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TRANEL (Travaux neuchâtelois de linguistique)

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Academic year: 2022

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Grammaire – Discours – Interaction

TRANEL 41

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TRANEL (Travaux neuchâtelois de linguistique)

Comité de lecture pour ce numéro

Marie-José Béguelin (Université de Neuchâtel), Anne-Claude Berthoud (Université de Lausanne), Geneviève de Weck (Université de Neuchâtel), Angela Ferrari (Université de Lausanne), Pascale Marro (Université de Neuchâtel), Simona Pekarek Doehler (Université de Neuchâtel), Anne Salazar-Orvig (Université Paris III), Gudrun Ziegler (Université de Neuchâtel).

Secrétariat de rédaction

Claudia Fama

Institut de linguistique, Université de Neuchâtel, Espace Louis-Agassiz 1, CH-2000 Neuchâtel

Thématique et procédure de soumission

Chaque numéro des TRANEL est placé sous la responsabilité d’un-e membre de l’Institut de linguistique ou d’une personne extérieure spécialisée dans la thématique du numéro, qui sollicite des articles et rédige une introduction présentant le numéro. Avant publication, chaque article est relu par deux membres du comité de lecture qui peut demander des modifications des articles.

L’auteur-e est informé-e, dans un délai d’un mois, de l’acceptation ou du refus de son texte, ou de la demande d’éventuelles modifications. Le même délai doit être observé après réception des remaniements demandés.

Chaque article doit comporter un résumé d’environ 10 lignes, rédigé en anglais, et doit être livré, selon les normes typographiques établies par la rédaction, sur support informatique, accompagné d’un tirage papier. Les manuscrits sont à adresser au secrétariat de rédaction.

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Toute demande d’abonnement ou de numéro séparé est à adresser à:

Institut de linguistique (TRANEL), Faculté des lettres et sciences humaines, Espace Louis-Agassiz 1, CH-2000 Neuchâtel

tél.: ++41(0)32 718 16 90

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© Institut de linguistique de l’Université de Neuchâtel, 2005 Tous droits réservés

ISSN 1010-1705

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Travaux neuchâtelois de linguistique No 41, 2005 • ISSN 1010-1705

Table des matières

ƒ Simona PEKAREK DOEHLER

Grammaire – Discours – Interaction:

vers une approche interactionniste des

ressources grammaticales liées à l’organisation

discursive --- 1-14

ƒ Anne SALAZAR ORVIG et al.

Une étude sur les premières expressions

référentielles. Le cas des pronoms --- 15-31

ƒ Geneviève DE WECK

Introduction et maintien des référents chez

les enfants: rôle de la connaissance partagée --- 33-48

ƒ Stéphane JULLIEN

Introduction de référents topiques dans des dialogues d’adolescents dysphasiques:

le cas de la construction présentative clivée --- 49-68

ƒ Thérèse JEANNERET

Déploiement d’une interlangue et gestion des objets de discours dans une interview

radiophonique en français --- 69-94

ƒ Denis APOTHÉLOZ & Anne GROBET Appendices dans le discours:

aspects syntaxiques, prosodiques

et pragmatiques --- 95-126

ƒ Anne-Sylvie HORLACHER & Gabriele M. MÜLLER L’implication de la dislocation à droite dans

l’organisation interactionnelle --- 127-145

ƒ Elwys DE STEFANI

Les demandes de définition en français parlé.

Aspects grammaticaux et interactionnels --- 147-163

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IV

ƒ Ritva LAURY

Dialogic syntax and the emergence of topics

in interaction – an initial exploration --- 165-189

ƒ Marie-José BÉGUELIN

Postface --- 191-200

Adresses des auteurs --- 201-202

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Travaux neuchâtelois de linguistique, 2005, 41, 1-14

Grammaire Discours Interaction:

vers une approche interactionniste des ressources grammaticales liées à

l’organisation discursive

Simona P

EKAREK

D

OEHLER

Université de Neuchâtel (Suisse) simona.pekarek@unine.ch

This introductory paper discusses how recent developments in discourse-functional and interactionally oriented work have drastically changed the way we look at information structure, and more generally how we understand the grammatical resources used to organize discourse. It is shown how the axis described in the title of this volume, grammar-discourse-interaction, identifies both a theoretical development regarding the way in which linguistic facts are conceptualized, and an empirical development regarding the types of data on which the former are based. The discussion focuses on the latest and maybe most non-traditional development in the area of grammar and discourse organization, namely interactional linguistics. It is demonstrated how interactional linguistics, by inviting us to reconsider grammar in the light of the social and sequential organization of talk-in-interaction, radically changes the way we understand and analyze reference and more generally information structure in discourse. The paper closes with a brief presentation of the contributions to this volume, each stressing in its own way the idea that grammatical facts cannot be dissociated from social and sequential organization of talk-in-interaction.

1. Grammaire – Discours – Interaction

Grammaire – Discours – Interaction: ce titre décrit à la fois un développement épistémologique, voire méthodologique, et l’axe principal d’investigation qui structure ce volume. L’étude des faits grammaticaux porte témoignage, au cours des 30 dernières années, d’une remarquable diversification des perspectives théoriques adoptées et des méthodes d’investigation mises en opération. Cette diversification s’accompagne d’un enrichissement non moins remarquable des bases de données sur lesquelles sont fondées les interprétations, théorisations et modélisations du système linguistique: le quasi-monopole de la phrase isolée, souvent écrite ou produite par l’introspection du chercheur, est brisé au profit d'une investigation menée sur des données discursives contextualisées, et plus récemment, des échanges verbaux en face-à-face. Si le tournant pragmatique des années 70 qui

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2 Grammaire – Discours – Interaction

alimente cette diversification a eu un impact fondamental sur notre compréhension du système linguistique, le tournant interactif qui se profile plus récemment n’est pas moins riche en implications.

