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Qu est-ce qu une hérésie littéraire? Robert de Boron et les Hauts Livres du Graal

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Tome CXXIV n°1 | 2020

À propos de la Revue des langues romanes

Qu’est-ce qu’une hérésie littéraire ? Robert de Boron et les Hauts Livres du Graal

What is a literary heresy? Robert de Boron and the Hauts Livres of the Grail Jean-René Valette

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/rlr/2963 DOI : 10.4000/rlr.2963

ISSN : 2391-114X Éditeur

Presses universitaires de la Méditerranée Édition imprimée

Date de publication : 1 juin 2020 Pagination : 163-186

ISSN : 0223-3711 Référence électronique

Jean-René Valette, « Qu’est-ce qu’une hérésie littéraire ? Robert de Boron et les Hauts Livres du Graal », Revue des langues romanes [En ligne], Tome CXXIV n°1 | 2020, mis en ligne le 01 novembre 2020, consulté le 25 janvier 2021. URL : http://journals.openedition.org/rlr/2963 ; DOI : https://doi.org/

10.4000/rlr.2963

La Revue des langues romanes est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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Robert de Boron et les Hauts Livres du Graal

Parmi les romans du Graal, l’œuvre de Robert de Boron, au tournant du xiiie siècle, est sans doute celle dont le lien avec l’hérésie a été le plus souvent évoqué. De nombreuses recherches ont relevé dans le Roman de l’Estoire dou Graal (encore intitulé Joseph d’Arimathie) ou dans le Merlin la présence de la pensée de Joachim de Flore et de ceux qui constituent sa véritable postérité, les franciscains « spirituels ». Plus anciennement, elles y ont décelé des traces de catharisme. L’hérésie y est si prégnante et en même temps si délicate à circonscrire qu’il a pu être question d’« une sorte d’hérésie littéraire, [de] ce que l’on pourrait qualifier d’hérésie du Graal, voire [de] la littérature comme hérésie » (Zambon 1985, 700).

À l’occasion de cet article, je souhaiterais aborder la notion d’hérésie littéraire en distinguant les deux axes le long desquels elle se déploie : l’hérésie dans l’écriture romanesque, l’hérésie comme écriture littéraire. À la suite d’un bilan historiographique, je m’interrogerai sur le statut complexe du texte littéraire médiéval à une époque où la littérature demeure un concept

« ambigu, à la fois inadéquat et irremplaçable » (Zink 1999, 610).

Les travaux qui ont récemment réévalué le fait hérétique permet- tront enfin de jeter quelque lumière sur l’idée même d’hérésie littéraire et d’en permettre la réinterprétation.

L’œuvre de Robert de Boron sera sollicitée à la fois en elle-même et en raison du rôle fondateur qu’elle a joué.

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Quelque vingt ans après le Perceval de Chrétien de Troyes, elle inaugure, en effet, une seconde tradition 1, celle des Hauts Livres du Graal 2, qui correspond à « l’âge d’or du roman médiéval en prose » (Payen 1967, 453). En affirmant que leurs récits sont de saints livres, inspirés par l’Esprit ou même écrits par le Christ, les auteurs de la trilogie rattachée à Robert de Boron, ceux du Perlesvaus, de l’Estoire et de la Queste del Saint Graal ont assuré à la fiction « une dignité nouvelle », selon l’expression de Jean-Charles Payen, ils en ont fait « un moyen d’édification et de véritable culture » (Payen 1967, 405).

1. Littérature du Graal et hérésie : éléments d’historiographie Jean Frappier l’a souvent rappelé, « les romans du Graal offrent cette complexité d’être à la fois des romans de chevalerie et des romans religieux » (Frappier 1977, 165). C’est en particulier le cas de la Queste del Saint Graal qui « laisse se manifester les signes les plus nets et les plus audacieux d’une symbiose spirituelle de la religion et de la chevalerie » (ibid., 205). Très tôt les spécialistes ont cherché à préciser la nature de cette « symbiose », en rattachant non seulement les Hauts Livres à la doctrine catholique mais encore, comme pour rendre compte de cette « alliance, forcément instable » (ibid., 208), en développant les principes d’une lecture hérésiologique du Graal.

1.2. L’hérésie dans l’écriture 3

Ainsi, dans les années 1920, au moment où Étienne Gilson met au jour les liens étroits que la Queste del Saint Graal entretient avec la théologie cistercienne de la grâce 4, Eugène Anitchkof tente d’établir l’existence d’une influence néo-manichéenne sur les romans du Graal et sur la lyrique troubadouresque, de mettre en

1. « Robert n’était pas un écrivain de grand talent ; sa langue est chétive, sa phrase souvent gauche. On ne retrouve pas chez lui ce don de la vie, cette succession d’images et de tableaux qui font le charme du roman de Chrétien ; mais l’envergure de son dessein, à la fois historique et théologique, permet de le considérer comme un constructeur. » (Frappier 1977, 12) Sur la distinction de ces deux traditions, voir Valette (2010).

2. Sur la notion de Haut Livre, voir Valette (2015).

3. Cette section reprend un certain nombre d’éléments présentés dans Valette (2008).

4. Voir Gilson (1925).

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évidence une empreinte cathare et joachimite chez Robert de Boron et dans le Lancelot-Graal 5. Dans deux articles importants, Myrrha Lot-Borodine fait justice de ces hypothèses en mobilisant une solide érudition théologique et liturgique (Lot-Borodine 1930 et 1931) : après avoir rappelé qu’il convient de distinguer une hérésie, anti-chrétienne par essence, et la doctrine catholique, très libre et très téméraire, de l’abbé de Flore, elle relève un certain nombre de contradictions doctrinales et s’attache à dégager les œuvres du « badigeon uniforme catharo-joachimite » (Lot-Borodine 1931, 155) dont, à ses yeux, Eugène Anitchkof cherche à les recouvrir.

