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Jouons ensemble avec la langue!

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Academic year: 2022

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Jouons ensemble avec la langue!

OSSOLA, Elisabeth, CAPITANESCU BENETTI, Andreea

OSSOLA, Elisabeth, CAPITANESCU BENETTI, Andreea. Jouons ensemble avec la langue!

Educateur , 2018, vol. 1, p. 30-31

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:101797

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écoute-moi /

Parlez-moi de la dernière fois où la parole d’un enfant vous a frappée...

C’est arrivé hier. Mes élèves de 1P s’occupaient librement avec les différentes activités que j’avais proposées. La semaine passée, nous sommes allés à la «ludothèque»

du quartier et cette semaine à la «bibliothèque». J’avais donc expliqué la différence entre bibliothèque et ludo- thèque. Dans leurs dialogues spontanés, un élève ra- conte qu’il va faire du judo le soir même. Son camarade répond alors:«Ah, tu vas aller à la judothèque!»

Comment avez-vous réagi?

J’ai adoré! J’aime écouter les élèves qui parlent comme ça librement, pensant aussi que je ne les entends pas.

De plus, il s’agissait d’un élève allophone qui au début de l’année ne s’exprimait quasiment pas. Il a inventé sans le savoir un néologisme. Pour moi, c’est le signe qu’il avait intégré «ludothèque» et «bibliothèque» et aussi qu’il avait écouté son camarade! À partir de cela, de ce jeu de mots, j’ai pu intervenir en valorisant cette création à partir de sa logique, mais tout en rappelant que ce mot n’existe pas. J’ai fait mon travail de rappel de la norme. Je leur laisse pleinement cette liberté de parole de s’essayer, d’inventer, de se lancer et surtout ne pas avoir peur de la réaction des autres, surtout celle attendue de l’enseignante. Il n’y a pas eu de réaction négative non plus du côté des enfants de la classe.

Aucun n’est intervenu pour dire que la «judothèque»

n’existe pas. Cela m’a rappelé une autre situation dans laquelle un enfant expliquait à un adulte différents tra- jets sur une carte: «Tu vois, là tu prends le raccourci, mais par là tu prends le longcourci.» J’ai trouvé génial, même si une fois de plus c’est un mot inventé! Les en- fants tentent de trouver et de construire une logique dans la langue. Il n’y a pas de tabou, on joue avec la langue pour se l’approprier et on se l’approprie d’au- tant plus en y jouant! C’est un rapport décomplexé à la parole que je tente de développer dans ma classe. On

arrive mieux à comprendre ses régularités et irrégulari- tés, les niveaux de langue par ce que j’instigue au quo- tidien dans la classe. J’aime par exemple inventer des paroles sur des airs de chansons connues, et je le fais très fréquemment devant les élèves. Spontanément ils se mettent à en créer aussi; c’est une manière de tra- vailler sur la musicalité de la langue, sur la poésie, sur notre imagination au fond.

Qu’est-ce que cela nous dit du métier d’enseignant?

Je pense que nos réactions à propos de ce type d’in- terventions des élèves en disent long sur ce que nous laissons comme possibilités d’expression aux élèves.

Possibilités de parole qu’ils ressentent comme une ou- verture ou non à leur libre expression. Dans de nom- breuses classes, la parole de l’élève est juste la réponse systématique aux questions de l’enseignant, quelque chose de très normal du contrat pédagogique (l’ensei- gnant pose des questions et l’élève se doit d’y ou est censé y répondre). Souvent encore, la parole de l’élève est juste «utilitaire» (celui-ci demandant ce qu’il faut faire, etc.). Dans de nombreuses classes, l’élève est tenu de se taire la plupart du temps, et il l’apprend le plus ra- pidement possible. Pour moi, la parole de l’enfant, son contenu, son ton, son volume, sa quantité, sa teneur verbale et le non verbal (regard, mimiques, mouve- ments, etc.. ) sont des indicateurs précieux sur lesquels je m’appuie pour enseigner. Si je n’ai pas le retour de ces indicateurs, c’est comme si je passais à côté des en- fants et je ne pourrais pas enseigner.

Qu’est-ce que vous diriez à un jeune collègue enseignant s’il se retrouve dans la même situation?

Pour un jeune enseignant, il est difficile de doser jusqu’où on laisse la possibilité à l’élève de prendre la parole. Chez moi, tout le monde a la possibilité de

Jouons ensemble avec la langue!

