Progrèsenurologie(2016)26,79—82
Disponibleenlignesur
ScienceDirect
www.sciencedirect.com
ARTICLE ORIGINAL
Évaluation de l’optimisation des conditions de réalisation des instillations
endo-vésicales de mitomycine C dans le traitement des tumeurs de vessie non infiltrant le muscle
Assessment of the optimization of the conditions of mitomycin C intravesical instillation completion in the setting of non-muscle invasive bladder cancer treatment
G. Lailler
a,b, Y. Neuzillet
a,b,∗, M. Rouanne
a,b, T. Lebret
a,baServiced’urologieetdetransplantationrénale,hôpitalFoch,92151Suresnes,France
bUFRdessciencesdelasantéSimoneVeil,universitéde
Versailles—Saint-Quentin-en-Yvelines,40,rueWorth,92150Suresnes,France
Rec¸ule31aoˆut2015;acceptéle15octobre2015 DisponiblesurInternetle30novembre2015
MOTSCLÉS Tumeurdevessie n’infiltrantpasle muscle;
Instillation; MitomycineC; Alcalinisation; Restrictionhydrique
Résumé
Objectif.—L’efficacitédesinstillationsendo-vésicalesdemitomycineC(MMC)requièreune alcalinisationetuneconcentrationdesurinesavantchaqueinstillation.L’objectifdel’étude étaitd’évaluerl’observanceetl’efficacitédesmesuresd’alcalinisationetdeconcentrationdes urineschezlespatientstraitésparinstillationendo-vésicaledeMMCpouruneTVNIM.
Matérielsetméthode.—Étudeépidémiologiquedescriptiveprospectivechezl’ensembledes patientstraitésconsécutivementparinstillationsendo-vésicalesdeMMCpourunetumeursde vessien’infiltrantpaslemuscle(TVNIM). Ilétait recommandéaux patientsdeboire 2litres d’eaudeVichyetd’effectuerunerestrictionhydriquelaveilledesinstillations.Avantchaque instillation,unquestionnaireconcernantla réalisationdeces deuxmesuresétaitrempli,la densitéetlepHurinairesétaientdéterminésparbandeletteurinaire.
∗Auteurcorrespondant.
Adressee-mail:y.neuzillet@hopital-foch.org(Y.Neuzillet).
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2015.10.005
1166-7087/©2015ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.
80 G.Lailleretal.
Résultats.—Sur126questionnairesinclus,117patients(93%)et106patients(84%)ontdéclaré avoir effectué respectivementl’alcalinisation et la restriction hydrique. Quatre-vingt-onze patients(78%)déclarantavoireffectuél’alcalinisationavaientunpHsupérieurouégalà6,5et leurpHurinairemoyenétaitde6,94vs5,94(p=0,0001)chezlespatientsdéclarantnepasavoir effectuél’alcalinisation.Aucunedifférencesignificativededensitéurinaireselonlarestriction hydriquen’aétéretrouvée.
Conclusion.—L’observancedesconsignesd’alcalinisationdesurinesavantinstillationsdeMMC aétésatisfaisanteetapermisd’obtenirunpHurinairesuffisammentélevépourprévenirla dégradationduproduitdans91%descas.Enrevanche,larestrictionaétépeusuivieetn’apas montrésonefficacitésurlaconcentrationdesurines.
Niveaudepreuve.— 4.
©2015ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.
KEYWORDS Non-muscleinvasive bladdercancer;
Instillation;
MitomycinC;
Alkalinization;
Fluidrestriction
Summary
Objective.—Theefficacy ofintravesicalinstillationofmitomycinC(MMC)requiresalkalini- sationandconcentrationofurinebeforeeachinstillation.Theobjectiveofthestudywasto assesscomplianceandeffectiveness ofurinealkalinazationandfluidrestriction protocolsin patientstreatedwithintravesicalinstillationsofMMCforTVNIM.
Materialetmethod.—Descriptiveprospectiveepidemiologicalstudy inallpatientsconsecu- tivelytreatedwith intravesicalinstillations ofMMCfor non-muscle invasive bladdercancer (NMIBC).Patientsshouldbeadvisedtodrink2litersofwaterfromVichyandtoperformfluid restrictionthe daybefore the instillations.Before eachinstillation,aquestionnaire onthe implementationofthesemeasures wasfilled,densityandpHweredeterminedby urinalysis strips.
Results.—On 126questionnairesfulfilled,117patients (93%)and106patients (84%)reported having made alkalinizationand fluid restriction, respectively. Ninety-one of patients (78%) reportedhavingperformedalkalinizationhadapHgreaterthanorequalto6.5andthemean urinarypH was6.94vs. 5.94inpatients statingnottohavemade alkalizing(P=0.0001). No significantdifferencesinurinedensityaccordingtofluidrestrictionwasfound.
