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ÉTUDE ORIGINALE

Les directives anticipées dans la relation entre proches et soignants : le cas suisse

Advance directives in the relationship between relatives and caregivers: The Swiss case

KarineDarbellay

Karine Darbellay

, Peter Voll

Hauteécoledetravailsocial,HES-SOValais/Wallis,routedelaPlaine2,3960Sierre,Suisse Received4December2018;receivedinrevisedform4March2019;accepted7April2019

MOTSCLÉS Findevie;

Directivesanticipées;

Décision;

Patient;

Proches;

Soignants

Résumé

Objectif.—Danslalégislationsuisse,lesdirectivesanticipéessontconc¸uescommeinstrument permettantaufuturpatientdefairerespectersavolontéparrapportàdepotentielstraitements médicaux.Commentetavecquelseffetscesdirectivesanticipéessont-ellesperc¸uesetutilisées danslapratiqueparlesacteursquientourentlepatientdanslessituationsdefindevieen établissementmédicosocialetàdomicile?Desentretienscollectifsontétémenésdanstrois régionslinguistiquesdelaSuisseavecdesmédecins(12),desinfirmiers(11)etdesproches(six ettroisentretiens).

Résultats.—Uneanalysedecontenumontre quelesdirectivesanticipéessontsouventutil- iséescommelevierpermettantl’ouvertured’undialoguesurlafindeviedansuneperspective d’autodétermination dupatient.Leurmise enœuvreparcontreestdifficile danslessitua- tionsàdomicilecarlesprochesportentlaresponsabilitédeleurapplicationalorsqu’ellel’est moinsenétablissementmédicosocialoùlaprésencedessoignantsrendlaprisededécisionplus diffuse.Ainsi,lepoidsdel’autodéterminationdupatientquelelégislateurconcevaitêtreen prioritévis-à-visdupouvoirmédicalestprincipalementportéparlesprochesetlessoignants.

Conclusion.—Desaméliorationsdansl’informationetlacommunicationentrelesacteurs,des pistesd’actionproposéesparnosinterviewés,nesuffisentpas.Uneréflexionplusglobalesurla manièredontcesdirectivess’implémententdanslessituationsdefindevietendentàmontrer quelesrésultatsescomptésparlelégislateur,soituneaméliorationdel’autodéterminationdu patient,nesontpasatteints.

©2019TheAuthors.PublishedbyElsevierMassonSAS.Thisisanopenaccessarticleunderthe CCBY-NC-NDlicense(http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/).

Auteurcorrespondant.

E-mailaddresses:karine.darbellay@hevs.ch(K.Darbellay),peter.voll@hevs.ch(P.Voll).

https://doi.org/10.1016/j.medpal.2019.04.003

1636-6522/©2019LesAuteurs.Publi´eparElsevierMassonSAS.Cetarticleestpubli´eenOpenAccesssouslicenceCCBY-NC-ND(http://

creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/).

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Please cite this article in press as: Darbellay K, Voll P. Les directives anticipées dans la relation entre proches KEYWORDS

Endoflife;

Advancedirectives;

Decision-making;

Patient;

Relatives;

Caregivers

Summary InSwisslegislation,advancedirectivesaredesignedasaninstrumentenablingthe futurepatienttostatehiswillwithrespecttopotentialmedicaltreatmentsinsituationswhere heisnolongercapableofdiscernment.Howandwithwhateffectsaretheseadvancedirectives perceivedandusedinpracticebytheactorsinchargeofthepatientinend-of-lifesituations innursinghomeandathome?Collectiveinterviewswereconductedinthreelinguisticregions ofSwitzerlandwithdoctors(12),nurses(11)andrelatives(sixandthreeinterviews).

Results.—Acontentanalysisshowsthatadvancedirectivesareoftenusedasalevertoopena dialogueontheendoflifefromapatient’sself-determinationperspective.Inhomesituations, howevertheirimplementationisdifficultbecauserelativesareresponsiblefortheirapplication.

Innursinghome,tothecontrary,thepresenceofmultiplecaregiversblursresponsibilityand thusfacilitatesdecision-making.Inbothcontexts,theburdenofpatientself-determination, whichthelegislatorintendedtobeleveragainstmedicalpower,weighsmainlyonrelativesand caregivers.

Conclusion.—Improvementsininformationandcommunicationbetween theactors,aswell as action plans proposed by our interviewees, are not enough. A more global reflection on how these directives are implemented in end-of-life situations tends to show that the resultsexpectedbythelegislator,i.e.animprovementinpatientself-determination,maynot achieved.

©2019TheAuthors.PublishedbyElsevierMassonSAS.Thisisanopenaccessarticleunderthe CCBY-NC-NDlicense(http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/).

