfaucon et repris par Migne CP.G. 63, 523-530) peut maintenant être complété grâce à un article de A. WENGER, paru en 1987 dans J. DUMMER (éd.), Texte und Textkritik, eine Aufsatzsammlung

(= T.U., vol. 133),599-604.

Les deux premières homélies furent prêchées à Antioche, celle Sur Eléazar et les sept enfants à Constantinople le 31 juillet 399. Certains pas-

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sages du Sur les Maccabées 1 concernent tout spécialement le thème qui nous intéresse,

T.141 Sur les Maccabées l , §2. Jean Chrysostome insiste sur la sympa- theia naturelle des mères et des enfants : "Si apprendre seulement la maladie d'un seul enfant trouble les entrailles (splagkhna) de celle qui l'a mis au monde, quand il ne s'agissait pas d'un seul petit, mais d'un tel choeur d'enfants qui lui était enlevé, quand ce n'était pas par l'ouïe qu'elle recevait ses maux, mais par la vue qu'elle assistait aux événements, quel- le n'a pas pu être sa passion ?" (Col. 620). Et la suite du § présente le cou- rage (andreia) de la mère comme supérieur à celui du patriarche Abraham.

T.142 Le § 3 tire du récit des leçons pour les mères: "Que les mères écoutent cela, qu'elles mettent leur zèle à imiter le courage (andreian) de la femme, l'affection qu'elle a eu pour sa descendance; qu'elles élèvent (tré- phétôsan) ainsi leurs enfants. Ce n'est pas mettre au monde (tékein) qui

est caractéristique de la mère - le trait relève de la nature (physéôs); c'est élever (tréphein) qui est caractéristique de la mère -le trait relève du libre choix (proairéséôs)." (Col. 621). Suit immédiatement, à titre de preuve, une citation de 1 Tim. 5, 9-10 que Jean Chrysostome arrête au verbe téknotro- phein, opposé par lui au verbe teknopoiein - non employé par l'apôtre Paul;

ainsi, dit Jean, la première bonne oeuvre pour une femme est d' "élever des enfants" - non de "mettre au monde des enfants"

Ces textes juifs ou chrétiens rédigés en grec sont les traces d'une légen- de répétée à travers les siècles, traces trop peu nombreuses pour qu'on puisse évoquer autrement que de façon extrêmement hypothétique quelque évolution de la sensibilité dans la figure de la mère des sept mar- tyrs. Tout au plus peut-on subodorer une certaine normalisation, la femme devenant une veuve dans l'appendice du Quatrième livre des Maccabées (T.129), pouvant être conçue par l'auditeur de Grégoire de Nazianze comme la femme d'Eléazar (T.131 et T.133), s'il ne suit pas le conseil de l'orateur l'invitant à se reporter à N Mace., et servant de modèle à toutes les mères pour Jean Chrysostome (T.142).

Plus évidents sont les traits paradoxaux repris dans la plupart des textes. C'est d'abord une femme sans homme ,au point qu'il y a une certai- ne négation du rôle de l'homme comme père, l'homme étant absent, ou vite éliminé lorsque la femme est veuve. C'est partout Dieu le vrai père et le vrai géniteur.

Le

texte caractéristique, de ce point de vue est le discours du Deuxième livre des Maccabées où la mère déclare: "Je ne sais pas comment vous êtes apparus dans mon sein; ce n'est pas moi qui vous ai gratifiés de

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l'esprit et de la vie ." (T.1ll).

Cette mère est donc une mère paradoxale ,à la fois conduite, par sa nature, son sexe, à la sympathie la plus grande envers ses enfants (T.123 et 124 - cf. 126; et 141 - cf. 132), mais en même temps virile et virginale.

