LES PROBLÈMES DE PATHOLOGIE DES ABEILLES DANS LA FORÊT LANDAISE ( 1 )
A. BRIZARD
J.
ALBISETTI École nationale vétérinaire, 31 - Toulouse,Laboratoire de
Pathologie apicole
du Sud-Duest, 40 - SabresL’importance
desproblèmes
depathologie apicole
dans la Forêt Landaise et l’intérêtqu’ils
suscitent sont étroitement liés à l’économie trèsparticulière
de cetriangle
boisé couvrantplus
d’un million d’hectares.Depuis plusieurs
annéesdéjà,
ilsretiennent l’attention des
apiculteurs,
de leursgroupements,
del’administration,
ainsi que celle des
organismes scientifiques.
Le but de cet article est de les situer etde
jeter
les bases de la solution à donner auplus important d’entre,
celui desloques.
I. - PLACE DE
L’APICULTURE
DANSL’ÉCONOMIE
LANDAISE De touttemps, l’apiculture
aoccupé
uneplace importante
dans l’économie de larégion
landaise. Pour saisir lesproblèmes qu’elle
y pose, un peu d’histoire est nécessaire.Complémentaires
de celles fournies parl’élevage
ovin - les ressources tirées desproductions
des abeillesétaient,
vers le milieu du siècledernier,
desplus appré-
ciables : en
1 8 57 ,
on estimait le nombre des ruches à5 6 00 o
et la valeur de leursproduits (miel
etcire)
à 30000o francs. Par lasuite,
le nombre des colonies devait diminuerconsidérablement, parallèlement
d’ailleurs à celui des moutons : la loi de1 8 57 ,
rendantobligatoire
la mise en valeur de vastes landes par l’assainissement(drainage)
et laplantation
depinèdes (Pinus
maritincaPorx.) modifia, énormément,
en
effet,
lebiotope primitif
et limita du même coup, ledéveloppement
desbruyères
les
plus héliophiles (Calluna vulgaris
SALiss., Erica cinereaI,.),
sources essentielles de nectar. Vers igoo, on necomptait plus
que 15 ooo ruches.Cependant,
àpartir
des années 1940, trois causes
conjuguées
firentprogressivement reprendre
àl’élevage
des abeilles sa
place
dans l’économie landaise :- Les
grands incendies,
toutd’abord, qui,
en dénudant le sol surplus
de5oo ooo
hectares,
redonnèrent aux Landes sur la moitié de leursurface,
leurphysio-
nomie de
jadis,
favorable à laprolifération
desÉricacées.
(’) Région naturelle reconnue par l’I. N. S. E. E.
-
L’apparition, ensuite,
de débouchés rémunérateurs nouveaux(étrangers
sur-tout)
pour le miel de callunequi
incital’apiculteur
à accroître son activité- La
vulgarisation, enfin,
dans larégion,
de la ruche à cadres «Langstroth
»,d’utilisation
commode, qui permit
des rendements biensupérieurs.
Actuellement,
bon an mal an, le revenu del’apiculture
landaisepeut
être évaluéà 200000o de nouveaux Francs. Sans
doute,
ne s’inscrit-il pas aupremier
rang des revenusagricoles départementaux mais,
à l’échelonfamilial,
lesupplément
deressources
qu’apporte l’exploitation
d’un rucher de 5o à 100 colonies est desplus
intéressants. Aussi
bien,
en contribuant à maintenir surplace
lesylviculteur,
vient-ilaider les Services administratifs dans leur volonté de fixer la
population forestière,
véritablegarantie
du renouvellement de laforêt,
de sonentretien,
et, surtout, de la défense contre l’incendie. Lesstatistiques indiquent,
eneffet,
que la lutte contrece fléau devient des
plus
aléatoiresquand
le nombre des habitants tombe au-dessous de 10 par km2. Parailleurs,
les ruchers de 40 à 60 coloniesreprésentent
l’unitétype
de
l’apier
du résinier et, à euxseuls,
ilsproduisent
la moitié du miel de Calluneen provenance de la forêt landaise.
Mais l’accroissement très
rapide
del’apiculture familiale,
au sortir de la seconde guerremondiale,
dans unepériode
depénibles
restrictions alimentaires n’a pas,malheureusement,
retenu toute l’attentionnécessaire, particulièrement
en cequi
concerne les maladies des abeilles. Pendant la décennie
ig 5 o-6o,
de nombreux ruchers furent réduits àquelques
colonies. D’autresdisparurent complètement.
