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Qui est Marguerite Yourcenar?

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Qui est Marguerite Yourcenar ?

De Marguerite de Crayencour à Marguerite Yourcenar : une jeunesse cultivée

Elle naît le 8 juin 1903, à Bruxelles, dans une riche famille. Suite à la mort de sa mère quelques jours après l’accouchement, elle est confiée à sa grand-mère paternelle, Noémi Dufresne, qu’elle surnomme ensuite « l’insupportable Noémi » et dont elle dresse un portrait au vitriol dans ses autobiographies.

Son éducation est prise en charge par son père, Michel de Crayencour, anticonformiste, grand voyageur, passionné de littérature, dont elle hérite non seulement l’amour des livres et le goût du voyage mais aussi le souci de l’exactitude et de la vérité qui sera au fondement même de son écriture. Aussi grandit-elle, jusqu’à la Première Guerre mondiale, à Lille, en hiver, au Mont-Noir, dans le domaine familial, situé dans le nord de la France, ou encore dans le Midi, en été.

C’est à huit ans qu’elle se passionne pour les grands auteurs de la littérature : Racine, La Bruyère, Saint-Simon, Chateaubriand, Hugo, Shakespeare, Homère … qu’elle lit seule ou qu’elle découvre à

travers la lecture que lui en fait son père. Celui-ci lui enseigne alors le latin et le grec et lui transmet une solide culture antique à travers la visite des musées londoniens, comme le British Museum1 ou la National Gallery, ou parisiens, tels que Le Louvre ou Cluny, mais aussi italiens comme la Villa Hadriana, à Tivoli, qu’elle découvre à vingt ans2.

Les premiers écrits poétiques

Déscolarisée depuis sa plus jeune enfance, Marguerite Yourcenar réussit son baccalauréat et souhaite devenir

écrivain. Elle crée alors son pseudonyme « Yourcenar », anagramme de « Crayencour » à un « c » près3 et écrit, en 1921, un long poème dialogué, Le Jardin des Chimères, dont le sous-titre est Icare. Elle publie ensuite un recueil, en 1922, intitulé Les Dieux ne sont pas morts.

1 « Là, j’ai vu Hadrien pour la première fois, le viril et presque brutal Hadrien de bronze vers la quarantième année, repêché dans la Tamise au XIXème siècle », Les yeux ouverts (1980).

2 A propos des Mémoires d’Hadrien, elle dira dans Les yeux ouverts : « C’est la villa Hadriana qui a été le point de départ, l’étincelle, quand je l’ai visitée, à l’âge de vingt ans ».

3 « C’était un jeu entre mon père et moi. Nous nous sommes amusés à chercher ce qu’on pouvait faire avec ces quelques lettres (…) et après une soirée agréable, déplaçant les mots, les lettres sur une feuille de papier, nous sommes tombés sur Yourcenar. J’aime beaucoup l’Y, c’est une très belle lettre (…) c’est surtout un arbre, aux bras ouverts », Les yeux ouverts (1980).

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De la poésie au récit en prose

Après plusieurs publications poétiques, elle écrit des textes narratifs. Son premier long récit s’intitule Alexis ou Le Traité du Vain combat, en 1929. Ce roman se présente comme une longue lettre d’adieu qu’un musicien adresse à sa femme pour lui annoncer son homosexualité avant de se séparer d’elle.

D’un style jugé précis et froid, ce récit est le premier exemple de « portrait d’une voix » et traite d’un sujet audacieux pour l‘époque, d’autant plus qu’il est évoqué par une jeune femme. Elle publie ensuite d’autres récits, dont un recueil de nouvelles, en 1938, dont le titre est Nouvelles orientales, échos de ses voyages en Grèce et dans les Balkans, et de son goût pour les littératures orientales, japonaises et chinoises.

Elle rencontre, en 1937, l’amour de sa vie en la personne de Grace Frick, une universitaire américaine, avec laquelle elle vivra jusqu’à la mort de celle-ci.

Grace sera la traductrice unique de ses œuvres en anglais.

En 1939, elle publie Le Coup de Grâce, conçu comme « le portrait d’une voix ».

Elle recourt à l’emploi de la première personne afin d’éliminer la voix de l’auteur et de « montrer un être humain faisant face à sa vie, et s’efforçant plus ou moins honnêtement de l’expliquer, et d’abord de s’en souvenir » (préface). Elle y relate le récit tragique d’un trio amoureux dans le décor des guerres antibolcheviques des pays baltes.