Outre la disparition, à la limite, du géniteur, il faut noter que les textes les plus extrêmes présentent chez elle une vie sexuelle où l'accouchement, c'est le supplice des fils (ainsi T.135) - supplice qui est en même temps le plus grand des plaisirs ( T.132); et où l'union sexuelle, postérieure à l'accouchement, est le martyre volontaire - le bûcher est la chambre nup- tiale (T.134) . Si l'on considère les modèles scripturaires, cette femme est soit une Eve sans séduction, purement adamique, puisqu'elle a "préservé la côte" (T.129), soit un Abraham (ainsi T. 129), soit un Jephté (T.134), soit un Phinée (ainsi T. 129); à peine est-elle une Anne (T.133). En somme, elle suit des modèles essentiellement masculins, autoritaires et destructeurs.

Bref, il s'agit d'une mère patriarcale , qualifiée une fois de "mère de la race"(T.126) et d'une mère terrible, au point que sa maternité peut être ce qui fait obstacle au deuil mené sur ses enfants morts (T.127) .

J.M.M.

Appendicell Les deux mères de Thècle

par N. Baudoin et J.M. Mathieu

(Exposé de N. Baudoin devant le groupe de Recherches, rédigé pour le présent appendice par J.M. Mathieu)

Thècle est le personnage principal d'un texte connu sous le nom d'Actes de Paul et de Thècle ou, en abrégé, Actes de Thècle, dont l'édition princeps par E. GRABE date de la fin du XVIIe siècle (dans le Spicilegium Sanctorum Patrum, Oxford, 1698; d'après l'Oxoniensis Bodleianus Baroccianus 180 : XIIe s.) . Depuis la publication, en 1904, du paryrus copte n° 1 de Heidelberg, on sait que ce texte et deux autres font partie d'une oeuvre unique, les Actes de Paul. Pour l'état actuel de l'édition, voir la Clavis Apocryphorum Novi Testamenti de Geerard sous le nO 211 . Pour CA N T 211. III , c'est à dire les Actes de Paul et de Thècle, section des Actes de Paul qui nous intéresse ici, nous utilisons l'édition, avec traduc-

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tion française, de Léon VOUAUX, Les Actes de Paul et ses lettres apo- cryphes, Paris, 1913.

En dépit du rôle principiel et englobant joué dans les Actes de Thècle par la virginité, à la fin du IVe siècle EPIPHANE de Salamine (Panarion, Hérésie 47) ne les cite pas expressément parmi les Ecritures apocryphes particulières à l'encratisme. Déjà, au début du même siècle, EUSEBE de Césarée (Histoire Ecclésiastique, III, 25, 4) fait figurer les Actes de Paul parmi les Ecritures bâtardes (nothoi), mais non, contrairement à d'autres apocryphes (ibid., III, 25, 6) , parmi celles qui sont présentées parmi les hérétiques sous le nom d'apôtres. Il faut attendre le codex 114 de Photius pour que nous trouvions un texte où les Actes de Paul, regroupés en un seul ensemble avec d'autres actes apocryphes sous le titre global de Voyages des Apôtres (tôn apostolôn periodoi), ensemble qui se voit repro- cher, entre autres, la condamnation du mariage et l'attribution de toute génération au Mauvais, soient du coup expressément taxés d'hérésie (sur ce codex 114, voir l'article d'Eric JUNOD, dans le recueil anonyme par excès d'auteurs, F. Bovon et aUi, Les Actes apocryphes des apôtres, Genève, 1981; p. 11-24).

Les Actes de Paul, comprenant l'épisode de Thècle enseignant et bapti- sant, sont, vers 200, attribués par TERTULLIEN à un prêtre d'Asie qui les aurait composés à la gloire de Paul (De. baptismo, chapitre 17) . Cela n'empêche pas que la section concernant Thècle a pu exister antérieure- ment séparément, le prêtre d'Asie évoqué par Tertullien étant alors un simple compilateur; il n'est pas impossible que ces hypothétiques Actes de Thècle primitifs aient été composés par une femme et destinés principale- ment à un public de femmes (Voir J.D. KAESTLI, "Fiction littéraire et réa- lité sociale : que peut-on savoir de la place des femmes dans le milieu de production des actes apocryphes des apôtres ?", Apocrypha, 1, 1990, 279- 302; voir spécialement p. 294); simple possibilité : sensibilité féminine, voire féministe, ne voulant pas obligatoirement dire auteur féminin ou public féminin .

