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Dieux, masques, et hommes: à propos de la formation de l'iconographie de Bès 

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Dieux, masques, et hommes: à propos de la formation de l'iconographie de Bès 

VOLOKHINE, Youri

VOLOKHINE, Youri. Dieux, masques, et hommes: à propos de la formation de l'iconographie de Bès . Bulletin de la société d'égyptologie de Genève , 1994, vol. 18

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:112847

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1 / 1

(2)

DIEUX, MASQUES ET HOMMES' À PROPOS DE LA FoRMATIoN DE L'ICoNocRAPHIE oB BÈs

Youri

VOLOKHINE

Récemment, plusieurs études sont venues renouveler

le

regard que

I'on

porte sur le dieu Bès,

pour lequel la

bibliographie égyptologique

était

déjà considérable. Michel Malaise a clairement exposé

le lien

de ce dieu avec

le'cycle

solaire,

Dimitri

Meeks a apporté de nombreux éléments nouveaux sur la personnalité de Bès, et Véronique Dasen, au sein d'une étude sur les nains en Égypte et en Grèce, a

livré

une riche contribution pour l'intelligence de ce dieul .

Le

présent

article

se propose néanmoins

de

discuter

à

nouveau

de la

formation de

l'image

classique de Bès,

en

insistant sur

le

réseau d'échanges

qui

existe entre cette divinite et d'autres personnages ou animaux du paysage mythologique égyptien2.

Rappelons que le nom de Bès n'est souvent sous la plume des égyptologues qu'un nom générique pour un ensemble de divinités composant une même famille divine: on parlera

ainsi volontiers

<

des

Bès

>. On

constate également

un important hiatus

entte l'iconographie du dieu et les attestations textuelles du nom

divin

Bès, qui ne constituent

par ailleurs qu'un

assez

maigre

dossier.

L'image de divinités ou de

personnages

< bèsoides > apparaît sporadiquement dès

l'Ancien

Empire; dès la

XVIII"

dynastie, cette iconographie connaît une augmentation considérable. En revanche le mot âs en tant que nom

divin,

n'est attesté

qu'à partir

de

la XXI"

dynastie,

et

clairement

mis

en relation

I

L'ancienne monographie de Fr. BALLoD, Prolegomena zur Geschichte der Zwerghaften Gôtter in Âglptens, Moscou 1913, est toujours utile à consulter;

cf

également B. BRUYÈP.E, < Le culte de Bès, Taourt et d'Hathor dans les ateliers de la nécropole >>, Fouilles de Deir el-Médineh 1934-1935 (FIFAO l6), Le Caire 1939, p. 93-108; H. Bor.wrr, RÂRG (1952), p. l0l-109 s. v..' < Bes ); D. MEEKS, Génies, anges et démons en

Égpti

(Sources Orientales 8), Paris 1971, p. 52-55; H. ALTENMÙLLER,

|

(1975), col. 720-724 s. v.:

n Bes r. Parmi les études récentes,

c/

M. MATAISE, < Bès et les croyances solaires >, Studies in Egtptologt Presented to Miriam Lichtheim, Jerusalçm 1990, vol. 2, p. 680-729; D' MEEKS, << Le nom du dieu Bès et ses

impliiations mythologiques >>, The Intellectual Heritage of Egltpt. Studies Presented to Lâszlô Kâkosy (Stud.

Aeg. l4), Budapest 1992,p. 423-436; V. DesBN, Dwarfs in Ancient Eg,pt and Greece, Oxford 1993, p. 55- 83. pour I'iconographie de Bès, voirV. TRANTAMTnTH, s. v..'<( Bes-Beset >>, dans: Lexicon lccnographicum Mythologiae Classicae 3, Z:urich - Munich 1986, p. 98-108 et ll2-114.

2 Sur le même sujet, voir J. RoveNo, < The Origin of the Bes-image >>, BES 2 (1980), p. 39-56. Romano insiste avecjustesse sur le caractère autochtone de Bès et sur la part léonine de son iconographie. Il ne m'a malheureusement pas été possible de consulter l'étude de J. RoMANo, The Bes Image in Pharaonic Egtpt, Ph. D. Thesis, New York University (1989).

(3)

82

Youri VoLorsrNp

BSEG 18 (1994)

avec I'image du dieu seulement à l'époque ptolémaique3.

Le portrait

que

l'on fera ici

de Bès reposera donc essentiellement

sur

les

particularités

des représentations

du dieu,

et sur le contexte et la nature des objets où

il

apparaît.

l.

Personnages masqués

Un

ensemble

de

documents atteste,

pour une période allant de I'Ancien au Nouvel

Empire,

une

iconographie

qui révèle I'existence de

personnages déguisés, anonymes, dont l'apparence rappelle certaines caractéristiques futures du dieu Bès.

'

Un groupe de documents nous met en présence de danseurs masqués.

La

plus ancienne attestation de cette iconographie consiste en

un fragment de relief ayant

appartenu au

"o1npi"*"

funéraire

au -i

Sànouré

(V"

dynastie)

à Abousira. On distingue le haut

du çorps

d'un

personnage, dont la

position

des bras indique

qu'il

est sans doute en

train

de danser. Son visage,

vu

de

profil, offre

des

traits

marqués de rides autour de la bouche, et

il

porte une barbe en

collier

particulière, ainsi

qu'une coiffe,

surmontée de deux oreilles animales, peut-être de

lion.

Sa

poitrine

est pendante.

S'agit-il d'une divinité

ou

d'un

per- sonnage humain masqué? On serait plus naturellement enclin à pencher

pour

la première hypothèse, v-u

la proximité iconographique de ce

personnage

avec les divinités

de

<fécondité>'.

Cependant,

l'état très

fragmentaire

du document ne permet pas d'être

catégorique.

Il

manque le contexte; aussi

s'agit-il

de chercher des parallèles.

La

problé- matique esquissée, à savoir I'existence

d'un

personnage dont

il n'est

pas aisé de détermi- ner la nature divine ou humaine, se confirmera avec les autres témoignages.

Sur un

relief

conservé au

British

Museum et datant du début de

la VI'

dynastie

,

nous voyons une danse

rituelle

de jeurnes g"nru .

Au milieu

d'une petite troupe, un personnage, tenant un bâton terminé par une rnain, arbore une

coiffure

ressemblant à celle

vue

sur le fragment précédent,

mais

surmontée

d'oreilles plus

pointues.