Il ne fait pas dedoute, qu’alors,
sans l’interventionénergique
des Services vétérinaires et duSyndicat professionnel qui
mirent tout en oeuvre pourorganiser
la lutte et envulga-
riser les moyens,
l’élevage apicole
landais aurait sombré enquelques
années.II. - SITUATION
SANITAIRE,
POUR I,A
PÉRIODE
AIDANT DEI950
A1962
L’évolution de la situation sanitaire dans les Landes est corollaire du
rempla-
cement
progressif,
àpartir
des années 1927-1930, dufixis!2e
utilisant lepanier
ou « bournac » par le mobilisme.
Jusqu’à
cetteépoque l’originalité
del’apiculture
landaise
traditionnelle,
essentiellementfamiliale,
tient à la conduitesimpliste
durucher.
Chaque
ferme ou métairiepossède
unapier
de 10 à 5o ruches dontl’exploi-
tation est basée
uniquement
sur lamultiplication
des colonies parl’essaimage
naturel.Aussitôt
capturé,
l’essaim estlogé
dans un bournac et l’on nes’occupe plus
de luijusqu’à
l’automne suivant. A cemoment-là, soupesées,
les ruches sont classées endeux
catégories.
Lapremière
est constituée par lesplus
lourdes(presque
exclusi-vement les ruches « souches » ayant fourni les
essaims)
et par lesplus légères (celles
dont la
population
estincapable
de passer l’hiver par manque deprovisions) :
ellefournira miel et cire
après
«étouffage
des » colonies. La deuxième estreprésentée
par les ruches de
poids
moyen,qui
sont conservées pour reconstituerl’apier
dans le-quel
se dérouleront les mêmesopérations,
l’année suivante.Il est facile de
comprendre
que cetteméthode,
en éliminant les colonies lesplus
faibles,
souventmalades,
et en assurantautomatiquement
le renouvellement des reines et des rayons acontribué,
à l’insu même desapiculteurs,
au maintien d’unétat sanitaire satisfaisant.
Mais,
en mêmetemps,
deux autres facteurs intervenaient dans la limitation des processuspathogènes :
d’unepart,
la difficulté depéné-
tration dans la forêt pour l’installation des
ruches,
d’autrepart
et surtout, laquasi- impossibilité d’extraire,
parcentrifugation,
le miel deCallune,
en raison de sa consis- tancespéciale.
Prélevésaprès
l’ ccétouffage
» les rayons étaient vendus entassés dans desbarriques.
Chez lecommerçant,
ils étaientpressés
et fournissaient ainsiun
produit plus
ou moins pur, de faible valeur marchande destiné à l’industrie. Ilne fait pas de doute que ces
écueils,
ens’opposant
à la transhumance et en freinantl’implantation
de la ruche à cadres donc lapratique
du niobilisnie si différent dufixisme,
ont limité l’extension des maladies et,plus spécialement,
desloques.
En définitive on
peut dire,
quejusqu’à
ig5o, l’absence detranshumance,
lefréquent
renouvellement desreines,
despopulations
et des rayons ont assuré lasauvegarde
du rucher landais et que lespertes, impossibles
àfixer,
certes, ont étécependant
desplus
faibles.Après
1949, annéequi
vit les derniersgrands incendies,
l’économiegénérale
des Landes se trouva bouleversée. Tout
naturellement,
partradition,
lesylviculteur
chercha dans
l’apiculture
uncomplément
à ses revenus, fortement diminués. Il y fut d’autantplus
incité que,l’introduction,
enFrance,
d’une machine a émulsionneuse »(machine
scandinavevulgarisée
parMica.!LTD),
en rendantpossible
l’extraction parcentrifugation
du miel deCallune, permit
la mise en vente d’unproduit
de bonnequalité
recherché par le marché allemand.Ainsi,
lesLandes,
devenuesexportatrices
se tournèrent-elles vers
l’apiculture
mobiliste seulecapable
d’assurer de grosses récoltes.Mais
l’exploitation
des ruches à cadres nepeut
pas et ne doit pas être conduitecomme celle des
paniers qui,
nous l’avons vu, futcapable
de tenir la maladie enrespect
dans les Landes : de très nombreuxapiculteurs, malgré
leur bonnevolonté,
allaient
l’apprendre
à leursdépens.
Réunions decolonies,
transvasements,essaimage artificiel, déplacements
deshausses,
des cadres d’une ruche à l’autre furent alorspour les
néophytes
peu éclairés sur ledanger
des maladies et les conditions de leur diffusion autant d’occasions de propager les germespathogènes.
