14 | La Lettre du Gynécologue • N° 407 - mars-avril 2017
Aménorrhée primaire
Développement mammaire normal Examen clinique Échographie pelvienne Agénésie utérine :
– Syndrome de Rokitansky – Syndrome d’insensibilité aux androgènes
Utérus normal, FSH, E2, prolactine, testostérone (cf. Aménorrhée secondaire)
FSH E2 bas Caryotype
Syndrome de Turner 45X ou 45X, 46XX Insuffisance ovarienne prématurée 46 XX Tumeur hypothalamo-hypophysaire
Origine nutritionnelle
Retard pubertaire simple (diagnostic d’élimination)
Hypogonadisme hypogonadotrope congénital (exemple : syndrome de Kallmann de Morsier)
FSH E2 bas Prolactine IRM hypophysaire Rétention utérine :
imperforation hyménéale
E2 : estradiol ; FSH : hormone folliculo-stimulante.
Absence de développement mammaire FSH, E2 prolactine
Figure 1. Arbre décisionnel devant une aménorrhée primaire.
DOSSIER
Gynécologie médicale : questions pratiques
Aménorrhées : avez-vous
en tête tous les diagnostics ?
Amenorrhea: do you have all diagnosis in mind?
S. Christin-Maitre*
* Service d’endocrinologie, AP-HP, hôpital Saint-Antoine, Paris ; université Pierre-et-Marie-Curie, Paris.
Qu’est-ce qu’une aménorrhée ? Quand faut-il réaliser le bilan ?
L’aménorrhée, ou absence de règles, est dite pri- maire lorsque la patiente n’a jamais présenté de saignement spontané. Elle est secondaire lorsqu’elle survient après au moins 3 à 6 mois de règles. L’âge moyen des premières règles en Europe est de 12 ans et demi. Ainsi, le bilan de l’aménorrhée primaire doit être envisagé chez une adolescente ayant plus de 14 ans, surtout si le développement mammaire a commencé plus de 2 ans auparavant. En effet, le délai entre le début de l’augmentation de la glande mammaire, qui constitue le premier signe du développement pubertaire, et les règles est en moyenne de 2 ans.
Le bilan de l’aménorrhée peut même être envisagé en l’absence de développement mammaire dès l’âge de 13 ans ou 13 ans et demi. En physiologie, des cycles irréguliers sont considérés comme un variant de la normale lorsqu’ils surviennent dans les 2 ans suivant les premières règles (1) . Après ce délai, les cycles spontanés doivent être régu- liers, avec un intervalle de 26 à 30 jours. En cas d’aménorrhée secondaire, il est souhaitable de réaliser un bilan, au plus tard le deuxième mois d’aménorrhée. Le premier diagnostic à évoquer est la grossesse. Le deuxième, par ordre de fré- quence, est le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). Le diagnostic d’aménorrhée post-pilule ne peut être retenu car la pilule ne fait que masquer l’axe gonadotrope. Pour toute aménorrhée en
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Aménorrhée secondaire
Négatif
FSH, LH, prolactine, E2, testostérone si hyperandrogénie ± test aux progestatifs Positif : grossesse Dosage hCG
FSH élevée, E2 bas FSH, LH et E2 bas FSH, LH, E2 bas E2 normal, FSH normale, testostérone
T élevée T très élevée
Tumeur ovarienne Tumeur surrénalienne Syndrome de Turner
Insuffisance ovarienne prématurée
17-OH-progestérone normale : SOPK ++
17-OH-progestérone élevée :
bloc en 21-hydroxylase à révélation tardive Tumeur hypothalamo-hypophysaire
Adénome gonadotrope, méningiome, craniopharyngiome nécrose hypophysaire
IRM normale Sélection alimentaire Stress
Adénome à prolactine Tumeur comprimant la tige
Infiltration de la tige E2 : estradiol ; FSH : hormone folliculo-stimulante ; LH : hormone lutéinisante ; SOPK : syndrome des ovaires polykystiques.
Échographie ovarienne test au synacthène sur la 17-OH-progestérone Prolactine élevée
Prolactine normale Caryotype
Insuffisance gonadotrope Éliminer
une prise médicamenteuse IRM hypophysaire IRM hypophysaire
Figure 2. Arbre décisionnel devant une aménorrhée secondaire.
DOSSIER
dehors de la grossesse, l’examen clinique et le bilan hormonal vont, dans la majorité des cas, permettre de distinguer une origine hypothalamo- hypophysaire, ovarienne ou surrénalienne. L’ori- gine utérine peut être suspectée par l’examen clinique, mais sera confirmée par l’imagerie pelvienne (2).
Quels signes cliniques
rechercher chez une patiente ayant une aménorrhée
et que demander à l’interrogatoire ?
