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Des mesures inefficaces et dangereuses

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Academic year: 2022

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Des mesures inefficaces et dangereuses

Claude Debons, Anne Debregeas, Élodie Groutsche, Marianne Journiac, Pierre Khalfa, Didier Le Reste (syndicalistes) et Frédéric Boccara, Jacques Généreux, Jean-Marie Harribey, Michel Husson, Jacques Rigaudiat, Stéphanie Treillet (économistes).

Libération, 1er Février 2012

Toutes les mesures présentées dimanche soir par le « président candidat » sont aussi impopulaires qu’inefficaces et dangereuses. Ce « paquet » est sans doute son cadeau de départ au patronat et aux promoteurs (30% de spéculation foncière en plus). Fidèle à sa recette du pâté de cheval et d’alouette, Nicolas Sarkozy a certes évoqué une hausse de la CSG sur les revenus du patrimoine et une taxe sur les transactions financières réduite à sa plus simple expression, mais ces annonces pèsent peu par rapport aux deux mesures chocs qu’il veut imposer avant la fin du quinquennat.

Première mesure : les « accords compétitivité emploi ». Ils consistent à échanger salaire contre emploi. Ces accords, qui pourront être signés par des syndicats représentant seulement 30% des voix aux élections professionnelles, permettront aux employeurs de faire travailler leurs salariés plus longtemps sans hausse de leur rémunération. Cela revient à supprimer ce qu’il reste de la durée légale du travail instaurée en… 1848.

Les entreprises pourront aussi imposer des baisses de salaire, grâce à un chantage au chômage, baptisé sauvegarde de l’emploi. Un tel accord permettrait de s’exonérer de dispositions du droit du travail et des conventions collectives et s’imposerait « à la loi et aux contrats individuels » : un salarié pourra donc être licencié s’il le refuse. Cette inversion de la hiérarchie des normes serait une rupture historique avec le modèle social français.

Deuxième mesure : la suppression des cotisations patronales de la branche « famille » de la Sécurité sociale. Comme elle concerne les salariés gagnant entre 1,6 et 2,4 Smic, ce cadeau de 13 milliards d’euros bénéficiera plutôt aux grandes entreprises. Il sera principalement « compensé » par une augmentation de 1,6 point de TVA.

Sarkozy fait le pari que cela n’entraînera aucune hausse des prix, mais il se prend les pieds dans le tapis : justifier la mise en œuvre différée de cette mesure par le fait que cela permettra des achats par anticipation, c’est annoncer que les hausses de prix auront bien lieu. La consommation des ménages, surtout les plus pauvres, sera donc rabotée de 11 milliards d’euros : ce n’est rien d’autre qu’un troisième plan d’austérité !

Ces mesures s’inscrivent dans une conception globale : « Réduire les dépenses publiques, alléger le coût du travail, renforcer notre compétitivité pour créer de la croissance et créer des emplois. » Pure doxa néolibérale. Mais alléger le coût du travail, c’est en fin de compte réduire une demande salariale déjà atone. Réduire les dépenses publiques, alors que l’investissement des entreprises est au plus bas, c’est casser un autre moteur de l’activité. Une telle orientation ne peut qu’aggraver la récession et développer le chômage. En postulant que le problème fondamental est le coût du travail, cette orientation fait l’impasse sur le coût du capital. Or, c’est bien celui-ci qui pose problème, avec l’explosion des dividendes versés aux actionnaires : ils représentent 13% de la masse salariale en 2010, contre 4% dans les années 80. Dans le même temps, la part des salaires dans la richesse produite, le PIB, a baissé de 8 points. C’est cette domination d’une logique financière sur les entreprises qui explique la faiblesse de l’investissement et des dépenses en recherche et développement.

L’obsession du modèle allemand oublie que ce dernier n’est pas soutenable. Pas soutenable pour les Allemands qui ont vu ces dernières années une baisse de leurs salaires avec un fort accroissement de la pauvreté et de la précarité. Pas soutenable parce que,

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dans une Europe économiquement intégrée, les excédents commerciaux allemands ont pour contrepartie les déficits des autres pays d’Europe. Vouloir que tous les pays européens adoptent le modèle allemand est un projet impossible.

Syndicalistes et économistes, nous soutenons, avec le Front de gauche et son candidat Jean-Luc Mélenchon, qu’une autre logique est possible. Elle implique une rupture franche avec le néolibéralisme, qui n’en soit pas une variante plus «sociale». Il faut en finir avec la financiarisation des entreprises, maîtriser le système bancaire pour réorienter le crédit vers l’investissement productif créateur d’emplois et visant la transformation écologique, reprendre le mouvement historique de réduction du temps de travail, développer les services publics. L’enjeu est un nouveau mode de développement visant la satisfaction des besoins sociaux, la réduction des inégalités et le respect des impératifs écologiques.

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