L’exil ou la longue pause dans l’écriture

Alors qu’elle se trouve en Suisse quand éclate le conflit de la Seconde Guerre mondiale, Marguerite Yourcenar accepte de suivre sa compagne aux Etats-Unis, où elle

s’installe définitivement. Elle abandonne alors les projets d’écriture, travaille comme professeure de littérature dans un collège et a une activité de traductrice.

Le succès des Mémoires d’Hadrien et le retour à l’écriture

Alors qu’elle avait entrepris entre 1924 et 1929 des premières versions d’un récit sur Hadrien (alors intitulé Antinoos, premières épreuves qu’elle détruira) et qu’elle reprendra son travail en 1934, en prenant le point de vue d’Hadrien, c’est l’arrivée d’une malle, en

janvier 1949, contenant ses premières ébauches des Mémoires d’Hadrien, qui la replonge dans son projet d’écriture. Le roman est un succès mondial. Marguerite Yourcenar écrit alors de nombreuses pièces de théâtre, un recueil poétique, des essais critiques et un roman, L’œuvre au noir, en 1968. Ce deuxième roman historique lui fait renouer avec le succès à travers le récit du destin tragique du personnage fictif de Zénon, médecin, alchimiste, philosophe, de sa naissance à sa mort à l’époque de la Renaissance.

Une œuvre littéraire prolifique

En 1971, elle entreprend la composition d’une série de trois autobiographies : Le Labyrinthe du monde (I. Souvenirs pieux, en 1974. II. Archives du Nord, en 1977 ; III. Quoi ? L’Eternité, en 1988, à titre posthume). Elle poursuit également son activité de traductrice (poèmes grecs ou œuvre de Mishima) et se consacre à l’écriture d’essais et de ses derniers romans : Comme l’eau qui coule, Anna Soror, Un homme obscur, Une belle matinée. Elle est la première femme élue à l’Académie française, en 1981.

Elle meurt le 17 décembre 1987, aux Etats-Unis.

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Une malle et un empereur - Histoire d’un livre

Les passages ci-dessous sont extraits du livre « Les yeux ouverts », série d’entretiens que Marguerite Yourcenar a accordés à Matthieu Galey, en 1980.

Sur l’arrivée de la malle, en 1949 : « J’ai retrouvé ce début, et puis j’ai retrouvé, en même temps, dans la même malle, un ou deux livres traitant d’Hadrien. Là, comme me reviennent des souvenirs d’enfance en touchant une vieille règle forgée par mon père, en ouvrant ces volumes j’ai senti tout à coup resurgir les recherches que j’avais entreprises avant la guerre. C’était le Dion Cassius, dans l’édition d’Henri Estienne (j’ai toujours été un peu bibliophile, par intermittence), et une édition moderne de l’Histoire Auguste. Hadrien est brusquement sorti d’entre ces pages ».

« Pendant des années, j’ai lu la littérature grecque, souvent d’une façon très intense, pendant de longues périodes, ou au contraire, par-ci, par-là, en voyageant avec tel ou tel philosophe ou poète grec dans ma poche. A la fin, je m’étais reconstruit la culture d’Hadrien : je savais à peu près ce qu’Hadrien lisait, ce à quoi il se référait, la manière dont il a envisagé certaines choses à travers les philosophes qu’il avait lus. Je ne me suis pas dit : « Il faut écrire sur Hadrien et s’informer de ce qu’il pensait. » Je crois qu’on n’y arrive jamais de cette manière-là. Je crois qu’il faut s’imprégner complètement d’un sujet jusqu’à ce qu’il sorte de terre, comme une plante soigneusement arrosée. »

Quand on écrit sur un personnage de roman, à mon avis, il faut en savoir infiniment plus qu’on en dit.

C’est toujours la comparaison usée de la pointe de l’iceberg. Pour Hadrien, par exemple, il y a toutes les années de jeunesse, les années de guerre, les années d’ambition, au cours desquelles il s’efforce de devenir tour à tour officier dans l’état-major de Trajan, consul, gouverneur… Nous n’en savons presque plus rien, il faut pourtant tâcher de tout savoir, de tout recréer à travers les documents du temps et le curriculum vitae des autres grands fonctionnaires ; il faut être capable de pouvoir tout dire, mais ne pas le dire parce que n’est pas important. J’ai fait la même chose pour l’Œuvre au noir. On a le curriculum vitae d’Hadrien, c’est-à-dire qu’on sait, année après année, les différents emplois, les différentes dignités dont il a été revêtu. Mais on ne sait pas grand-chose de plus. On sait le nom de quelques-uns de ses amis ; on connaît un peu son groupe à Rome, sa vie personnelle. Alors j’ai tâché de reconstituer tout cela, à partir des documents, mais en m’efforçant de les revivifier ; tant qu’on ne fait pas entrer toute sa propre intensité dans un document, il est mort, quel qu’il soit.