Il tient

une corde,

ou

une bande de tissu, et est vêtu

d'un

pagne. La présence de ce personnage au sein

d'une

scène rituelle, tendrait à prouver

qu'il s'agit d'un

homme masqué. Cependant, un déguisement signifie intrinsèquement

qu'un

acteur est investi d'une personnalité autre que la sienne;

il joue un rôle, il

se comporte comme

un

personnage autre que

lui-même. La

marque de

'

Voi. D. Merrs, Op. cit. (1992), p. 423-425-

o L. Boncneror, Das Grabdenkmal des Kônigs sarllu-re' (t'yvDoc 26), Leipzig 1913, Band

II:

die Wandbilder, pL.22 et Band II: Text, p. 38-39.

t

J. Benvrs, Fecundity Figures. Egtptian Personnirtcailon and the lconologt of a Genre, Warminster 1985, spécialement p. 127-13

l.

u T. G. H. Ituns, Hieroglyphic Textsfrom Egltptian Stelae12,London (British Museum) 1961, pl. XXV'3 (BM n. 994) et p. 26. Cette scène a été fréquemment commentée: J. Cepnnr, < Note sur un bas-relief du Èritish Museum >, BIFAO30 (1931), p. 73-75'Capart voyait dans cette cérémonie un épisode d'une fête liée à la cirioncision;

c/

aussi H. Wtr-D, Les Danses sacrées (Sources orientales 6), Paris 1963, p. 76-77;

J.VANDTER, Manuel d'archéologie églptienne,Paris 1964, vol. IV, p. 402-403. D'autres éléments posent également un problème d'identification: les oreilles pointues s'apparentent plus, selon les conventions de rçrésentation égyptiennes, à celle d'un chien, d'un cha! qu'à celle d'un lion, cf. R. M. et J. J. JANSSEN' G)owing up in Àniient Egpr,, London 1990, p. 63-65. Voir également, pour la compréhension générale de la scène eisur I'identification des détails iconographiques, Cl. Sounorw, La main dans l'Égprc pharaonique.

Recherches de morphologie stucturale sur les objets égtptiens comportant une main, Bem 1984, p. I 12- I 16.

BSEG

t8 (1994)

DIEUX, MASQUES ET HoMMES

l'aninralité

conférée

par la coiffure

désigne

un

élément

de la

personnalité qu'endosse I'acteur.

Le

personnage

divin

auquel

il

est

fait

référence, le référent mythologique, reste cependant anonyme.

une

statuette en calcaire, également

de I'Ancien

Empire, montre un personnage

-

ou

une divinité -

nu,_

de stature trapue, portant le même type de

coiffi.rre surmontées

d'oreilles

animalesT.

Plutôt qu'un

homme déguisé,

il

est vraisemblable qu'une statuette de ce

type

désigne une

divinité,

un de ces << génies

> qui

peuplent

le

paysage religieux

égyptien. Dans ce

cas,

on pourrait voir là le réferent divin

que nous cherchions pour notre personnage. Dans le

relief

du

British

Museum, le contexte était clairement celui de lajeunesse; dans le cas de cette statuette, la nudité du personnage, à défaut de contexte, pourrait

faire

référence à l'enfance.

Un

relief

de la tombe de Kherouef

(XVIII.

dynastie) montre une scène comparables , se

déroulant lors des cérémonies de la fête sed du roi Aménophis III (époque

où I'iconographie de Bès connaît justement un important développement). La déesse Hathor préside à cette cérémonie, déesse à laquelle B,es est

lié

au moins dès le

Nouvel

Empiree .

Figurant en

queue

de

cortège, derrière des

jeunes

gens,

trois

personnages masqués se

livrent

à une gesticulation assez énigmatique.

L'un d'eux tient

une

main

de commande- ment, comme sur

le relief

du

British

Museum, tandis que les deux autres effectuent des mouvements avec les bras, dans une

attitude qui

rappelle

celle du

personnage figurant sur le fragment de

reliefdu

complexe de Sahouré; ce geste s'apparente à une danse,peut- être un simulacre de combat.

ces

personnages, à

la poitrine

tombante, portent

le

même masque

de lion. Il

est admis que les Égyptiens portaient

à l'occasion

des masques cul-

tuels'". Si

nous

voulons voir

en ces personnages

une

représentation

réaliste

d'acteurs masqués, la

difformité

de leur corps poserait un problème, car

elle

les apparenterait plu-

tôt

à une

figuration

de

divinités.

Sur un plan

cultuel,

la présence de ces personnages adi-

peux,

bestialisés

par leur

masque,

au côté d'acteurs

humains,

tendrait à montrer

que I'iconographie,égyptienne

fonctionnerait ici

de façon comparable à

l'iconographie gric- que du satyre" . Lorsque le

masque

est porté, I'acteur est investi de la

personnalité

t

L. Boncnenor, Das Grabdenlonal des Kônigs Nefer-ir-keLre. ervDoc),Leipzig 1909, p. 70.

8 The

Epigraphic Survey, The Tomb ofKheruef,

(OP

1}2),Chicago 1980, pl. 40. Voir le cornmentaire de cette scène par E. F. WENTE,

(

Hathor at the Jubilee >r, Studies in Honor of John A. Ililson (SAOC 3S),

chicago e 1969,p- 83-91, spécialementp.86-87. cf. égalementcl. souporvE, op. cit.,p. llg-120.

Sur les liens entre Bès et le monde hathorique, voir G. PrNcn, Votive Offerings to Hathor,Oxford 1993,

p.291-292.

'o À la différence des masques funéraires, nous sommes mal renseignés sur les masques cultuels en Égypte

(c/

M. Munnev, < Ritual Masking >, Mélanges Maspéro

I.

Orient Ancien fMIFAO 661, Le Caire

iôi+,

p.251'255). En raison sans doute des matières com.rptibles dans lesquelles ils étaient confectionnés, peu d'exemplaires nous en sont parvenus. Voir: J. VBncovr-rBR, Dictionnaire archéologique des techniques, Paris 1964, p. 593-594 s. v..' < masque @gypte) >; crf également: chr. srrnen, L,i

lll

di1z),col. I 196-'1 199 s. v.: < Maske >.

"

Voi. I'a.ticle essentiel de C. BÉtrno et C. BRoN, < Le jeu du satyre >, dans: La cité des images. Reli- gion et société en Grèce ancienne, Paris 1984, p.127-145. La problématique examinée par les aùieurs est comparable à celle de notre sujet, d'autant plus que le personnage du satyre, au corps bestialisé, masqué, évoluant en troupe, s'apparente bien aux Bès.

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(4)

84

Youri

VoLoxHrNP

BStiG

1S

(tee4)

BSÉG

t8 (ree4)

DIEUX, MASQUES ET HoMMES 85

semblent prêtes à se détendre pour bondir. Le personnage a un_e crinière et une queue

qui

peuvent

fàire

penser

aux attributs d'un lion ou d'un babouinls.

Comme I'attestent cer- tains

ivoires,

son nom est

Aha

< le combattant >. On

pourrait

penser que

la frontalité

de sa

figuration

témoigne du geste du guerrier

qui fait

face à

l'ennemi.

Tenant généralement des serpents dans ses mains, ce dieu combat les forces maléfiques.

Il

est

difficile

cepen- dant de se prononcer sur

la

nature exacte de ces objets.

On

s'accorde à penser que ces

ivoires

devaient

jouer un rôle

protecteur

lors

des naissances; en

effet,

les textes

qui y figurent

sont généralement des formules de protection lors de I'accouchement, mais aussi de protection nocturne.