L'intérêt croissant qui est prêté, dans plusieurs domaines de la linguistique, aux données de l'oral (voir Blanche-Benveniste et al., 1991; Gadet &

Kerleroux, 1988; Berrendonner, 1990 pour le français), et notamment interactives (cf. infra), déclenche un renouvellement dans la conceptualisation même des objets de l'analyse linguistique, et même de la syntaxe (voir Mondada, 2001, pour une discussion): il amène à porter un regard critique sur les catégories d'analyse traditionnelles (p.ex. la notion de phrase;

Berrendonner & Reichler-Béguelin, 1989); il donne lieu à d'importantes reconceptualisations théoriques; il porte l’attention sur des principes méthodologiques et des objets d'intérêt longtemps restés marginaux (p.ex. la prosodie, cf. Couper-Kuhlen & Selting, 1994); et, de manière plus radicale, il invite de nombreux chercheurs à reconnaître le rôle constitutif de l'interaction sociale dans l'organisation des formes et des structures linguistiques (Ford, 1993, 1996; Ford & Thompson, 1995; Mondada, 1995, 2001; Ono &

Thompson, 1996; Pekarek 1999; Pekarek Doehler, 2001a et b; voir également les articles réunis dans Selting & Couper-Kuhlen, 2001; Ford, Fox &

Thompson, 2002 et Ochs, Schegloff et Thompson, 1996). Ce sont précisément la nature et les implications du tournant interactif pour l’investigation des formes linguistiques associées traditionnellement à la structuration de l'information dans le discours qui nous intéressent ici.

Ce volume réunit des contributions au colloque «Grammaire-discours- interaction: la structuration de l’information» qui s’est tenu à l’Université de Neuchâtel les 23 et 24 janvier 2004. Ce colloque a été organisé dans le cadre du projet de recherche «Les constructions topicales et focales comme ressources interactionnelles: une investigation sur l’axe grammaire – interaction sociale», projet mené au sein de cette même Université1. Les

1 Ce projet (subside FNRS no. PPP001-68685/1) étudie le fonctionnement interactif de constructions syntaxiques qui ont traditionnellement été associées à la structuration de l’information (clivées, disloquées, présentatives, etc.). Les premiers résultats montrent que la structuration de l’information ne constitue qu’un axe fonctionnel parmi d’autres desdites constructions, celles-ci jouant également un rôle substantiel dans l’organisation de l’interaction sociale (voir ici même Horlacher & Müller, Jullien et de Stefani, voir également Pekarek Doehler, 2001a et 2004). Ces résultats témoignent par ailleurs de l’intrication étroite entre ce qui relève de l’organisation des contenus du discours et ce qui relève de l’organisation des activités mêmes de discours, dans leurs dimensions à la fois sociales et séquentielles. Pour plus de détails sur le projet voir http://www.unine.ch/linguistique/fnrs–topic. Nous remercions le Fonds National de la Recherche Scientifique d’avoir contribué au financement du colloque dans le cadre du subside susmentionné.

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Simona PEKAREK DOEHLER 3

contributions au volume traitent d'objets tels que l'organisation des topics et des foci (i.e. dislocations, présentatives, clivées, etc.) et l'expression grammaticale de la référence. Centrées toutes sur l’analyse de données empiriques provenant d’interactions en face-à-face, elles soulignent l’impossibilité de dissocier les faits grammaticaux des processus communicatifs, et plus spécifiquement de l’organisation sociale et séquentielle du discours (voir pt. 3 infra). Sur cette base, ce volume vise à interroger l'articulation entre grammaire et discours-dans-l’interaction à partir de différents types de données (interactions sociales en L1 ou en L2, échanges entre locuteurs compétents, interactions avec des sujets atteints de troubles du langage, etc.) et au sein de ce microcosme que constitue la structuration de l’information dans le discours (et qui est indissociablement liée à la structuration des activités même de discours).

Dans cette introduction au volume, j’esquisserai d’abord les développements récents autour de la structuration de l’information dans le discours (pt. 2), discuterai ensuite des principales caractéristiques de l’approche interactionniste du système linguistique (pt. 3) et présenterai enfin les contributions à ce volume et leur apport à la thématique qui nous intéresse ici (pt. 4).

2. Grammaire – Discours – Interaction: la structuration de l’information

Le passage évoqué ci-dessus – de modèles formels vers des modèles plus discursifs et interactifs – n’est pas resté sans alimenter les investigations sur les aspects formels et fonctionnels de la structuration de l’information. La conception des processus référentiels et plus spécifiquement anaphoriques en porte témoignage, tout autant que l’investigation menée sur les constructions grammaticales servant à l’organisation des topics et des foci dans le discours.

Les conceptualisations de ses éléments – éléments qui font l’objet des contributions réunies ici – se sont formatées dans le cadre de plusieurs polarités (pour une discussion voir Pekarek Doehler, 2004): polarité, d’abord, entre une conception du langage comme système abstrait, décontextualisé d’une part, et comme processus émergent, structuré et structurant par rapport à l’activité langagière pratique, de l’autre. Polarité, ensuite, entre une vision formelle du texte, en tant que produit linguistique stable, versus une conception processuelle et contextualisée du discours en tant qu’activité sociale. Polarité, enfin – et cela, bien au-delà de la linguistique –, entre la compréhension du fonctionnement cognitif (dont celui lié à l’exercice du langage) comme phénomène individuel, opérant en termes de catégories strictement discrètes, ou au contraire, comme processus situé, hautement contextualisé dans les activité sociales, et se configurant de manière collective.

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4 Grammaire – Discours – Interaction

Le champ scientifique continue à être structuré autour de ces mêmes polarités: le fossé entre les positions formaliste (chomskienne notamment) et fonctionnaliste, voire plus radicalement interactionniste, constitue à ce titre un exemple parlant en matière de linguistique.

Les conceptions de l’anaphore se sont configurées dans le cadre de ces oppositions. La ségrégation entre l’investigation sur l’anaphore liée dans le domaine de la grammaire de la phrase, d’inspiration chomskienne notamment, et l’étude de l’anaphore discursive non-liée, au sein d’approches d’orientation fonctionnaliste et pragmatique, en fournit une illustration significative (mais voir Huang, 2000, pour un rapprochement). Dans le cadre des études sur l’anaphore discursive, le développement d’une conception textuelle vers une conception plus mémorielle (Chafe, 1987; Givón, 1979; Prince, 1981;

Reichler-Béguelin, 1988) et plus récemment interactionnelle (cf. infra) en présente un autre exemple (voir Apothéloz & Pekarek Doehler, 2003, pour une discussion récente). L’intérêt croissant suscité au cours des 30 dernières années par les modèles cognitifs et pragmatiques de l’activité de langage, le développement de la linguistique du discours, et enfin l'importance croissante accordée aux données orales relevant notamment d’interactions verbales, ont joué un rôle décisif dans ce contexte. Ce développement a permis aux méthodes d'investigation de se libérer de deux limitations importantes qui sont, d’une part, le centrage sur des données monologales, voire écrites, et d’autre part la marginalisation des dimensions situationnelles, sociales et interactives des activités de discours.