Grégoire de Nazianze, puis Egérie, témoignent de l'importance au IVe siècle du sanctuaire de Sainte-Thècle, situé près de Séleucie d'Isaurie. Le Pseudo Basile de Séleucie, dans la deuxième partie de son oeuvre, dont la première est une réécriture des Actes de Paul et de Thècle, nous fournit au Ve siècle un témoignage sur ce sanctuaire (Voir G. DAGRON, Vie et Miracles de sainte Thècle, Texte grec, introduction, traduction française et commentaire, Bruxelles, 1978).

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T.21 "(6) , ... Heureux les corps des vierges; car c'est eux qui plairont à Dieu et ils ne perdront point le salaire de leur pureté (hagneias), parce que le logos du Père sera pour eux oeuvre de conservation (sôtêrias) au jour de son Fils et qu'ils auront le repos pour le siècle du siècle' . (7) Pendant que Paul disait cela au milieu de l'assemblée ... Thècle, une vierge fille d'une mère Théocleia, fiancée (mémnêsteuménê) à un homme (andri) Thamyris, assise à la proche fenêtre de sa maison, écoutait nuit et jour la parole (lagon) concernant Dieu que disait Paul, la parole sur la pureté (hagneias), sur la foi dans le Christ et la prière ... »

Remarquer 1) l'absence du père, l'identité de Thècle étant définie par sa mère (et par son mari en perspective); 2) la quasi identité de l'enseigne- ment concernant Dieu et de celui concernant la virginité.

T.22 "(8) Comme elle ne quittait pas sa fenêtre, sa mère envoie un mes- sage à Thamyris . Celui-ci vient .... Et Théocleia dit : 'Etrange (kainon) est le récit que j'ai à te faire, Thamyris. Depuis trois jours et trois nuits Thècle ne se lève pas de sa fenêtre ... ; elle s'attache à ce point à un homme étran- ger (andri xénôi) ... que c'est miracle pour moi Cthaumazein) comment la si grande pudeur de la vierge est péniblement troublée. (9) Thamyris, cet individu révolutionne la ville d'Ikonium; il révolutionne aussi ta Thècle : toutes les femmes et tous les jeunes viennent à lui pour recevoir un ensei- gnement qui dit qu'il faut craindre un seul et unique Dieu et vivre pure- ment (hagnôs) . ... Elle est prise, la vierge; allons, va la trouver et parle- lui .. .' . (10) Thamyris, s'étant approché, dit : 'Thècle qui m'est fiancée ...

quelle passion te possède ... ? Tourne-toi vers ton Thamyris, et aie honte.' . Qui plus est, sa mère disait la même chose: 'Mon enfant, pourquoi restes- tu assise, ... ne répondant rien ... ?'. Et eux pleuraient terriblement ... ; mais, pendant tout cela, Thècle ne se détournait pas ... "

Remarquer la séduction magique établissant l'hagneia contre toute loi, cette loi qui unit le mâle et celle qui est à lui (ou la vierge fiancée et celui qui est à elle) . La mère suppose une sorte de magie amoureuse contre nature (Cf. chapitres 15 et 16 et encore 20) .

T.23 Après l'arrestation de Paul, sur la dénonciation de Thamyris, dénonciation pour magie, après l'instruction reçue par Thècle de Paul, dans son cachot où elle s'est fait introduire, nous avons le procès de Paul et de Thècle : "(20) ... il fit appeler Thècle et lui dit : 'Pourquoi n'épouses-tu pas selon la loi (nomon) d'Ikonium Thamyris ?' . Mais elle se tenait là à fixer Paul. Comme eUe ne répondit pas, Théocleia s'écria : 'Brûle celle qui ignore la loi (tên anomon); brûle au milieu du théâtre celle qui ignore les noces (tên anymphon), afin que les femmes, instruites par cet exemple,

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craignent !' . (21) Le gouverneur fit flageller et expulser de la ville Paul, et condamna Thècle à être brûlée."

Remarquer l'équivalence pour Théocleia de la loi et du mariage.