Si l’onajoute
à celaque le renouveau d’intérêt pour
l’élevage
des abeilles fitapparaître
et sedévelopper
la
transhumance,
en mêmetemps qu’il
entraîna unemultiplication
des transactions commerciales(vente d’essaims,
deruches,
deruchers),
oncomprendra
aisément àquel point
l’extension des maladiesput
êtrerapide.
Devant ce
danger,
les servicescompétents
ne demeurèrent pas inactifs et la lutte futentreprise
sousl’impulsion
de la Direction des Services vétérinaires et desSyndicats d’apiculteurs.
Il est
impossible
de direquel était,
à cemoment-là,
lepourcentage
exact de morbidité. Les indications recueillies par la Direction des Servicesvétérinaires,
les constatations que nous avons pu fairepersonnellement,
lesrenseignements
que nousavons retirés de conversations avec les
apiculteurs,
suffisentcependant
pour affirmer que lesloques
étaient alors trèslargement répandues.
Laloque européenne
ne laissaitpratiquement
par de ruchers indemnes.Quant
à laloque américaine,
elle était extrêmementfréquente.
Par contre, l’acariose étaitnégligeable,
comme elle l’estencore maintenant et la nosémose
ignorée.
Si tant est que d’autres maladies aientsévi,
elless’effaçaient
devant le fléaureprésenté
par lesloques. Ajoutons
quedepuis
5 à 6 ans on
enregistre
unimportant progrès
des mycoses.III. - RECHERCHES
THÉRAPEUTIQUES
Le traitement médical des
loques auquel
s’intéressèrent de nombreux auteurs,tant en France
qu’à l’étranger,
doit sespremiers grands
succès à l’avènement des sulfamides et desantibiotiques.
A
partir
deig6o,
des recherches furentpoursuivies
activement dans lesLandes,
avec
l’appui
des Servicesvétérinaires, puis intensifiées,
dans les annéesqui suivirent, grâce
aux crédits fournis par l’Institut national de la Rechercheagronomique qui permirent, d’abord,
le recrutement d’un technicienopérant
surplace, ensuite,
l’im-plantation
d’un Laboratoire sur la commune de Sabres.Si,
en ig5o, le « sulfathiazole » étaitdéjà
bien connu comme agentthérapeutique
efficace contre la
lo d ue américaine,
cen’est,
par contre,qu’en
1951, que furentpubliés
en France les
premiers
résultats montrant l’intérêt de la «streptomycine
» dans letraitement des colonies atteintes de
loque européenne.
Puis l’action curative contreces deux maladies
infectieuses,
del’oxytétracycline d’abord,
duchlorhydrate
detétracycline ensuite,
fut démontrée.L’emploi
des deuxpremiers
de ces médicaments donna un coup de frein certain à laprogression
desloques
dans le Sud-Ouest.Selon
U RBIET . B ,
Président de « l’Abeille Landaise »,particulièrement
au courantde la situation
sanitaire,
c’estgrâce
à eux quel’apiculture
fut sauvée de ladisparition
dans cette
région.
Depuis i g 6g-,
nos travaux de recherches ont été consacrés d’unepart,
à l’étude de l’activitéthérapeutique
de nouveaux corps -principalement
desantibiotiques
-d’autre
part
au contrôle de lavaleur,
enpratique professionnelle,
de médicamentsdéjà éprouvés
in vivo. C’est ainsi que, sansrespecter
l’ordrechronologique
desessais,
nous avons
étudié,
en cequi
concerne le traitement desloques,
la sulfadimérazinesodique,
lechlorhydrate
detétracycline, l’oxytétracycline,
lechlorhydrate
de démé-thylchlortétracycline
et lakanamycine ;
en cequi
concerne celui des mycoses, lagriséofulvine et la quixaline. (Ces expérimentations
dont les conclusions nepouvaient
être tirées
qu’avec
un recul suffisant fontl’objet
de notes enpréparation).
Pour mieux
apprécier
la valeur des résultatsenregistrés,
des recherches iden-tiques
furentconduites,
dans le mêmetemps,
au Rucherexpérimental
del’École
nationale vétérinaire de Toulouse
placé
dans unbiotope
bien différent.Dans les
Landes,
les travaux furent réalisés dans un «Rucher-hôpital
», situédans une zone interdite aux
apiculteurs
par arrêtépréfectoral
etéloigné de 4 km
au
minimum,
de tout rucher connu. Sur leplan biologique,
cettedisposition
eutl’avantage
deplacer
nos essais dans lebiotope-type
d’une lande assainie recherché habituellement parl’apiculteur
transhumant aussi bien que sédentaire. C’est dans de telles zones, eneffet,
que se font les meilleurs récoltesgrâce
à une miellée de Bour-daine
(Rhamnus franguta I,.),
finmai,
débutjuin
et, surtout, à une grosse miellée de Callune(Calluna vtilgavis sm,rsB.),
du 25 août à’ la fin deseptembre.