Aussi assiste-t-on, depuis quelques années, à un renouveau de la problématique de la référence, sous l’influence de courants s’intéressant aux interactions sociales situées et prêtant attention aux dimensions sociale et praxéologique des activités de langage (voir Apothéloz & Pekarek Doehler, 2003, pour une discussion). De ces travaux résultent au moins trois apports décisifs. D’une part, ils documentent la nature collaborative des processus référentiels (Auer, 1984; Goodwin, 1995, et dans une autre perspective Clark

& Wilkes-Gibbs, 1986) et soulignent, en rejoignant certaines investigations menées dans une perspective discursive-fonctionnelle, que l’intelligibilité des opérations de désignation ne peut être valablement décrite en dehors du processus communicatif dans lequel elle s’inscrit. D’autre part, ces travaux contribuent à une meilleure connaissance des effets communicatifs et des motifs liés au choix du codage grammatical de la référence, démontrant notamment son enracinement dans l’organisation sociale et séquentielle de l’interaction verbale. Plusieurs recherches ont ainsi montré comment le choix d’un pronom, là où en termes d’accessibilité référentielle on s’attendrait à un SN, est lié à l’organisation séquentielle des activités de discours, signalant notamment des retours en arrière vers des activités laissées en suspens (p.ex. Fox, 1987). D’autres ont démontré comment ce qui paraît un codage référentiel redondant (SN avec un référent hautement accessible) peut être lié

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Simona PEKAREK DOEHLER 5

à la gestion des positionnements mutuels, notamment en cas de désaccord (p.ex. Pekarek Doehler, 2001b; Laury, 2001 et 2003), et plus généralement aux structures de participation aux échanges verbaux (Ford & Fox, 1996). Le troisième apport de ces travaux (et d’autres, voir notamment Reichler- Béguelin, 1993) révèle l’ambivalence du rapport qu’une partie de la linguistique entretien vis-à-vis des occurrences qui s’écartent de la norme, marginalisant ainsi des faits langagiers pourtant courants, les stigmatisant comme des dysfonctionnements (voir Schegloff, 1996), simplement parce qu’ils s’écartent d’une forme de réalisation normée, au prototype préalablement défini sur la base de l’introspection du chercheur, ou de données souvent écrites et pour la plupart monologales.

Les polarités évoquées plus haut ont également un impact sur la conception de certaines constructions grammaticales traditionnellement associées à la structuration de l’information. Ainsi les structures disloquées ou clivées ont d’abord attiré le regard des formalistes, qui les interprètent comme des produits dérivés d’un schéma phrastique de base (SVO pour le français). Ces structures ont ensuite été reconsidérées dans une perspective fonctionnaliste- discursive comme des grammaticalisations de fonctions pragmatiques liées à la gestion des topics (respectivement des foci) dans le discours – non sans radicalement remettre en question les interprétations formalistes (Lambrecht, 1987, p.ex. argumente que les disloquées et les clivées sont des dispositifs hautement grammaticalisés, remplaçant la structure SVO en tant qu’organisation basique de la clause en français). Ces mêmes structures, enfin, sont plus récemment considérées dans une perspective interactionniste comme des ressources grammaticales liées à l’accomplissement de fonctions communicatives variées, telle la gestion des positionnements mutuels (Horlacher & Müller, ici même), le maintien de la préférence pour l’accord dans la conversation (de Fornel, 1988, Pekarek Doehler, 2001a), l’organisation séquentielle et hiérarchique des activités (Pekarek Doehler, 2004) ou encore l’organisation des tours de parole (de Stefani, ici même, Mondada, 1995, et, dans un travail pionnier, Duranti & Ochs, 1979).

De tels résultats suggèrent que les ressources linguistiques traditionnellement associées à la gestion de la référence, des topics et des foci sont aussi utilisées par les participants pour accomplir d’autres activités. Ils soulignent du même trait que l’étude de ces ressources présuppose non seulement une analyse des pratiques effectives des participants, mais aussi la prise en compte des principes organisationnels de ces pratiques. Ces préoccupations sont au cœur même d’une conception interactionniste de la grammaire qui commence à se profiler à travers de nombreux travaux au cours de la dernière décennie.

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6 Grammaire – Discours – Interaction

3. Vers une conception interactionniste de la grammaire

Les travaux s’engageant dans cette voie ont récemment été associés au courant dit de la «interactional linguistics» (Selting & Couper-Kuhlen, 2001). Il s’agit dans ce cadre non pas uniquement d’étudier la grammaire dans l’interaction, mais de le faire à partir d’un horizon résolument interactionniste.

La linguistique interactionnelle se propose d'étudier les liens complexes qui existent entre les propriétés et possibilités du système linguistique d'une part, et l'organisation dynamique de l'interaction sociale de l'autre. Inaugurée par le volume fondateur d’Ochs, Schegloff & Thompson (1996) qui porte le titre significatif «Interaction and Grammar», lui-même précédé par un petit nombre de travaux pionniers (Duranti & Ochs, 1979; Fox, 1987, pour n'en citer que deux), la linguistique interactionnelle cherche à faire le pont entre l'analyse conversationnelle d’inspiration ethnométhodologique et les approches fonctionnaliste-discursives (notamment les travaux de Du Bois (1987, 2001) et de Hopper (1987, 2001, 2005). Ces approches ont en commun une certaine affinité avec une conception wittgensteinienne de la grammaire (cf. Fox, 1994:

21) qui comprend cette dernière comme un système flexible en usage et en élaboration constante à travers cet usage. Cette conception s'accompagne bien évidemment d'une vision du discours comme processus contextualisé, lui aussi en élaboration constante.

Les processus référentiels se sont avérés constituer un objet d'investigation particulièrement fécond à cet égard (voir les travaux cités plus haut sous le pt.

2, les articles réunis dans le numéro spécial de Verbum, XXV, 2003, n° 2 et certains articles réunis dans Fox, 1996). D’autres éléments, traditionnellement associés à la structuration de l’information, restent par contre largement inexplorés (mais voir pt. 2 supra).

Deux principes de base orientent les recherches menées en linguistique interactionnelle:

• considérer l'activité de discours, et avec elle les processus de désignation et d'interprétation, comme des processus situés, articulés aux cours dynamiques et séquentiellement organisés de l'interaction en face-à-face.

• considérer que la grammaire sert aux interlocuteurs, de manière variable, localement implémentée et sensible aux données contextuelles, comme une ressource pour accomplir et organiser leurs activités sociales.

L’investigation sur le système linguistique change radicalement de nature à partir de cet horizon.