T.24 Après le miracle qui sauve Thècle, après ses tentatives pour accompagner Paul, un nouveau prétendant, à Antioche, tente de la violer en pleine rue; elle en triomphe physiquement et le renverse lui et sa cou- ronne . Il la fait condamner aux bêtes pour sacrilège envers un porteur de couronne . "(27) ... Mais les femmes en fureur crièrent face au tribunal : 'Mauvais jugement! Jugement impie !' . Thècle demanda au gouverneur de demeurer pure (hagnê) jusqu'au combat contre les bêtes. Et une femme riche, du nom de Tryphaine, dont la fille était morte, la reçut en garde (eis têrêsin) et l'eut pour sa consolation. (28) Quand ce fut la procession des bêtes, on l'attacha à une lionne farouche; la reine Tryphaine l'avait accom- pagnée. Mais la lionne lécha les pieds de Thècle ... "

Remarquer qu'il n'est pas question du mari de Tryphaine mais que le seul deuil cité est celui de la fille.

T.25 "(28) ... Après cette procession, Tryphaine la reprend; car sa fille morte lui avait dit en songe: 'Mère, tu auras à ma place l'étrangère, l'abandonnée, Thècle, afin qu'elle prie pour moi et que je sois transportée au lieu des justes (ton tôn dikaiôn topon)' . (29) Lorsque donc, après la pro- cession, Tryphaine la reçut, tout à la fois elle était dans le deuil, parce qu'elle allait le lendemain combattre les bêtes, et tout à la fois, l'aimant comme sa fille Phalconille, elle lui dit : 'Thècle, mon deuxième enfant, viens prier pour mon enfant, pour qu'elle vive (zêsétai) .. .' . Et elle, sans attendre, ... dit: 'Dieu ... donne-lui ...que sa fille vive pour les siècles f.;!:êsétai eis tous aiônas)' ... "

Remarquer l'identité du lieu des justes, de la vie, de la vie éternelle.

T.26 Après la venatio, et l'échec des tentatives de mise à mort, on amène des taureaux sauvages pour écarteler Thècle; alors Tryphaine s'évanouit et on la croit morte, ce qui, pour que la ville ne soit pas, par le supplice de Thècle, responsable de la mort de Tryphaine, entraîne la grâce de Thècle. "(38) Alors toutes les femmes poussèrent un grand cri ... disant : 'Il n'y a qu'un seul Dieu, celui qui a sauvé (sôsas) Thècle' .... (39) Et Tryphaine , ayant appris la bonne nouvelle (euaggélistheisan), alla à la rencontre de Thècle ... et dit: 'A présent, j'ai foi (pisteuô) que les morts se réveillent; j'ai foi que mon enfant vit; viens à l'intérieur; je vais inscrire à ton nom tous mes biens.' . "

(19)

Remarquer l'identité de l'évangélisation, du salut de Thècle, du réveil de Tryphaine depuis son évanouissement, et du réveil des morts.

T. 27 "(42) Et elle (Thècle) , elle alla à lkonium .... (43) Elle trouva Thamyris mort, mais sa mère vivante. Ayant appelé sa mère, elle lui dit : 'Théocleia ma mère, peux-tu avoir foi que vit (zêi) le Seigneur dans les cieux? Si tu veux des richesses, le Seigneur t'en donnera par mon intermé- diaire. Si tu veux ton enfant , voici, je suis là . ' Avec cette protestation solemnelle (diamartyraménê1...elle partit pour Séleucie ... "

Remarquer le silence de Théoc1eia, ce qui donne à la diamartyria le sens d'une renonciation de Thècle à sa mère Théoc1eia .

T. 27bis Texte plus développé du manuscrit G ( = Barroc. 180 ), repro- duit en complément par VOUAUX p. 232. "Tel fut, avec bien d'autres témoignages, son témoignage solemnel Cdiémartyrato), et elle l'exhortait;

mais sa mère Théoc1eia ne crut pas à ce que lui disait la martyre (martyros) Thècle; Thècle voyant que cela n'était pas utile, se signant sur tout le corps, sortit et alla ... "

Les deux: mères, Théocleia et Thyphaine, sont toutes deux pour Thècle des mères sans père (T.21; T.24); mais toutes deux réagissent de façon opposée à cette situation de déréliction.