Ces données sont intéressantes à retenir pour la conduite du traitement et pour
l’interprétation
des résultats car,pendant, les
miellées l’administration des médica- ments dans dusirop
distribué dans des nourrisseurs se montre d’une efficacité bien inférieure à celle que l’on.constatelorsqu’elle
est faite en dehors d’elles. Parailleurs,
nous avons
remarqué
defaçon
constante que les traitementstrop tardifs, quelle
que soit latechnique utilisée,
sont presquetoujours
voués à l’échec : les abeilles n’ontpas le
temps
deprocéder
aunettoyage
des cellules et la maladieréapparaît
inéluc-tablement au
printemps
suivant. Des observations maintes foisrépétées
nous ontmontré que les traitements devaient être achevés courant
juin
et suivre immédiate- ment la miellée de Bourdaine.Les doses
expérimentales
furent établies parcomparaison
dupouvoir
antibio-tique
desproduits
à tester avec celui des médicamentsclassiques
desloques
vis-à-visd’un même germe de référence et en fonction de la
posologie
de ces derniers dans le traitement de ces maladies. L’efficacitéparaissant plus grande lorsque
la dose totale est fractionnée en 3parties égales,
la médication fut presquetoujours
conduite aurythme
de 3distributions,
à une semaine d’intervalle.Suivant le cas, l’administration fut
faite,
soit dans dusirop
de sucre à 50p. 100placé
dans des nourrisseurs ouréparti
paraspersion
directe sur les cadres decouvain,
soit dans de l’alcool à 60 oug 5 ° vaporisé
sur la surface des rayons, soit enmélange
avec du
sucre-glace projeté
à l’aide d’une soufflerie sur les surfacesoccupées
par les formes immatures. Un cequi
concerne cette dernièretechnique,
il estimportant
de
préciser
que l’insufflation par le trou devol, préconisée
parcertains,
si elle s’est mon-trée
capable
de ralentir voire destopper
l’évolution de la maladiependant
une saisonapicole,
s’estrévélée,
entre nosmains,
tout à faitimpuissante
àguérir complètement.
Signalons enfin, point
dontl’importance
ne saurait êtreméconnue,
que, pouraugmenter
la sévérité del’épreuve,
les rayonsportant
les larves malades ne furentjamais
éliminés.Préalablement à toute
intervention,
lediagnostic clinique
futétayé
par le dia-gnostic bactériologique. Quant
auxrésultats,
ils furentcontrôlés, pendant
etaprès
le
traitement,
parvisites
des colonies effectuées : lapremière, quelques jours après
l’administration de la 2edose,
laseconde,
3 semaines à i moisaprès
la fin de lamédication,
latroisième,
avantl’hivernage,
laquatrième,
auprintemps suivant,
cette dernière étant
complétée
par une surveillance durant toute la saisonapicole.
Chaque
visitecomportait
l’examen de tous les rayons, face parface,
et le relevésur fiche de toutes les observations relatives aux larves malades ou
suspectes,
à l’int-portance
de lapopulation
adulte et ducouvain,
à celle desprovisions,
ainsiqu’au poids
de la récolte.C’est
grâce
à de tellesvérifications, pratiquées parallèlement
sur des colonies voisines traitées au sulfathiarole(loque américaine)
ou à ladihydrostreptomycine (loque européenne)
que la valeur desproduits
à l’essaiput
êtreappréciée
compara- tivement à celle de ces médicaments de base.Nous n’entrerons pas
ici,
dans des détailsqui
serontpubliés
par ailleurs. Nousnous bornerons à mentionner les
principales
conclusions tirées de cetteexpérimen-
tation conduite aussi
rigoureusement
quepossible,
salongue
durée nous ayant été dictée par laprudence qu’impose
labiologie
de l’Abeille pourl’appréciation
de laguérison.
1
. Sutfadimérazine sodique
Ce sulfamide a été
essayé
contre latoque
américaine.Trois colonies furent
traitées,
dont une faiblement atteinte(5
à 10 p.100 )
etdeux
moyennement ( 25
p.100 ).