Conclusion.—TheobservanceoftheinstructionsregardingurinealkalinizationbeforeMMCins- tillationswassatisfactoryandhasachievedasufficientlyhighurinarypHtopreventdegradation oftheproductin91%ofcases.Conversely,thefluidrestrictionwasnotfollowedcloselyand hasnotshownitseffectivenessontheconcentrationofurine.
Levelofevidence.— 4.
©2015ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
Introduction
Lesinstillationsendo-vésicalesdeBCGetdemitomycineC (MMC)sontletraitementderéférencedestumeursdeves- sienoninfiltrantlemuscle(TVNIM)derisqueintermédiaire en complément de la résection trans-urétrale de vessie (RTUV)[1].L’efficacitédelaMMCestdépendantedumode de réalisation des instillations car la molécule est extrê- mement instable à pH acide ou à des pH très basiques.
UnpH urinaireacide<5,5rendpar conséquentmoinseffi- caces l’instillation de MMC [1]. Le pH urinaire humain varieentre4,5et8,0enfonctionde3processusreliésentre eux:lasécrétiond’acide,laproductiond’ammoniaque et l’excrétiondebicarbonates[2].LepH urinairemoyendes 130patientstraitésparinstillationsdeMMCdansl’étudede Maedaetal.étaitde5,77±0,05[3].Labonnepratiquede réalisationdesinstillationsdeMMCrequièredoncunealca- linisationdesurines.Unessaicliniqueprospectifrandomisé
amontréqu’uneoptimisationdutraitementparchimiothé- rapieendo-vésicale(instillationde40mgdeMMCprécédée d’unealcalinisationetd’unerestrictionhydrique)permet- taituneaméliorationsignificativedelamédianedesurvie sansrécidiveparrapportàuntraitementnonoptimisé(ins- tillationde20mgdeMMC)[4].Parconséquent,leComitéde cancérologiedel’Associationfranc¸aised’urologie(CCAFU) recommandeunealcalinisationdesurinesparbicarbonate desodiumoueauminéralealcalineafind’obtenirunpHuri- nairesupérieurà6,5etuneréductiondeladiurèse8heures avant chaque installation [5]. La mise en œuvre de ces mesuresreposesuruneinformationclaireetréitéréenéces- saireàlacompréhensionetl’implicationdupatientdanssa priseenchargethérapeutique.
L’objectif de notre étude était d’évaluer l’observance et l’efficacité des mesures d’alcalinisation et de concen- tration des urineschez lespatientstraitésparinstillation endo-vésicaledeMMCpouruneTVNIM.
OptimisationdesinstillationsdeMMC 81
Tableau1 pHurinaireselonlaréalisationdesmesuresd’alcalinisation.
Alcalinisationeffectuée Alcalinisationnoneffectuée p
Effectifn(%) 117(93) 9(7)
pH≥6,5 91(78) 2(22) <0,001
pH<6,5 26(22) 7(78)
pHmoyen 6,98±0,757 5,94±0,527 0,0001
Matériels et méthodes Population étudiée
Il s’agissait d’une étude épidémiologique descriptive prospectivechezl’ensembledespatientstraitésconsécuti- vementdansunserviced’urologiehospitalieruniversitaire par instillations endo-vésicale de MMC pour une TVNIM ayantbénéficiéaupréalabled’uneRTUVentremars2014et juin2015.Avantledébutdesinstillations,uneinformation orale et écrite était délivrée aux patients en consulta- tion,comprenantlafiched’informationsurlesinstillations endo-vésicalesdemitomycinedel’AFUetdesrecommanda- tionsécritesrédigéesparnotreservicepréconisantdeboire 2litresd’eau deVichy laveilledel’instillation,denepas boire6heuresavantetdeboire1litred’eau3heuresaprès avoirrec¸uletraitementetaumoins2litressurles24heures.
L’informationoraleétaitrenouveléeaprèschaque séance.
Leconsentementéclairédespatientsparticipantàl’étude aétérecueilliparécrit.