C’est en identifiant Montsalvage à Montségur et le secret du Graal au fameux secret des cathares que Otto Rahn a popularisé l’idée d’un Graal cathare (Rahn 1934) 6. Pour ruiner un tel rappro- chement, il suffit pourtant, comme le fait observer Maur Cocheril

« d’attirer l’attention sur le mépris des “Parfaits” pour la matière et pour la vie » tout en rappelant, parmi d’autres exemples, que dans la Queste del Saint Graal la légende de l’Arbre de vie « s’inscrit contre cette attitude essentiellement négative » (Cocheril 1967, 691). Estimant pour sa part que les « fantaisies » d’Otto Rahn « ne méritent pas la discussion », Pierre David a paru clore le débat en affirmant bien haut que « la doctrine trinitaire, christologique et eucharistique qui domine le conte du Graal est entièrement, ardemment conforme à la foi de l’Église, alors que les doctrines albigeoises dissolvent la Trinité et ne réservent que sarcasmes à l’Eucharistie » (David 1943, 99). Plus récemment, dans un livre qu’il présente comme « une petite théologie comparée du discours graalien et du texte cathare », Michel Roquebert renverse radica- lement la perspective : selon lui, loin de s’inspirer du catharisme,

« la fiction graalienne [a] été l’instrument d’une mobilisation des consciences au service de l’orthodoxie romaine contre le péril hérétique » (Roquebert 1994, 196 et 69).

Si, comme on l’a vu, Pierre David rejette avec fermeté tout lien avec le néo-manichéisme, il se montre sensible à un autre synchronisme qui le conduit à rattacher l’œuvre de Robert de Boron à Joachim de Flore, dont elle est contemporaine, tandis que

5. Voir les références bibliographiques figurant à la fin de cet article.

6. Voir aussi Roché (1952). Sur le rôle joué par les deux grands modèles mythographiques échafaudés par O. Rahn et D. Roché, voir Zambon (1994a) et Herzfeld (1996).

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le Lancelot-Graal correspondrait au mouvement néo-joachimite 7. Selon lui, le Graal doit être mise en relation avec « des courants complexes de vie et de spéculation chrétienne qui fleurissent, plus ou moins en marge de l’Église officielle, au moment où sont composés les poèmes et les romans graaliens » (David 1943, 12).

Organisés autour de la pensée de Joachim de Flore et des francis- cains « spirituels », ces courants se caractérisent par deux aspects que l’on rencontre en particulier dans la Queste : l’existence d’un sacerdoce spirituel distinct de celui de Pierre et la constitution d’une communauté de Pauvres « spirituels », gardiens du Graal, détenteurs d’un secret dont la révélation devrait marquer l’avè- nement du royaume de Dieu : « Tels sont les deux traits essentiels qui définissent par rapport à l’Église hiérarchique le groupe dont le Graal est le signe de ralliement : ésotérisme et messianisme » (David 1943, 120). C’est cela qui explique, d’après lui, l’indif- férence de l’Église malgré la profonde empreinte religieuse du récit. Si le Graal « n’a pas trouvé place dans l’art des cathédrales, si riche, si divers et qui a puisé à tant de sources […] c’est que les autorités religieuses n’ont pas eu d’illusion sur l’attitude du mythe à l’égard de la hiérarchie et du sacerdoce. À cette défiance, l’Église répond non par des censures mais par le silence, malgré le zèle et la piété du rédacteur de notre Queste » (David 1943, 128).

Comme dans le cas du catharisme, un certain nombre de travaux importants ont pris position contre l’hypothèse joachimite 8. Dans un cas comme dans l’autre, l’approche doctrinale ne permet sans doute pas de trancher entre les partisans de la lecture hérésiolo- gique (O’Sharkey 1967) et leurs adversaires. C’est ce qui a sans doute incité d’aucuns à ne pas borner l’enquête au seul plan de l’énoncé.

1.3. L’écriture comme hérésie

Les recherches que Francesco Zambon mène le long de la double piste hétérodoxe 9 (Zambon 1982 et 1994b) font apparaître

7. David (1943). Plus récemment, d’autres travaux ont également exploré la piste franciscaine. Voir Dalarun (2009) et Girbea (2010).

8. Ainsi en est-il d’Alexandre Micha (1980, 99 sq.), qui conteste l’hypothèse d’une spiritualité joachimite avancée par Kurt Ruh (1969), et de Richard O’Gorman (1979, 1993).

9. Les travaux que Francesco Zambon a consacrés au Graal ont été publiés en 2012 sous le titre Metamorfosi del Graal.

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une nouvelle perspective. Présentant sa thèse sous une forme apparemment contradictoire, le critique affirme d’un côté qu’« il serait tout à fait gratuit d’interpréter le Joseph comme une œuvre d’inspiration joachimite ou cathare » dans la mesure où « les principes théologiques qui y sont exposés relèvent entièrement de l’orthodoxie chrétienne » et, d’un autre côté, qu’« il est incontestable que le roman présente de nombreuses traces de doctrines hérétiques ou qui étaient très populaires chez certaines sectes hérétiques » (Zambon 1985, 700). L’opposition semble se résoudre dans ce qui lui apparaît comme le focus privilégié du mythe graalien, à savoir ce « noyau doctrinal » ou ce motif littéraire, dont il maintient le double caractère, « à la fois théologique et romanesque » (ibid.) : les secrets du Graal (Zambon 1981). À ses yeux, c’est, en effet, le caractère foncièrement littéraire de cette

« idée » qui explique les écarts doctrinaux que l’on peut relever dans le Joseph de Robert de Boron. C’est pourquoi, précise-t-il,

« la tradition ésotérique et, en partie, hétérodoxe dont il dépend ne prend pas la forme d’une théologie opposée au magistère de l’Église, mais aboutit à une sorte d’hérésie littéraire, à ce que l’on pourrait qualifier d’hérésie du Graal, voire à la littérature comme hérésie » (Zambon 1985, 701).