Introduction

Lerespect del’autonomieetde lavolonté dupatient en situation de fin de vie est une valeur qui fait largement consensusenSuissecommeailleurs.Dès lesannées1970, l’opinionpublique interrogele traitement despatients en phase terminale dans les services de soins intensifs. Dès ces années (en 1976 puis en 1981), des organismes liés à la corporation des médecins (Académie suisse de sci- ences médicales, fédération des médecinssuisses) et des organisations d’assistance émettent des textes discutant des enjeux autour des directives anticipées et proposent desdocuments adhoc [1]quisont mêmes intégrésàcer- tainesloiscantonalessurlasanté[2].Maiscen’estqu’en 2013, que les directives anticipées ont obtenu le statut d’un instrumentlégal au niveaunational. Enintroduisant lesdirectives anticipéescommeinstrument légalpermet- tant à un individu de disposer de son traitement en cas de perte de la capacité de discernement et/ou de nom- merunreprésentantpourcecas,larévisiondelatroisième partie du Code civil suisse(art. 360ss. CC) concernantla protectiondesadultesremplac¸aitlesrégulationscantonales variéesliées à des pratiqueségalement diverses[1,3—6].

Lesdirectivessontconstituéesenlaformeécrite,lesseules exigences formelles étant la datation et la signaturepar la main de la personne auteure et concernée des direc- tives(Art. 371 al. 1 CC). Il est donc tout à fait possible etlégalement admis designer un formulaire proposé par unmédecin, une association ouune institution pour don- nerses directives,mais égalementdeformuler librement sesdispositions.Danslaréalité,ontrouveainsiunemulti- tudedeformes,mêmesdansdescontextesinstitutionnels, enpartantd’undocumentàcasesàcocherjusqu’audocu- mentformuléentièrementparsonauteurenpassantparde nombreusesformesmixtes[7].

Les directives peuvent être modifiées ou révoquées à toutmomentpourautantque lepatientsoitpourvu desa capacitédediscernement(art.371al.3CC).D’unpointde vuejuridique,lacapacité dediscernementestune notion binaire,danslesensqu’ilnepeutêtrequestiond’êtreplus oumoins capable dediscernement. Elle estcomposée de deuxéléments(art.16CC)quisont,d’unepart,lacapac- ité de seformer un avis(compréhension dela situation), etd’autrepart,delacapacitédesecomporterconformé- ment àsapropre volontéen résistant àdes influenceset manipulationsexternes[5].C’estaumomentoùlepatient nedisposeplusdecesdeuxcompétencesquelesdirectives entrentenvigueur.

Lesdirectivess’adressentau médecinquiestobligéde lesrespecter«saufsiellesviolentdesdispositionslégales, ousidesdoutessérieuxlaissentsupposerqu’ellesnesont pasl’expressiondesalibrevolontéouqu’ellesnecorrespon- dentpasàsavolontéprésuméedanslasituationdonnée» (art.372al.2CC).

Comme le laissent apparaître ces dispositions légales, les directives reposent sur deux appréciations à tempo- ralité différente : d’une part, celle du futur patient qui anticipedesfuturessituationsetsesdésirsdanscettesitu- ation, etd’autrepart, celle du médecin surl’adéquation des directives à la situation une fois celle-ci arrivée et sur la volonté actuelle du patient une fois que celui-ci ne peut plus s’exprimer. Si la première appréciation est orientée vers le futur, la deuxième concerne le présent (la situation)etle passé(la volontéprésumée dupatient capable de discernement).Ensemble, ces deux apprécia- tions provoquent des ambiguïtés souvent constatées dans l’utilisation des directives anticipées dans la pratique médicale[8].

Par ces ambiguïtés, les directives anticipées, tout en étantlégalementconc¸uescommeinstrumentpourlefutur

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Please cite this article in press as: Darbellay K, Voll P. Les directives anticipées dans la relation entre proches patient, ouvrent un espace d’action pour les person-

nes autour de celui-ci une fois la situation arrivée. En effet,quandcedernierperdlacapacitédediscernement, son instrument légal devient un instrument et un enjeu d’interprétation pour les autres. Comment et avec quels effetscetinstrumentlégalest-ilperc¸uetutilisédanslapra- tiqueetparlesdifférentsacteursquientourentlepatient? Etcommentlasituationconditionne-t-ellesonutilisation? Dans la présente étude,nous nous intéressons à la situa- tionà domicile et àcelle en établissement médicosocial, c’est-à-direàdeux situationstypiquementgérées pardes médecinsgénéralistes (dits des «médecins defamille »).

Lesdeuxsituations ontceci en commun,qu’ellesnesont pashautementmédicalisées,maisquelerecoursàl’hôpital etmêmeàdessoinsmédicauxdepointeestdansl’horizon despossibles.Ellessedistinguententreellesparlaprésence enpermanence(ounon)depersonnelinfirmeretparlerôle etl’importancedesprochesdanslessoins.Comment,dans cescontextesrelativementpeuformalisésethiérarchisés, lesdirectivesanticipéessont-ellesinterprétéesetmisesen œuvreparlesacteursautourdupatientaumomentoùon n’attribuepluslacapacitédediscernementàcedernieret oùlesdirectivessontcenséesparleràsaplace?