La mère biologique Théocleia, veut imposer à sa fille un mâle (T.21,22) ; elle ne voit d'autre normalité que dans la loi du mariage (T22,23); et conçoit l'attachement de Thècle à un maître comme une sorte de charme amoureux, contre nature, qui empêche les mariages (ibid.); l'anomalie ou l'anomie de Thècle conduit celle qui l'a enfanté à un retournement affectif meurtrier CT. 23) . La mère biologique refusant la vraie vie ( et même le don de richesses par l'intermédiaire de Thècle) est reniée par son enfant ( T.27, 27bis) .

La mère adoptive est en période de deuil d'une fille (T.24) mais l' accep- tation de cette fille de substitution (T.24,25) dont elle préserve la pureté (T.24) et accepte l'enseignement (T.25,26) fait passer de la mort à la vie (ibid.) et abandonner les richesses (T. 26) .

N.B. et J.M.M.

Appendice III

Quelques autres textes grecs datant de l'origine du christianisme et

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présentant des figures de mères 111.1 Marie et autour de Marie

La mariologie est une spécialité de la théologie catholique qui est tout un monde . Pour un aperçu de mariologie érudite, voir les études réunies par H. du MANOIR (éd.) Maria, Etudes sur la Sainte Vierge, 8 vol. , Paris, 1949 - 1971 . Pour une mariologie plus culturelle et moins contrôlée, voir Marina W ARNER, Seule entre toutes les femmes, Mythe et culte de la Vierge Marie, Paris, 1989 (original anglais 1976) .

T. 311 Luc 1 - 2 On sait que la mère de Jésus est presque absente de la partie synoptique des évangiles synoptiques, faisant uniquement partie du groupe mère et frères (Matth. 12,46-50 / / Marc 3, 31-35 / / Luc 8, 19- 21 ) . Parmi les textes sur Marie mère propres aux divers évangiles cano- niques, les deux premiers chapitres de l'évangile de Luc contiennent les plus remarquables . Ces deux premiers chapitres forment un ensemble qui a ses caractéristiques (même stylistiques) propres, malgré des ressem- blances de style et de pensée avec l'ensemble de l'oeuvre rattachée à Luc

T.3111 "Cl, 26) ... fut envoyé l'ange Gabriel de la part de Dieu ... (27) à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph ; le nom de la vierge était Marie . (28) Et en arrivant auprès d'elle, il dit: 'Heureuse sois-tu (khairé), pleine de bonheur (kékharitôménê) ; le Seigneur est avec toi' . Elle ... (silence) .... (30) Et l'ange lui dit: 'Ne crains pas, Marie: tu as trouvé ton heur (kharin) auprès de Dieu; (31) voici que tu concevras et que tu mettras au monde un fils; et tu lui donneras le nom de Jésus. (32)Celui-ci sera grand et il sera appelé ( klêthêsétaO fils du Très Haut, et le Seigneur lui donnera le trône de David ... (33) ... et son règne n'aura pas de fin .' . (34) Marie dit à l'ange: 'Comment sera cela? puisque je ne connais pas d'homme (andra).' . (35) En réponse l'ange lui dit: ' l'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre ; par consé- quent aussi ce qui est saintement né en toi sera appelé (klêthêsétai) fils.de Dieu. (36) Et voici qu'Elisabeth, ta parente, elle aussi a conçu un fils dans sa vieillesse ." . (37) Car elle n'est pas sans puissance toute parole (rhêma) d'auprès de Dieu.' . (38) Marie dit: 'Voici l'esclave (doulê) du Seigneur.