• L’étude des faits grammaticaux est basée sur des données empiriques;

elle interroge les formes linguistiques au sein des activités discursives séquentiellement organisées et mutuellement orientées des interlocuteurs.

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• L’investigation sur les faits de langage assigne des limites sérieuses à la possibilité de prédire des couplages formes-fonctions: les formes prennent sens au sein d’une organisation interactive spécifique, et en fonction de leur positionnement séquentiel au sein de cette organisation.

L’objectif du chercheur est donc d’étudier ce fonctionnement au sein du foyer empirique des formes, à savoir l’activité de discours.

• L’analyse des choix formels des locuteurs ne se limite pas à des contraintes d’ordre syntaxique et informationnel ou à un ensemble de fonctions pragmatico-sémantiques délimité à priori, mais cherche à rendre compte de la contribution de ces choix à l’organisation interactive du discours, dans ses dimensions à la fois grammaticales, interactives, prosodiques, séquentielles et interpersonnelles.

• Les éléments formels sont ainsi conçus non pas comme simples reflets de contraintes syntaxiques et de dimensions contextuelles; ils sont au contraire eux-mêmes créateurs de contextes d’action, contribuant à configurer les positionnements interactifs, les séquences d’action et donc les dimensions contextuelles des échanges (Goodwin, 1996, parle à ce propos du caractère indexical des formes linguistiques).

• L’analyse se concentre sur l’étude des choix effectifs des acteurs, en cherchant à tenir compte de leurs propres interprétations telles qu’elles se manifestent à travers leurs activités de discours. Il s’ensuit un refus de typifier les occurrences sous l’exclusion des cas atypiques. Il s’ensuit, simultanément, une revalorisation du statut des cas marginaux, moins fréquents, comme donnée de base pour toute théorisation.

Les investigations empiriques menées à partir de cet horizon opèrent d’une part une remise en question d’interprétations classiques du fonctionnement de certaines catégories grammaticales (voir p.ex Ford, 1993, sur les phrases adverbiales; Fox, 1987; Fox & Ford, 1996; Pekarek Doehler, 2000, 2001b au sujet du codage pronominal et nominal de la référence; Duranti & Ochs, 1976 et Selting, 1993 au sujet des dislocations à gauche). Elles invitent d’autre part à repenser les catégories mêmes du système linguistique (voir Schegloff, Ochs & Thompson, 1996, p. 11) en posant la question de savoir dans quelle mesure les catégories grammaticales sont systématiquement organisées, délimitées et configurées en fonction des interactions verbales dans lesquelles elles fonctionnent, et en fonction des besoins interactifs des interlocuteurs (voir également Mondada, 1995, 2003)2. En accord avec les travaux

2 Contrairement au premier type d’investigation auquel participent également les contributions à ce volume, le second type d’investigation – plus ambitieux – n’a été exploré que de manière très marginale jusqu’ici. Cette ligne de recherche a notamment déclenché une réflexion sur la nature catégorielle des distinctions morphosyntaxiques,

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8 Grammaire – Discours – Interaction

antérieurs de Hopper (1987) et Langacker (1987), les formes linguistiques sont ainsi conçues comme des sédimentations de routines cognitivo- discursives, qui sont en continuelle (re)configuration.

Devant ces multiples développements, une question critique s'impose: Qu’est- ce qu’une perspective interactionniste peut apporter à la conceptualisation du système linguistique? L'objectif de cet ouvrage est entre autres d'interroger une telle contribution dans le domaine spécifique des formes linguistiques traditionnellement associées à la structuration de l’information et étudiées ici au sein d'interactions en face-à-face.

4. Les contributions réunies dans ce volume

Les contributions réunies dans ce volume reflètent de manière différente l’approche interactionniste stricto sensu, ne s’affiliant ainsi pas toutes au courant de la linguistique interactionnelle décrit précédemment. Elles partagent néanmoins nombre des présupposés esquissés plus haut: elles considèrent les référents comme émergeant de la mécanique conversationnelle, étant donc configurés à travers l’interaction verbale, davantage que comme des résultats d’une opération de discours assignable à un sujet psychologique autonome ou à une intentionnalité individuelle. Elles soulignent la configuration collaborative de l’organisation du discours. Et elles se rejoignent, chacune à sa manière, dans la tentative de mieux comprendre le rapport entre les formes linguistiques liées à l’organisation de l’information dans le discours et l’organisation interactive, notamment dans ses dimensions sociale et séquentielle.

Le volume s’ouvre avec trois contributions traitant de la problématique du développement des compétences discursives chez l’enfant, et de leur observation/identification dans l’interaction de l’enfant avec des locuteurs plus compétents.

A partir d’une perspective dialogique inspirée de Bakhtine, Anne SALAZAR ORVIG et al. discutent des problèmes méthodologiques liés à l’étude des premières productions référentielles de l’enfant, et notamment de la référence à la 3e personne. Le dialogue est ici conçu non seulement comme le lieu d’émergence du langage chez l’enfant, mais aussi comme le lieu où se configurent les fonctionnements d’unités linguistiques, où celles-ci «prennent leur valeur». Les analyses de dialogues avec des enfants âgés de 1;8 à 3 ans

sur l’existence de délimitations floues entre ces catégories, sur des formes de réalisations liées par des «family ressemblances» (Hopper, 2001) plutôt que par la proximité à un prototype (voir p.ex. Hopper 2001, 2005, sur les clivées en anglais; voir également Pekarek Doehler & Müller, à paraître, pour le français).

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Simona PEKAREK DOEHLER 9

pointent vers le fait que l’enfant utilise les formes pronominales de la 3e personne comme éléments de type non pas déictique d’abord (comme l’assume la littérature dominante) mais anaphorique, en s’appuyant sur la relation au discours de l’interlocuteur, sur la construction conjointe du dialogue.

S’intéressant à l’introduction et au maintien de référents chez des enfants tout-venant de 4 et 6 ans et des enfants dysphasiques de 6 à 11 ans, Geneviève DE WECK présente une étude de la cohésion discursive dans deux situations de narration dialoguée: l’une impliquant un interlocuteur initié, et l’autre un interlocuteur qui ne connaît pas l’histoire. Les analyses proposées révèlent chez des enfants dysphasiques des spécificités telles que l’absence de marques linguistiques ainsi que certaines difficultés qui sont surmontés à un âge plus jeune par les enfants tout-venant. Enfants tout-venant et dysphasiques partagent par contre certaines stratégies pour résoudre des ambiguïtés référentielles. Les analyses soulignent le fait que la manière dont les locuteurs interprètent les paramètres de la situation d’interaction (p.ex.

l’état des connaissances de l’interlocuteur) jouent un rôle central dans le formatage grammatical de leur discours.