Une approche théorique par les acteurs La complexité des situations de fin de vie

Pour comprendre comment les directives anticipées sont perc¸ues et utilisées par lesacteurs entourant le patient, nous adoptons une approche interactionniste, basée sur l’hypothèse quel’interprétation dela réalitéeta fortiori le sens d’une action sur elle sont produits eninteraction etdonc sujets àune constante négociation entreacteurs [9].NotammentGlaseretStrauss ontmontrécommentle

«contexte dela consciencedela mort»est socialement construitetsuitunedynamiquesystémiqueoùlamodifica- tiond’unélémententraîneunchangementdanslamanière dontlepatient,lesprochesouencorelessoignantsvivent cetteconsciencedelamort[10].Danscecontexte,lestatut mêmedepatientcommepersonnecapabledediscernement etsavolontéprésomptiveaumomentoùcettecapacitélui estdéniéedeviennentunenjeupourlesautresacteurs.Dans unemême perspectiveinteractionniste,Goodwin amis le focus sur lesdécisions médicales et montréqu’elles sont moins le fait d’une pensée indépendanteet d’une action individuelle quele fait d’instancesresponsables multiples [11].Celles-cisontconstituéesparautantd’acteursdirects (patients,proches,médecins,infirmiersetautrepersonnel de soins à domicile oudans les institutions) que par des acteursindirectsdontlesnormesprofessionnellesetlégales etenparticulierlesdirectivesanticipéesfontpartie.Même silesmédecinsdefamillejouenttoujoursunrôleimportant dans la fin de vie [12—15],la reconnaissance duprincipe d’autodétermination du patient tendrait, au moins d’un pointdevuelégal,àconcentrerlaresponsabilitédesdéci- sionsversl’acteurquiestaucentredel’accompagnement, lepatient.Cemouvementdeconcentrationestcontrebal- ancéparunmouvementdediffusiondécisionnelleentreles acteurseninteraction,lesprochesetlessoignants,comme nouslemontreronsci-après.

La rareté de l’élaboration des directives anticipées

Quece soitdu point devue du patientoudes soignants, de multiples facteurs interviennent dans la systémique des situations de fin de vie pour expliquer la rareté de l’élaboration des directives anticipées. Ces facteurs se situentautantauniveauindividuel(p.ex. desfacteursliés au sexe, à l’âge, à la formation ou à l’état de santé) querelationnel(situationethistoirefamiliale ouledegré d’insertion sociale) [16]. Les personnes de sexe féminin d’âge moyen à âgé avec un haut niveau d’éducation et quientretiennentunerelationcontinueetdelonguedurée avec un médecin de famille sont plus enclines à rem- plirdesdirectivesanticipées.Lefaitque lesfemmes sont généralementdesprochesaidantesaucoursdeleurviepeut expliquerqu’ellesamorcent unprocessusde réflexionsur la manière dont elles conc¸oivent leur fin de vie, le haut niveaud’éducation sembleun atout pour comprendre les enjeuxetla signification des directivesainsiqu’une rela- tionétroiteetfréquenteaveclemédecindefamille.Ainsi peuvent-elles adhérer plus volontiers à des valeurs rele- vantdel’autonomietellesquepenséesdans lesdirectives anticipées[13].Mais au-delà deces éléments, ilest con- staté que même s’il y a un intérêt à planifier la fin de viesous la forme d’unprojet desoins anticipés (advance careplanning)1[17—19],celasefaitpeuetl’élaborationde directivesanticipéesestencore plusrarequelaplanifica- tiondelafindevie,enSuisseainsiquedansd’autrespays européens[2,12,20]2.

Lessoignantsconsultésdanslesétudescitées,médecins etinfirmiers,évoquentdesélémentsquisontdesindicateurs deleurrapportàlamortàlaquellelesdirectivesrenvoient, unrapportquirestedifficilechezcertains[21].Parfoisils perc¸oiventqueleurprofessionmanquedesensibilisationà cetteproblématique[22,23].Lescirconstancesdelamise enœuvredesdirectivesconstituentégalementdeséléments évoquéspourexpliquerlefaibletauxdedirectivesconcrète- mentélaborées:l’incertitudeinhérenteàcessituationspar rapportaupronosticetauxeffetsdetraitementengénéral etàlavolontédupatientenpertedediscernementenpar- ticulier[12], le temps limité de la consultation médicale [12,24]etlefaitqueleprocessussocialdecommunication duréseauconstituéparlepatient,safamilleetlereprésen- tantthérapeutiqueestplusimportantquelanatureformelle (écrite)de cette planification qui est vue comme inutile [12].Enoutre,lessoignantsestimentquelespatientssont aprioripeu enclinsàremplir lesdirectivesanticipées.Ils

1L’Advancecare planning(ACP)est unemesurequifaitpartie intégrantedelastratégie«Santé2020»delaConfédérationsuisse souslarubriquedes«Soinscoordonnés».L’ACPestcompriscomme unprojet desoinsanticipé notammentles optionsdetraite- mentsetlesélémentsdesvaleurs,descroyancesetdesobjectifs desoinssontévoquésaveclepatientsanspourautantdéboucher surlarédactiondedirectivesanticipées.