Recueil des données
Avantchaqueinstillation,lepatientétaitinvitéàrépondre à un hétéro-questionnaire comportant les deux questions fermées suivantes:«Avez-vous pu boire ½ litre d’eau de VichySaint-Yorreenviron12heuresavantl’instillation?»et
«Avez-vouspurestreindrevosapportshydriques(boissons) dans les 6heures précédant l’instillation?». Ils avaient la possibilitéderépondrequeparouiouparnon,lesquestion- naires comportant desréponses manquantes, incomplètes oudouteusesontétéexclus.Uneanalysed’urineparban- delette urinaire sur urinesfraîches était réaliséepar une infirmière pour déterminer le pH urinaire et la densité urinaire. La mesure de la densité urinaire détermine la concentrationdes d’éléments dissousdans l’urine, soitle rapport entre ceux-ci et le volume de l’échantillon. Elle estrecommandéedanslecadredel’évaluationmétabolique despatientslithiasiquespourévaluerlaqualitédesapports hydrique[6].Silepatientàrespecterlaconsignederestric- tionhydriquedansles6heuresquiprécèdentl’instillation, laquantitéd’eaudanslesurinesseramoindreetladensité
plusélevée.Lalecturedesrésultatsétaiteffectuéeparun automatederéférenceCLINITEKStatus+analyser(Siemens, Munich,Allemagne).Lesréponsesdupatientau question- naireet les résultats de l’analysed’urine n’influenc¸aient pasledéroulementdel’instillation.Leremplissageduques- tionnaire,l’analysed’urineetl’instillationdeMMCétaient réalisésparlemêmemembredupersonnelparamédical.
Analyses statistiques
Les variables quantitatives étaient exprimées par leur moyenneetleurécart-type(DS).Lesvariablesqualitatives étaientdécritesparleur effectif(n)etleurfréquenceen pourcentage.Lespatientsétaientrépartisendeuxgroupes selonquelepHurinaireétaitounonsupérieurouégalà6,5.
Lesvariablesquantitativesétaientcomparéesparletest t deStudent.Lesvariablesqualitativesétaientcomparéespar letestduChi2.Touslestestsstatistiquesétaientbilatéraux, les variances des groupes comparés étaient considérées commeégales,leseuildesignificativitéétaitfixéà5%.Les analyses statistiques étaient réalisées à l’aide du logiciel MicrosoftExcel.
Résultats
Entre mars 2014et juin 2015, 136patients ont rec¸u des instillationsdeMMC. Parmi eux,deux patients (1,4%)ont réponduauxquestionsposéeslorsdel’examenmédicalpré- cédentl’instillationmaisontexpriméunrefusdeparticiper àl’étude.Autotal,134questionnairesrelatifsàuneinstil- lationdeMMC ontété remplis durantla périodeétudiée, 8d’entreeux n’ontpas étéprisencompte dansl’analyse carlesdonnéesconcernantl’analyseurinairen’ontpasété recueillies. Sur les 126questionnaires inclus, 117patients (93%)ontdéclaréavoireffectuélesmesuresd’alcalinisation desurineset106patients(84%)ontdéclaréavoireffectuéla restrictionhydrique.Parmilespatientsayantdéclaréavoir effectuéles mesuresd’alcalinisation des urines, 91 (78%) avaientunpHsupérieurouégal à6,5contre2(22%)chez les patients déclarant ne pas avoir effectué ces mesures (p<0,001). Le pH urinaire moyen des patients déclarant avoireffectuélesmesuresd’alcalinisationdesurinesétait
Tableau2 Densitéurinaireselonlaréalisationdelarestrictionhydrique.
Restrictionhydriqueeffectuée Restrictionhydriquenoneffectuée p
Effectif,n(%) 106(84) 20(16)
Densitéurinairemoyenne 1,01759 1,01825 0,5523
Écart-type 0,00443 0,00494
82 G.Lailleretal.
de6,98contre5,94chezlespatientsdéclarantnepasavoir suivicesmesures(p=0,0001).Ladensitéurinairemoyenne despatientsdéclarantavoireffectuélarestrictionhydrique étaitde1,01759g/mLcontre1,01825g/mLchezlespatients déclarantnepas l’avoireffectuée(p=0,55).Lesrésultats desdifférentsgroupessontrésumésdanslesTableaux1et2.
Discussion
La promotion de l’observance du patient aux mesures d’alcalinisationetdeconcentrationdesurinesavantchaque instillationendo-vésicaledeMMCconstitueunenjeupourla réussite dutraitement des TVNIMde risqueintermédiaire àélevé.Eneffet,plusieursétudesdepharmacodynamique ontdémontré quel’action delaMMCétait inactivéeà un pH urinaire<6,5dufait de l’instabilitéde la molécule en milieuacide[7,8].Danslaprésenteétude,nousavonsmon- tréqu’uneinformationoraleetécriteprécédant ledébut desinstillationspermettaitd’assureruneobservancesatis- faisante despatients tant sur lesmesures d’alcalinisation des urines que sur la restriction hydrique. De plus, l’alcalinisationparingestiond’eaudeVichyoudebicarbo- natedesodiums’estrévéléeefficacechez91%despatients pourassurer unpH urinairesupérieur à6,5.Ces résultats confirmentdoncl’utilitédecesmesuresdontl’application rigoureusepar lepatient, assuréepar uneéducationthé- rapeutiquerépétée,constitueunprérequisàlaréussitedu traitementparinstillationendo-vésicaledeMMC.