On

a supposé aussi que ces

ivoires dont l'extrémité

pointue est sculptée en gueule de

lion,

servaient à tracer un cercle autour de la couche de la mère et du nouveau-né.

Une

divinité similaire

apparaît figurée sur une boîte en

ivoire

trouvée à Abydos, datée de la

XIII"

dynastie

(fig. l)tt.

Debout, de face, le dieu écarte les bras; derrière pend une queue

de fauve qui pourrait faire partie dq

costume

(si l'on interprète comme

une ceinture les deux iignes

qui

partagent sa

taille\I-e

visage aux oreilles rondes n'est pas

coiffé

de la crinière habituelle.

Il

est donc

difficile

de déterminer

s'il s'agit d'une

face de lionne ou de singe.

Fig. 1: Boîte en ivoire de la

XIIf

dynastie (D'après J. Garstang, El Arabah, pl. XI, E3).

Une tombe de la

XII"

dynastie de Thèbes, dans la zone du Ramesséum, a

livré,

conte- nus dans une petite caisse de bois, certains de ces ivoires accompagnés

d'un lot

de papy- rus

et d'autres figurines. Parmi les

objets, une

figurine

en

bois,

maintenant au

British Museum, montre une femme, portant une sorte de pemrque

surmontée

d'oreilles

de

tt H. Ar-rnxlm,r,p n,

LÀl

(1975),col. 97 s. v..' Aha.

t'J.

Gnnsr,,rro, El Arabah:

A

Cemetery of the Middle Kingdom

(EM),

London 1901, pl.

V

no E3 et pl. XI.

20 La ceinture se retrouve par ailleurs dans I'iconographie des singes,

c/

E. BntxNen-Tl,tur, Die ah- tigtptischen Scherbenbilder (Bildostraka) der Deutschen Museen Sammlungen, Wiesbaden 1956, pl.

III

n' 100 et p. 98-99.

véhiculée par

I'effigie. Il

se confond avec son modèle

mythologiqu"tt ' L'i"onographie

retranscriràit ce phénomène par une ambigu'rte entre corps humains et corps

divins'

Un

rare exemplaire de masque en cartonnage

aété

découvert dans une

maison de

la

XII"

dynastie à

Kahunl3.

Ce masque

à

I'expression < bèsoide i> est percé de

tro';s

aux

y"u*,

à la bouche et aux narines, ce

qui

nous montre

qu'il fut

sans doute porté.

Une

sta-

Lette

en

bois

a également été trouvée dans

la

même

demeure'". Il s'agit d'un

person- nage

féminin

au faciès grimaçant, encadré par une

coiffe

de

lion;

dans son dos pend une quËue de fauve. Avec une crinière de

lion, attribut

du mâle, juxtaposée à un corps

fémi- nin, notre

personnage témoigne

d'une

certaine ambivalence sexuelle, que nous retrou- vons plusieurs

fois

dans le sillage de Bèsr5 . Nous pourrions nous demander à nouveau si cette statuette représente un personnage masqué

ou

une

divinité. Le fait

que

la tête

soit

plus

grosse

qu.

1u norrnule

pourrait

suggérer

le port du

masque.

Mais s'il s'agit de

la

nguÀion d'un trait

physiologique, apparaît alors

l'idée

du nanisme,

notion

absente pour

lei

doquments considérés

jusqu'à

présent, mais

qui

deviendra une caraçtéristique essen-

tielle

pour Bès.

2.

Une

faune

inquiétante

Jusqu'à présent, la plupart des documents considérés nous

situait

sur

un plan cultuel;

un"

uut

"

àocumentation nous

montre

cependant une

divinité

comparable

évoluant

au sein

d'une

faune mythique. Sur les ivoires magiques du

Moyen Empire

apparaît en

effet

un personnage

qui

partage une iconographie comparable à

celle

des acteurs masqués'" .

Au

sein

d'un" 6unl

fantasmagorique,

celle

généralement

liée

au désert,

lieu

inquiétant par excellence, apparaît une

divinité

vue de face, sous forme masculine ou

féminine' on

reconnaît généralement en ce personnage

la préfiguration du dieu

Bès

classiqu"" ' Su'

les ivoires, le

personnage

se tient solidement campé sur

ses

jambes, qui,

fléchies,

t2 Le même type de question se pose parfois également dans le domaine proche-oriental, c/ R- D. BAPNETT'

< Homme masqué ou dieu-ibex? >, Syria 43 (1966), p' 259-216'

t, W. M. F. pErRE, Kahun, Gurob, and Hawara (ERl), London 1890, pl. VilI.27. On connaît également des masques de Bès en limon datant de la XIX" dynastie, c/ B. BnwÈnr, FIFAO 16 (1939)' p. 276'

to w. M. F. PETRE, op. cit., pl. V[I.14.

tt À Basre Époque, le nom féminin de Béset est attesté,

c/

H. ArreNr"rÙr-lrn, LÀ

|

(1975), col' 731 s. v.:

< Beset>. ce terme semble se rapporter à une compagne féminine de Bès, une naine à coiffure nubienne, ftutOt qu'uu doublet féminin au âieu, cf. J.BvwÉ, Talismans égtptiens d'heureuse maternité' < Faïences tt Li"r-n"r,

à

pois foncés, Paris 1991, p. 95-96. Sur Béset, voir également

w.

ryARD, << A Unique Beset Figu- rine>,Oriintali-a4l(1972),p.149-159'quinepensepastrouvefuneBésetdanslafigurinedeKahun'mais ptutOiun. forme de Sekhmetlp.

l5l).

On peut aclepter également I'attribution du nom de Beset aux formes ié.ini.é"g du dieu,

c/

K. Boisn-G*t ."t-S, < A Beset Amulet from the Amarna Period >, JEA 63 (1977)' p. SS-fOO. L'hypothise énoncée par Bosse-Griffiths (p. 105) selon laquelle les formes féminines de Bès iBeset) sont à iépoque amamiennl d", p"r.onnifications des filles de roi est cependant peu convaincante'

16 Pour ces objets, voir H. ALTEM"TÛLLER, Die Apotropaia und die Gdtter Mittekiglptens, Munich 1965; du même auteur, <Ein Zaubermesser des Mittleren Reiches>, s,4K 13 (1986), p. l-27; la question est bien ,eru'oe.

p- i.

KoE*,c, Magie et magiciens dans

l'Égpe

ancienne, Paris 1994, p. 85-98.

tt

voir

les commentaires de H. G. F$crD& < The Ancient Egyptian Attitude towards the Monstrous >' dans: Monsters and Demons

in

the Ancient and Medieval lllorlds (éd'

A. E'

FARKAS,

P' O'

HnYEn'

E. B. HARRISsoN), Mainz 1981 , p. l3-26, spécialement p' l7-20'

(5)

86

Youri Vor.oxurNp

BSEG

t8 (1e94)

lions, et

tenant dans ses

mains deux serpent"". Lu

comparaison

avec la figurine

de Kahun observée précédemment s'impose, mais également avec les représentations

figu-

rées sur les ivoires magiques

qui

se trouvaient dans Ia même caisse. On

voit

en

effet

sur un des ivoires le même type de personnage

féminin,

nu, avec une

coiffe

de

iion,

et tenant des serpents.