Stéphane JULLIEN interroge la réalisation formelle et l’usage pragmatique de la construction présentative clivée il y a … qui dans des dialogues d’adolescents dysphasiques. Il identifie des emplois inhabituels de la présentative clivée pour maintenir et réintroduire un référent, attestant de difficultés pragmatiques (et non pas seulement morpho-syntaxiques) chez des sujets dysphasiques. Il montre également que les sujets produisent des constructions syntaxiques qui diffèrent de la structure présentative clivée classique: substitution du pronom qui/que par un pronom personnel, ou le démonstratif ça, voire omission du qui/que. Si ces productions existent en français standard, leur fréquence chez des sujets aphasiques suggère, selon l’auteur, l’existence d’un principe pragmatique qui limiterait la complexité syntaxique en fonction de l’accessibilité des référents ou de la prédication.

Ces trois premières contributions profilent chacune à sa manière les conséquences qui découlent de la reconnaissance du statut fondamental de l’échange langagier dans le développement du langage sur la conception de l’objet d’acquisition, voire du processus d’acquisition: ce dernier consiste non pas tant en l’intériorisation d’un système linguistique qu’en l’intégration des formes dans la fonctionnalité des échanges interactifs. Sans entrer dans l’approche interactionniste stricto sensu, nous trouvons donc ici un postulat fort sur la sensibilité des formes linguistiques par rapport au fonctionnement des interactions verbales.

La contribution de Thérèse JEANNERET, davantage inspirée de l’analyse conversationnelle, porte elle aussi sur des données développementales, cette fois-ci en langue seconde. A partir de l’analyse de l’interview radiophonique d'une chanteuse péruvienne immigrée en Suisse romande, l’auteure démontre

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comment les formes linguistiques de l’interviewée, ainsi que son rapport aux normes de la langue, s’articulent de manière détaillée à la fois à l’organisation séquentielle des échanges et à l’élaboration d’objets de discours. Se référant à Auer (2000), l’auteure fournit un exemple parlant de la manière dont les configurations syntaxiques des énoncés se façonnent selon la fonctionnalité interactive (en l’occurrence le maintien de tours de parole). L’article se clôt par des implications pour la didactique des langues.

Les quatre autres contributions à ce volume traitent d’interactions entre locuteurs experts et se proposent chacune d’explorer les formes et fonctionnements interactifs d’une configuration syntaxique donnée.

La contribution de Denis APOTHELOZ et d’Anne GROBET traite des propriétés morpho-syntaxiques, prosodiques et pragmatiques des dislocations à droite (appelées ‘appendices’ ici). Les auteurs proposent d’abord une typologie des appendices. Ils identifient ensuite deux plans fonctionnels de l’appendice: sur le plan de la structuration des contenus, l’appendice sert à la fois à marquer le topic et à mettre en avant le prédicat. Sur le plan prosodique, il constitue une sorte de support au dynamisme mélodique. Selon les auteurs, les appendices figurent régulièrement dans des lieux d’occurrence spécifiques: à la fin d'un tour de parole ou d'un segment topical, dans des énoncés exclamatifs et interrogatifs et dans des jugements axiologiques. Ces différents volets analytiques concourent pour souligner le fait que les appendices possèdent des caractéristiques syntaxiques, prosodiques et pragmatiques originales, et ne peuvent être comprises comme des structures dérivées.

Les trois dernières contributions au volume sont les plus directement issues de la linguistique interactionnelle.

Anne-Sylvie HORLACHER & Gabriele MÜLLER étudient l’implication de la dislocation à droite dans l’organisation interactionnelle. Elles remettent en question l’idée répandue selon laquelle la dislocation serait essentiellement liée à la promotion d’un référent au statut de topic (servant donc à réactiver un référent inférable ou mentionné précédemment) ou encore qu’elle permettrait de clarifier un référent initialement codé comme simple sujet ou objet pronominal. L’analyse de données conversationnelles en français atteste par contre d’une fonction interactive récurrente de la construction disloquée à droite, à savoir sa participation à la gestion de désaccords conversationnels.

L’analyse suggère également que, sur le plan de la structuration de l’information, la construction est régulièrement associée à des changements de topics.

Dans son analyse des demandes de définition en français, Elwys DE STEFANI s’intéresse à l’utilisation de constructions disloquées du type X ça veut dire quoi, respectivement ça veut dire quoi X et à leurs différentes réalisations formelles (qu’est-ce que ça veut dire X, etc.). L’auteur propose une double analyse de cette structure, orientée d’une part vers sa composition interne en

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termes de topic/focus, et d’autre part vers ses fonctions dans l’interaction verbale. L’analyse montre que, dans les demandes de définition, la construction disloquée n’a pas sa fonction habituelle qui consiste, selon la littérature, à promouvoir un référent au statut de topic, mais qu'elle met en relief le focus en demandant à l’interlocuteur de fournir une définition pour l’élément focal X. De plus, l’analyse suggère que la réalisation formelle de la structure interrogative est sensible à son positionnement dans les paires adjacentes de type question – réponse. L’auteur propose ainsi une réinterprétation interactionnelle d’une variation du français qui a jusqu’ici essentiellement été attribuée à des différences de registre de langue.

Dans sa contribution sur l’émergence des topics dans la conversation en finlandais, Ritva LAURY s’intéresse à la manière dont les locuteurs se servent de recyclages de constructions linguistiques comme une ressource interactive, non seulement pour gérer les thèmes, mais aussi pour rendre manifeste et négocier leurs positions mutuelles et pour construire du sens.

L’utilisation de structures syntaxiques parallèles est interprétée comme iconique dans la mesure où elle indique le parallélisme des activités accomplies par les différents locuteurs. L’auteure montre comment, au sein de ces recyclages, les formes linguistiques sont traitées de manière foncièrement dialogale, passant d’un discours à l’autre, se transformant à travers ce passage, se reconfigurant.

Le volume se clôt avec une post-face de Marie-José BÉGUELIN dans laquelle l’auteure interroge de manière critique les procédures et les concepts soutenant les investigations menées ici sur l’axe grammaire-discours- interaction et soulève des pistes de recherche à explorer sur cette voie.

