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La gestion du risque, notion paradigmatique en gestion patrimoniale des infrastructures

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Academic year: 2022

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mergent au cours des années 1990, l’intérêt pour la gestion patrimoniale des infrastructures (GPI) semble en constante expansion depuis le milieu des années 2000, tant chez les maîtres d’ouvrages, les opérateurs, et les acteurs socio-économiques impliqués dans la gestion des infrastructures et les marchés afférents à leur création, maintenance et rénovation, que chez les porteurs de politiques publiques et les associations d’usagers. Outre les questions de sécurité et de confort de vie, cet intérêt est souvent explicitement motivé par l’importance des infrastructures et des services publics qu’elles permettent d’offrir pour la compétitivité et le dynamisme économique ; citons ici l’action n° 19 du « Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi » de novembre 2012 : « Maintenir les atouts de nos infrastructures (…) La France doit maintenir l’avantage historique lié à la qualité et à la performance de ses infrastructures (...) ».

Cet intérêt pour la GPI s’accompagne en outre de la crainte fréquemment exprimée par nombre de décideurs économiques quant à l’insuffisance des moyens consacrés par la puissance publique à l’entretien et à la rénovation d’un patrimoine dont les vagues de créations se sont échelonnées, de façon subventionnée, depuis le Second Empire (1850) jusqu’aux « Trente Glorieuses » (années 1970), et dont on peut supposer que la durée de vie n’est pas infinie.

L’intérêt pour la GPI se traduit aussi par l’évolution récente du cadre réglementaire et institutionnel qui donne de nouvelles impulsions concernant beaucoup de familles d’infrastructures, mais pèse également sur les choix d’investissement.

Irstea, en tant qu’institut public de recherche finalisée a tout naturellement accompagné dès le début ce questionnement sociétal en menant des actions de recherche en étroite relation avec les acteurs socio-économiques concernés par la GPI à partir des années 1990. Ces recherches se sont focalisées sur deux grandes catégories d’objets : les réseaux d’irrigation, d’eau potable et d’assainissement d’une part, et les ouvrages d’art hydrauliques (barrages) et de protection (digues, pare-avalanches, pare-blocs) d’autre part, développant ainsi une « double culture » en GPI, sans réels partage ou confrontation des champs disciplinaires mobilisés, et des connaissances et méthodes produites. Remédier à cet état de fait est cependant apparu comme nécessaire, et source potentielle de renouvellement des questionnements scientifiques au sein d’Irstea, ainsi que de progrès dans la voie escarpée de l’interdisciplinarité.

L’effort engagé pour une montée en généricité sur la thématique de la GPI se concrétise aujourd’hui par la production de ce numéro thématique ; nous avons cependant aussi souhaité, et la revue SET nous a fortement poussés dans ce sens, ne pas simplement croiser des regards en interne à notre institut, mais ouvrir la réflexion à nos partenaires français ou internationaux d’autres instituts de recherche et du monde socio-économique, permettant ainsi d’élargir le champ des patrimoines étudiés et des sensibilités professionnelles.

Le travail présenté ici marque les premiers pas sur un chemin qui promet d’être long. Nous espérons cependant avoir enclenché une démarche d’ouverture et de fertilisation croisée des connaissances et des regards, qui sera gratifiante à terme.

Mais qu’entend-on par « gestion patrimoniale », et quelle est la spécificité du « patrimoine infrastructurel » ? Dans la littérature internationale, la gestion patrimoniale des infrastructures relève du vocable anglo- saxon « Infrastructure Asset Management » issu historiquement au cours des années 2000 de la confluence de l’« Asset Management », initialement centré sur la gestion de portefeuille, et de la « reliability », préoccupée de fiabilité industrielle. Le vocable « gestion patrimoniale » a ainsi connu, pour le domaine qui nous intéresse, un glissement sémantique de la « gestion d’actifs familiaux » vers le « patrimoine infrastructurel ».

Cette introduction n’a pas la prétention de proposer une définition de la GPI qui recueille une acceptation unanime, et qui aurait en outre à être harmonisée avec celles que l’on rencontrera au fil des articles qui composent ce numéro. La GPI est en effet à la fois une activité « industrielle », un objet de « politiques publiques », et un objet de recherche dans la ligne de mire de champs disciplinaires variés, relevant tant des sciences pour l’ingénieur (mécanique, hydraulique, chimie, mathématiques appliquées, etc.) que des sciences humaines, économiques et sociales (sociologie, économie, sciences de gestion,

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géographie, droit, etc.) ; les définitions rencontrées insisteront ainsi sur des aspects plus opérationnels ou plus scientifiques, plus techniques ou plus financiers. Nous nous contenterons de souligner que la GPI :

• croise les territorialités géographique et institutionnelle, avec toutes les difficultés et contraintes que cela suppose ;

• s’inscrit dans différentes temporalités, dont le temps « très long » qui transcende les générations humaines ;

• ne sacralise pas son objet, contrairement à la gestion du patrimoine historique, culturel ou religieux, mais prétend pérenniser la performance du service.

Précisons quant à ce troisième point que la qualité de service est une préoccupation commune aux infrastructures à haute criticité (barrages, ouvrages d’art routiers, ouvrages de protection) et aux réseaux d’eau et d’assainissement. La sécurité s’y rajoute, voire passe parfois au premier plan pour le premier domaine.

Comment est organisé ce numéro thématique ?

Ce numéro thématique est organisé en quatre parties.

La première concerne des concepts et démarches fondamentaux mobilisés par la GPI : notions de risque, performance, résilience, durabilité.