2Relevonsladifficultéd’effectuerdesstatistiquescomparatives en matière de formulaires relevant peu ou prou de directives anticipéescarles formessont trèsvariées commel’ontmontré Kunz,etal.(2015)surl’utilisationdesdirectivesanticipéesausein desétablissementsmédico-sociauxàGenève.

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Please cite this article in press as: Darbellay K, Voll P. Les directives anticipées dans la relation entre proches évoquentladifficultéàaborderlafin devievoire ledéni

delamortpourleurpatientetuneespéranceirréalistede l’efficacitédestraitements.Lescirconstancesdelamiseen œuvredesdirectivessont égalementévoquées:le déficit d’informationsurleursdroitsetpourcertainsl’impossibilité d’identifierunepersonnedeconfiance(notammentpourdes raisonsdeloyautéauseindelafamille)expliquentqu’ilsse saisissenttrès peudecet instrumentd’autodétermination [21].

Les proches et leur implication dans différentes situations

Dans notre étude, nous mettons une double focale sur l’élaboration et sur la mise en œuvre des directives anticipées dans l’interaction avec le patient (ou son représentant),lesprochesetlesprofessionnelsdessoinsen distinguantdeux situations, le contexte institutionneldes établissementsmédicosociauxetlasituationàdomicile.

Nous entendons par proches les membres de la famille ainsi que les connaissances particulièrement impliquéesdanslesdécisions[25,26].Leurrôle,leurdegré d’implication et donc leur poids (comme le poids corre- spondant des professionnels soignants) varient fortement d’un contexte à l’autre. Dans les situations à domicile, Jaquieretal.ontmontrédans lecontextesuisse,que les proches remplissent le rôle de principal accompagnateur dupatientou deco-accompagnateuravecles soignantsà domicile quand la situation est qualifiée de particulière- mentcomplexe[27].Eneffet,lesprochesaidantsdoivent coordonner un nombre considérable d’acteurs allant de l’assistant social, aux amis, aux bénévoles ouencore aux contactsavecleshôpitaux[27].Danslessituationseninsti- tution en revanche, dans notre étude en établissement médicosocial,lepersonnelestlégitimépourconduirelepro- cessus[28],lesprochesformentuneentitéaveclepatient dans le sens où ils subissent l’épreuve en même temps.

Pourlepersonnelsoignant,ilsconstituentainsiàlafoisune ressourcequiinformepourlaprisededécisionetunecharge entantquepersonnesnécessitantunaccompagnement[28].

Partant du constat que la fin de vie est coconstruite dans un espace d’action faisant intervenir une multitude d’acteurs,nousvoulonscomprendrecommentetavecquels effets les directives anticipées sont perc¸ues et utilisées parlesmédecins,lesinfirmiersetlesprochesentourantle patientetcommentlecontexte(àdomicileouenétablisse- mentmédicosocial)influencel’utilisationdecesdirectives anticipées.

Méthodologie

Afin de comprendre les enjeux dans le processus d’élaborationetd’implémentationdesdirectivesanticipées dansletrianglepatient—proches—personnelsoignant,nous avonsprocédéàuneétudequalitativedanstroisrégionsde laSuissequisedistinguent parlalangueetlecadrelégal et institutionnel en matière de soins palliatifs. Il s’agit des cantons de Vaudpour la partie francophone (VD),de Lucerne pour la région germanophone (LU) et du Tessin pour le côtéitalophone (TI). Ces régions ontété choisies car elles présentent divers degrés de développement des

politiques ensoins palliatifs en Suisse,de laplus aboutie avecleTessinàlamoinsdéveloppéeavecLucerne[29]3.

Notre but étant de recueillir des « significations partagées »deprofessionnels soignantsetde prochessur la manière de gérer la fin de vie dans les situations où le suivi à domicile est attesté, nous avonsprocédé à des entretiens collectifs de groupes « partageant une expéri- enceouuneidentitécommune(...)afind’accéderausens commun,aux modèlesculturelsetauxnormes»[30—32].

Composés de huit à dix participants chacun, nous avons mené 12 entretiens collectifs avec des médecins (91), 11avecdesinfirmiers(72)etsixavecdesproches4(Fig.1).

Pour ces derniers, il n’a pas été possible d’organiser des entretiens collectifs dans la partie francophone pour des raisonsdedisponibilitédesgroupesdeprochesdelarégion déjàsollicitéspard’autreséquipesduProgrammenational de recherche 67 « End of life » auquelnous participions et nous avons opté pour des entretiens individuels semi- directifs dont le recrutement s’est effectué par voie de presse (3). La grille de questions pour les professionnels traitait dela prise dedécision, durôle des normeseten particulier desdirectives anticipées,desrelations avecle patientetsesproches,desvaleursetattitudes,delacollab- oration interprofessionnelle, des contextes professionnels (enétablissementmédicosocialouàdomicile)ainsiquede leursbesoins.Nousavonscependantpermisauxgroupesde déterminerl’espacedonnéauxdifférentesquestionsetde déployerainsileurpropre«systèmedepertinences»[33].