Avec le dieu Aha des ivoires magiques, la plupart des éléments

constitutifs

de la future iconographie de Bès sont présents: l'espace sauvage dans

lequel il évolue, la nudité,

le

rôle

magique

iré à

I'enfance,

à la

naissance,

la frontalité de la figuration. Le

nanisme n'apparaît cependant pas directement. Les jambes de

Aha

sont souvent fléchies comme celles

d'un

danseur

ou d'un guerrier prêt è l'attaque;

cette

position

s'apparente égale- ment à celle

d'un

nain aux jambes arquées 22 .

3.

Le nain

et le singe

Les tentatives

d'identification

de

laphysionomie

du dieu Bès avec des nains patholo- giques ou des pygmées sont

anciennes",

mais

n'ont

cependant

jamais

,Conné de résultats concluants2a. Bès est une image composite issue de

I'imaginaire

égyptien.

En lui, il y

a

sans doute du nain, peut-être du pygmée, mais aussi du

lion,

du singe, de I'hippopotame.

Dans les représentations de Bès de

profil, un

déhanchement

très

marqué est apparent.

Cette posture se retrouve dans les représentations des singes, notamment des babouins, mais évoque aussi

la

physionomie

du lion, aux

pattes courtes

et au long

corps ondulé.

Mais

cette attitude évoque aussi le nanisme, ou une

difformité

physique due

à

l'obésité, comme celle de la fameuse reine de Pount: comme

pour la plupart

des éléments consti-

tutifs

de l'iconographie de Bès, une même image appelle des rapprochements divers. On peut observer

ainsi un

réseau assez complexe d'échanges iconographiques

entre

lions, hippopotames et autres animaux sauvages, pouvant

à I'occasion

se confondre dans une représentation mixte25

. Tous

ces éléments tendent

naturellement à nous orienter

vers

I'Afrique. Mais il

ne

s'agira

pas

d'une Afrique réelle, dont

Bès serait issu,

mais d'une Afrique

fantasmagorique,

celle de la

faune

mythique du

désert,

et

également

celle

du mythe de la déesse lointaine. Chercher un prototype réel au dieu Bès a conduit à compa-

rer des détails iconographiques du dieu avec des particularités observées

par

tt J. E. qumru- , The Ramesseun (ERA), London I 896, pl. III.

"

À propos de Aha Y. KoENIc, Op. cit., p. 88 dit: < sa taille de nain ne se remarque pas sur les ivoires magiques car il occupe tout le champ disponible >; cependant, Aha ne présente pas les difformités physiques du nain.

t3 Voir G. MaspÉno, < Sur une formule du Livre des Pyramides >>, Rec. Trav. 14 (1893), p. 187. A. Ero,nN voyait en Bès un Africain chargé d'exécuter à l'origine des danses guerrières, cf. ZÀS

3l

(1893), p. 73.

G. JÉeuER reprit également ces conclusions, cf. < Notes et remarques 24. Origine du dieu Bès >, Rec.

Trav. 37 (1915), p. I l4-l 18. Sur ce débat, consulter désormais la synthèse de V. DASEN, Op. cit., p. 60-64, qui observe avec justesse que Bès, bien qu'autochtone, exprime néanmoins un concept égyptien du Sud (p. 63).

to S.lon A.-P. LEcA,

<

il est vain d'essayer de faire un diagnostic 'ex arte' >, cf. La Médecine égtptienne au ternps des pharaons, Paris 1988, p. 251.

"

Cf. B. GEoRGE, < Eine lôwenkôpfige Nilpferdgôttin

in

Stockholm >, Medelhavsmuseet Bulletin 12

(t977), p. 38-aa.

l'etlurographie contemporaine en

Afrique26,

à

faire

de Bès une image d'un sorcier

afri,

cain27 . Par contre, en comparant les

rides

faciales de Bès avec celles observées sur les visages des

Africains

représentés dans des scènes du Nouvel

EmpirJs,

rides qui ne sont pas forcément des scarifications mais

plutôt

des

traits expressifs",

on pounait articuler I'hypothèse

d'une

africanisation du visage du dieu,

qui

ne serait pas surprenante. Mais le plus souvent, les rides faciales de Bès apparaissent clairement comme des déformations dues à la grimace léonine-" .

On peut s'étonner du fait que le nanisme, qui n'apparaît pas à l'origine

dans

l'iconographie

des ancêtres du Bès classique, devienne une caractéristique fondamentale du dieu. Des statuettes du début de l'époque historique montrent déjà des nains, mais ne présentent généralement pas les critères permettant de verser ces pièces dans

le

dossier des ancêtres directs de Bès3l .

Malgré la respectabilité que certains nains historiques purent acquérir en

Égypte (comme Seneb à

l'Ancien Empire),

le nain leste

ul

personnage marginal dans la société égyptienne,

qui à l'occasion

provoque

la

déil'si,sn12;

il iou" iependànt

un

rôle rituel

en

dansant dans certaines cérémonies, et apparaît souvent comme artisan-orfèvre. Le voya- geur

Herkhouf

ramena

de

son

périple un nain africain,

peut-être

un

pygmée,

pour

les

(

danses du dieu > et la distraction du jeune

roi

Pépi

(VI"

dynastie), réitérant un sernbla-

ble

présent

offert

au

roilzézi

(Ve dynastiel33.

L'iconographie confirme l'existence

des danses de pygmées.

En effet,

une série de

figurines d'ivoire

datant de

la XIIe

dynastie trouvées à

Lischt'"

nous montre

un

groupe de pygmées danseurs.

Ils

se distinguent de

l'iconographie de Bès, mais ont cependant des affinités avec lui, par

exemple

l'expressivité

de leurs

traits,

la

position

de leurs jambes et

la

nudité. Une question inté- ressante

est la relation à I'Ancien Empire entre les nains et les

singes.

En effet,

sur certains

reliefs,

des singes

sont

menés

en

laisse

par

des

nains,

tenant

une

<<

main

de

BSEG

t8

(1994)r DIEUX, MASQUES ET HoMMES 87

26 Par exemple les remarques de L.

Krncn

sur une statuette la face de Bès est entourée de petits cercles en reliefs. Pour Keimer,

il

s'agirait de scarifications faciales telles que l'on peut les observer en Afrique centrale, ainsi I'hypothèse de I'origine africaine de Bès serait confirmée, cf. <lJn Bès tâtoué? >, ASAÉ,42 (19a3), p. 159-161.

27 L Dprpvcu-LABoRrE,

(

Le dieù Bès, nain, pygmée, ou danseur? >, CdÉ 16 (19a1), p. 252-254.