Ellesreçurent
chacune une dose totale de 9 mld’une solution à 33 p. 100, soit 3 g de
produit actif,
distribués en 3fois,
dans dusirop
de sucre à 50 p. 100, à une semaine d’intervalle. Une certaine amélioration fut constatée assezlongtemps après
la fin dutraitement, mais, imcontestablement,
la sulfadimérazine a une action moindre et
beaucoup plus
lente que celle du sulfa-thiazole.
2
.
Chlorhydrate
detét y acycline
D’efficacité connue le
chlorhydrate
detétracycline
estparfaitement
bienaccepté
et toléré. Par son action
stimulante,
il donne aux colonies undynamisme particuliè-
rement favorable à la
guérison.
Lamultiplication
des observations nous aconfirmé,
même dans les cas les
plus sévères,
sonremarquable pouvoir
curatif contre laloque
américaine sur
laquelle
ilparaît agir
mieux etplus
vite que le sulfathiazole. Dans le cas de laloque européenne,
encore que trèsefficace,
il intervientplus
lentementque la
dihydrostreptomycine
et quel’oxytétracycline.
Sa
posologie
est, pour l’une comme pourl’autre,
de 1,50 g au total.3
.
O.xytétracycline
L’intérêt de
l’oxytétracycline
dans le traitement de laloque européenne
n’estpas à démontrer.
Son efficacité contre la
loque
américaine nous avait parufaible,
à la suite d’une malencontreuse série d’échecs enrapport,
croyons-nous, avec une certaine instabilité vis-à-vis de la chaleurqu’accuse l’exposition
au soleil et l’utilisationtrop
lente dusirop médicamenteux, lorsqu’il
est distribué dans des nourrisseurs d’entrée.Cepen- dant,
son action est des meilleures.Au cours des années
19 6 3 , 6!
et6 5 , quinze colonies,
dont dix traitées dans lesLandes au
rucher-hôpital
etcinq,
enHaute-Garonne,
au rucherd’expériences
del’Fcole
nationale vétérinaire deToulouse,
ont étéparfaitement
débarrassées de leurinfection,
par une dose totale de z,5o g, que le médicament ait été administré dans dusirop
de sucre à 50 p. 100 ou dans dusucre-glace.
4
.
Chlorhydrate
dedéméthylchlo y tétracycline
Encore que la
chlortétracycline
se soit révélée insuffisante invivo,
les bons résultatsenregistrés
avec lechlorhydrate
detétracycline
etl’oxytétracycline,
nousont incités à essayer, dans le traitement de la
loque américaine,
un autre antibio-tique
de ce groupe : lechlorhydrate
dedéméthylchlortétracycline.
Quatre
colonies traitées par une dose totale de 1,50 g administrée en 3fois,
soit dans dusirop,
soit dans dusucre-glace,
ont étéguéries. Cependant,
l’action du médicament nous a paruplus
lente et moins sûre que celle du sulfathiazole et des autrestétracyclines.
5.
Kanamycine
Proche de la
streptomycine
par sespropriétés antibiotiques,
lakanamycine
méritait d’être
essayée
dans le traitement de laloque européenne.
Dans les années
19 6 4
et19 6 5 , quatorze
colonies furent traitées dans lesLandes,
soit au
rucher-hôpital,
soit chez despropriétaires,
par l’administration dans dusirop,
d’une do3e totale de z,5o g de
kanamycine.
Les résultats furentremarquables,
dontcertains ont été obtenus
malgré
une utilisation très tardive(octobre).
Fait à noterle médicament eut une action
particulièrement
heureuse dans des cas deloque
euro-péenne atypique
que nous observons deplus
enplus fréquemment
dans lesLandes, depuis quelques
années. Cette forme deloque européenne
que nous nous proposons d’étudier defaçon plus précise
et dont l’un de nous avaitdéjà
faitmention,
est caractérisée par une ressemblance certaine avec laloque américaine,
ressemblancequi
tient à une trèslarge
atteinte du couvainoperculé,
à la coloration «châtaigne
mûre » des larves dont la consistance devient
gluante
etquelque
peu filante.Cepen-
dant l’extraction des cadavres demeure
possible
et les examensbactériologiques
révèlent la
présence
de BacillusPluton
et de BacilLusalvei,
à l’exclusion de Bacill!ts larvae.Si la
kanamycine
doit s’inscrire en très bonneplace
dans la liste des médica-ments
capables
dejuguler rapidement
laloque européenne,
il n’en va pas de même dans le cas de laloque
américaine. Eneffet,
chez douze colonies -frappées
à desdegrés
divers -, l’évolution de la maladie n’a été aucunement modifiée par la dosf totale de l,50 g.6.