Pourlesproches,nousavonsadaptécettegrillequireprend laprisededécision,lerôledesdirectivesanticipées,leur relationaveclepatientetlesautresproches,leursvaleurs etattitudes,leurcollaborationavecle personnelsoignant ainsiquelecontextedanslequels’estdéroulélafindevie.

Les propos récoltés ont été entièrement retranscrits et nous avons effectué une analyse de contenu théma- tique [34,35] à l’aide du logiciel Atlas.ti. Pour terminer, nous avonseffectué,danschaque régionlinguistique,une présentation de nos résultats auprès des personnes inter- viewéesafind’obtenirunretourdespersonnesconcernées sur nos interprétationsethypothèses explicativesdans le butdevalideretclarifiernos résultats.Commelemontre lenombredepersonnesparticipantes,lapartdesdiscours récoltés provenant des soignants (médecins et infirmiers) est prédominante par rapport à celle des proches.Ainsi, nos résultats représentent demanière plus prononcée les discoursdessoignantssureux-mêmesainsiquelamanière dontilspensentetinterprètentlamanièredontlesproches gèrentlessituationsdefindevie.

3Cettediversitécantonaleconstitueunevariableindépendante utilisée pour l’échantillonnage dans le cadre d’un projet de rechercheàplusieursvolets.Siellepermetdemettreenexergue des différences entre cantons, elle ne constitue pas une vari- ableexplicativeenmatièred’utilisationdesdirectivesanticipées commenousleverronsplustard.

4Pour lerecrutement, nous avons utilisé lesséances des cer- clesdequalitépourlesmédecins(groupesdeformationcontinue), lescolloquesinstitutionnelspourlesinfirmiersetdesgroupesde parolespourlesproches.

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Please cite this article in press as: Darbellay K, Voll P. Les directives anticipées dans la relation entre proches Figure1. Conceptionméthodologique.

Methodologicaldesign.

Résultats

Notreproposmetenévidencelamanièredontlesdirectives anticipéessontconstruites, interprétéesetréinterprétées parles acteurs. Lesdonnéess’articulent autourdes deux axes. Premièrement, nous évoquons les situations où les directives sont présentées comme un levier, c’est-à-dire commeune opportunité facilitant l’autodétermination du patienteninteractionavecsesproches;etdeuxièmement, nousdécrivonslesdifficultésinhérentesàl’applicationdes directivesendistinguantlessituationsdefindevieàdomi- ciledecelleseninstitution(établissementsmédicosociaux) carlesconditionsdanscesdeuxespacesdiffèrentparrap- portauxacteursprésents(ounon)etàleursressources.Par conséquent,nouspouvonségalementattendredeslogiques d’actiondifférentes.

« Les lignes directrices de ses souhaits »

Un moment de mise en lumière des enjeux

Médecins et infirmiers s’accordent sur le fait que les directives anticipées augmentent l’autodéterminationdes patientsparcequ’ellespermettentàceux-cides’exprimer surlesmodalitésdeleurfindevie,«sesdésirs,jusqu’oùil aenviedesebattre,leslignesdirectricesdesessouhaits» (médecins,VD)5,et«deposeruncadredansleprocessus defindevie»(infirmiers,LU).Aumomentdeleurélabora- tion,ellesfontl’objetdediscussionentrelespatientsetles médecins.Cesderniers évoquentlefaitque lesdirectives ont permis d’aborder la fin devie en famille et,parfois, demettreàjourlesdésaccordsintrafamiliaux.Unmédecin évoquelasituationoùleformulairepermetàlapatientede rendreexpliciteunetensionavecsonfilsdontelleavaitde lapeineàformuler :«Onvoyaittrèsbienoùilsn’avaient

5Les citations des personnes interviewées sont référencées commesuit:l’identitédugroupeconcerné(médecins,infirmiers ouproches)suividelarégionconcernée(VD,LUouTI).

pas été d’accord, (...) eten fait c’est vrai qu’elle avait surtoutenviedepouvoirs’enallerrapidementettranquille- mentetsonfilsavaitmisunecroixjeveuxêtreréanimée» (médecins,VD).Lamiseenlumièrededésaccordsparles directivespermetd’ouvrirladiscussionsurlesmodalitésde lafindevieaveclafamilleencollaborationavecleperson- nelsoignant:«Onaorganiséunerencontrefamilialepour finalementvoircequifaisaitquelescochesn’étaientpas aumêmeendroitfinalement»(médecins,VD).

Nous voyons que les directives, au-delà de leur but déclarédepermettrel’autodéterminationdupatient,per- mettent d’ouvrir le dialogue en amont autant avec le personnel soignant que les proches et peuvent dans une certainemesureéviterl’exacerbationdesconflitsintrafa- miliaux.

Un outil pour les proches

La mise en œuvre des directives anticipées prend place, d’unpoint de vuelégal, dans le contexte d’une pertede discernement du patient. Nous relatons ici une situation qui montre que ces dernières peuvent être utilisées par lesproches lorsque le patient n’a plus la capacité à agir enfonctiondesaproprevolontécommelestipulelasec- ondeconditiondéterminantunepertedediscernementdu patient.