28 quelques exemples chez J. Vpncoutrrn, dans: L'image du noir dans I'art occidental, Fribourg 1976, p. 73 no 40, p. 84 no 59, p. 85 n" 62.

tt Certains égyptologues préfèrent néanmoins considérer les rides du visage de Bès comme des marques tribales, c/ E. Bnwxrn-Tx.ew, Egtptian Artists' Sl@tches, Istambul 1979, p.33 et pl. VI EGA 4509-1943.

30 Exemple net chez M. G. A. REISNER, Amulets (CGC),Le Caire 1958, vol. II, pl. lY no 12657.

"

Voir H. W. MûLLER, MÀ:S 5 (1964), p. 32 et n"

A

39,

A

40; J. E. QunELL Hierakonpotis (EM\, London 1900, vol. I, p. 7 et pl. XI. Autres exemples chez Fr. BArLoD, Op. ciL, p. 36-38.

32 Nous lisons dans les instructions d'Aménémopé:

(

ne te moque pas d'un nain>>, cf, H. O. L,c,NcB, Das lI/eisheitsbuch des Amenemope, Copenhague l925,l{XlV.9 et p. I19.

33 Traduction de ce texte célèbre chez A. RoccATI, La littérature historique sous I'Ancien Empire égtptien (LAPO l1), Paris I 982, p. 206-207 . Sur les rapports entre pygmées et nains pathologiques, qui en sont pcut- êtreles ersatz,

c/

D. SnwnvaN, < Pygmies and Dwarves in the Old Kingdom t>, Serapis

I

(1960), p.53-62.

to W. C. H.ews, The Scepter of Egtpt, New York 1953, vol. I, p. 223 fig. 139. Voir aussi E. Bnuirrm.- Tnnur, Der Tanz im alten Àgtpten nach bildlichen und iwchrftlichen Zeugnissen

(lF

6), Gltckstadt 1938, p.34-36etabb.12.

t

(6)

-

88

commandement

)

(comme les personnages masqués que nous avons étudiés ci-dessus)35 . Dans

I'imaginaire

égyptien, singes

et

nains sont

tous deux liés à l'Afrique. Les

singes sont aussi liés à la danse et à la musique'o. On sait arrssi que les Egyptiens considéraient que les babouins saluaient I'astre solaire à son lever37, dans une gesticulation

qui

huma-

nise le

singe.

Enfin, Ies

singes,

tout comme Bès, ont leur place dans le m:'nde

du cosmétique,

lié

à l'érotisme38l Parfois, le singe peut aussi être humanisé par le port

d'un

collier3e ou de bracelets. Entre

un

singe humanisé et Bès bestialisé

peut intervenir

une certaine

confusion: il est parfois difficile de savoir si certains objets

représentent un singe ou un Bès40.

Le lien

ténu entre Bès

et le

singe, que

l'on

retrouve dans

le

monde hathorique

du

cosmétique,

résulte en partie de leur

appartenance

commune au

Sud myttrifie. La petite

taille

du singe (du moins de oeux que les Egyptiens connaissaient) par rapport

à la

stature des êtres humains,

fait

également

d'eux

des êtres en < réduction >' des caricatures d'humains.

Ainsi,

nous nous trouvons face à une équation

implicitement

signifiée par des

détails

iconographiques entre

nain,

singe,

et

enfance.

Pour D.

Meeks,

peiite taitle et nudité font que les nains, et le dieu Bès intrinsèquement, sont liés

à

i'"nf*c"ot ;

Bès apparaît

ainsi

pour

D.

Meeks comme une

(

transposition apotropaïque de prématuré

o". Su.

certains objets du

Nouvel Empire, on

constate que Bès est doté

d'un nombril

proéminent et rouge43,

détail

que

I'on pourrait

interpréter comme

la figu-

ration de la cicatrice encore sanguinolente du nouveau né dont le cordon

ombilical vient

d'être tranché.

À

cette image, s'ajoute celle de Bès le nain, simiesque et léonin en même

,tJ.

VeNomrD'ABBADTE, <Les singes familiers dans I'ancienne Égypte>, RdÉ 16 (196a), p. 158-163;

cf.également Cl. SoURDrvE, Op. cit.,p.19-47. Parfois les nains peuvent également mener des chiens en tuirr].; on pensera que les singes et les chiens sont assez proches dans les conceptions égyptiennes, pour qu'un ai"u singe comme Baba soit fréquemment représenté avec une tête de chien, et soit indifféremment appele < le chiJr > ou < le singe o, noir

ih.

DERCHAIN, < Bébon, le dieu et les mythes >, RdÉ 9 Q952), p' 23- 47. Naturellement, le cynocéphale apparaît comme un opérateur d'un rapprochement entre ces deux espèces.

tu E. BnrxNBn-Tneur, Op. cit. (1938), p. 33-34. Un passage du papyrus Anastasi nous dit < que I'on

apprend aux singes à danser > (Pap. Anastasi

lIl

4.1), cf A. H. GenorNsn, BAe 7, Bruxelles 1937 , p' 24, 6-'l ' eiia traduction de R. CAMIN95, Late Eglptian Miscellanies, Oxford 1954, p' 83'

t7 Selon H. KUr"nCn, une posture semblable n'a jamais été observée par les zoologues' La seule attitude qui pounait être comparée sèrait celle du babouin levant les bras lorsqu'il soigne un de ses congénères,

iy

Vte d" srng"s. Mæurs et sçuctures sociales des babouins hamadryas, Paris 1993, p' l2-15.

,t Voi. ph. DERCHATN, < La pemrque et le cristal >, SAKZ (1975), p. 55-74, spécialement p. 68-69.

"

M. V,qtlOC,Ch, < Deux objets thériomoçhes découverts dans le mastaba

V

de Balat >>, Le livre du centenaire(MIFAO 104), LeCaire 1980, p. 143-151, spécialementp' 146'

.o L,effigie est celle d'un personnage auxjambes arquées et à la queue pendante, trouvée dans le sanctuaire d'Hathor à=Mirgissa: voir J. Vsncourret et alii, Mirgîssa I, Paris 1970'

p

341'

ot Cf.D. MEEKS, ( Zoomorphie et image des dieux dans l'Égypte ancienne >, Le Temps de la Réflexion (1e86), p. 187.

tt cf. D. Meers, op. cit. (1992)' p. 427.

ot B. BnwÈns, FIFAO 14(1937), p. I l5; voir aussi: Aménophis III. Le pharaon-soleil, Paris 1993, p' 354- 355.

BSEG rS

(tss4)

DIEUX, MASQUES ET HoMMEs 89

temps, que le

jeu

de

l'analogie

égyptien renvoie à

l'Afrique

et par là également au péri- ple solaire, à

I'idée

de renaissance et au mythe de

l'æil

de Ré en Nubie

4.

Vers I'image

classique

Au Nouvel Empire les éléments du

puzzle

mythologique

se sont assernblés

pour

constituer

I'irnage

classique

du dieu

Bès.

