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« De l'économie-fiction » Michel Husson est économiste, membre d'Attac et auteur de Les casseurs de l'Etat social

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3 QUESTIONS A... Michel Husson

« De l'économie-fiction »

Michel Husson est économiste, membre d'Attac

et auteur de Les casseurs de l'Etat social (La Découverte, 2003)

Comment peut-on évaluer les 35 heures et comment Alain Lambert arrive-t-il au chiffre de 100 milliards de francs ?

- Je ne vois pas comment monsieur Lambert arrive à ce résultat. C'est de l'économie-fiction, des calculs totalement virtuels, faits par rapport à une situation dans laquelle les 35 heures n'auraient pas existés.

C'est, de plus, une démarche hypocrite et de mauvaise foi. A l'origine, la logique des 35 heures était en effet de baisser le temps de travail en accordant des aides aux entreprises, à la condition qu'elles créent des emplois. Or, Martine Aubry a par la suite déconnecté ces aides, qui n'ont plus rien à voir avec la réduction du temps de travail.

Il est également étonnent de voir un libéral remettre en cause des allègements de cotisations pour les entreprises. C'est leur politique.

Il y a de plus une contradiction dans leur argumentation. Si les 35 heures n'ont pas créé d'emplois, en raison de l'augmentation des coûts salariaux, il faut alors admettre des gains de productivité. Mais dans ce cas, à quoi attribuer les créations d'emplois ? Car entre 1997 et 2001, la France a battu tous les records à ce niveau.

Sur le champ des salariés du privé, quelque 1,9 million d'emplois ont été créés sur ces 5 années. Sur ce total, environ 500.000 créations restent inexpliquées. Pourquoi cette période record ? Le gouvernement ne donne aucune explication pour ce surcroît d'emplois.

Il faut, enfin, tenir compte des recettes induites. Les experts de Martine Aubry avaient dressé un scénario que je ne trouve pas invraisemblable selon lequel les aides accordées étaient autofinancées par les rentrées fiscales supplémentaires suscitées par les créations d'empois. Mais, encore une fois, toutes ces évaluations sont aujourd'hui à faire car il faut reconstruire un scénario totalement virtuel. Le vrai projet du gouvernement est ici de justifier une dissolution supplémentaire des 35 heures.

Comment expliquez-vous l'impopularité, depuis deux ans, de la mesure phare du gouvernement Jospin ?

- Il y a deux aspects.

Tout d'abord, pour une partie des salariés, la réduction du temps de travail s'est faite dans de mauvaises conditions. Pour beaucoup, les 35 heures se sont traduites par une perte des heures supplémentaires, et donc de revenus, et une intensification du travail. En gros, sur les 10% de réduction du temps de travail, on peut dire que 5% ont été compensés par les créations d'emplois et 5% par une augmentation de la productivité;

car il a bien fallu faire le même travail, mais avec moins de temps. Cette intensification s'est accompagnée d'une réorganisation qui a rendu le travail plus pénible pour toute une couche du salariat. Et c'est, je crois, l'une des raisons pour lesquelles cet électorat s'est détourné des socialistes lors des élections.

Ensuite, il y a eu une espèce de désaveu des 35 heures à l'intérieur même du PS. On le voit bien dans les programmes des socialistes, par exemple dans celui de Lionel Jospin ou dans le livre de Dominique Strauss- Kahn : les 35 heures y sont présentées comme quelque chose de fini. Il y a eu une espèce de non prise en charge, déjà marquée par la décision d'Elisabeth Guigou d'exonérer les petites entreprises.

Quelles ont été les erreurs des socialistes dans la mise en place des 35 heures ?

- Il y avait deux points de cohérence : soit une logique libérale de flexibilisation du travail, soit un logique plus radicale qui aurait posé des conditions aux aides. Le fait de se positionner de manière intermédiaire à mis le PS sur un pont instable. Il aurait fallu que ça bascule. Mais il s'agissait d'un degré d'affrontement avec le Medef auquel les socialistes n'étaient pas prêts. Et cette attitude laisse maintenant prise aux attaques de la droite.

Ce qui est terrible, c'est que, sur longue période, il est inévitable de répartir les gains de productivité. Et cette voie est aujourd'hui abandonnée. Pendant des années, on a cru que l'on ne pouvait rien faire contre le chômage. De 1997 à 2001 cette certitude a été remise en cause, et là, on revient au point de départ.

Propos recueillis par Jérôme Hourdeaux (le vendredi 3 octobre 2003) hussonet@free.fr © Le Nouvel Observateur 1999/2000

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