À l’égard du motif central des secrets du Graal, souvent étudiés par la critique (Le Nan 2002), la thèse de Francesco Zambon occupe une position moyenne. Elle s’inscrit à mi-chemin entre les travaux de Manuel Insolera qui, écartant toute dimension fictionnelle, considère la légende du Graal comme « la forme la plus accomplie d’ésotérisme chrétien qui ait pu être transmise 10 » et ceux d’Emmanuèle Baumgartner. Selon cette dernière, en effet, en mettant en scène un vide, une absence, le motif du secret permet au texte en langue vernaculaire de « ne se donne[r]

d’autre source et d’autre référent que lui-même, que son avènement dans le champ littéraire » (Baumgartner 1986, 16).

Aux yeux de Francesco Zambon, ces deux aspects doivent être conjugués : dans le Joseph de Robert de Boron, « les “secrets du Graal” sont le noyau prophétique qui contient à l’état embryon- naire toute cette histoire romanesque du Salut qu’est l’histoire

10. Insolera (1997, 56). À l’Église visible, exotérique, celle de Pierre et de Paul, correspondrait l’Église « invisible », ésotérique, celle de Jean et de Joseph d’Arimathie. Sur le versant exotérique, voir Lot-Borodine (1951).

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du Graal ; la prophétie, le secret ésotérique ne s’accomplissent que dans la mesure où ils deviennent une histoire, un texte, un roman » (Zambon 1985, 701-702 ; Zambon 1981, chap. 4). C’est pourquoi, selon lui, le rapport que la théologie entretient avec la fiction littéraire constitue le thème fondamental des romans du Graal 11.

Telle serait, au fond, la raison pour laquelle l’hérésie relèverait moins de l’énoncé (où son repérage reste difficile) que de l’énonciation :

Le Joseph n’est pas une expression romanesque de doctrines joachimites ou cathares, mais il représente plutôt, au même titre que d’autres romans graaliens, une sorte d’équivalent littéraire des mouvements hérétiques, où l’écriture romanesque ose se définir comme une écriture sacrée, comme un évangile (secret) rapportant les paroles et les événements qui sont tus par la Bible. (Zambon 1985, 701-702)

Les recherches de F. Zambon invitent donc à une « littéra- lisation » de l’hérésie, selon le double sens qu’il convient de donner à cette expression, l’un correspondant au passage de l’hérésie dans l’écriture à l’hérésie comme écriture, et l’autre à l’émergence d’une littérature 12. Or, comme on le sait, le statut du texte littéraire médiéval, très délicat à définir, ne saurait se confondre avec ce que nous entendons de nos jours sous le terme de littérature. Afin de comprendre en quoi les romans du Graal peuvent constituer « une sorte d’équivalent littéraire des mouve- ments hérétiques », une contextualisation s’impose donc.

2. La clé socio-historique

2.1. Les Hauts Livres du Graal et la définition traditionnelle de l’hérésie Dans un article portant sur l’orthodoxie et l’hérésie, « ces deux catégories contrastées de la croyance », le Père Marie-Dominique

11. « Il tema essenziale di romanzi appartenenti al ciclo graaliano sembra essere infatti proprio quello del rapporto che il sacro, il simbolico, il trascendente hanno con la finzione romanzesca, quello, potremmo dire, del ruolo o dell’incidenza che ha la scrittura nella Rivelazione. » (Zambon 1981, 9). Michel Zink s’inscrit dans la même perspective en suggérant que « l’espace de jeu autorisé par la Révélation est à chercher dans les conditions mêmes de la mise en récit » (Zink 2003, 254).

12. Dans une perspective différente et sur la façon dont le discours hérétique peut prendre le visage de la littérature profane, voir Leupin (1993), chap. 7.

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Chenu rappelle que l’hérésie se définit traditionnellement comme une « rupture (par “choix” [hairesis]) dans l’assentiment » (Chenu, 1963, 77). Si les Hauts Livres du Graal constituent bien une « hérésie littéraire », comment comprendre la notion d’assentiment ? Où placer le point de rupture ?

Selon Michel Zink, le corpus considéré pose avec acuité,

« la question de savoir quel type d’adhésion et quel type de foi — c’est-à-dire de confiance, de foi ajoutée (“ajouter foi”) au récit — les romans du Graal appelaient et supposaient chez leurs lecteurs » (Zink 2003, 252). « Le texte se lit-il comme un ouvrage d’édification pieuse, ou bien comme un roman de chevalerie? », s’interroge à son tour Mireille Séguy (Séguy, 2001, 219), avant de plaider en faveur de l’esthétique romanesque. Tout en mentionnant les « déplacements et [les] déformations que les romans du Graal [ont] pu faire subir aux schémas qu’ils emprun- taient à la théologie », elle considère, en effet, que « ces emprunts avaient moins […] pour fonction de décalquer les acquis de la théologie dans l’espace romanesque que d’inaugurer des modes de signification et de représentation proprement littéraires ». Ils accompagneraient « l’affirmation de l’autonomie du roman » (Séguy 2001, 438-439). Opposant la surface du récit à son origine ou à sa profondeur, Michel Zink invite, en revanche, à « lire ces textes sur l’horizon de leur foi », ce qui revient à « s’arrêter à ce qu’ils prétendent être et s’accrocher à la surface qu’ils nous offrent » (Zink 2003, 4).

Ce débat n’est pas neuf. Aux travaux de Jean Frappier qui, dès 1954, s’interrogeait, comme on l’a vu, sur la « symbiose spiri- tuelle de la religion et de la chevalerie » (Frappier 1954, 123) a fait écho, plus de vingt-cinq ans après, la manière dont Emmanuèle Baumgartner présente l’ouvrage qu’elle consacre à la Queste comme « un essai pour sortir de l’alternative, roman de cheva- lerie ou roman mystique » (Baumgartner, 1981, 6).