« La composition a pris trois ans. Cela va très vite, une fois qu’on s’est décidé. Trois ans de travail continu, à ne faire que cela, à vivre en symbiose avec le personnage, au point de comprendre parfois qu’il mentait, et de le laisser mentir. Il réarrangeait comme tout le monde, consciemment ou non. Je crois qu’il a pas mal menti au sujet de son élection, de son arrivée au pouvoir ; il a dû en savoir un peu plus qu’il ne m’en a dit. Il a laissé planer une sage incertitude. »

« J’ai toujours vu -mes lecteurs le voient rarement- l’histoire d’Hadrien comme une espèce de construction pyramidale : la lente montée vers la possession de soi et celle du pouvoir ; les années d’équilibre suivies de l’enivrement, qui est aussi le grand moment, si vous voulez ; puis l’effondrement, la descente rapide ; et de nouveau la reconstruction à ras de terre des dernières années, les usages, les rites religieux romains acceptés, après les expériences exotiques d’autrefois, les travaux poursuivis coûte que coûte, la maladie supportée », Les yeux ouverts (1980).

« Dans le cas d’Hadrien, il y a eu cette tendance du lecteur à s’identifier au héros, et surtout à s’identifier à l’aventure amoureuse (…). Rares sont ceux qui ont vu l’ensemble du livre. En général, les gens ne voient pas l’ensemble ; ils voient la saillie, l’angle qui se rapproche d’eux. Les gens regardent toujours d’un livre la facette qui reflète leur propre vie.

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L

A COMPOSITION DES

M

EMOIRES D

’H

ADRIEN

UN DECOUPAGE EN SIX CHAPITRES AUX TITRES LATINS ENIGMATIQUES

Le premier chapitre « Animula vagula blandula » est le premier vers d’un poème d’Hadrien, placé en épigraphe au livre.

Animula vagula, blandula, Hospes comesque corporis,

Quae nunc abibis in loca Pallidula, rigida, nudula, Nec, ut soles, dabis iocos.

Petite âme, errante, caressante, Hôtesse et compagne du corps, Qui maintenant disparais dans des lieux,

Livides, dénudés, figés,

Tu ne pourras plus, selon tes habitudes, T’abandonner à tes jeux.

Les cinq autres sont empruntés aux devises des monnaies émises sous le règne d’Hadrien. Traduisez les titres des différents chapitres :

- Varius multiplex multiformis : ………

- Tellus stabilita : ……….

- Saeculum aureum : ……….

- Discipula Augusta : ………..

- Patienta : ……….

LE RECIT CHRONOLOGIQUE DUNE VIE

Le livre raconte, à partir du deuxième chapitre, la vie d’Hadrien, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, en mettant en valeur les trois grandes périodes de sa vie : son ascension, son apogée, son déclin, en lien avec la politique menée : rétablir l’ordre, maintenir l’ordre, prévenir le chaos.

(pour le résumé des différents chapitres, voir le guide de lecture sous forme de petit livret)

Né en 76 après JC., Publius Aelius Hadrianus, dit Hadrien, fut adopté par l’empereur Trajan avant de lui succéder à la tête de l’empire à sa mort. Représentant emblématique de la dynastie des Antonins, il entend contribuer à réformer et à transformer radicalement Rome et son Empire. Ainsi entreprend- il une politique de protection de l’empire romain par la construction de fortifications aux frontières de la Bretagne, de la Germanie et du Danube, dont le mur d’Hadrien est la plus célèbre. Il fut aussi à l’origine de nombreuses réformes administratives et fit réaliser de nombreux monuments qui témoignent à travers tout l’empire, de son attachement à l’art et à la culture. Cependant, malgré la situation de prospérité et de stabilité qui caractérise les vingt-et-unes années de cette période d’apogée, Hadrien eut également à faire face à des crises politiques qui l’amenèrent à la répression des Juifs et à leur persécution. Cette politique de fermeté face aux révoltes de Judée (de 132 à 135) s’achève avec la destruction de Jérusalem.