Les trois parties suivantes correspondent aux niveaux de gestion :

• la gouvernance et les décisions « stratégiques » ;

• l’opérationnel et les décisions « tactiques » ;

• l’informationnel : de la donnée à la décision.

La gouvernance concerne le jeu des acteurs aboutissant aux décisions stratégiques en matière de gestion du risque et de financement. La question centrale est celle du niveau de performance du service à maintenir sur le long terme (gestion prospective du risque lié au vieillissement des infrastructures, à l’évolution des sollicitations et à l’occurrence d’événements extrêmes), et du financement des coûts afférents à cet objectif, décliné dans les plans pluriannuels d’investissements (PPI). La gouvernance pose également la question du territoire, de son évolution notamment en fonction des ressources et de compétences exercées (cf. la loi NOTRe et GEMAPI) et la question de l’interaction avec et entre les usagers.

Le niveau opérationnel est considéré comme celui :

• de la mise en œuvre des actions de surveillance et contrôle du fonctionnement en temps réel, des travaux (maintenance et rénovation), et de report des informations au sein du système d’information du service gestionnaire ;

• de la programmation des actions de court terme (annuel, voire bis- ou tris-annuel) à budget fixé par le PPI, et de leur traduction comptable.

Le niveau informationnel joue un rôle central en GPI, en ce qu’il permet d’éclairer les choix de gouvernance, de les traduire en décisions opérationnelles, et d’articuler la technique et le financier.

Sont ici concernées les questions de données (techniques, comptables, financières, socio-économiques, politiques), de leur qualité et de leur mise à jour, de méthodes de modélisation (d’aléas, d’impacts, de vieillissement, de durée de vie, de coûts), d’indicateurs, et de mise en cohérence de la programmation annuelle et de la planification pluriannuelle via les PPI.

La gestion du risque, notion paradigmatique en gestion patrimoniale des infrastructures

La GPI des différents patrimoines pris en exemple dans ce numéro thématique implique de façon très générale la mise en œuvre d’actions visant à réduire le risque, intrinsèque à l’infrastructure comme relatif à son environnement humain et naturel, afférent au vieillissement et/ou à l’occurrence d’événements externes (risques naturels). Allouer les moyens (matériels, humains, financiers, informationnels) aux actions « les plus payantes » en termes de réduction du risque, suppose une maîtrise des composantes du risque : évaluation ou prédiction de l’aléa (technique ou naturel) et des conséquences potentielles en cas d’occurrence, ainsi qu’une formalisation pertinente de leur croisement (grille de criticité, espérance probabiliste des impacts). Les actions de réduction du risque accroissent symétriquement la performance de l’infrastructure, vue ainsi comme la capacité de cette dernière à éviter le risque.

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L’émergence de la notion de résilience

Les considérations qui précèdent relèvent implicitement d’une vision « préventive » du risque et de sa gestion, et d’une temporalité longue (planification pluriannuelle, enchaînement de programmes annuels d’actions). La considération de « situations de crise » implique d’envisager la temporalité bien plus courte de la gestion en temps réel, et de la vitesse à laquelle l’infrastructure, et surtout le service qu’elle offre, sont restaurés à un niveau de performance acceptable par l’usager. La notion de résilience est ainsi un complément indispensable de celle de risque pour le traitement des conséquences d’événements rares et catastrophiques (crue, tempête, séisme, terrorisme, etc.) qui vont au-delà de ceux pris en compte dans la GPI.

Il convient même d’aller plus loin et de considérer la résilience comme une composante de la performance. Notons d’une part, que les actions programmées annuellement pour l’entretien et la rénovation progressive du patrimoine constituent autant d’opportunités d’en améliorer graduellement la capacité de résilience, et que vice versa les solutions trouvées pendant ou après une crise grave inventent de nouvelles pratiques dans la rénovation d’infrastructures interdépendantes.

La question du patrimoine naturel

Le périmètre de la GPI pose une question relative au « patrimoine naturel ». L’impact sur ce dernier des infrastructures « construites » fait en effet l’objet de débats sociétaux (parfois violents), et les infrastructures

« naturelles », vues particulièrement sous l’angle de la « trame verte et bleue », présentent de fortes analogies fonctionnelles avec les infrastructures en réseaux (voir le récent rapport du CEDD, La gestion des infrastructures de réseaux, 2014).

Même si notre choix a été jusqu’à présent de ne pas explicitement inscrire le patrimoine naturel dans le champ des recherches en GPI, nombre d’articles de ce numéro montrent la pertinence qu’aurait une considération plus structurée des relations entre patrimoines construits et naturels. Citons en particulier les questions de :

• fragilité des ressources en eau et d’étanchéité des réseaux de distribution d’eau potable,

• continuité écologique posée par les infrastructures de transport (axes routiers) ou hydrauliques (barrages),

• contrôle de la végétation sur les ouvrages en terre, tels que digues et barrages,

• rôle écologique en milieu urbain joué par les aménagements alternatifs d’assainissement pluvial (noues, toitures végétalisées, etc.), patrimoine de nature intermédiaire entre le « construit » et le « naturel »,

• perception par les usagers du lien entre infrastructures et patrimoine naturel.  Yves LE GAT , Corinne CURT et Caty WEREY,

coordinateurs scientifiques du numéro.

Yves LE GAT

Irstea, UR ETBX, centre de Bordeaux F-33612 Cestas Cedex, France

yves.legat@irstea.fr Corinne CURT Irstea, UR RECOVER,

F-13182 Aix-en-Provence Cedex 5, France

corinne.curt@irstea.fr Caty WEREY

Irstea, UMR GESTE, Engees, F-67070 Strasbourg, France

caty.werey@irstea.fr

Les auteurs

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