Pour mettre fin à la controverse, il ne suffit sans doute pas de s’intéresser au seul lecteur, moderne ou médiéval 13. Il faut

13. En évoquant la place de la religion dans les Hauts Livres du Graal, Emmanuèle Baumgartner oppose les deux lecteurs en ces termes : « Osera-t-on dire […] que cette dimension idéologique, si elle a bien existé, est pour nous, lecteurs d’un xxe siècle finissant, quelque peu lettre morte et que l’intérêt que nous portons à ces textes tient davantage au défi littéraire qu’ils proposent : inventer en

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s’attacher à l’autre pôle structurant de l’énonciation, celui qui concerne la production contextualisée de l’énoncé. En d’autres termes, il convient de se poser les questions suivantes : Qui parle ? D’où parle-t-il ? C’est ce que proposent les tenants de d’une approche socio-historique qui considère la littérature non comme un reflet de la société mais comme l’une de ses compo- santes 14. À être ainsi étudié, comme le note Anita Guerreau- Jalabert à propos du merveilleux, ce dernier « perd sans doute beaucoup de sa poétique et rafraîchissante naïveté », celle que lui prête une approche littéraire décontextualisée, « mais il apprend […] beaucoup à l’historien sur les structures mentales et sociales qu’il observe » (Guerreau-Jalabert 1997, 144-145).

Ainsi est-il possible de montrer que « de manière signifi- cative, entre 1100 et 1240, environ, l’aristocratie laïque exprim[e]

sa propre vision du monde et de la société dans la littérature en langues vernaculaires » (Guerreau-Jalabert 1996, 169). En cherchant à rivaliser dans l’imaginaire avec les clercs sur le terrain du sacré, elle développe « deux thématiques en apparence opposées, en réalité complémentaires » :

1. D’abord celle de l’amour dit courtois, qui […] fonde en quelque sorte la légitimité aristocratique de la chair, prétendant associer progrès spirituel et amour charnel.

2. À partir des années 1180, les thèmes du Graal, qui correspondent à une stratégie non plus de renversement, mais de surenchère, font des chevaliers des hommes plus spirituels que les clercs et les représentent comme la véritable Église, fondée, à la mort de Jésus, par un chevalier, Joseph d’Arimathie. 15 (Guerreau-Jalabert 1996, 169) Dans les deux cas, la littérature détourne et annexe le discours ecclésiastique fondé sur le primat du spirituel afin de légitimer l’édifice charnel auquel l’Église identifie l’aristocratie laïque.

L’importance accordée à la chevalerie a sans doute été soulignée depuis longtemps par de très nombreux commentateurs et c’est précisément dans cette perspective que Jean Frappier a avancé le

français (en roman) une diction neuve […], ouvrir, pour les siècles à venir, l’ère de la fiction. » (Baumgartner 1994, 10)

14. « Pas plus que le reste de la littérature et de l’art, [le roman] n’est produit pour décrire la société […] Il ne la “reflète” pas. Mais il en fait partie. » (Le Goff 1974, xiv)

15. Sur l’amour courtois, voir aussi Guerreau-Jalabert (1995a) ; sur le Graal, voir aussi Guerreau-Jalabert (2009).

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terme d’hérésie, en évoquant les « limites de l’hérésie » à propos de la « véritable religion de la chevalerie » qu’édifient nos romans et en justifiant cette expression par la manière dont, détournée de son but premier, la transcendance religieuse est placée au service d’une « transcendance de la chevalerie », à la « pointe extrême d’une idéale revanche de caste » (Frappier 1954, 99, 126 et 94).

L’apport d’Anita Guerreau-Jalabert consiste à inscrire cette thèse au sein d’un modèle cohérent, fondé sur « la relation antagoniste du charnel et du spirituel », qui constitue « comme la matrice à travers laquelle sont perçus et pensés, dans la société chrétienne médiévale, divers pans de la réalité matérielle, pratique et idéelle » (Guerreau-Jalabert 2005, 236). Confrontés à un discours ecclésiastique écrit en latin, antérieur, englobant et qui a acquis pleine autorité et légitimité sur la production des formes symboliques, les laïcs, grâce aux premiers textes romans, bâtissent une littérature qui promeut leurs valeurs :

[Le thème du Graal] correspond à la construction d’un discours porté par les milieux aristocratiques et créé dans le cadre du système de représentations chrétien qui est celui de la société médiévale, discours qui vise à l’affirmation d’un groupe social dans une structure de société historiquement datée.

(Guerreau-Jalabert 2009, 1071)

La rupture dans l’assentiment serait ainsi moins d’ordre doctrinal que socio-historique (elle marque une limite entre les clercs et les laïcs) et sociolinguistique (elle sépare la production ecclésiastique en latin de la « littérature » en langue vernacu- laire). À cet égard, les romans du Graal jouent un rôle particu- lièrement important. Mais quels sont les ressorts sur lesquels repose une telle « hérésie littéraire » ?

2.2. Poétique de l’hérésie

La définition traditionnelle de l’hérésie n’est guère éloignée de la manière dont l’approche socio-historique décrit le fonctionnement du texte littéraire, lequel se construit à la fois dans et contre le discours ecclésiastique. Tandis que la première conjugue assentiment et rupture, le second fait appel à une dialectique de l’acquiescement et de l’écart distinctif 16.

16. Pour une mise à l’épreuve de ce modèle, voir Andrieu et Valette (2014).

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Le premier ressort invite à « lire les textes sur l’horizon de leur foi », selon la formule de Michel Zink, à se montrer sensible à la manière dont la littérature du Graal « révèle avec une force extraor- dinaire la prétention du roman à être porteur d’une révélation religieuse » 17 (Zink 2003, 253). L’importance de la dette contractée auprès du discours ecclésiastique a été si souvent mise en évidence par des études à caractère théologique 18 ou littéraire (Valette 2008) qu’il n’est sans doute pas utile de revenir sur ce point.

À côté de l’acquiescement, les Hauts Livres du Graal multi- plient les écarts distinctifs. Tel est le second ressort, qui ramène l’ensemble des faits observables à un dénominateur commun : l’exaltation de la chevalerie. En se limitant à l’œuvre de Robert de Boron, il est possible de retenir trois exemples.