L’un des traits notables des contributions à ce volume est le nombre des réalisations non-standard des formes linguistiques qu’elles révèlent, les recyclages, les transformations de ses formes d’un locuteur à l’autre et les bricolages syntaxiques dont ces formes font l’objet.

Les quatre premières contributions montrent combien notamment les données d’apprenants rendent particulièrement visible ce bricolage in situ des ressources linguistiques – bricolage qui est toutefois loin d’être l’exclusivité des apprenants. Ces données portent un effet de loupe sur des phénomènes grammaticaux rencontrés par ailleurs, mais sous forme peut-être moins frappante. Les quatre autres contributions s’articulent à ce constat en alimentant plus directement le programme de la linguistique interactionnelle:

elles montrent comment la syntaxe – loin d’être un système clos, défini à l’avance et qui ne serait que mis en opération par les acteurs – est exploitée de manière locale, contingente aux activités communicatives, comme une ressource vers laquelle les acteurs s’orientent et dans laquelle ils puisent pour organiser leurs échanges et pour rendre cette organisation mutuellement interprétable.

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12 Grammaire – Discours – Interaction

Dans leur ensemble, les contributions réunies ici illustrent ainsi, sur des bases empiriques, le lien étroit qui relie l’organisation des formes linguistiques, l’organisation des contenus discursifs et l’organisation socio-interactive de nos activités verbales. Elles mettent surtout en évidence la dynamique interactive comme un lieu où se configurent de manière locale tant le fonctionnement des unités linguistiques que leurs formes de réalisation spécifiques.

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Travaux neuchâtelois de linguistique, 2005, 41, 15-31

Une étude sur les premières expressions référentielles. Le cas des pronoms

Anne S

ALAZAR

O

RVIG

Université de Paris 3 - EA 1483 (France), salazar.orvig@wanadoo.fr

Rouba H

ASSAN

Université de Lille 3, Théodile (France), rouba.h@infonie.fr

Jocelyne L

EBER

-M

ARIN

LEAPLE (France), cfkjlm@club-internet.fr

Haydée M

ARCOS

CNRS, LACO (France), marcos.haydee@cegetel.net

Aliyah M

ORGENSTERN

Ecole Normale Sup.- Lyon, LEAPLE (France), morgen@idf.ext.jussieu.fr

Jacques P

ARÈS

LEAPLE (France), jacques.pares@wanadoo.fr

Our purpose here is to address the question of the relation between grammar and discourse through the lens of early language acquisition, and more specifically, the acquisition of 3rd person pronouns and anaphora. According to previous research in the field, at first pronouns have a deictic value. This interpretation is based on studies of narratives produced by children that are over 3 years old. However, it is important to take into consideration that children begin to use this devices much earlier and within dialogues. After discussing the main arguments in favour of a deictic interpretation, this paper proposes a series of analytical approaches set to allow a complex interpretation of the referential value of early third person pronouns. The analysis of a corpus of dialogues of children aged between 1;8 and 3 leads us to conclude that, contrary to dominant interpretations, these forms are first learned as anaphoric devices, scaffolded by the dialogical relationship.

1. Introduction

Dans la lignée des questions débattues dans ce numéro, nous voudrions présenter les problèmes que soulève l’étude des premières productions enfantines quand on prend comme angle d’attaque non pas le développement syntaxique stricto sensu mais l’acquisition des unités linguistiques dans leur

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16 Etude sur les premières expressions référentielles

ancrage dialogique et discursif. Nous nous centrerons ici sur une problématique discursive, celle de l’anaphore et sur l’émergence d’un marqueur particulier, le pronom de 3ème personne, en mettant l’accent sur les réponses méthodologiques1 que nous avons essayé d’apporter aux questions soulevées dans l’étude discursive des premières expressions référentielles.

Dans une approche dialogique (Bakhtine, 1977, 1984) qui envisage la langue et le langage au sein du dialogue dans lequel ils s’inscrivent, on ne saurait prendre comme point de départ les «valeurs en langue» des unités (telles que, par exemple, les pronoms) pour aller ensuite vers les grandes unités (le discours) mais considérer, au contraire, que c’est à partir de leur fonctionnement en discours et en dialogue que les unités linguistiques prennent leur valeur.

Corrélativement, l’enfant acquiert la langue et le langage (Bruner, 1983;

François, Hudelot, & Sabeau-Jouannet, 1984; Tomasello, 2004) dans et travers les dialogues dans lesquels il est impliqué et au fur et à mesure de son appropriation des différents genres discursifs. L’enfant est souvent présenté comme un «petit linguiste» (Karmiloff-Smith, 1992), essentiellement centré sur l’acquisition de la grammaire: il serait donc. Or comme le dit bien Tomasello, il est loin d’être impliqué dans des situations explicitement acquisitionnelles, il est d’abord engagé dans des interactions avec l’adulte, dans lesquelles il s’agit pour lui d’interpréter les intentions de celui-ci. Quand l’enfant apprend à parler, il utilise le langage pour des besoins communicationnels et non simplement pour construire la grammaire de sa langue. Ou pour le dire autrement cette construction ne serait pas l’objet premier de son utilisation du langage.

Ce renversement de perspective n’est pas contradictoire avec l’idée que le langage constitue une zone de problème pour l’enfant et, que de ce fait, il explore le matériau linguistique qu’il a à sa disposition, qu’il fait des hypothèses sur cette langue qu’il est en train d’acquérir. Cependant, il convient de s’interroger sur les modalités de cette élaboration et plus spécialement quand il s’agit de l’acquisition de pronoms ou des déterminants.

L’enfant acquiert-il ces unités d’abord en tant que catégories grammaticales?

Ou les intègre-t-il dans son proto-système à partir de leur fonctionnalité discursive? Et dans ce dernier cas, s’agit-il d’un acquis monologal ou, au contraire, du fruit de son expérience à travers l’échange avec l’adulte?

1 Il s’agit de la recherche «Prémices dialogiques de l’anaphore» entreprise dans le cadre du LEAPLE (UMR 8606- CNRS- Paris 5) et qui se poursuit maintenant sur les déterminants dans le cadre de l’EA 1483, RFC, de l’Université Paris 3. Les premiers résultats de cette recherche, auxquels nous nous référerons de façon succincte, sont exposés dans Salazar Orvig et al. (2004) et Salazar Orvig et al. (à paraître).

(21)

Anne SALAZAR ORVIG et al. 17

2. L’acquisition des pronoms de 3ème personne:

quelles questions?