Griséofïtlviiie
-Qzcixaline
Ces deux
antifongiques,
encore que leur électivité vis-à-vis de certainschampi-
gnons ne les
indiquât point particulièrement,
ont faitl’objet
d’uneexpérimentation
dans le traitement des mycoses des abeilles en net
progrès depuis quelques
années.Tous nos essais ont
porté
sur des cas depéricystismycose.
1
°
Employée
à la dose totale de 1,50 g, administrée en 3 fois dans dusirop
desucre à 50 p. ioD, la
griséofulvine
a paru, dans 3 cas,capable d’enrayer
l’évolution de la maladie mais insuffisante àguérir
durablement. D’autres essais sont nécessaires pour aboutir à une conclusion valable.2
° Très peu soluble dans
l’eau,
un dérivé de laquinoline,
la «Quixaline
» a étéutilisé directement sur les rayons, soit par
aspersion après
avoir été mis ensuspension
dans du
sirop
de sucre à 50p. ioo ou avoir été dissous dans ce mêmesirop (dissolution préalable
dans de l’alcool à95 0 ),
soit parpoudrage après mélange
avec du sucreglace.
Le traitementcomporta
l’administration 3 fcisrépétée,
à une semaine d’inter-valle,
de i g dans 2 cas, de o,5o g dans q.Comme
première observation,
nous pouvons mentionner quel’aspersion
et lavaporisation
sontquelque
peu nuisibles pour le couvain « découvert »(expulsion
des
larves),
alors que lepoudrage paraît dépourvu
de cetinconvénient,
En outre,pendant
laquinzaine qui
suit lamédication,
on ne trouve pas d’oeufs dans les alvéolesnon
operculés.
Bien
qu’un
peuplus encourageants
que ceux obtenus avec lagriséofulvine,
lesrésultats fournis par la
Quixaline,
sont loin d’êtredémonstratifs ;
sans doute le médica-ment
paraît-il capable
de fairerégresser
la mycosepuisque
les larves momifiées seraréfient
après
le traitement.Cependant,
l’amélioration constatéeparaît
devoir êtreattribuée
davantage
à une intensification dunettoyage qu’à
une actionantifongique.
Il est
remarquable,
en effet que, dans une mêmeruche,
le nombre des larves atteintesne diminue sensiblement que sur les surfaces traitées alors
qu’il
ne varieguère
surles rayons conservés comme témoins et que cette diminution
s’accompagne
d’uneexpulsion rapide
des cadavres. Si l’onajoute
à cela que, chez les coloniestémoins,
laguérison
est survenue, sinon aussi vite tout au moins aussicomplètement
onconviendra que
l’emploi
de la« Quixaline
»n’apparaît
pas comme le traitement de choix de lapéricystismycose
IV. -
RÔLE QUE
PEUTJOUER
LE TRAITEMENTMÉDICAL
DANS
L’ASSAINISSEMENT
DES RUCHERS ATTEINTS DELOQUE :
1CONDITIONS
D’APPLICATION
Jusqu’en
1957, la lutte contre les maladies des abeilleslégalement contagieuses
était basée essentiellement sur leur
dépistage,
sur la destruction des coloniesfaibles,
sur la désinfection et, en ce
qui
concerne lesloques,
sur le double transvasement. Le traitement médicaln’y jouait pratiquement
aucun rôle. L’insuffisance des résultats obtenusimposa
une révision des textes envigueur
en tenantcompte
de deux idées directrices : d’unepart,
lanécessité,
pour uneplus grande efficacité,
d’amener lesapiculteurs
àparticiper
de bongré
auxopérations
de contrôle et d’assistancesanitaire,
d’autrepart,
lesavantages
àtirer,
pour l’assainissement desruchers,
de l’utilisation des médicaments de valeur récemment découverts. C’est ainsi quenaquit
l’arrêtéministériel de 5
janvier
1957qui retient,
enparticulier,
dans son article r4,parmi
lesmesures
prophylactiques,
le traitement médical des coloniesjusqu’alors
interdit.La très
grande
efficacité dusulfathiazole,
de ladihydrostreptomycine,
del’oxy- tétracycline
et duchlorhydrate
detétracycline,
pour ne citer que les médicaments lesplus
connus,incitait,
eneffet,
à leur fairejouer
un rôleimportant
dans la lutte contre lesloques.
Dans lesLandes,
celle-ci fut aussitôt orientée dans ce sens, sousl’impulsion
des Services vétérinaires et desGroupements professionnels.