MAIS AVEC UNE ARCHITECTURE COMPLEXE

Le roman contient de nombreux retours en arrière (analepses) et des annonces de ce qui va se passer après (prolepses). De plus, le roman est conçu comme une boucle. Il commence et s’achève par la mort de l’empereur, alors âgé de soixante ans. Le premier chapitre (exorde) et le dernier (épilogue ou péroraison) contiennent les pensées et réflexions d’Hadrien à l’approche de la mort et constituent ainsi le récit-cadre, écrit aux temps de l’énonciation. Les quatre chapitres centraux, le récit enchâssé, sont consacrés au récit de la vie de l’empereur et sont rédigés aux temps du passé, temps du souvenir.

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L

ES THEMATIQUES ESSENTIELLES

EST-CE UNE ŒUVRE POLITIQUE EN ECHO AVEC LEPOQUE DE LA COMPOSITION DU LIVRE ?

En 1951, la situation coloniale de la période après-guerre pose le problème de la survie des empires européens et n’est pas sans rappeler les difficultés de l’Empire romain à imposer sa politique dans les provinces, en particulier la « pax romana », qui établit le développement des échanges et la circulation des personnes. En outre, la paix aux frontières fait écho au nouvel ordre capitaliste que veut instaurer les Etats-Unis, dès 1945 et à la recherche d’un équilibre entre les deux superpuissances mondiales, les Etats-Unis et l’Union soviétique. Ainsi, le destin de l’Empire romain, qui est, à l’époque d’Hadrien, en pleine prospérité avant de connaître d’importantes difficultés qui favoriseront sa chute à partir du règne de Marc-Aurèle, donne matière à faire réfléchir les lecteurs sur l’état de leur propre civilisation à l’issue des deux guerres mondiales qu’ils viennent de traverser.

UNE ŒUVRE HISTORIQUE AU SUJET UNIVERSEL :« TOUT ETRE QUI A VECU LAVENTURE HUMAINE EST MOI ».

Derrière l’écriture d’Hadrien se cache celle de Yourcenar qui reconstruit les émotions de son protagoniste à partir de sa propre expérience humaine. Elle emploie l’expression de « magie sympathique » pour évoquer cette expérience.

UN HOMME AU SEUIL DE LA MORT :« ENTRER DANS LA MORT LES YEUX OUVERTS »

Dans le premier et le dernier chapitre du roman, Hadrien se prépare à mourir. C’est dans l’exercice de l’écriture qu’il atteint une sorte « d’extase lucide » jusqu’à la fin en entrant « dans la mort les yeux ouverts » après être parvenu à la connaissance de soi-même. Ecrire devient le dernier moyen de supporter la vie et d’avancer vers la mort. La mort plane aussi tout au long du récit puisqu’elle marque l’existence d’Hadrien à travers la disparition des membres de sa famille (la mort de son grand-père Marullinus, en particulier), de ses amis, de l’impératrice Plotine, et d’Antinoüs. L’expérience de la mort tient un rôle déterminant dans ses décisions politiques : volonté d’instaurer la paix mais aussi d’organiser le territoire pour pérenniser son règne, de construire (Villa Adriana, Panthéon et temple de Zeus à Athènes, fondation de cités).

NAISSANCE ET MORT DUN AMOUR : ANTINOÜS COMME CATALYSEUR DES EMOTIONS D’HADRIEN

C’est au centre du récit qu’Hadrien choisit de faire le récit de sa passion amoureuse avec Antinoüs, le jeune Bithynien. Marguerite Yourcenar possédait fort peu de documents historiques concernant leurs liens au quotidien. Aucune correspondance ne témoigne de leur affection commune. Seules des statues servent de supports pour restituer la beauté du jeune amant. Marguerite Yourcenar imagine alors par « la magie sympathique » la vie amoureuse d’Hadrien et d’Antinoüs. Cette passion se réfère à des modèles, comme celui d’Achille et de Patrocle, héros de la

guerre de Troie. Néanmoins, Hadrien nuance l’idéalisation des amants et répond à une exigence de réalisme. Ainsi, il évoque une relation de dépendance. Les nombreuses métaphores animales soulignent la subordination d’Antinoüs et annoncent son sacrifice, sa noyade qui constitue dans l’Antiquité une pratique mystique.

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