Puisse-t-il en être selon ta parole (rhêma).' . " (Luc 1, 26-38)

Remarquer que le verset 34 peut s'interprêter 1) psychologiquement (le désir de virginité de Marie) ; ou 2) narratologiquement (préparation de la seconde tirade de l'ange, insistant sur l'essence - klêthêsétai - divine de l'origine de Jésus) ; mais que 3) , à la limite, le récit de l'Annonciation ne nie pas plus le rôle de Joseph que celui de Zacharie n'est nié dans le cas de

(21)

la conception de Jean, ou celui d'Abraham pour la conception d'Isaac ( pour la référence à Abraham et Sara, noter que Luc 1. 37 reprend presque littéralement Gen. 18. 14 SPT ) .

T.3112 Marie est saluée par Elisabeth comme la mère de son Seigneur (1, 43) : "(46) Et Marie dit: 'Elle glorifie le Seigneur, mon âme ... (48) parce qu'il a jeté les yeux sur l'humilité de son esclave (doulés) ... (49) parce qu'il a fait de grandes choses, le Puissant ... (54) Il a secouru Israël son serviteur, se souvenant de sa miséricorde, (55) comme il l'a dit à nos pères, à Abraham et à sa semence, pour le siècle. ' . " (Luc 1, 46-55) .

Remarquer, à propos de ce Magnificat dont j'ai cité quelques versets caractéristiques, 1) que l'insistance sur la victoire d'Israël donne de la vraisemblance à l'hypothèse selon laquelle le Magnificat serait originelle- ment un psaume des guerres maccabéennes réutilisé soit tel quel (si la doulê, au féminin, était originellement la fille de Sion), soit sous une forme adaptée; 2) que Luc 1, 48a reprend presque textuellement 1 Règnes 1, 11 SPT où c'est Anne, mère de Samuël, qui s'exprime ainsi au futur; 3) mais que ces rapprochements ne doivent pas nous renvoyer originellement à la mère des sept martyrs Maccabées, puisque c'est Grégoire de Nazianze (T.l33) qui introduit ultérieurement Anne parmi les modèles types de cette mère.

T. 3113 Quand Siméon s'adresse aux parents de Jésus lors de la purifi- cation, "(2,34) Siméon les bénit et dit à Marie, sa mère: 'Voici que celui-ci est là pour le chute et le redressement (anastasin) de beaucoup en Israël et pour (être) un signe de contradiction (eis sêmewn antilégoménon) - (35) et pour toi aussi l'âme sera divisée en deux par un sabre (tên psykhên diéleu- sétai rhomphaia) - (36) afin que soient révélés du coeur de beaucoup les raisonnements.' . " (Luc 2, 34-36) .

T.312 Matthieu 1·2 . L'évangile de l'enfance selon Matthieu comprend une présence moindre de Marie. Toutefois c'est là qu'est très explicitement affirmée la conception virginale :

T.3121 "(1,24) Réveillé de son songe, Joseph fit comme lui avait prescrit l'ange du Seigneur et prit chez lui sa femme. (25) Et il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle mit au monde un fils, et il lui donna le nom de Jésus ."

T.313 Le Protévangile de Jacques est connu en Occident sous ce nom depuis la traduction latine de Guillaume POSTEL (1555) et l'édition prin- ceps de NEANDER (= Neumann; 1564) . La découverte et l'édition (en 1958) du P. Bodmer 5 (écriture Ille / IVe s.) conduit à penser que, lorsque

(22)

Origène cite le "livre de Jacques" ou quand Clément d'Alexandrie évoque des thèmes qui se trouvent dans le Protévangile, ils sont effectivement des témoins de notre Protévangile de Jacques, qui remonterait au moins au début du Ille s. AD .. Des rapprochements avec Justin sont-ils de simples rapprochements de thèmes existant indépendamment avant d'être repris dans notre Protévangile, ou doivent-ils conduire à faire remonter d'à peu près un siècle notre texte? J'utilise l'édition d'Emile DE STRYCKER, La Forme la plus ancienne du Protévangile de Jacques. Recherches sur le papyrus Bodmer 5 avec une édition critique du texte grec et une traduction annotée, Bruxelles, 1961 .