En association aux mesures d’alcalinisation, le CCAFU recommande une restriction hydrique débutant 6heures avant le début de l’instillation et visant à augmenter la concentrationvésicaledelachimiothérapie.Aucunediffé- rencestatistiquementsignificativededensitéurinaireentre lespatientsdéclarant ounon avoireffectué larestriction hydriquen’a été mise en évidence dans notre étude. Ce résultat n’est probablement pas lié à un défaut de puis- sance car la différence observée entre les deux groupes etlesécarts-typessont minimes etlep très supérieurau seuil de significativité. Il est possible que l’alcalinisation desurinesparlaconsommationdes2litresd’eaudeVichy recommandés, bien que précédant la restriction, contre- carrel’augmentationla densitéurinaire. Ilest également possible que la restriction hydrique n’ait pas été correc- tementréaliséechezlespatients déclarant l’avoirsuivie.
Lemodederecueildesdonnéesparquestionnaireétaiten effetsusceptibled’induireunbiaisàl’origined’unesures- timationdunombredepatientsayanteffectivementréalisé larestrictionhydriqueavantl’instillation.L’indicationdela restrictionhydriqueaétéfondéesurdeuxprincipes:d’une part,l’augmentation de la concentration enMMC dans la vessie et, d’autre part, le fait qu’au cours de la séance d’instillation,le patient est tenu de garderla chimiothé- rapiedanslavessiedurant1h30à2h.Ilconvientdoncde restreindrel’apporthydriqueafin denepasaugmenterla diurèseetainsinepasdiluerlaMMCetretarderle besoin
mictionnel.Parailleurs,ilestànoter quelamesuredela densité urinaire par bandeletteurinaire est imparfaite et considéréecommenonfiableparplusieurs auteurs[9],ce quiconstituel’unedeslimitesdecetteétude.
Conclusion
Les résultats de cette étude suggèrent que les mesures d’alcalinisationdesurinesprécédantlesinstillationsdeMMC dans letraitement des tumeursdevessie noninfiltrant le musclederisqueintermédiaireàélevépermettentdans91% des cas d’obtenir unpH urinairesuffisamment élevé pour prévenirladégradationduproduitlorsdel’instillationavec uneobservancetrès satisfaisante.Enrevanche,larestric- tionhydriquepréalableàl’instillation,peusuivieetn’ayant pas montrésonefficacitésur laconcentration desurines, devraitêtreremiseenquestion.
Déclaration de liens d’intérêts
Lesauteursdéclarentnepasavoirdeliensd’intérêts.
Références
[1]Pfister C, Roupret M, Neuzillet Y, Larré S, Pignot G, Quin- tensH,et al. Les membresdu CCAFU.Recommandations en onco-urologie2013duCCAFU:tumeursdelavessie.ProgUrol 2013;23:S126—32.
[2]SherwoodL. Physiologiehumaine. Paris:DeBoecksupérieur;
2015.
[3]MaedaT,KikuchiE,MatsumotoK,MiyajimaA,OyaM.UrinarypH ishighlyassociatedwithtumorrecurrenceduringintravesical mitomycinCtherapyfor nonmuscleinvasivebladdertumor.J Urol2011;185:802—6.
[4]Au JL, Badalament RA, Wientjes G, Young DC, Warner JA, VenemaPL, et al. Methods to improve efficacyof intravesi- calmitomycinC:resultsofarandomizedphaseIIItrial.JNatl CancerInst2001;93:597—604.
[5]RouprêtM,Neuzillet Y,LarréS,PignotG, ColobyP,Rébillard X, et al. Recommandation du comité de cancérologie de l’Associationfranc¸aised’urologie(CC-AFU)pourlabonnepra- tiquedesinstillationsendovésicalesdeBCGetdemitomycine Cdansletraitementdestumeursdelavessien’envahissantpas lemuscle(TVNIM).ProgUrol2012;22:920—31.
[6]Traxer O, Lechevallier E, Saussine C. Bilan métabolique d’un patient lithiasique. Le rôle de l’urologue. Prog Urol 2008;18:849—56.
[7]Kennedy KA, McGurl JD, Leondaridis L, Alabaster O. pH dependence of mitomycin C-induced cross-linking activity in EMT6tumorcells.CancerRes1985;45:3541—7.
[8]TomaszM,LipmanR.AlkylationreactionsofmitomycinCatacid pH.JAmChemSee1979;707:6063—7.
[9]CostaCE,Bettendorff C,Bupo S,AvusoS, VallejoG. Compa- rative measurementof urinespecific gravity: reagent strips, refractometryandhydrometry.ArchArgentPediatr2010;108:
234—8.