On

peut penser que c'est par le biais de la

politique

étrangère de

l'Egypte, au moment notamment des

contacts

accrus avec I'Afrique, comme lors du

règne d'Hatchepsout,

que l'alchimie s'est

produite4s .

Bès entrerait

ainsi

dans

le

cadre

d'une

élabora-

tion égyptienne d'une mythologie du

Sud.

L'iconographie du

personnage

va

donc, à

p4rtir du Nouvel Empire,

connaître une grande

céÈ brité,

due en

particulier semble-t-il,

à son adop-

tion par la

sphère royalea6.

À Oeir

el-Bahari,

dans le temple d'Hatchepsout, un Bès

figure accompagné

de la

déesse hippopotame, sous le

lit

d'accouchement

de la

reine-mère

(fig.

2)47 .

Si I'on

compare Ia physionomie de ce Bès avec

celle du dieu Aha des ivoires

magiques, nous

voyons un

phénomène intéressant.

À la

mai- greur du dieu Aha aux côtes saillantes, se trouve substituée une adiposité marquée par des bour-

relets abdominaux. La position

ramassée du

dieu, qui est plus trapu que sur les

ivoires, semble

indiquer un certain

nanisme.

Mais

cette

stature peut également

faire

penser à celle

d'un

hippopotame, dont les jambes courtes, la

tête

menaçante

et la

panse

rebondie sont

caractéristiques. Présent

dès les ivoires

du Moyen

Empire

au côté de

Aha, l'hippopotame (la

déesse Taouret en

particulier)

évolue dans

un

espace

à Ia fois proche

< géographiquement

> de celui de Bès (le

rnonde sauvage) mais également fonctionnel

(la

protection magique, les soins envers l;enfant) et iconographique (corps

difforme,

gueule grimaçante, pattes de

lion). Enfin, tout

comme Bès, l"hippopotarne évolue en troupe dans

l'imaginaire

égyptien. Dans une scène figurée

oo La connexion entre Bès-cercopithèque-chatte, telle qu'elle appamît notarnment sur les figurines de

faÏenceàpois,rappellelamiseenscènedel'apaisementdeladéessiàangereuse,voirJ.Bwr.:e,

Op

cit.,p.g (introduction de J. Yovorrr) et p. 87-94.

o5 v..DnseN, Op. cit.,p.83.

ouM.

Meratss, Op. cit., p. 690. Le phénomène a cependant été amorcé plus

tô!

car l,on connaît par exemple un scarabée de stéatite bleu trouvé à Lischt, où le cartouche d'Aménemhat

III

est entouré d'une figuration de Bès/dha et de Taouret,

c/

w. Hews, scepter of Egtpr, New york 1953, vol. ,1., p.239.

ot É. Nnvrule, Deir El-Bahari,London 1897, vol. Ii, pl. 51.

Youri VoLoxgrNE

BSEG 1S

(1994)

t5\

!-4.\:

L ,i-_, i

\.

^-a u

)

Fig. 2: D'après Naville, Deir El-Bahari (vol. II,

pl.5l).

(7)

90

Ycuri \ioLoxHhie

de la tombe

d'Amenemhat-sourer (frg.

3)a8, Bès

s'inscrit

dans une séquence iconogra- phique où sont représentées des statues de

divinités:

on

voit,

de façon assez inhabituelle, deux hippopotames, deux Bès de face, deux lions. Les Eiès et les lions

tirent la

langue: ce détail iconographique est une caractéristique animale

qui n'est

pas attestée,

sauferreur,

dans les représentations d'êtres humains.

Fig. 3: D'après Sâve-Sôderbergh, Four Eighteenth Dynasty Tombs, pl.

XXXVII.

Le mobilier de la tombe de Torriyou et d'Iouiya livre des exemples

sup-erbes de

l'iconographie

< bèsoide

ron. Su,

des

lits et

des chaises apparaît une troupe5u

de

Bès adoptant

à la fois I'attitude du

danseur

et du

guerrier.

Ils tirent la

langue,

manient

des tambourins, agitent des couteaux, portent des ailes: toutes ces postures témoignent

d'une

sorte de danse apotropaïque, comme

le confirment

les signes

si

< protection

),

que cer- tains Bès de cette scène portent au bras.

Leur

coqps est recouvert

d'incisions:

ce détail pourrait

figurer

le pelage

d'un

fauve ou

d'un singet'

.

Alors

que le dieu

Aha était

généta- lement représenté nu, les Bès, depuis le

Nouvel

Empire, sont

le plus

souvent vêtus

d'un

ot T. SÂw-SôpERBERcH, Four Eighteenth Dynasty Tombs, Oxford 1957, pl. XXXVII et p. 40. Dans cette

.

scène, tout comme à Deir el-Bahari, Bès est en relation avec le lit.

on J. E. quner-u, Tomb of Yuaa and Thuiu (CGQ, Le Caire 1908, pl. XXIX, XXXI,

XXXII' XXXN'

XXXV, XXXVN, XXXX, XLI, XLII.

to

Cor."

I'exprime V. DASEN, Op. cit., p. 71. Voir aussi p. 56-57, à propos des divinités liées à la nais- sance et qui apparaissent en bande.

5'Les pois peints sur les faiences de Bès font sans doute référence au pelage d'un jeune lion; voir

J. BuLrÉ, Op. cit., p. 108-109 et n. 222. Dans le rnême ordre d'idées, voir le Bès du Musée d'Edimbourgh, dont le corps apparaît constellé de pois,

c/

J. RoMANo, Op. cit. (1980), p. 53 fig. 5. On remarquera toutefois que sur le mobilier de la tombe de Iouiy4 une divinité hippopotarne accompagnant des Bès a également le corps couvert d'incisions, c/ J. E.

Qunn4

Op. cit. (1908)' pl. XLI-

DIEUX, MASQUES ET HoN{MEs

9l

pagne, portent de hautes plumes sur ia tête, et branciissent à I'occasion des aiiess2. Dès

cette

époque,

les Bès

apparaissent

parfois traités comme des motifs

décoratifss3.

À

Amarna. on a retrouvé quantité de figurines, d'amulettes, de scarabées où apparaît Bèssa.

Une peinture

murale

représentant Bès, dans une maison

de

ta capi_t4le

du

schisme ato- nien, témoigne encore une

fois

de la faveur populaire du personnagess .

Uur pot à onguent provenant de Ia tombe de Toutankhamon nous montre un

lion

dressé adoptant ainsi

I'attitride

de Bès.56 Cette correspondance iconographique est remarquable, et montre clairement le lien entre Bès et le

lion.

Dans ce eas, au

lieu d'un

Bès déguisé en

lion, ii s'agit plutôt d'un lion

déguisé en Bès, ce

qui iilustre

bien le mécanisrne de la bes-

iiaiisation

et de l'humanisation que nous avions évoqué ci-dessus.