T.3131 Joachim et Anne n'ont pas d'enfants. Joachim se fait reprocher cette absence de postérité et se rend au désert où il jeûne; cependant Anne prie le Seigneur au fond de son jardin. "(4, 1) Et voici qu'un ange du Seigneur se tint devant elle; il disait: 'Anne, Anne ... tu concevras et tu enfanteras et on parlera de ta semence dans le monde entier. ' Et Anne dit : 'Le Seigneur vit : si j'enfante soit mâle soit femelle, je l'offrirai en don au Seigneur mon Dieu et il sera là à le servir tous les jours de sa vie. ' . (2) Et voici qu'arrivèrent deux messagers; ils disaient: 'Voici que Joachim ton mari (anêr) arrive avec ses troupeaux.' . C'est qu'un ange du Seigneur était descendu vers Joachim; il disait: 'Joachim, Joachim .... Voici que ta femme Anne a conçu (én gastri eilêphén ).' ... (4) Et voici que Joachim arriva avec ses troupeaux .... Anne se suspendit à son cou; elle disait: 'Je sais à présent que le Seigneur m'a grandement bénie. Car voici que la veuve n'est plus veuve et moi, celle qui était privée d'enfants, voici que j'ai conçu (én gastri eilêpha ).'."

Remarquer les temps du passé (eilêphén, eilêpha ) en 4, 2 et 4, 4, que conservent seuls le P.Bodmer 5 et quelques manuscrits, les autres manus- crits normalisant au futur.

T. 3132 "(6, 1) ... Quand elle eut six mois, sa mère la dressa debout à terre ( khamai) pour voir si elle tenait debout. Et après avoir marché sept pas elle vint dans le sein de sa mère. Et sa mère la saisit; elle disait: 'Le Seigneur mon Dieu vit : tu ne marcheras pas sur cette terre (én têi gêi tau- têi) jusqu'à ce que je te mène dans le temple du Seigneur.' . Et elle fit un sanctuaire (hagiasma) dans sa chambre et elle ne laissait rien de profane ni d'impur la traverser .... "

T. 3133 A l'âge de trois ans, Marie est conduite au Temple. Quand elle atteint douze ans, un ange révèle au Grand-Prêtre qu'il convient de convo- quer les veufs, ainsi que le procédé par lequel choisir celui dont elle sera la femme; le signe se produit pour Joseph. "(9, 1) ... Et le prêtre dit: 'Joseph,

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Joseph, c'est toi qui as obtenu le lot (kéklêrôsai) de recevoir pour toi la vier- ge du Seigneur (tên parthénon kyriou) pour sa garde (eis têrêsin).' .... (3) Et Joseph, plein de crainte, la reçut pour lui en garde (eis têrêsin) .... "

Remarquer que la suite du texte (où, lorsque Marie est enceinte, Joseph et Marie doivent passer l'épreuve de l'eau pour prouver leur absence d'union sexuelle: chapitres 15 et 16) montre clairement que cette garde est celle de la virginité de Marie.

T. 3134 Joseph et Marie doivent aller se faire recenser à Bethléem.

"(17,2) Et il sella son âne et la mit en selle. Et son fils menait et Samuel suivait. Et ils approchaient du troisième mille et Joseph se retourna. Et il la vit triste et il se disait: 'Peut-être que l'enfant qui est en elle la trouble.

, . Et de nouveau Joseph se retourna et il la vit riante et il lui dit : 'Marie qu'est-ce là que je vois ton visage tantôt riant, tantôt triste.' Et elle lui dit:

'Joseph c'est que de mes yeux je vois deux peuples, l'un qui pleure et se frappe la poitrine, l'autre qui se réjouit et qui exulte.' . (3) Et ils étaient arrivés à mi-chemin et Marie lui dit: 'Joseph descends-moi de l'âne, car l'enfant qui est en moi presse de sortir.' ... "

T.3135 Joseph a installé Marie dans une grotte; il a trouvé une sage- femme. "(19, 1) Et elle partit avec lui. (2) Et ils s'arrêtèrent à l'emplace- ment de la grotte. et une nuée obscure couvrait de son ombre la grotte ....