Elleaboutit,
ainsi que nous l’avons ditplus haut,
à un résultatpositif puisqu’elle permit
àl’api-
culture
régionale,
non seulement desurvivre,
mais encore de demeurer rentable.Cependant,
faute d’un nombre suffisantd’agents compétents, l’application
destraitements ne
put,
bien souvent, être suffisammentméthodique
etrigoureuse
pour que soit obtenue unerégression
tout à fait satisfaisante desloques ;
tenues enrespect,
celles-ci nedisparurent
pas pour autant. Ainsi se trouvaitposée
laquestion
de savoirsi
l’emploi
desmédicaments,
incontestablement valable dupoint
de vuecuratif, pouvait constituer,
enpratique,
un moyen efficace d’assainissement des ruchers.Une
expérimentation large,
minutieuse etprolongée,
nous apermis
de conclure parl’affirmative,
à la condition que soientrespectées
certainesrègles
relatives autraitement et
appliquées quelques
mesuressimples d’hygiène,
ce mot étantpris
dansson sens le
plus
étendu.EXPÉRIMENTATION RÉALISÉE DANS LES LANDES DE
y 6o
.!1965
Plan
Il fut établi en fonction de notions bien
précises,
à savoir :- la nature
contagieuse
desloques ;
- leur début
insidieux,
souvent indécelablecliniquement ;
- la résistance des germes - de B. larvae surtout - à l’action des médicaments dans le miel et la
cire ;
- la
plus grande
résistance des colonies fortes auxmaladies ;
- l’efficacité certaine de
plusieurs
médicaments et la réussite d’autantplus grande
des traitements que ceux-ci sontplus précoces
- le
pourcentage, faible,
maistoujours
àcraindre,
d’échecsthérapeutiques.
En
conséquence,
il fut décidéqu’au
traitement curatif des colonies malades seraientassociées,
dans tous les cas, les mesures suivantes dont certaines d’ailleurscorrespondent
toutsimplement
à desrègles
de conduite rationnelle du rucher :i.
traitement,
parprécaution,
des coloniesparaissant indemnes,
mais suscep- tibles d’êtrecontaminées,
cequi conduit,
dans lapratique,
au traitement de toutes les colonies d’unrucher, qu’elles
soient ou non atteintescliniquement ;
2
. renouvellement
périodique
des vieux rayons etremplacement
par de la ciregaufrée,
effectués de tellefaçon
que tous les rayons du nid à couvain soientchangés,
dans une sorte de
rotation,
en 3 ans : cetteopération qui correspond
à unepratique normale,
se déroule habituellement en 6 ans oudavantage ;
3
. maintien en permanence dans la
ruche, pendant
lapériode
d’activité(indé- pendamment
desprovisions
pourl’hivernage),
d’une réserve de miel de 3 à 4kg,
constituant un volant nutritif autant que
thermique indispensable,
dans leslandes,
au
printemps
etaussi, pendant
le « trou estival» (1 4 juillet-i 5 août) ;
4
.
suppression
des reinestrop âgées ;
5
. désinfection de tout le matériel et des rayons.
Une
parenthèse
doit être ouverte ici pourjustifier
les deuxpremières
mesureset
souligner
l’intérêtqui
s’attache à leurapplication :
là où lesloques
sévissent et oùles ruchers sont très
denses,
lesrisques
de contamination et d’extension sont desplus grands.
Nonseulement,
à l’intérieur d’un mêmeapier,
mais aussi à distancecar subtile est la
contagion.
Deplus,
le début de l’évolution est tellement insidieuxqu’une
colonie en apparence sainepeut
fortbien,
par lasuite, présenter
dessignes cliniques
graves etconstituer, ainsi,
une nouvelle source d’infection dont ledanger
est d’autant
plus grand qu’elle
demeureignorée. Or,
tout le monde saitqu’en pratique
aucune autre visite détaillée du nid à couvain n’est effectuée
après
la visite deprin- temps.
Pourparaphraser
Knock onpourrait
dire que, dans lesrégions
hautementinfectées : « toute colonie saine est une colonie
loqueuse qu’on ignore
»...Même sans aller aussi
loin,
il faut considérer commeprudent
dupoint
de vuesanitaire et intéressant sur le
plan économique
d’intervenir avant que la maladiene se soit manifestée
cliniquement.
Et cette intervention nepeut,
à notreavis,
se faireplus simplement
etplus
sûrement que par le traitement médicalappliqué
defaçon systématique.