1. Le premier concerne Joseph d’Arimathie, figure discrète des évangiles canoniques, qui acquiert un relief considérable dans la littérature du Graal. S’avançant plus loin que les apocryphes (notamment l’évangile de Nicodème), Robert de Boron le présente non seulement comme le premier confesseur de la foi mais encore, à l’aide du Graal, comme le fondateur de la liturgie eucharistique.

L’Estoire narre comment le plat où Jésus mangea l’agneau pascal avec ses disciples parvient entre les mains de Joseph, comment celui-ci l’utilise pour recueillir le sang du Crucifié, comment enfin le Christ ressuscité le lui rapporte dans sa geôle, après qu’il a été emprisonné, en le chargeant de transmettre à ses descendants un enseignement secret. Ainsi se forme une lignée de gardiens du Graal. L’invention de la relique du Précieux Sang, étroitement liée à la figure de Joseph, permet ainsi aux grands laïcs de recueillir les fruits d’une définition spirituelle grâce à « la mise en scène de l’élément dont la valeur symbolique est la plus forte, donc la plus légitimante : le sang du Christ 19 » (Guerreau-Jalabert 1995b, 148). L’inflexion de la Vulgate, qui fait du membre du Sanhédrin un homme de guerre, un miles 20, se révèle décisive. Chez Robert de Boron, Joseph est désigné comme le soudoier de Pilate, à qui

17. L’auteur voit dans le Graal « une légende chrétienne qui fournit une sorte de complément de la révélation chrétienne » (Zink 2001, 74).

18. Tandis que Étienne Gilson relève « les indications théologiques si précises dont la Queste del saint Graal est littéralement tissée » (1925, 67), Marie-Dominique Chenu souligne « l’authenticité théologique » de ce roman (1995, 79).

19. (Guerreau-Jalabert 1995b, 148).

20. L’expression employée par l’Évangile de Marc est nobilis decurio (XV, 43).

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il réclamera le corps du Christ pour prix de ses services. En la personne de Joseph, la chevalerie est donc présente, dès l’origine, au pied de la Croix. Les grands romans en prose ne laisseront pas de rappeler ce statut : Joseph est li gentix chevaliers, li preudons, li verais chevaliers, li buens chevaliers, le buen soudoier, avant que le titre ne passe ensuite à Perlesvaus (Perceval) et à Galaad, présentés comme ses descendants.

2. — La spiritualisation de la chevalerie a pour corollaire l’effa- cement du clergé officiel, à peine mentionné ou bien remplacé dans les fonctions qu’il exerce habituellement par des ermites ou bien par des personnages nommés prodomes. Chez Robert de Boron, un tel évitement devient un fait de structure. Non content de présenter son héros éponyme comme un chevalier, l’auteur du Joseph d’Arimathie suscite une seconde relique (le voile de Véronique) afin que, dans une fiction polarisée par trois lieux (Jérusalem, Rome et la Bretagne), la translation du Graal puisse contourner et dépasser l’Italie pontificale et romaine pour gagner la Cornouaille, cœur de la légende arthurienne. Dans cette « tradition de Joseph oublieuse des apôtres et des papes » (Bonnefoy 1965, 19), seule demeure la chevalerie, digne d’accéder par ses voies propres à la vie mystique.

3. — Un dernier type d’écarts distinctifs concerne le statut des romans que nous lisons. La vérité que les Hauts Livres renferment n’est pas celle de la Révélation au sens canonique du terme. Elle n’est pas en autorité comme le souligne le Merlin à propos du livre de Blaise :

[…] et toz jorz mais sera ta poine et ton livre retrait et volentiers oïz en toz leus. Mais il ne sera pas en auctorité, por ce que tu n’ies pas ne puez estre des apostoles, car li apostole ne mistrent riens en escrit de Nostre Seingnor qu’il n’eussent veu et oï, et tu n’i mez rien que tu en aies veu ne oï, se ce non que je te retrai 21.

La référence aux apôtres est ici tout à fait éclairante de même que, quelques lignes plus loin, l’allusion aux « privees paroles » échangées entre le Christ et Joseph d’Arimathie : elles rattachent clairement l’œuvre aux apocryphes, à ces livres incertains dont l’origine est cachée, comme le souligne Hugues de Saint-Victor 22

21. Robert de Boron, Merlin, roman du xiiie siècle, éd. Alexandre Micha, Genève, Droz, 1979, § 16, l. 95 sq.

22. « On les dit apocryphes, c’est-à-dire “secrets”, parce qu’ils sont douteux [Apocrypha autem dicta, id est secreta, quia in dubium veniunt]. Leur origine, en effet,

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et qui, sans avoir la même autorité que les textes canoniques, peuvent enfermer quelque vérité 23. Assimiler Merlin à l’auteur d’un évangile apocryphe revient tout à la fois à marquer le ratta- chement au discours ecclésiastique et à souligner l’écart distinctif.

On le voit, dans la mesure où elle relève du contrepoint 24 ou de la semblance 25, la poétique des Hauts Livres du Graal s’accorde avec la définition traditionnelle de l’hérésie, faite d’assentiment et de rupture. Il est donc possible de parler d’« hérésie littéraire » mais en un sens second, en précisant que la définition qui la fonde est d’ordre social et non doctrinal. Elle ressortit au rôle socio-his- torique que les xiie et xiiie siècles assignent à la littérature laïque en langue vernaculaire. Afin de préciser ce rôle, qui correspond à une « stratégie de surenchère » (Guerreau-Jalabert 1996, 169) visant à fonder un modèle d’héroïsme laïque, il convient de se tourner à présent vers une nouvelle définition de l’hérésie.