Nous présenterons ici les données relatives à l’acquisition des pronoms de 3ème personne qui se caractérisent plus que d’autres par le fait de se trouver à l’interface entre le grammatical-syntaxique et le discursif-pragmatique. C’est en raison de cette double fonctionnalité que les différents auteurs ont mis tantôt l’accent sur le processus de mise en place du morphème grammatical, tantôt sur la dimension discursive ou référentielle de son acquisition.

2.1. Quelle valeur des premiers pronoms?

Si on laisse de côté les études qui ne s’intéressent qu’à la dimension grammaticale de leur acquisition (Jakubowicz & Rigaud, 1997), les travaux portant sur la valeur référentielle des pronoms chez l’enfant s’appuient le plus souvent sur des corpus narratifs (Bamberg, 1986; Hickmann, 2000 et 2004;

Karmiloff-Smith, 1985; de Weck 1991). Il en découle que l’enfant acquiert les pronoms d’abord avec une valeur déictique et qu’il ne manie la valeur anaphorique que très tardivement (vers 9 ans), au moment où il parvient à maîtriser les relations textuelles.

Ce constat repose sur deux sortes d’observations. D’une part, l’usage des pronoms est fortement lié à la conduite de narration. Ainsi, Karmiloff-Smith considère que les plus jeunes enfants présentent une conduite déictique dans la mesure où leur récit (d’une histoire en images) n’est pas construit à partir d’une planification globale organisée autour des avatars d’un ou de plusieurs personnages mais est constituée des codages successifs des images, saisies une par une (l’enfant répondrait ainsi à la question «et maintenant qu’est-ce qu’il y a»). Si le pronom utilisé dans ce cadre a une valeur déictique c’est parce qu’il renvoie au référent sur le support iconique et ne repose pas sur une quelconque continuité discursive. De même, de Weck (1991) constate, pour d’autres types de récit, que les enfants utilisent souvent le pronom comme moyen d’introduire les référents dans le récit.

D’autre part, Karmiloff-Smith et Hickmann considèrent que l’acquisition des pronoms se caractérise par une évolution de la maîtrise d’une fonction syntaxique ou grammaticale qui serait première à celle d’une fonction discursive bien plus tardive. En outre, dans la mesure où les jeunes enfants réfèrent le plus souvent à des objets présents dans la situation de communication, une éventuelle relation de co-référence ne serait pas synonyme d’anaphore: elle serait, au contraire, le résultat de la coïncidence de la réitération de références déictiques. Enfin, l’enfant parle le plus souvent de référents présents et n’établit donc pas de chaînes référentielles initiées pas un indéfini suivi de reprises. Pour ces différentes raisons, on ne pourrait pas parler, chez le jeune enfant, d’emploi intradiscursif du pronom.

(22)

18 Etude sur les premières expressions référentielles

Ces travaux soulèvent cependant au moins deux types de questions: la première relative à la pertinence du support utilisé pour travailler sur les pronoms; la deuxième relative aux implications de ces conclusions sur l’appréhension du processus d’acquisition.

2.2. Dans quel genre discursif se font les premières acquisitions?

Nous convenons du fait que les plus jeunes enfants tendent à construire leurs récits de façon déictique: en sont témoins le recours fréquent au présent et les adverbes déictiques comme là, accompagnant un pointage, qui montrent que leur narration est ancrée dans une appréhension immédiate du référent.

Mais cette conduite peut varier en fonction de la connaissance de l’histoire:

Bamberg (1986) a noté que les enfants jeunes qui se familiarisent préalablement avec le livre d’images à raconter ne présentent pas de conduite déictique.

Ainsi on peut se demander si ce qui est appréhendé dans ces travaux c’est la valeur avec laquelle sont acquis les pronoms ou la capacité de l’enfant à les mobiliser dans une conduite discursive complexe, comme le récit.

Surtout, même si la conduite de récit est fondamentale dans le développement langagier et qu’à travers elle se font certaines acquisitions syntaxiques et sémantiques (par exemple celle de la temporalité), elle ne constitue pas pour autant le premier lieu d’appropriation des pronoms ou d’autres expressions référentielles. Au contraire, quand l’enfant commence à pouvoir raconter il a déjà une certaine expérience langagière.

De même, ce n’est pas nécessairement dans des récits que l’adulte fait référence à un objet de discours donné et construit des chaînes de co- référence. Observons le dialogue suivant:

(1) Daniel 1;6

Le père attache les lacets de Daniel tout en essayant l’intéresser à des jouets

PER - {Daniel ?} puis qu’est-ce qu’i fait Babar alors là dedans là ? explique-moi . c’est pas la place de Babar §(il est)§

DAN - §(ta)tatu § “zapato”2 PER - hein ?

DAN - tatatu ! PER - quoi ? DAN - tatatu PER - zapatos ?

2 Nous indiquons entre guillemets notre interprétation des propos de l’enfant. Ici, la mère de Daniel étant hispanophone l’enfant a dit «tatatu» («zapato») avant de dire

«chaussure»

(23)

Anne SALAZAR ORVIG et al. 19

PER - tatu

DAN oui zapatos je suis en train de te les accrocher de les attacher de faire tes lacets , (tu vois?) regarde

DAN papa !

D. s’appuie contre la joue de son père PER - Daniel ! <très doucement>

PER - alors montre-moi comment ça marche ton garage, il descend par où Babar ? il va descendre par où ? il a sa voiture ?

A travers ces deux discours parallèles, sur Babar et sur les chaussures, le père enchaîne des noms («Babar», «zapatos») et des pronoms. Dans les deux cas, que ce soit par simple reprise du nom («zapatos») ou par une introduction par dislocation à droite («Babar») l’objet de discours est ensuite repris par des pronoms. C’est donc ce type de configuration que le jeune enfant rencontre avant d’être lui-même capable d’articuler des suites d’énoncés (autres que répétitives comme ici) sur un même objet de discours.

Surtout, c’est d’abord dans le dialogue que l’enfant fait l’expérience de ces unités et de leurs relations anaphoriques. On coïncide ainsi pleinement avec Apothéloz et Pekarek Doehler (2003) quand ils soulignent la nécessité pour les études sur la référence de s’ouvrir aux données dialogales et orales.

2.3. Du déictique à l’anaphorique?

L’idée qu’il n’y aurait pas d’usage intradiscursif, donc anaphorique, du pronom aux débuts de l’acquisition n’est pas sans poser problème si on considère l’évolution du langage vers les usages adultes.