Danscettesituation,lasœur delapatiente,représen- tantthérapeutiquedecettedernière,invoquelesdirectives pours’opposeraurestedelafamilleafindefairerespecter lavolontédelapatiente qui«n’avaitplus l’énergiepour lesformuler »: «Lesdirectives ontaidé,quand ona dit dechoisirdessoinspalliatifs,lafamilleelleétaitassez... (...) elle ditoui maisy’aurait peut-être euquand même unesolutionousionessayaitpeut-êtreencoreunpeu(...) donc là, le choix, à un moment donné j’ai pu sortir les papiersetpisdirebenvoilà.C’est commec¸aetc’estpas autrementetc’estsonchoix»(proche,VD).Cettesituation illustre le poids dela mise en œuvre des directives pour lesreprésentants thérapeutiques,quecesoitvis-à-visdes autresproches dupatient commedans notre exemple ou

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Please cite this article in press as: Darbellay K, Voll P. Les directives anticipées dans la relation entre proches vis-à-visdessoignants,dontnoustrouvonsunexempledans

l’étudedeBrzaketal.[2]6.

Des familles démunies, des médecins qui pallient

Si les directives anticipées sont présentées comme une opportunitépourmettreenévidencelessouhaitsdupatient etcommeressourceàmobiliserdansladiscussionentreles personnesentourantcedernier,quelestleureffetréelsur lagestiondelafindevie?

Nousrelayonsiciquelquescasévoquésdanscesenspar lessoignantsaussibienquepardesproches,endistinguant lessituationsoùlepatientestàdomiciledessituationsoù cedernierrésideeninstitutionétantdonnéquelaconfigu- ration,lerôleetlepoidsdesacteursdiffèrentdanscesdeux situations.

Des familles présentes mais perc ¸ues comme démunies à domicile

«Laplupartdespersonnes maladesenfin deviedésirent finirleursjoursàdomicile,dansunenvironnementconnuet entourésdeleursproches»[22].Mêmesilesdirectivessont parfoispenséescommeunoutilpourréalisercedésir,elles nepeuventpastoujoursdéployerleurseffets.

Lesmédecinsévoquentlaméconnaissanceoulemanque d’informationsdes prochesdansl’accompagnementenfin devieàdomicilequiempêcheraientuneanticipationréal- istedes situations, descharges etdustress yliés: ilya

«desfamillesquiontenviequeleurprochemeureàlamai- son,simplement ellesne réalisent pastout à fait ce que c

¸a vaimpliquerpourelles,c’estvraiqu’elles nesontpas prêtes»(médecins,VD).Notonsparexemple,quelenombre limitédepersonnesressourcespeutdevenirunélémentcon- tribuantàladétresseduproche:«Toutàcoupilétaittrès faible,(...)c¸ajouaitplusdutoutetpisilgrelottait,moij’ai faitcenumérodel’oncologue, pourlui demanderqu’est- cequ’ilfautfaire(...)etpisy’apersonnequirépondait » (proche,VD).Lagestiondessituationsd’urgenceestsouvent évoquée,parlessoignantsmaiségalementparlesproches, commeélémentmettantenlumièrelesdifficultéspourles famillesderespecterlesdésirsdupatient:«Ilnevoulait pasalleràl’hôpitaletill’avaitaccepté(...)puisilaeuune ruptured’anévrisme,safemmen’a passupportéetellea appelél’ambulance»(médecins,LU).

Cessituationsillustrentladétressedesprochesàdomi- cileainsiqueles difficultésauxquelles ilssont confrontés quilesempêchentparfoisderespecterdesdirectivespour autantconnuesdetous:lafamille«s’estsentietropmal, sachantpourtantlesdésirsdupatientet...etayantoublié», alors « tout d’un coup [les familles] paniquent alors que toutsembleclair»et«lechâteau decartess’effondre » (médecins,VD). Cettemétaphore montrebien lamanière dontcesmédecinsperc¸oiventetsereprésententlafragilité

6L’étude de Brzak et al. relatait un différend entre l’épouse d’unpatientet lesmédecinsquis’est résoluparlaprésentation desdirectivesanticipées.Laprocheaconfiéauxauteurs:«C¸al’a sécuriséquejemepositionnepourlui[sonépoux].Iln’avaitplus laforcedesepositionner».

et la précarité du dispositifmis enplace parles proches à domicile :une illusion construite sur une surestimation deleurscompétencesetdontleprofessionnel-expertétait conscient dès le début. L’effondrement du « château de cartes »et letransfert du patienten hôpitalsignalent le retouràlarelationdepouvoirentreprochesetmédecinqui étaitmiseenquestionparlesdirectives.