3. Les Hauts Livres du Graal et le « défi laïque 26 » 3.1. Hérésie, stratégies d’écriture et communautés textuelles Au cours des trente dernières années, les études hérésiologiques ont connu un renouvellement profond 27. Comme le précise Joseph Morsel :

Les travaux menés depuis les années 1980 ont montré que l’hérésie est d’abord dans le regard des clercs : […] il y a hérésie là où il y a est obscure et n’est même pas connue des Pères, à partir desquels est parvenue jusqu’à nous l’autorité des écrits les plus véridiques, et ce, grâce à une succession extrêmement sûre, et tout à fait connue. » (Hugues de Saint-Victor, L’Art de lire.

Didascalicon, IV, 7, trad. Michel Lemoine, Paris, Cerf, 1991)

23. Il s’agit là d’une « appréciation aussi exacte que précise, à laquelle l’exégèse catholique moderne n’a rien à retoucher » (Baron 1957, 102).

24. Sur la littérature courtoise comme constituant « le contrepoint laïc de la théologie et des vies de saint », voir (Guerreau-Jalabert 1995a, 147).

25. L’assentiment à l’orthodoxie ecclésiastique relève de la semblance dans la mesure où l’acquiescement s’avance masqué, ce que révèle la multiplication des écarts distinctifs : « Les romans du Graal sont d’admirables œuvres de propagande au service de l’ordre romain, foi, Église et société confondues. Mais cette finalité en recouvre une autre. […] L’ordre romain, oui ! Mais à condition que la chevalerie soit tout en haut de la hiérarchie. » (Roquebert 1994, 197)

26. Cette expression forme le titre d’un ouvrage récent de Ruedi Imbach et Catherine König-Pralong (2013).

27. On trouvera trois synthèses historiographiques en préambule aux livres suivants : Brunn (2006), Biget (2007), Jiménez-Sanchez (2008).

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des clercs pour qualifier comme tel des actes ou des paroles — ce qui n’empêche évidemment pas, une fois l’accusation faite, certains des accusés de revendiquer alors la position de rupture qu’on leur attribue, en même temps d’ailleurs que le nom […] Mais se revendiquant dès lors comme tels, les « hérétiques » tendent alors à justifier rétrospectivement leur qualification comme tels par le clergé, c’est-à-dire à masquer aux yeux de l’historien tout le travail social qui a abouti à l’invention de l’hérétique.

(Morsel 2004, 164)

Cette dernière expression est une référence directe à l’ouvrage issu des recherches menées par Monique Zerner sur les liens entre hérésie, stratégies d’écriture et institution ecclésiale. S’interroger sur l’invention de l’hérésie invite à un changement de perspective puisqu’il s’agit de « considérer les sources dans la logique de leur production » afin de mettre au jour les « manipulations des textes par l’institution ecclésiastique » (Zerner 1998, 8-9). Ici encore, la notion de discours constitue un levier heuristique fondamental.

En faisant apparaître le catharisme comme une « construction discursive particulièrement équivoque », un certain nombre d’ana- lyses aboutit à la « désacralisation du “phénomène hérétique” mais aussi des mécanismes mentaux et des méthodes mis en place pour le combattre » (Jiménez-Sanchez 2008, 47 et 46). Ainsi que le fait observer Monique Zerner, si l’« opacité de l’hérésie » reste grande, c’est parce que « tout point de vue sur l’hérésie est faussé par le fait que les énoncés viennent, sauf très rare exception, de l’Église, à la fois juge et partie, elle-même emportée par le mouvement général de l’histoire » (Zerner 1999, 480).

Pour expliquer cette « opacité », une seconde raison doit être avancée : si « l’évolution de l’institution ecclésiale signifiait réforme de l’Église », une question se pose : « où finissait la réforme, où commençait l’hérésie ? » (Ibid.). Ce problème est aujourd’hui devenu central : après avoir émergé dans les débats scientifiques « comme une réponse à une historiographie plus ancienne expliquant la naissance de l’hérésie au xiie siècle à partir de résurgences doctrinales », le couple hérésie et réforme forme désormais « le fil conducteur de nombreuses recherches sur la dissidence » (Brunn 2006, 33).

La chronologie relative qu’il convient d’établir entre les deux grandes crises religieuses de l’époque, la réforme grégorienne et

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la croisade albigeoise, est à cet égard, particulièrement éclairante : entre 1050 et 1120, l’hérésie s’estompe alors que se développe le mouvement grégorien : « Ce dernier s’appuie sur tous les groupes de réformateurs, les englobe, ne les rejette pas explicitement » (Dalarun 1999, 226). Cependant, comme le rappelle Jacques Dalarun, « une fois la réforme établie, institutionnalisée, quand elle a triomphé du point de vue de ses promoteurs essentiels, la contestation évangélique paraît à ceux-ci désormais sans objet.

Cessant d’être constructive, elle devient même pernicieuse, se trouve rejetée du côté de l’hérésie et définie comme telle » (ibid.). Il convient donc de distinguer trois phases : 1. « Le frémissement de l’hérésie précède la réforme ecclésiastique » ; 2. « La réforme rejoint et englobe les mouvements dissidents » ; 3. « La contestation ne s’arrête pas à temps au regard de l’Église et verse dans la dissidence » (ibid., 229).

Une telle chronologie n’a pas suffi à éteindre les débats quant à l’interprétation à donner au phénomène hérétique, ce qui permet à Patrick Henriet de distinguer encore « deux tendances au sein de l’historiographie contemporaine » :

Pour les uns, l’hérésie des xie et xiie siècles est une sorte de courant réformateur non assimilable par l’Église mais qui n’est pas moins chrétien que les discours prononcés à l’intérieur de cette dernière. Pour les autres, moins nombreux aujourd’hui, l’hérésie met suffisamment l’accent sur une perception dualiste du monde, perception qui la conduit à rejeter radicalement la chair et plus généralement toute forme de matérialisation du sacré, pour qu’il soit nécessaire d’établir une différence de nature et non de degré entre hérétiques et réformateurs intra ecclésiaux.