Nous avons d’ailleursconstaté,
au cours de nosessais,
que les colonies indemnes le sonttoujours demeurées, après qu’elles
eurent été traitées« par
précaution
». Il ne sauraits’agir là,
contrairement à ce que certainspensent,
d’un traitement véritablementpréventif,
d’unechimio-prévention
mais bien d’un traitementvisant,
par sagénéralisation,
àempêcher
ledéveloppement
de lamaladie,
dans les coloniesqui
en sont au stade de l’infectioninapparente.
_On
peut
opposer à cette méthode le fait que, terminé letraitement,
lesrisques
de
contagion
et de maladiedemeurent. Cependant,
trois raisonsprincipales per-
mettent de
juger qu’ils
se trouventsingulièrement
diminués. Lapremière
et certai-nement la
plus importante
tient à laguérison, quasiment
derègle
dès lapremière année,
des coloniesmalades,
d’où ladisparition
ou, tout aumoins,
la réduction consi- dérable de la source decontagion
laplus dangereuse.
La seconde réside dans l’arrêt de l’infection dans les colonies contaminées dont leslarves, après l’apparition
dessignes cliniques,
seraient devenues de nouvelles sources depropagation.
Latroisième, enfin,
est enrapport
avec un accroissement de la résistance des colonies à la maladiequi,
tonifiées par le traitement instauréprécocement,
sont alors à même deprofiter pleinement
des miellées durantlesquelles,
parailleurs,
lepillage,
cette cause si fré-quente
de diffusion ducontage,
est peu à redouter.C’est
pourquoi,
il nous est apparuindispensable,
pour consolider lesrésultats,
d’éliminer le matérieldangereux
auplus vite,
sans pour autantperturber
lacolonie,
maistoujours
dans un délai auplus égal
à celui nécessaire à l’assainissement total du rucher( 3 ans).
La difficulté bien connue
qu’ont
les abeilles ànettoyer
les vieux rayons et lapersistance qui
endécoule,
dans le cas deloque américaine,
d’écaillesloqueuses
sources de réinfection rendent évident l’intérêt
qu’il
y a à enrayer la maladie dans les coloniescontaminées,
avantqu’elle
ne se soit manifestée.Médicamerats utilisés et mode d’administration
Les médicaments utilisés furent : le sulfathiazole (loque
américaine),
ladihvdrostreptomycine (loque
européenne), seuls ou associésquand
les deux maladies coexistaient et lechlorhydrate
detétracycline
(loque américaine ettoque
européenne).Pour chacun d’eux, la dose totale par colonie fut de 3
g (sulfathiarole)
et de t,5 g(dihydrostrep-
tomycine,chlorhydrate
detétracycline)
administrés en3 fois,
à une semaine d’intervalle - dansr/
3de litre
(soit
333 ml) desirop
de sucre à 5o p. 100, distribué dans des nourrisseurs d’entrée ouversé directement sur les rayons.
l’rotorole
eye·ritttental
Le
protocole
suivant fut dressé ettoujours scrupuleusement
respecté, dont le déroulement s’étalait sur 3 années.jre année :
Visite détaillée, au mois de mai, de toutes les colonies du rucher, rayon par rayon, assortie:
éventuellement, de
prélèvements
destinés au Laboratoire et aboutissant au classement que voici , a) colonies malades à traiter curativement ;b) colonies
paraissant
indemnes à traiter parprécaution ;
c) colonies trop faibles pour être conservées ou réunies à détruire.- A la suite de ce classement, toutes les colonies a et b sont traitées avec le médicament
approprié
à la maladie en cause. Au cours du traitement, les rayons trop vieux sont éliminés etremplacés
par de la cire gaufrée.- Une visite sanitaire est effectuée entre la 2e et la 3eadministration de médicament, — une seconde, 3 semaines il i mois
après
la dernière dose, - une troisième enfin, avantl’hivernage.
- Les observations
cliniques
ainsi relevées sontcomplétées
par l’évaluation de la récolte et de la force de la colonie.;2e année :
Visite détaillée de
printemps
de toutes les ruches, comme l’annéeprécédente. Après quoi,
les
dispositions
suivantes sont arrêtées :i. Élimination des vieux rayons ;
2
. Renouvellement
systématique
du traitement pour les colonies classées en a, l’annéeprécédente :
le but en est la consolidation de laguérison
ou l’obtention de celle-ci dans les ruches où la maladie estréapparue.
Dans ce dernier cas, le médicamentqui
s’est montré insuffisant est,en
principe, remplacé
par un autre ; 3. Lorsque se