Propos d’Elisabeth Ossola recueillis par Andreea Capitanescu Benetti

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Educateur 1 | 2018 | 31 prendre la parole à un moment ou un autre, de façon

spontanée ou dans des moments plus ritualisés. Par exemple, chaque matin, lors d’un rituel du «Bonjour, comment ça va?», les élèves peuvent s’exprimer libre- ment.

C’est vrai que je leur accorde beaucoup d’importance.

Ils passent de nombreuses heures à l’école avec moi et nous devons tisser un lien et aussi expliciter nos attentes réciproques. Le débutant doit se positionner: savoir quels types de liens il veut établir avec les élèves. Pour moi, les élèves sont des personnes à part entière. La pa- role des élèves est révélatrice de la relation pédagogique que je tisse avec eux. Chaque enfant a ses connais- sances, une expérience de vie riche et je peux y accéder essentiellement grâce à ce qu’il en dit. Il en va de même pour apprendre, pour se mettre en condition d’appren- tissage! On se parle pour se dire comment on s’y prend pour réfléchir, pour se concentrer. La parole permet en fait d’outiller les élèves dans leurs processus d’appren- tissages, qui sont par définition invisibles a priori pour les élèves.

Avec les enfants que j’ai dans ma classe, j’utilise beau- coup les mots, la parole, la mienne aussi: comment je fais pour apprendre, pour pouvoir accéder à leur pa- role, à leur manière d’apprendre. Il y a comme une congruence entre ce que je fais pour moi et ce que les élèves font aussi. On ne peut atteindre les objectifs at- tendus par le programme si on ne rentre pas dans ce type de parole avec les élèves.

Ce que j’ai pu observer, c’est que nous travaillons aussi par ce biais le niveau de la langue, le sens de l’humour et mes élèves ont ainsi appris à me connaître. Si d’autres élèves en situation de décloisonnement viennent dans

ma classe, ils ne comprennent pas toujours tout de suite si certains propos sont de l’ordre de la plaisanterie ou pas. Mes élèves sont tout à fait capables de rassurer leurs camarades en métacommuniquant sur le sens de mes interventions! Pour moi, la parole est le miroir de l’âme et il faut cultiver la confiance dans une parole vraie au sens de la classe, étant donné la quantité importante de

temps passé ensemble. •

Jouons ensemble avec la langue!

Propos d’Elisabeth Ossola recueillis par Andreea Capitanescu Benetti

© Philippe Martin

Cette rubrique a comme but d’interviewer des enseignants, des formateurs, des chercheurs, des enfants et des parents pour mieux comprendre comment la parole de l’enfant est considérée et prise ou non en compte dans les pratiques sco- laires, dans l’organisation du travail enseignant, et pour mieux comprendre les buts visés. Si cela vous intéresse de témoigner et de contribuer à cette nouvelle rubrique, n’hésitez pas à me contacter: Andreea.Capitanescu@unige.ch

Proposition de chanson:

Avec les mots

(Jean-Louis Aubert, 1992) Tu peux rire tu peux pleurer Tu peux grandir ou déchirer Tu peux même te raconter

Avec les mots De simples mots Tu médire et tu peux me dire

Tes mensonges tes vérités Oui tu peux même tout salir

Avec tes mots Tes propres mots Rêve éveillé, tu les vois danser Les mises en scène de tes pensées Dans le silence je les entends crier

Arrête les mots

Avec les mots (bis) tu peux jouer avec les mots Avec les mots tu peux te perdre avec les mots

Avec les mots tu peux de prendre à rêver Que tu pourrais faire plus avec un baiser Abalourdir, Abasourdir, Abâtardir et Affadir

Laisse moi te dire (bis) Avec les mots Les traîtres mots

Avec les mots tu peux jouer avec les mots Avec les mots tu peux te perdre avec tes mots

Avec les mots...

Tout oublier

Laise-les voler, laisse-les danser, laisse-toi Bercer, oublie tes mots

Blah blah blah blah (ter) Avec les mots Oublie tes mots

Avec les mots tu peux crier avec les mots Avec les mots tu peux te taire avec les mots

Avec les mots oublie les mots Avec les mots, tes propres mots Avec les mots tu peux te prendre à rêver

Que tu peux dire La vérité

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