(Henriet 2010, 90)

Au sein de l’historiographie contemporaine, précisons que les chercheurs anglo-saxons se distinguent en abordant la question du discours hérétique sous l’angle des relations complexes entre literacy et illiteracy, entre l’écrit et l’oralité. En analysant les rapports que les nouveaux hérétiques du début du xie siècle entretiennent avec la tradition écrite, Brian Stock fait émerger la notion de communauté textuelle pour désigner « ces sociétés orales dont les références deviennent écrites et que guettent les glissements hérétiques » (Zerner 1998, 9).

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Au sein de ces travaux, la notion de discours joue donc un rôle considérable. Elle a le mérite de rappeler que, loin de ménager un accès direct au réel, les textes que nous lisons sont d’abord des produits de la pensée et du langage. Si les mots ne reflètent pas des réalités, ils ne reflètent pas non plus des idées. Rompant avec la perspective essentialiste propre à l’approche tradition- nelle de l’hérésie, le concept de discours invite à entrer dans une démarche « constructiviste » et à considérer les énoncés comme le fruit d’une production idéologique. Quel parti l’analyse des Hauts Livres du Graal peut-elle tirer des apports fournis par cette nouvelle historiographie ?

3.2. Fraternité de la Table Ronde et communauté de salut

Dans un développement intitulé « L’échec de l’appropriation laïque de Dieu », Joseph Morsel (2004, 160-167) s’intéresse aux tentatives menées par l’aristocratie laïque pour détourner et annexer la définition des rapports des hommes à Dieu. Après avoir évoqué le vocabulaire de la seigneurie, il analyse les romans du Graal comme « une substitution manquée (être chevalier à la place du clerc) » (2004, 162) puis il consacre quelques pages à une

« condamnation hérétique » qui représenterait l’aspect social de l’échec subi par les laïcs. Que ces deux derniers dossiers puissent être rapprochés n’est pas sans intérêt. Telle est assurément la raison profonde pour laquelle il est possible de parler d’hérésie à propos du Graal. Au-delà de l’identification de ferments hétérodoxes dans les textes littéraires ou de l’application du terme d’hérésie au statut socio-historique de la littérature des xiie et xiiie siècles, la mise en œuvre d’un « défi laïque » commun permet de concevoir la littérature du Graal et la condamnation hérétique comme les deux faces d’une même réalité.

Comment les Hauts Livres du Graal ont-ils tenté de relever ce défi ? Dans les limites de cet article, je me bornerai à suggérer quelques pistes. Après avoir considéré de près l’acquiescement et l’écart distinctif, les deux premiers rouages sur lesquels repose le mécanisme qui associe en contrepoint discours laïque et discours ecclésiastique, je m’intéresserai à la surenchère, qui constitue le troisième ressort distingué par Anita Guerreau-Jalabert 28.

28. Les lignes suivantes reprennent certaines des analyses présentées dans Andrieu et Valette (2014).

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1. — Dans les Hauts Livres du Graal, la forme que revêt l’acquies- cement est celle qui place moines, clercs et laïcs « au carrefour de la vie évangélique » (Chenu 1957, chap. 10). Comme l’a montré Marie-Dominique Chenu, le « réveil évangélique » prend naissance dans les milieux monastiques au début du xiie siècle et connaît, grâce aux laïcs, un important développement à la fin de ce même siècle. Si la conception de la vie monastique comme réalisation de la « vie apostolique », c’est-à-dire comme imitation de la vie menée par les apôtres eux-mêmes, est un thème tradi- tionnel, l’équation vita apostolica = vita communis se trouve parti- culièrement mise en relief par le contexte de la Réforme : « tous les thèmes de l’ascèse traditionnelle : pauvreté du vêtement, de la nourriture, de l’habillement, modestie des mœurs, support fraternel, pénitence du travail manuel, etc. prennent figure renouvelée» (Chenu 1957, 228). Telle est la manière dont il est possible de lire le Roman de l’Estoire dou Graal, construit autour de la figure de Joseph d’Arimathie 29. Telle est également la façon dont il faut comprendre la Queste del Saint Graal, élaborée à partir de d’un Galaad conçu à l’image du Christ. Aux deux extrémités du cycle du Lancelot-Graal, entre l’Estoire del Saint Graal (étroi- tement dépendante de l’œuvre de Robert de Boron) et la Queste, la petite troupe qui marche dans le désert sous la conduite de Joseph a fait place à la fraternité d’une Table Ronde dont Galaad est présenté comme le « seignor et […] mestre » (p. 23, l. 13-14), mais le même esprit évangélique prévaut.

2. Qu’il s’agisse de Joseph d’Arimathie ou de Galaad, la construction de l’écart distinctif repose, on l’a vu, sur la réaffirmation de leur statut de chevalier.

3. La surenchère, quant à elle, consiste à ériger une véritable exemplarité, un modèle d’héroïsme laïque autour de la figure du chevalier et, en particulier, du chevalier célestiel. À la faveur d’un double processus de spiritualisation et de décléricalisation, la chevalerie de la Table Ronde s’accomplit en se constituant en une communauté de salut 30. Il serait intéressant, à cet égard,

29. Voir Payen (1967), qui évoque à propos de ce roman « la simplicité évangélique d’une communauté primitive » (p. 406).

30. J’emprunte cette notion à Patrick Henriet, qui oppose une conception verticale de la sainteté, reposant sur un ordo, à une « logique horizontale », où

« l’appartenance à tel ou tel ordo, le sexe, l’origine géographique ou sociale, tout cela n’a en définitive aucune importance. C’est la notion de communauté de salut

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d’étudier la manière dont la Table Ronde, inventée par Wace et vulgarisée par Chrétien de Troyes, entre dans un tel processus, d’analyser la façon dont elle est associée — « en semblance et en remembrance 31 » — à deux autres tables, la Table de la Cène et la Table du Graal, d’examiner, enfin, l’ordre dans lequel les trois Tables se succèdent : Table de la Cène – Table Ronde – Table du Graal (chez Robert de Boron) ou Table de la Cène – Table du Graal – Table Ronde (dans la Queste del Saint Graal). Je me contenterai de souligner l’importance que la Queste accorde à la Table Ronde, ce dont témoigne un autre passage du roman, qui en livre la senefiance :

Car en ce qu’ele est apelee Table Reonde est entendue la reondece del monde et la circonstance des planètes et des elemenz el firmament ; et es circonstances dou firmament voit len les estoiles et mainte autre chose ; dont len puet dire que en la Table Reonde est li mondes senefiez a droit 32.