Cliniquement, les points d’appel sont la pré- sence d’une petite taille associée ou non aux signes de Turner, en particulier l’implantation basse des cheveux, le thorax en bouclier et les naevi. Cependant, des formes très modérées du syndrome de Turner peuvent associer uniquement une petite taille et une insuffisance ovarienne, sans aucun autre signe clinique (3). Un indice
de masse corporelle bas ou dans la zone basse de la normale est en faveur d’une origine hypo- thalamique (4). La sélection alimentaire avec évic- tion des lipides doit être recherchée, de même qu’une activité physique intense. Leur présence est un argument fort pour une aménorrhée dite fonctionnelle, mais qui doit rester un diagnostic d’élimination. Une absence d’odorat peut s’inté- grer dans une origine hypothalamique génétique, de type syndrome de Kallmann de Morsier. Une galactorrhée spontanée ou provoquée sera en faveur d’un hypogonadisme d’origine hypotha- lamo-hypophysaire (4). Cependant, pour que sur- vienne la galactorrhée, il est nécessaire d’avoir un minimum d’imprégnation estrogénique. La présence d’un hirsutisme et/ou d’acné évoque en premier un SOPK (5). Néanmoins, il est nécessaire d’éliminer une pathologie surrénalienne de type bloc en 21-hydroxylase, dans sa forme à révé- lation tardive. Une hyperandrogénie brutale et sévère est en faveur d’une tumeur surrénalienne ou ovarienne. Un syndrome de Cushing est rare, mais doit être évoqué devant une prise de poids avec une répartition facio-tronculaire des graisses
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DOSSIER
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et des vergetures abdominales. Des douleurs pel- viennes, surtout lorsqu’elles sont cycliques, sont en faveur d’une aménorrhée d’origine utérine.
En cas d’aménorrhée secondaire, il est souhaitable de demander la date des dernières règles et d’inter- roger sur un éventuel rapport fécondant. La prise de médicaments doit être recherchée, en particu- lier d’hyperprolactinémiants comme des neuro- leptiques.
Quel bilan hormonal faut-il demander ?
Biologiquement, le bilan hormonal minimal comprend un dosage de FSH (hormone folliculo- stimulante), d’estradiol et de prolactine. Il peut être réalisé à tout moment chez une patiente en amé- norrhée ou après une prise de 10 jours de progesta- tifs. Un saignement dans la semaine suivant l’arrêt des progestatifs indique que le test aux proges- tatifs est positif. Il signe une imprégnation estro- génique normale. Ce test est négatif dans différentes circonstances : une imprégnation estrogénique trop faible ; une grossesse ; une aménorrhée d’origine utérine.
Les figures 1 et 2 (p.14 et 15) représentent les arbres décisionnels d’une aménorrhée primaire et d’une amé- norrhée secondaire.
Quelle imagerie demander ?
L’imagerie doit être orientée par les résultats de l’examen clinique et du bilan hormonal. L’écho- graphie pelvienne permet d’évaluer la présence d’un utérus et sa longueur. Après la puberté, sa lon- gueur est normalement supérieure à 25 mm. Pour évaluer la taille ovarienne et les follicules ovariens, l’échographie est informative surtout lorsqu’elle est réalisée par voie vaginale, ce qui n’est pas toujours possible chez des adolescentes ou certaines femmes.
Si l’échographie ne peut être effectuée, l’IRM pel- vienne donnera des renseignements sur la présence ou non d’un utérus, sa taille ainsi que la présence des ovaires. Si le bilan hormonal est en faveur d’une aménorrhée d’origine hypothalamo-hypophysaire, une IRM hypothalamo-hypophysaire est nécessaire.
Conclusion
Une démarche étiologique est indispensable devant toute aménorrhée, qu’elle soit primaire ou secon- daire. En dehors de la grossesse ou de l’allaitement, une aménorrhée est pathologique. Les buts du bilan sont d’éviter une hypoestrogénie au long cours, d’éliminer un processus tumoral hypothalamo- hypophysaire ou un bloc en 21-hydroxylase à
révélation tardive. ■
S. Christin-Maitre déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
1. van Hooff MH, Voorhorst FJ, Kaptein MB, Hirasing RA, Koppenaal C, Schoemaker J. Predictive value of menstrual cycle pattern, body mass index, hormone levels and poly- cystic ovaries at age 15 years for oligo-amenorrhoea at age 18 years. Hum Reprod 2004;19(2):383-92.
2. Jacquinet A, Millar D, Lehman A. Etiologies of uterine
malformations. Am J Med Genet A 2016;170(8):2141-72.
3. European Society for Human Reproduction and Embryology (ESHRE) Guideline Group on POI, Webber L, Davies M, Anderson R et al. ESHRE Guideline: management of women with premature ovarian insufficiency. Hum Reprod 2016;31(5):926-37.
4. Fourman LT, Fazeli PK. Neuroendocrine causes of amenorrhea--an update. J Clin Endocrinol Metab 2015;100(3):812-24.
5. Baldauff NH, Witchel SF. Polycystic ovary syndrome in adolescent girls. Curr Opin Endocrinol Diabetes Obes 2017;24(1):56-66.
Références bibliographiques
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