En effet, chez l’adulte, le pronom de 3ème personne est décrit comme une unité fondamentalement anaphorique (Apothéloz & Pekarek Doehler, 2003;

Ariel, 1988; Cornish, 1999; Kleiber, 1994; Reichler-Béguelin, 1988): il marque la continuité du focus d’attention des interlocuteurs. Le pronom n’est pas une unité plurifonctionnelle pouvant véhiculer à la fois des valeurs déictique ou anaphorique. Les approches mémorielles ou cognitives actuelles (Cornish, 1999) mettent même en cause l’opposition entre exophore et endophore, considérant que dans un cas comme dans l’autre l’usage du pronom relève de l’existence d’une représentation partagée par les interlocuteurs. En outre, même quand il est associé au pointage, ce n’est pas le pronom qui accomplit l’acte de référence déictique (Kleiber, 1994).

Si l’on admet cette description, il faudrait alors envisager une rupture entre l’usage enfantin et l’usage adulte. Les pronoms seraient déictiques dans leurs premières occurrences puis anaphoriques à partir d’une certaine maîtrise langagière plus tardive, avec l’oubli, la perte, l’enfouissement de la première valeur… Ce qui semble difficile à concevoir.

Peut-on par ailleurs envisager qu’il n’existe pas de relation intradiscursive chez le jeune enfant? Une telle conclusion semble également paradoxale si on prend en compte ce que l’on sait de son inscription dialogique et

(24)

20 Etude sur les premières expressions référentielles

discursive. Tout d’abord, l’acquisition du langage est préparée (Bruner, 1983;

Tomasello, 2004) par la participation de l’enfant à des épisodes d’attention conjointe dans lesquels s’instaure, à travers l’action et la communication non verbale, une continuité attentionnelle. Ce phénomène a une telle puissance sur le processus acquisitionnel qu’il constitue selon Bruner la source de la structure «topic-comment» et qu’il détermine, entre autres, le rythme d’acquisition du lexique (Tomasello, 2004). Surtout, les études sur les tout premiers énoncés enfantins, à la période des énoncés à un terme, montrent que ceux-ci se construisent en grande partie en continuité avec le discours de l’adulte ou qu’ils enchaînent deux tours de parole sur la même intention communicative (Scollon, 1979; Veneziano, 1997). Ainsi le jeune enfant fait preuve de continuité attentionnelle et discursive avant de commencer à utiliser les premiers pronoms. Les conditions contextuelles sont donc là pour un usage de type anaphorique du pronom.

Bien entendu, à cet argument peut être opposé celui avancé par Karmiloff- Smith ou Hickmann selon lequel à chaque fois que l’enfant réfère à un objet de discours, il le fait à partir de sa saisie directe de l’objet de l’expérience et non pas en fonction d’une représentation discursive ou mémorielle. Et ceci quelque soit l’expression référentielle mobilisée, nom ou pronom. Considérons cependant l’exemple suivant:

(2) Daniel 2;3

Daniel cherche à mettre une figurine dans un tracteur.

PER - ah mais tu sais il est vieux lui tu sais. il a une canne. il va avoir du mal à conduire euh

(…) Après quelques répliques, Daniel l’écarte et en choisit une autre.

DAN - {XX. X} <très doucement>seli “{XX.X} c’est lui”

PER - c’est qui lui?

DAN - {X} dam “{X} dame”

PER - ah c’est une dame! alors là attends hein! c’est la paysanne avec la plume dans son chapeau! <siffle>

D. la met sur le tracteur. Son père l’aide

DAN - va kodi “va conduire”

PER - oui +++ regarde

DAN - a tb F tombe3

PER - elle tombe

DAN - wi “oui”

PER - fais voir

P. la remet sur le tracteur.

DAN - n. f

atasjotob. ataatapapa! “non fais attention e(lle) tombe. attends

attends papa!”

3 Nous utilisons le signe F pour indiquer que l’on a affaire à un filler (voir § 3.4 ci- dessous), donc une forme dont le statut morphologique est incertain.

(25)

Anne SALAZAR ORVIG et al. 21

L’enfant introduit la nouvelle figurine par l’expression [se] - qui peut fonctionner ici aussi bien que comme un présentatif que comme indicateur de la reprise du thème de la figurine recherchée - et par le pronom tonique «lui» - qui a ici une valeur déictique4. Leur utilisation est congruente avec l’activité en cours (choisir une figurine) et le discours précédent: surtout «lui» fait écho au pronom utilisé par son père («il est vieux lui») quelques tours de parole auparavant.

Si on considère les autres expressions utilisées pour l’objet de discours

«DAME» on peut noter tout d’abord l’expression nominale [dam] qui a une fonction de dénomination, un proto-pronom (filler5) [a] et le pronom []. A ceci s’ajoute, ce qu’on appellera pour aller vite la forme zéro [va kodi], qui s’inscrit en continuité directe avec les énoncés précédents. Même s’il n’est pas de nature monologale, le discours de l’enfant fait preuve d’une forte continuité par rapport à la fois à ses énoncés et à ceux de son père.

Cependant, suivant les auteures citées, l’absence d’introduction du référent comme entité détachée de la situation de communication (par un SN Indéfini) rendrait difficile, voire impossible, l’interprétation anaphorique de ces expressions. On pourrait considérer au contraire que chaque occurrence renvoie directement au référent présent et qu’elles ne présentent aucun rapport entre elles.

Or, une telle description négligerait d’autres phénomènes à l’œuvre dans cette séquence. Même si le référent est présent dans la situation et sous l’attention des interlocuteurs, l’enfant n’est pas seul à parler de cette figurine: c’est suite à la description de son père qu’il dit que la dame va conduire; et, d’ailleurs, le fait de considérer qu’elle peut conduire correspond à une transposition dans son propre discours de la façon dont le père a qualifié la figurine précédente («il va avoir du mal à conduire»). On a donc bien affaire à un espace de significations partagées où il est question de cette figurine et des figurines susceptibles d’aller dans le tracteur. Les formes [atb] et [t

b] apportent de nouvelles prédications sur le même objet de discours préalablement mentionné. Le discours de l’enfant s’inscrit dans cet espace discursif et il est marqué comme tel.

Notons en outre l’évolution, dans la séquence, du filler vers la forme pronominale reconnaissable: le passage se fait suite à l’énoncé du père, «elle tombe», que l’enfant reprend. Dans cette dernière occurrence, la correction que l’enfant effectue abandonnant le filler pour la forme pronominale témoigne

4 Kleiber (1994) rappelle que, contrairement aux pronoms clitiques, «lui» présente deux faces, anaphorique et déictique.

5 cf. § 3.4 ci-dessous.

Références

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