Lorsquelesprochesnepeuventplusrespecterlesdésirs dupatient,laresponsabilitédurespectdelamiseenœuvre desdirectivesreposesurlessoignants.Unmédecinraconte que :«Moij’ai eudeux,trois situationsconflictuellesoù j’aihospitalisésouspressiondelafamille,lepatient,mais enexpliquantaux collèguesdel’hôpital,quec’était vrai- mentconfort»(médecins,VD).Nousconstatonsiciqueles médecinsdefamille mettentenplacedesstratégies pour faire respecter les désirs du patient en agissant « par la bande»,iciennégociantavecsespairsàl’hôpitalparexem- ple.Ainsilessoignantsendossentlaresponsabilitédelamise enœuvredesdirectivessansdevoiraffronterfrontalement lesproches.

Des familles moins présentes en établissement médicosocial

Alorsqu’àdomicilelesfamillessontdécritescommedému- nies dans l’accompagnement de la fin de vie, dans les situationsinstitutionnellespourpersonnesâgées,lesenjeux pour ces dernières se présentent différemment car les patientssontprisenchargeparlepersonnelsoignant.Les médecins remarquent qu’au sein de l’institution, le rap- portdeforceentrelepersonnelsoignantetlafamille«est plus facile ; parceque toi tu esmédecin d’EMS, tuas le personneld’EMS,toutlemondeestd’accordavecladéci- sion du patient, et puis vous ne perdez pas le contrôle, mêmesi lafamille [endécideautrement]...»(médecins, VD).Icilesmédecinsseposentcommegarantdesvolontés du patientdans un rapport de force avecles proches.Et c’estl’institutionquioffrelecadrepourgérercerapportà l’avantagedessoignants.

Malgré le fait que les familles sont entourées de pro- fessionnels pour gérer la fin de vie de leur proche, les directivespeuventdevenirunélémentdéstabilisateurpour celles-ci en particulier lorsque le patient reste à domi- cile.Quantauxsituationsenétablissementsmédico-sociaux où la fin de vie est prise en charge par l’institution, les famillessontprésentées,parlessoignants,parfoiscomme desforcesantagonistesquiempêchentlerespectdesvolon- tésdupatient.

Pourles soignants,ces situations conflictuellessont le refletdumanqued’inclusiondesfamillesdansleprocessus de gestion de la fin de vie, en particulier dans les insti- tutions. Une des raisons qui peut expliquer ce manque, selon les personnes interrogées, réside dans le fait que l’instauration d’espacesde dialoguedemande «beaucoup detempsetde patience»(médecins, VD),sans douteun tempsquileur manquedans leurquotidien professionnel.

L’inclusion est d’ailleursformulée sous la formede vœux quisemblentpeuaccessibles.

Ce dialogue à instaurer remplirait plusieurs fonctions.

Lessoignantsrelèvent lebesoindeclarifieretd’expliquer lesimplicationsdesdécisionsenfindevieafind’avoirune

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Please cite this article in press as: Darbellay K, Voll P. Les directives anticipées dans la relation entre proches compréhension commune de la situation et de verbaliser

les dangers. Les infirmiers revendiquent ainsi la fonction de « garde-fou », de personnes quipeuvent tirer la son- nette d’alarme lorsqu’ « il y a l’idée de mise en danger morale, psychologique,pour la famille » (infirmiers, VD).

Danslamesureoùledialogueestdéjàinstauré,cesderniers estimentqu’ilestplusfacilededétecterlessituationsprob- lématiquesetd’aborderlesproblèmes.

Peu de différences interrégionales

La grande majorité des résultats présentés ci-dessus se retrouventquellequesoitlarégionconcernée.Nousremar- quonsparcontrequelathématiquedesdirectivesanticipées estmoinsabordéedanslesrégionsgermanophoneetitalo- phone au profit d’autres thématiques en jeu dans les décisions des médecins de famille dans les situations de findevie.Ainsirares sontlescasévoquésdenon-respect desdirectivesparlesfamillesouencoredeleurutilisation, parlesfamilles,danslesconflitsintrafamiliaux.Nouspou- vonsposerl’hypothèsequecesdifférencessontliéesàdes distinctionsentermesd’ancragedansleslégislationscan- tonales(avant2013,c’est-à-direavantl’harmonisation de la législation nationale). En effet, le canton de VD avait inscritde manière explicitelesdirectives anticipéesdans saloisurlasanté, cequin’étaitpasle casdans lesdeux autresrégions.

Discussion

Lesrésultatsmettentenlumièrelacoconstruction,ausens de Glaser et Strauss et de Goodwin, de l’élaboration et del’applicationdesdirectives anticipéesaveclesproches en interaction avec les soignants. Cet instrument peut être utilisé commeunlevier permettant l’ouverture d’un dialogue intrafamilial sur la fin de vie et comme moyen d’autodéterminationdupatientvis-à-visdesesproches.Les difficultésliéesàl’applicationdesdirectivesdanslessitua- tionsà domicileetenétablissementmédicosocial ontété exposées. Lavulnérabilité desproches aété particulière- mentsoulevéedanslessituationsàdomicileetdemanière moinsaccentuéeeninstitutiondueàlaprésenceplusaccrue dupersonnelsoignant.Uncertainnombredesituationspose problème, en particulier pour les proches dans les situa- tionsàdomicile.Pourlessoignants,lesfamillesnesontpas suffisammentinforméesetdisponiblescequirend lamise enœuvredesdirectivesparticulièrementcompliquéesvoire impossible.Danscescas,cesontlessoignantsquisevoient dansunrôledegarantsdel’applicationdecesdernières,et souventcontrelesproches.