On

constate

également la

présence

de divinités

à

i'apparence de Bès parmi la population des

< dé- mons

)) qui

peup_lent

['au-delà. Sur une vignette

du

Livre

des

Morts'', un dieu à

I'apparence

de.Bès

est représenté

nu,

"*ioignunt ,u

quËu"

animale ing,

+).

Dans

la plupart

des cas,

la

queue animale de Bès

fait

partie

d'un

costurne:

soit

reliée à

un

pagne,

soit

ratta- chée à la dépouille de fauve

qu'il

ponte sur les épaules.

Les artistes égyptiens

qui

répugnent souvent à montrer

clairement la

zone de

juxtaposition

des éléments ani- maux et humains58,

ont

peut-être dans ce cas

fait

em- BSEG 18

{1994) B^çic i8

(199,$)

''O -

,,67-;"

\'9 t. -f.4 rll i

r'i lt;

li| :..

\GJ

)

tl

.'i i\

i r' I i:

:il

':/

-!--

lt

\

t"',

i-:

poigner cette

queue

de fauve à

sa base

o- li l"ll Fig.4:

D,aprèsNaviile,

TB,pt.39.

même du dieu, pour masquer cette

jonctiont'. Dunr." -'E- -'- -r'--

chapitre,

le dieu

apparaît sous

différents

noms.

Invo-

qué sous

celui de

<

lion >, on

apprend

qu'il fait partie d'une troupe de

< combattants

"B.BnnyÈns, FIFAO16(1939),p.255.VoiraussidesBès(costumés>,cf.A.Pnor,AncientEgtptian Figured Ostraca in the Petrie Collection, Warminster 1983,

n'7

(UC 33198); E. BRUNNER-TF.Aw, Egtptian Artists' Sketches, Istambul 1979, p. 3l-32 eT pl. V no 6. Les plumes de la coiffe de Bès sont peut-être à

l'origine des plumes d'autruche, détail africanisant encore le personnage,

c/

D. VALBELLE, Satis et Anoukis, Mainz I 981, p. 120 n. 666 et p. 96-97 (sur la coiffure de plumes d'autruche).

"

Cornrn" sur un fragment de frise de la chambre à coucher du palais d'Aménophis IlI,

c/

W. SrswNsoN Surcu,The Art andArchitecture ofAncient Egtpr2, London 1981, p. 290frg.287.

'o w. M. F. PETRIE, Te!! El Amarna (ERl), London 1894, pl. XVII n" 286 à291.

"E.

Pspr et C. L. WoLLEy, The City of Akhenaten, London 1923,vo\. I, pl. 18.3, où I'on distingue le milieu du corps de deux Bès dansant, portant un pagne et une queue animale. Sur la présence de Bès lors de l'époque amarnienne, voir M. Meletse, Op. cit., p.740.

tu H. Cenrrn, The Tomb of Tutankhamen, New York 1963, vol. III, p. 146 et pl. XLViiI. Meilleure photo chez I. E. S. EDwARDS, Toutankhamon (éd. française), Paris 1978, p. 2i7.

tt É. Nevu,t-s, Das Àgtptische Totenbuch der XYItrL bis XX. Dynastæ, Berlin 1886, vol.

I, pl.

39;

Fr. BArLoD, Op" cit., p. 29 (Chapitre 28 du papyrus de Neferoubenef).

i8 Lalonction <1es têtes animales des dieux à leur corps humain est cachée par des éiéments de costumes, voir E" FIoru.n;Nc, Les Dieux de i'Égpte. Le lJn et le Multipte (trad. française), Monaco 1986, p. 102.

se Ce geste particulier est attesté dans d'autres représentations de Bès, voir J. RoMANo, Op. ctL (1980), p. 55 (Brooklyn Museum 16.426); K. BossE-GRIF'Fwus, JEA 63 (19i7), pl. XV; F{. ALTENMÛLLE& SAK 13 (1986). p.

I

Abb. 2.

riii +

I

L

(8)

92

Youri VotorHNg

BSÉG tS (1ee4)

résidant dans

Héliopolis >.

Ce théonyme, dans lequel

on

reconnaît

le nom

de

Aha

< le combaffant

>, est déterminé dans le papyrus de Neferoubenef par un

hiéroglyphe représentant une créature

au faciès humain, aux oreilles

animales

pointues, tenant

un couteau, et au corps obèse d'hippopotame.

Au chapitre

144 du

Livre

des

Morts

apparaît une

divinité

à tête de Bès60, gardienne

d'un

porche dans

l'au-delà,

nommée

f Nço hl-hr <celui à la face terrible (?)rut.

Cette

indication, pour la

première

fois,

nous

livre

une épithète

qualitative sur le

visage

d'un

Bès,

et

nous

indique

donc une perception égyptienne

de la grimace habituelle

du personnage. Ce Bès entre ainsi dans

la

catégorie des

divinités

de

l'au-delà dont le

nom, formé par un composé appcsitionnel incluant^le substantif &r en second membre,

définit la

personnalité

en ce

qu-'elle

a de terrifianto' . On

constate aussi, notamment

dans

les

puiy.ur

m1'thologiques63,

I'existence de différentes divinités

anonymes

dont I'icono-

graphie se rapproche de celle de Bès.

Tous ces éléments

confirment

clairement que

l'on

a

affaire

à une catégorie de person- nages partageant un caractère commun. Les Bès s'apparentent à une faune redoutable, et de ce

fait

efficace magiquement, si

I'on

sait se

concilier

leur pouvoir.

4.

La

question de

la frontalité

Bès est

l'une

des rares

divinités

égyptiennes expressives.

Les

représentations de Bès attestent

d'une

large palette de

mimiques:

Bès grimace, montre les dents,

tire la

langue, plisse

le front et le

nez, semble parfois témoigner

d'une

franche

jovialité, parfois d'une

colère

terrible.

Le visage de Bès, mis en évidence par la

frontalité,

témoigne de sa nature

uo R. LBpsrus, Das Todtenbuch der Àgtpter nach dem hieroglyphischen Papyrus in Turin, Leipzig 1842, pl.LXIY.72; E. A. W. Btnce, BD, p. 346.

ut H]-h, est traduit par < celui à la face mauvaise

)

par P. BARGUET, Le livre des Morts des anciens Égtptiens (LAPO

l),

Paris 1967, p. 198, et par < pale of face > par T. G. ALLEN,

sloc

37 (1974), p. 132.

Cependant le terme ll1, dans cette graphie et ce sens, n'est pas attesté par le Llôrterbuch. Le déterminatif de la pustule entraîne à supposer une connotation négative pour ce terme, que I'on pourrait rattacher à

l|t,

Il/b.