Et aussitôt la nuée se retirait de la grotte et apparut une grande lumière dans la grotte de sorte que les yeux ne pouvaient la supporter. Et en peu de temps cette lumière se retirait jusqu'à ce qu'apparut un nourrisson. Et il vint prendre le sein de sa mère Marie .... "

Remarquer que le verbe employé ici pour couvrir de son ombre est le même que chez Luc 1, 35 (T. 3111) lorsque l'ange évoque la conception divine.

T.3136 "(19, 3) Et la sage-femme sortit de la grotte et Salomé la rencon- tra ; et elle lui dit: 'Salomé, Salomé, j'ai à te raconter un spectacle nou- veau. Une vierge a produit (égénnêsén) - ce que n'admet pas sa nature (physis) . ' . Et Salomé dit: 'Il vit le Seigneur mon Dieu: si je ne projette pas mon doigt et si je n'examine pas sa nature (physis), je ne croirai pas que la vierge a produit. (20, 1) Et la sage-femme entra et dit: 'Marie mets- toi en position; car ce n'est pas un mince débat qui s'élève à ton sujet. ' . Et Marie ayant entendu cela se mit en position et Salomé projeta son doigt dans sa nature (physin) . Et Salomé poussa un cri et dit: 'Malheur à mon iniquité et à mon incrédulité parce que j'ai tenté le Dieu vivant. Voici qu'un feu détache de moi ma main. ' . " Suit une prière de Salomé, l'indic a-

(24)

tion par un ange qu'elle doit toucher l'enfant et la guérison de sa main.

Remarquer que si l'on rapproche le feu de ce passage de la lumière de T.

3135, passage qui précède celui-ci immédiatement, il convient de penser à la théorisation selon laquelle Dieu est lumière pour le bon et feu pour le méchant.

T.3137 A propos des mages; "(21, 3) ... Et voici que l'étoile qu'ils avaient vue en Orient les guidait jusqu'à ce qu'ils fussent entrés (ou

"jusqu'à ce qu'elle fût entrée") dans la grotte et elle s'arrêta sur la tête de l'enfant (ou "au dessus de la grotte" ou autres textes analogues) ."

Remarquer que la pénétration de l'étoile dans la grotte jusqu'à l'enfant est analogue à la pénétration de la lumière qui en T. 3135 laisse place au nourrisson.

T, 314 Apocalypse de Jean 12

Le chapitre a fait l'objet d'une multiplicité d'interprétations; pour l'his- toire de l'interprétation, voir principalement P. PRIGENT, Apocalypse 12 . Histoire de l'exégèse, Tübingen, 1959.

T. 3141 "(12, 1) Et un grand signe fut vu dans le ciel, une femme qu'enveloppe le soleil, et la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles (2) et enceinte; et elle crie dans les douleurs de l'enfante- ment (ôdinousa) et torturée pour mettre au monde. (3) Et fut vu un autre signe dans le ciel et voici un grand serpent (drakôn) roux avec sept têtes et dix cornes et sur ses têtes sept diadèmes; (4) et sa queue balaye le tiers des astres du ciel. Et le serpent (drakôn) se tient en face de la femme qui va mettre au monde pour, quand elle mettra au monde, dévorer son enfant.

(5) Et elle mit au monde un fils mâle qui va paître toutes les nations avec une verge de fer. Et son enfant fut ravi vers Dieu et vers son trône. (6) Et la femme s'enfuit dans le désert où elle se tient là dans un lieu préparé par Dieu afin qu'on la nourrisse mille deux cent soixante jours." Suit, à partir du verset 7, le combat céleste de Michel et ses anges contre le drakôn et ses anges; ce dernier est précipité et alors identifié à "(9) ... l'antique ser- pent (ophis), celui que l'on nomme diable et le satan, celui qui fait errer toute le terre ." (Apoc. 12, 1-6 et 9)

Remarquer 1) que la citation au verset 5 de la verge de fer renvoie au Psaume 2, 9, déjà cité au début de l'ouvrage (Lettre à l'Eglise de Thyatire : Apoc. 2, 27) ; cette mère innommée est donc la mère du "christ du Seigneur

(Ps. 2, 2)" au moins du christ eschatologique; 2) que, dans la description de

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