Comme l’a suggéré Alexandre Micha, l’auteur de la Queste s’est peut-être souvenu d’un passage du Tristan de Béroul qui évoque « la Table Reonde / Qui tournoie come le monde / Sa mesnie sit environ 33 ». Rapprochant les deux passages, le critique note à propos de la Table Ronde : « Le rapport est de nouveau établi entre elle et le système de l’univers. Elle est le centre d’une confrérie mi-laïque, mi-religieuse, qui réunit une nouvelle chevalerie célestielle » (Micha 1996, 394).

Afin d’explorer la « symbiose spirituelle de la religion et de la chevalerie 34 » sur laquelle reposent les Hauts Livres du Graal, la recherche a souvent fait appel à la notion d’hérésie. Si l’analyse inspirée de l’histoire des idées a reconnu dans les textes des traces d’hétérodoxie aussi bien que d’orthodoxie, l’attention prêtée à l’écriture a permis de surmonter cette aporie en « littéralisant »

qui structure l’Église. Mieux, l’une en vient à se confondre avec l’autre » (Henriet 2002, 130). L’historien précise qu’une telle notion rejoint en bonne partie celle de

« communauté textuelle ».

31. La Queste del Saint Graal, éd. Albert Pauphilet, Paris, Champion, 1923, p. 74, l. 33-34.

32. Ibid., p. 76, l. 24 sq.

33. Béroul, Tristan, v. 3378-80 (éd. Ernest Muret), cité par Micha (1996), p. 393.

Voir aussi Micha (1956).

34. Je cite pour la dernière fois cette formule que Jean Frappier applique spécialement à la Queste del Saint Graal.

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l’hérésie et en dégageant le concept d’hérésie littéraire. Comme on l’a vu dans un deuxième temps, seule une approche contex- tualisée de la littérature courtoise permet de soutenir un tel concept et de lui donner pleine valeur. Échappant à l’histoire des idées, l’hérésie est dès lors appréhendée comme un fait propre à rendre compte du statut socio-historique des Hauts Livres du Graal au début du xiiie siècle. Il restait encore à franchir un pas.

La notion de discours, essentielle à la redéfinition moderne de l’hérésie comme formation langagière cléricale, invite, en effet, à analyser les romans de la Table Ronde en termes de communauté textuelle et à préciser la nature du « défi laïque » dont ceux-ci sont porteurs.

Une interrogation demeure : si le Graal peut être rattaché à l’hérésie pour les trois raisons que nous venons de rappeler et, en particulier, si l’hérésie est « d’abord dans le regard des clercs » (Morsel 2004, 164), comment expliquer le silence de l’Église à l’égard du Graal alors même qu’elle menait une action très vigou- reuse à l’encontre de ceux qu’elle désignait comme hérétiques ? La réponse à cette question est précisément liée au caractère « litté- raire », c’est-à-dire en l’occurrence fictionnel, que revêt l’« hérésie » du Graal. En tournant le dos au régime de la vérédiction 35, les romans du Graal appartiennent à ces nugae qui enchantent leurs lecteurs parce qu’elles les entraînent dans l’imaginaire. Telle est bien la piste sur laquelle semble nous entraîner Jean Bodel quand il présente les romans bretons comme « vains et plaisants », aussi éloignés que possible d’une vérité qui est l’apanage de la matière de France et, à un moindre degré, de la matière de Rome.

Une telle « vanité plaisante » ne saurait pourtant renvoyer à un « imaginaire pur », décontextualisé, dégagé des enjeux sociaux et historiques. Sinon, comment comprendre le lien qui unit littérature et hérésie ? Relevant non de l’idéal (au sens où

35. « Autant l’Église ne paraît pas avoir réagi activement face à des constructions fictionnelles, d’autant qu’elles se moulaient dans des cadres idéologiques en place (fût-ce en les inversant symboliquement), autant on peut observer son intervention vigoureuse dès lors que de tels schémas alternatifs étaient mis en pratique (par exemple le tournoi) ou abandonnaient le terrain de la fiction pour celui de la vérédiction : dans ce dernier cas, toute énonciation d’une vérité (concernant nécessairement les intentions divines) en dehors de ces cadres définis et garantis par la théologie et le droit canonique étaient désignés comme “hérésie”. ». (Morsel 2004, 160)

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l’on comprend aujourd’hui cette notion diffuse) mais de l’idéel 36, les Hauts Livres du Graal constituent un lieu fictionnel où un groupe social fait entendre sa voix, met en scène et résout dans l’imaginaire, grâce à l’utopie littéraire 37, un certain nombre de tensions. Pour toutes ces raisons, l’hérésie apparaît, aux xiie et au xiiie siècles, comme l’un des paradigmes propres à définir le statut complexe du texte littéraire. Par la suite, les chemins de la littérature et de l’hérésie se sépareront et il faudra inventer d’autres modèles pour tenter de répondre à l’inlassable question :

« Qu’est-ce que la littérature ? ».

Jean-René Valette

Sorbonne Université – Faculté des Lettres (EA 4349, Étude et édition de textes médiévaux)

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36. À la suite d’Anita Guerreau-Jalabert, j’emprunte cette notion à Maurice Godelier (1984), qui évoque les « réalités idéelles » que nous livre la littérature.

37. Le terme d’utopie est ici employé au sens que lui a donné Paul Ricœur pour qui, « l’utopie a le pouvoir fictionnel de redécrire la vie ». C’est pourquoi

« l’élément utopique a toujours fait bouger l’élément idéologique » (Ricœur 2005, 406 et 411).

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