Ifi,

7 < chagrin, peine >. Mais il est possible qu'il s'agisse d'une graphie fautive du terme souvent altestê nhJ-hr, que I'on atraduit généralement par <terrible de visage> (R. Et. SAYED, BIFAO

8l

[1981], p. 114 s4); le ierme nhl,traduit par < sauvage >> (Wb. 11,290, 5 à propos du lion), déterminé parfois par le même signe de la pustule, se réfère peut-être au regard, voir J. Vexpren, Le papyrus Jumilhac, Paris 1961, p. 195 n. 254 (Jumilhac XVI.8); H. v. DE[.rEs & W. WESTENDoRF, ll/ôrterbuch der Medizinischen Texte 2 (1962), p. 582- 583; comparer avec hlj < celui qui a un leucome sur I'ceil >, ALex 78.2558; mais I'on a aussi compris nfl-frr

comme

(

celui qui toume le visage >, en référence à I'attitude hostile du crocodile,

y'

K. SEnr, JNES 6

e9a\,p.4TetJ.QUAEcEseuR,dans: L'animal, l'homme, IedieudansleProche-Orientancien(CEPOA), Louvain 1985, p. 132.

ut Voir J. ZANDEE, Death as an Ennemy, Leiden I 960, p. 206, 208. Egalement R. EL SAYED, < Nehaher >, BIFAO 81.(lg9l), p. I I 9-140 (liste de ces noms génériques: p. I 3 I -1 36).

u' Voi. Al. PT.ANK9FF, Mythological Papyri (Bollingen Series XL.3), New York 1957, où I'on voit un Bès bicéphale dans le papyrus n" 3 (Nesi-Pautui-Taui), et des divinités momiformes à face léonine représentée frontalement, papyrus

n. l0

(Pa-di-Amon), no

ll

(Khonsou-Renep), no 17 (Khonsou-Mes

B).

Dans l'étonnant papyrus de Djed-Khonsou-iouf-ankh

lI

(n" 22), aux représentations si peu conventionnelles, nous voyons un-liàn ailé dont le visage de face et souriant est assez < bèsoide > (fig. 69 p. 175 vol. texte), ainsi qu;une fernme au visage de Bès, de face, tenant une tête coupée. On peut constater par ailleurs que l'artiste qui dessina ce papyrus avait une prédilection marquée pour les représentations de visages de face'

BSEG 18

(1994)

DIEUX, MASQUES ET HoMMES 93

apotropaïque; sa grimace, son

rictus pareil

à

celui d'un lion terrible, fait fuir

les forces

maléfiques. Le regard était source de

puissance

magique pour les Églrptienss. La frontalité

de Bès témoigne du geste du magicien dont le regard

pétrifie

les forces

maléfi-

ques en leur faisant face.

Ce rôle apotropaique de la

mimique

de Bès, que la

frontalité

met en évidence, n'est pas le seul que la posture frontale du dieu pouvait suggérer dans les conceptions égyptiennes.

On

retiendra

qu'intrinsèquement le

visage de Bès est

un

masque. Précisément, dans la langue égyptienne,

le mot

masque se

dit

< tête ))65, ou

(

face >66.

Ainsi, la

face de Bès, considérée comme un masque indépendant

d'un

corps, est un

motif qui

se

suffit à lui-

même. Des

milliers

d'amulettes, mais aussi de

multiples

autres

utilisations

du

motif

de la tête seule du dieu, comme sur les manches de

miroirs,

les pions de

jeu,

des instruments de musique, nous

montrent

que pars

pro toto

le dieu se résume en une face. Sur les

cip-

pes

d'Horus,

le visage de Bès est

figuré

comme un masque, au-dessus de

I'enfant

Horus;

une

fois

porté, comme nous le montre une statuette de Berlin67, ce masque permettra au jeune dieu d'assumer les vertus apotropaïques\qElérées par la face grimaçante du dieu.

Par ailleurs,

il y

a

lieu

de constater,

parmi

les représentations des animaux

qui

évoluent autour de Bès, une présence parcimonieuse mais constante de la

frontalité. Lions,

singes, chats, sont en

effet parfois

représentés avec la tête tournée de face

et le

corps de

profil.

Dans

la

statuaire,

il arrive

que

l'on

représente

un lion

avec la tête tournée;

la

statiie est alors conçue

pour

que

le

spectateur

voit le

visage de face

et le

corps de

profil68.

Dans

I'iconographie, on

représente

parfois le lion

avec

la tête de face, mais alors il

est en action, dévorant ou saisissant le corps

d'un

ennemi

qui gît

sur le sol6e.

L'attitude

corres-

6o Sur le < mauvais æil >, voir J. F. BoRGHours, < The Evil Eye ofApophis >>,JEA 59 (1973),p. l14-150;

Y. KoENIG, Op. cit, p. 187-199.

ut L" rnu"qu" funéraire est ainsi une ( tête qui cache >> (tp

n

sltt),

c/

D. Merxs, < Dieu masqué, dieu sans tète>>, Archéo-Nil

I

(1991), p. 5-15. Par ailleurs, un pilleur de tombe, ayant trouvé une momie royale, dit dans la relation de son larcin, que

(

sa tête d'or (à savoir: son masque d'or) était sur lui >, J. CAIART et A. H. GARDnTER, Le papyrus Léopold

II

aux Musées Royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles et le papyrus Amherst à la Pierpont Morgan Library de New YorlçBruxelles t939, pl. II.14.

66 Une formule magique évoque

la

fabrication d'un masque

(lrr)

destiné

à

combattre

la

migraine,

c/ J. F. Boncuours, The Magical Texts of Papyrus Leiden

I

348, OMRO

5l

(1970) recto I.7. Les résilles appliquées en guise de masque sur le visage du défunt prennent d'ailleurs parfois I'apparence du sigae hiéro- glyphique hr, cf. K. BossE-GRrFFrrHs, < Some Egyptian Bead-work Faces in.the Wellcome Collection at University College-Swansea>>, JEA 64 (1978), p. 99-106.

ut G. Roroen, Die Àgtptische Religion

in

Texten und Bildern, Bd

III

(1960), p. 409 Taf.

I

(Berlin

n'2489).

68 Nombreux exemples, tant dans la statuaire monumentale que dans les petits objets; voir par exemple le célèbre lion de Nectanébo au Vatican,

c/

G. Born - P. RoMANELLI, Le scuhure del Museo gregoriano egizio, Vatican I 95 I, pl. 26-27 et p. 14- I 8.

u' Voir N. M. DAvEs, Tutankhamun's Painted Bo:r, Oxford 1962, pl. IV. On voit aussi des chiens dans cette attitude (pl. I et III). Comparer avec le félidé d'un relief de Kamak prenant dans sa gueule un ennemi, L. RorEnr, < Notes sur un curieux relief du II" pylône du temple d'Amon-Rê à Kamak >, Bull. du Cercle lyonnais d'Égptologie Victor Loret 6 (1992), p. 6l-78, fig. 2 p. 74, et avec la tête de lion dévorant un Nubien de la collection Schimmel, Aménophis

III,

Op. cit. (1993).

p.

186; J.

SrrrclsT,

l/on Troja bis Amarna. The Norbert Schimmel Collection-New Yorlc, Nlunz 197E, no 232, et A. Kou.orr, BES 5 (19S3), p.6l-66.

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