Lesdifficultés identifiéeslorsde lamiseenœuvredes directives anticipées mettent en exergue le poids de la responsabilité quiincombe aux acteurs lorsque le patient n’apluslacapacitédeformeretexprimersaproprevolonté.

Cepoidspèsesurlesprochesvis-à-visd’autresmembresde lafamilleoulepersonnelsoignantetsurlessoignantseux- mêmesparrapportauxdécisionsdesprochesquiiraientà l’encontredesdésirsexprimésdupatient.

Danslescasd’urgence,enparticulierdanslessituationsà domicileoùleslogiquesàl’œuvrereposentprincipalement surles prochesaidantscontrairement aux milieuxinstitu- tionnelscommelemontreJaquieretal.[27],lesfamillesont

plusdedifficultésàrespecterlesvolontésdupatient.Selon lessoignants,le manquedepréparationetd’information, leurdénuementetlafaiblessedesressourcesamènentles famillesà prendre des décisionsqui vont à l’encontrede cellesvouluesparlepatient.Unedes pistesévoquéespar lessoignants interviewés consisterait à intensifier le pro- cessusdecommunicationentrelessoignantsetlesproches.

Enaccordaveccetteligne,l’Académiesuissedessciences médicalessouligne,dansunrapportrécentmis enconsul- tationsurl’attitudefaceàlafindevieetàlamort,lerôle complexeetexigeantdesprochesainsiqueleurengagement allantparfoisau-delàdeleursressourcesetlanécessitéde mieux informer lesproches quantaux offresde prisesen chargeàdomicile.Néanmoins, l’Académierelèvedeslim- itesprovenantdupersonnelsoignant:alorsqueledialogue aveclesprochesestsoulignécommeessentielpouraboutir àdesdécisionspartagées,«ceprocessusdecommunication continuelnécessairepeutêtreexigeantetéprouvant»pour lessoignants[36].

Conclusion

Selon nous, il n’est pas certain que le renforcement de l’information, l’augmentation de la disponibilité des familles,l’améliorationdelacoordinationdessoinsetdes accompagnementsdetypespsychosociauxsoientsuffisants pourpermettreauxprochesdegérerlessituationsdefinde vieetainsidonnerauxdirectivesanticipéeslesmeilleures chancesd’êtreappliquées.

En effet, ces éléments ne constituent qu’une partie de la problématique de la mise en œuvre des direc- tives anticipées. Une problématique qui peut également s’appréhendersousl’angledelatemporalité.

Le décalage existant, entre le moment où le patient rédigesesdirectivespourunesituationfutureetlemoment présent où les dispositions entrent en œuvre, ouvre un espaced’ambiguïtésetd’incertitudedanslequellesdirec- tives deviennent un enjeu entre les différents acteurs : enjeuxprofessionnelspourlessoignantsentermesdecom- pétencesetdechampd’actionliésàleurpositiond’experts, enjeuxrelationnels ducôtédesprochesentantqu’expert del’histoiredeviedupatient.

Ces incertitudes peuvent être relevées et discutées danslessituations oùlatemporalitépermetl’instauration d’unespace dedialogue.Enrevanche,dans lessituations d’urgence,commelemontrentlessituationsévoquéespar lessoignants etles proches, cet espace se réduit consé- quemmentetlesenjeuxdepouvoirs’exacerbent.

Ainsi, les directives anticipées comme outil favorisant l’autodéterminationdupatientpeinentàconvaincreparle faitmêmedecettedoubletemporalité.Parcontre,au-delà decette fonction prévue parle législateur, ellespeuvent être considéréescomme outil permettant aux acteurs de changerderôlesetderesponsabilitésenfonctiondessitua- tionsetparconséquentmodifiantlesrelationsdepouvoir entrelesacteursenjeu.

Remerciements

Cetexteaétéécritsuiteauprojet«Decision-makingprac- tice at the end of life: the case of general practice »,

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Please cite this article in press as: Darbellay K, Voll P. Les directives anticipées dans la relation entre proches financéparle Fondsnational dela recherche scientifique

suissedans le cadreduProgramme nationalde recherche 67 « End of Life » (No. 406740-139270/1). Coordinatrice duprojet:BrigitteLiebig.Leprojetaétémenéparcette dernièreetVanessaAlvaradopourlapartiegermanophone, parAntonellaCarassaetChiaraPiccinipourlapartieitalo- phoneetparPeter VolletKarineDarbellaypour lapartie francophone.Lesauteursremercientlescollèguesmention- néesainsiquelesDrs.KlausBallyetHeikeGudatpourleur coopérationetexpertise.

Déclaration de liens d’intérêts

Lesauteursdéclarentnepasavoirdeliensd’intérêts.

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